* Dépôt, par M.
Charles Benoist, d'un rapport supplémentaire, fait au nom de la commission
du travail,
chargée d'examiner le projet
de loi portant codification des lois ouvrières (livres I, II, III,
IV et V du code du travail
et de la prévoyance
sociale) (Le projet de loi avait
été déposé le 5 février. Cette codification
avait été demandée par le conseil supérieur du
travail une dizaine d’année plus tôt. M. Julien Goujon en 1901
l‘avait rappelé et une commission spéciale avait été
nommée. Il faudra attendre 1910 pour voit paraître le “Code de
Travail”)
suite de la discussion du projet et des propositions de
loi
concernant la séparation des Églises et de
l'État.
(7° journée ; réduite
et annotée)
M. Eugène
Réveillaud : .....
Pour éviter donc le
risque que le rejet de l'urgence sur la proposition
de M. Ernest Roche ne laissât planer une équivoque sur les
dispositions de la Chambre et ne créât même une présomption
défavorable au principe qui nous à cœur, je demandai que la
proposition Ernest Roche, ainsi que celle de notre collègue Dejeante qui avait été déjà
déposée, et celle de M. Francis de
Pressensé, qui étaient dès lors annoncée,
fussent renvoyées à une grande commission de trente trois membres
que la Chambre aurait à nommer et qui, saisie de toutes les propositions
de même nature, les examinerait au fond, pourrait en provoquer ou en
étudier d'autres pour nous apporter ensuite son rapport sur ces propositions
avant la fin de la législature.
De ce côté de la Chambre
(la droite), on m'interrompit en disant avec une intention d'ironie
: " ce sera un enterrement de première classe". Je répondis
qu'à mon sens c'était au contraire le moyen le plus sûr
de faire sortir la thèse de la séparation des limbes , des vaines
et stériles manifestations purement démonstratives et platoniques
pour la faire entrer dans l'ordre de la vie, pour la placer sur un terrain
pratique et lui donner les meilleures chances d'aboutir.
La Chambre voulut bien, à
une imposante majorité, me donner raison et voter ma motion. L'événement
a justifié mes prévisions puisque, aujourd'hui, grâce
aux études de la grande commission par nous élue, grâce
à ses travaux réfléchis et sérieux, grâce
aussi, il faut le dire, aux concours que le Gouvernement a été
amené à lui fournir, cette Chambre se voit aujourd'hui saisie
d'un projet de loi qui a tout le caractère de maturité, de sagesse,
de vues pratiques qui permettra à la majorité de cette Chambre,
acquise, en principe, à la séparation, de la voter et de mener
cette grande réforme à bonne fin. (Très bien ! très
bien ! à gauche.)
...
J'ai repris, ..., comme contre-projet
notre proposition, ... Si, [après l'avoir défendu] ou
les amendements que j'en puis extraire sur les points où il se défférencie
des solutions de la commission, la Chambre décide de les repousser,
je déclare d'avance que je suis tout prêt à me
rallier au projet de la commission et a voter non pas seulement le passage
à la discussion des articles, mais l'ensemble du projet de loi. (Très
bien ! très bien ! à gauche.)
C'est vous dire que je suis
foncièrement, jusqu'aux moelles, un séparatiste convaincu. Je
l'ai toujours été.
Je l'étais, il y a plus de
trente ans déjà, dès mon entrée dans la vie politique. (Et il lit ses écrits d'alors, où,
entre autre, il différencie le cléricalisme de la religion
: l'ingérence des croyances dans le fonctionnement de l'État
)
... Le cléricalisme
ainsi caractérisé, ..., a toujours été,
..., contre le progrès républicain, contre le programme
de la Révolution ; il a toujours représenté en France
le parti et les idées contre-révolutionnaires.
Le peuple, qui voulait l'affermissement
de la république, qui ne voulait pas renoncer aux conquêtes,
ni au principes de 1789, le peuple a bien vu que même parti était
constamment prêt à saper l'édifice qu'il voulait construire
ou compléter.
Dès lors, par la faute de
ce parti et de ces agissements, il s'est détaché et du clergé
et des congrégations qui faisaient cause commune avec lui et il en
est arrivé - les dernières élections l'ont assez montré
et déjà les élections précédentes l'avaient
indiqué - à manifester très nettement son opposition
au cléricalisme, à chercher les moyens d'en finir avec son
ingérence abusive, et, se disant que le clergé tirait sa force
du Concordat, à souhaiter la rupture de ce lien concordataire qui
unissait, qui enchaînait l'État et l'Église, représenté
par un clergé militant, hostile à nos institutions. (Très
bien ! très bien ! à gauche.)
Pour ne pas remonter plus loin que
les dernières élections, je rappellerai cette campagne violente,
acharnée, que le parti clérical a mené contre tous les
républicains dont on a dénaturé et calomnié les
intentions, contre le Gouvernement, représentant la majorité
du Parlement et issu de ses suffrages. Vous vous souvenez de ces affiches
dans lesquelles le gouvernement de M. Waldeck-Rousseau était qualifié
de ministère de l'étranger.
M. le baron de Boissieu : C'était la vérité
M. Eugène Réveillaud : Non, ce n'était pas la vérité, mon cher collègue.
M. le baron de Boissieu : L'affaire Dreyfus l'a prouvé. C'est de l'actualité.
M. le président : Messieurs, cette discussion se poursuit dans le calme, et je puis vous dire dans la dignité ; il faut continuer. (Très bien ! très bien !)
M. Eugène Réveillaud : Pour mon compte, c'est une véritable guerre au couteau que, dans l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter .... (Exclamations sur divers bancs à droite.)
M. Braud : Il en a été partout de même.
M. Eugène Réveillaud : J'entend
dire qu'il en a été partout de même, et ce n'est que trop
vrai.
Je veux indiquer seulement que cette
guerre acharnée, cette campagne de calomnies, qui consistait à
nous présenter comme les alliés, les agents même de l'étranger,
ne pouvait qu'indisposer nos électeurs, ceux qui nous ont donné
leur confiance, et accentuer leur éloignement du parti clérical
d'où partaient ces calomnies.
Pour répondre à la
question ... de savoir si le peuple n'a pas été consulté,
n'a pas manifesté son sentiment sur la séparation, ...,
on est allé jusqu'à prétendre, parce que je me rattache
à la religion protestante et parce qu'on savait -...- que j'étais
partisan de la séparation des Églises et de l'État,
que si j'étais élu, les églises seraient fermées,
les prêtres chassés de France.
M. le comte de Pomereu : on avait raison
M. Eugène Réveillaud : On avait
tort. Mais par votre interruption"..." voyez quel argument vous me
fournissez ! Si vraiment le suffrage universel a pu croire, a pu admettre
que le succès de ma candidature et de celle de nos collègues
qui se plaçaient sur le même terrain que moi impliquait que les
églises devaient être fermées, que les prêtres devaient
en être expulsés, c'est donc que le pays, que tout au moins
les circonscriptions qui nous ont élus et qui ont donné à
nos amis la majorité dans cette Chambre, seraient prêtes pour
une séparation plus radicale, draconienne, pour une solution véritablement
révolutionnaire, pour une rupture violente de l'État et du
clergé.
...
On a prétendu - de très
bonne foi, j'en suis convaincu - que la majorité des protestants était
contraire à la séparation. J'ai soutenu l'avis contraire sans
persuader mes contradicteurs qui ont maintenu leurs dires. Or vous avez pu
lire comme moi, dans le Matin d'avant-hier, une déclaration
signée M. Lacheret, pasteur de l'Église réformée
de Paris, président de la commission permanente du Synode général
des Églises réformées synodales de France. M. Lacheret
est certainement l'homme le plus autorisé pour dégager, pour
exprimer, sur ce point, l'opinion vraie de la majorité des églises
protestantes.
...
Voici donc ce qu'écrivait
au Matin M. Lacheret :
"M.
Denys Cochin, après M. Grousseau vient d'affirmer à la Chambre
que les protestants comme les catholiques sont contre la séparation
des Églises et de l'État.
"Ces messieurs sont mal renseignés.
"Leur affirmation peut s'appliquer
à l' l'Église de la confession d'Augsbourg, ..., mais
en ce qui concerne l'Église réformée, rien ne permet
de dire qu'elle s'est inscrite en faux contre la décision solennelle
du synode général de 1872 se déclarant "convaincu que
l'Église réformée de France est disposée à
accepter avec confiance en ce qui la concerne la séparation d'avec
l'État quand les pouvoirs publics la jugeront nécessaire pour
tous les cultes."
...
Pour en revenir à des
auteurs moins solennels, moins sévères et plus modernes qui
expriment cependant très justement le même pensée, laissez-moi
vous lire un court entrefilet de l'écrivain spirituel qu'est M. Cornély.
Il écrivait, ces jours-ci,
dans le Siècle :
"Proclamer que la séparation
serait un désastre, c'est proclamer que l'Église ne peut pas
vivre en France sans l'appui de l'État et que par conséquent
le catholiques ne croient pas aux promesses de Jésus-Christ, ni à
la vitalité de leur religion.
"Je
suis persuadé que l'Église catholique gagnera beaucoup à
la séparation. Elle a fait ses preuves, depuis tantôt vingt siècles,
de souplesse et d'adaptabilité. Pourquoi, le lendemain de la séparation,
qui changera son sort plus de dix fois séculaire en France, n'acquérerait-elle
pas les organes qui assurent déjà sa puissance et son influence
dans d'autres pays ? Pourquoi les catholiques français seraient-ils
plus mous, plus inhabiles que les catholiques suisses ou allemands, qui ont
trouvé le moyen de vivre et de conquérir non seulement le respect
des autres Suisses et des autres Allemands, mais encore une influence quelquefois
prépondérante ? Est-ce que les préceptes du Christ sont
comme le tabac et les téléphones ; est-ce qu'ils ont besoin
du monopole de l'État ?
"Non ! non ! Avant dix années
d'ici, les amis même incrédules de l'Église se féliciteront
qu'elle ait été séparée de l'État qui l'énerve,
qui l'alangui, qui abaisse le niveau intellectuel de son recrutement.
"D'ailleurs, de deux choses l'une
: ou bien elle est d'institution divine ou bien elle est le produit d'un
bluff séculaire et audacieux. Si elle est d'institution divine, elle
doit se rire de l'effort des hommes. Dans le cas contraire, nous n'avons rien
à perdre de sa disparition."
....
J'ai parlé de la religion
en général en montrant qu'elle n'était pas contraire
à l'esprit qui est celui de notre devise républicaine : "Liberté,
Égalité, Fraternité", puisqu'on peut dire même
que cette devise a été tiré de l'Évangile et qu'elle
a été la sienne avant de devenir la devise de la franc-maçonnerie
et de la république.
...
J'ai confiance , ...,
dans la liberté, et je suis persuadé que la solution la plus
libérale possible du grand problème qui est posé devant
nous sera le meilleure solution, ..., de préférence aux
autres qui se présenteraient sous le couvert d'une législation
draconienne, avec la pensée de répondre aux attaques du parti
clérical par une politique de combat.
Dans les amendements que j'ai proposé,
..., je demande que la liberté la plus grande soit laissée
aux associations du culte, que la transition soit ménagée du
régime actuel au régime qui suivra la séparation. C'est
pourquoi je ne crains pas de laisser aux Églises qui sont en possession
la jouissance des édifices du culte moyennant un loyer purement fictif
et symbolique. (Mouvements divers.) Je crois que nous devons nous
adresser aux Églises avec des pensées d'apaisement, l'olivier
de la paix à la main. Si à ces intentions de paix, à
ces avances de conciliation, le parti militant de l'Église répond
par la guerre, s'il continue les campagnes d'attaques et de calomnies qu'il
a dirigées dans le passé contre les républicains, nos
successeurs ou nous-mêmes, si nous vivons encore, pourrons faire des
lois de police des cultes susceptibles de nous protéger.. (Exclamations
au centre et à droite.)
Mais à chaque jour suffi
sa peine. pour le moment, j'affirme qu'il est de l'intérêt du
parti républicain de donner à la loi ... un caractère
foncièrement libéral, large et généreux.
dans ces conditions nous n'auront
rien à craindre : le pays approuvera la loi que nous allons faire et
cette loi de séparation qui sera l'entrée dans une ère
nouvelle, la préface d'un régime nouveau, dont j'attends pour
ma part, une libre et féconde éclosion des idées religieuses
dans le meilleur sens du mot, ce régime-là sera ...
M. le marquis de Rosanbo : ... un régime de guerre civile !
M. Eugène Réveillaud : ... non, pas un régime de guerre civile, mais un régime d'apaisement et d'affranchissement à la fois. Il ne tiendra qu'à vous, messieurs de la droite, de répondre à nos avances de paix par une attitude de paix qui vaudra mieux d'ailleurs pour vos idées mêmes que cette attitude de bataille qui ne vous a jamais réussi. Ainsi cette grande réforme depuis si longtemps désirable s'accomplira, j'en ai la conviction, à l'honneur de cette législature ...
M. le marquis de Rosanbo : Ce sera pour cette législature un signe d'infamie. (Exclamations et bruit )
M. Eugène Réveillaud : pour
le bien de notre pays, pour l'indépendance réciproque des Églises
et de l'État, pour l'affermissement de la République, pour
la grandeur et l'honneur de notre patrie républicaine. (Applaudissements
à gauche.)
...
M. Bienvenu
Martin, ministre de l'instruction publique, des beaux arts et des
cultes : ...
...
Oui nous estimons que le
moment est venu de faire la séparation. ... que la séparation
nous apparaît comme l'unique moyen de sortir avec dignité de
la situation que les événements ont créée.
M. le baron de Boissieu : Il est regrettable que vous n'employiez pas ce moyen pour le Maroc.
M. le ministre : La rupture des relations diplomatiques
avec le vatican est un fait accompli et la chambre l'a ratifiée.
...
On nous conseillait hier -...- de reprendre
les relations avec la cour de Rome ; le Gouvernement actuel n'y est pas disposé.
(Applaudissement à gauche et à l'extrême gauche).
Un pareil acte serait considéré par l'opinion
publique comme de nature à abaisser le Gouvernement de la république
; M. Barthou est allé plus loin, il a dit que ce serait une humiliation.
(Applaudissement à gauche et à l'extrême gauche).
Si on renouait avec Rome, quelle majorité aurait dans cette chambre
le ministère qui s'y serait résigné ? ce ne serait pas,
à coup sûr, une majorité républicaine. ( Applaudissements
sur les mêmes bancs.- Interruptions à droite.)
Et quelle autorité aurait ce ministère dans
le pays ? ( Très bien ! très bien ! à gauche.)
...
M. Ribot, ..., nous reprochait d'avoir mal engagé
la question.
Puisque nous voulions faire la séparation nous
aurions dû, suivant lui, commencer par négocier avec le Vatican.
Je ne sais pas si, pour réaliser une mesure d'une porté aussi
considérable, le meilleur moyen d'y parvenir était de chercher
à s'entendre avec une partie qui ne veut pas de cette réforme.
Il me semble que dans les paroles de M. Ribot, ..., Il
y ait une grand part d'illusion. Des négociations de ce genre auraient-elles
eues une chance quelconque d'aboutir ? L'Église ne se résignera
jamais à la séparation (Mouvements divers) ou elle mettrait
à son adhésion des conditions inacceptables.
L'opinion de l'Église sur ce grave sujet a été
exprimé par de nombreux représentant de l'épiscopat.
Dans une lettre pastorale de l'évêque de Marseille, récemment
publiée, je relève cette phrase :
"Il n'y a pas, il ne peut y avoir d'État laïque."
Cette formule énonce une doctrine qui a toujours
été celle du Saint-Siège et de l'Église catholique.
Voilà pourquoi toute négociation avec le
Vatican sur un pareil terrain serait voué à un insuccès
certain.
....
J'arrive maintenant à la loi en discussion dont
je voudrais brièvement indiquer le caractère.
M. le lieutenant-colonel du Halgouet : (ironiquement) Libéral ! ...
M. le ministre : Oui, c'est une loi libérale, mon cher collègue. Elle commence par proclamer un principe que vous n'avez jamais accepté, c'est le principe de la liberté des cultes. (Très bien ! très bien ! à gauche et à l'extrême gauche.)
M. le comte de Lanjuinais : Vous le méconnaissez dans tous les articles.
M. le ministre : Le parti catholique ne comprend la liberté
en cette matière que d'une façon : il veut la liberté
pour lui et non pas pour les autres cultes. (Applaudissements sur les mêmes
bancs)
...
Il y a dans notre code pénal un article qui punit
ceux qui prêteraient sans permission de l'autorité municipale
leur maison à la célébration d'un culte reconnu ou non
; il y a des décrets qui défendent des lieux de culte sans
autorisation du Gouvernement. Ce n'est pas la liberté. Le parti catholique
a-t-il jamais demandé l'abrogation de ces dispositions ?
M. Charles Benoist : Et vous, l'avez-vous demandé ?
M. le ministre : La loi en discussion abroge cette cette législation
surannée et, en même temps qu'elle proclame la liberté
de conscience, elle institue son corollaire nécessaire, la liberté
des cultes. (Très bien ! très bien ! à gauche.)
On a prétendu qu'après le vote de la loi, les prêtres
seraient mis hors des presbytères, que les églises seraient
fermées, et on a fait entrevoir, lors de l'application de ces mesures,
je ne sais quelles éventualités menaçantes
...
S'il y a des actes de violence, ils ne viendront
pas de notre côté (Interruption à droite)
...
Quant aux conséquences que vous tirez de la loi
nouvelle, il suffit, pour montrer à quel point vous les avez exagérées
ou faussées, de rappeler en quelques mots ses principales dispositions.
Non seulement nous ne fermerons aucune des églises
existantes, mais, en vertu du principe de la liberté des cultes que
nous proclamons, nous donnons le droit d'en ouvrir de nouvelles sans aucune
autorisation administrative.
D'autre part nous continuons, pendant une certaine période,
à laisser la jouissance gratuite du presbytère aux ministres
du culte, de telles sorte que le culte pourra être célébré
partout comme aujourd'hui et, n'était la suppression partielle du
budget des cultes, on pourrait croire qu'il n'y a rien de changé.
M. le baron de Boissieu : Jusqu'aux élections de 1906.
M. le ministre : ...
Je voudrais, avant de terminer, dire un mot des associations
cultuelles.
Certains membres du clergé les ont considérées
comme en opposition formelles avec l'organisation de l'Église, je parle
de l'Église catholique.
je ne sais pas ce que vaut, au point de vue des doctrines
de l'Église, cette affirmation ; je ne suis pas cependant tenté
de m'y arrêter, puisque, dans certains pays soumis au régime
de la séparation et où la religion catholique compte un très
grand nombre d'adhérents, la célébration du culte est
précisément assuré au moyen d'associations de cette
nature. Mais nous avons à nous demander dans quelles conditions fonctionneront
ces associations ? Là encore vous trouverez la marque de cet esprit
de libéralisme dans lequel a été conçu le projet.
Les associations cultuelles, que la commission et le Gouvernement vous proposent
d'instituer, vont jouir, si vous adoptez les propositions qui vous sont faites,
non pas d'une liberté illimitée, mais d'une liberté
qu'on peut appeler de faveur. En effet, si vous comparerez le régime
de ces associations à celui qui a été édicté
par la loi de 1901, vous verrez que les associations cultuelles sont mieux
traitées que les associations visées par cette loi. (Exclamations
à droite.)
M. Fabien-Cesbron : Il ne manquerait plus que cela fût autrement.
M. le ministre : Elles ont une capacité plus étendue.
Nous leur permettons d'acquérir dans des limites tellement larges que
certains républicains s'en effrayent.
... Le droit commun ne suffirait pas à ces associations, car
la capacité civile, ..., ne leur permettrait pas de recueillir
assez de ressources pour faire face aux dépenses du culte. Et nous
avons alors élargi leur capacité d'acquérir.
M. Edourd Vaillant : C'est un
tort !
...
M. Maurice Colin :...
Bien avant d'avoir l'honneur de siéger dans cette
Chambre, j'étais partisan de la séparation des Églises
et de l'État ; et si j'en était partisan, c'est parce que l'intervention
de l'État dans l'organisation, dans la réglementation et dans
le fonctionnement des différents cultes me paraît absolument
contraire à la notion de l'État moderne, c'est-à-dire
d'un État qui doit-être, non pas hostile, mais étranger
à toutes les croyances religieuses, qui doit se placer en dehors ,
qui doit se placer au-dessus de toutes les croyances religieuses, et qui,
par suite, n'a aucune qualité, aucune compétence pour examiner
et résoudre les différentes questions que l'organisation actuelle
lui donne à trancher.
D'autre part, j'estime que nous avons tous grand intérêt
à dégager en fin la politique de ce pays de la question cléricale
qui, depuis trop longtemps, pèse sur cette politique d'un poids si
lourd. Or, je suis persuadé que si nous supprimons l'intervention
de l'État dans l'organisation, dans la réglementation et dans
le fonctionnement des différents cultes, nous aurons fait un grand
pas pour libérer ce pays de cette question cléricale. (
Très bien ! très bien ! sur divers bancs.)
...
Je considère le projet de loi qui nous est apporté
par la commission constitue un terrain très acceptable de discussion.
Toutefois, je me permettrai d'indiquer de façon très rapide
les différents points sur lesquels il parait, à mon sens, utile
d'y apporter certaines modifications.
...
Il est d'abord un point qui me parait essentiel. C'est
la réglementation, c'est l'organisation d'un régime transitoire
qui nous amènera sans à-coups, sans heurt et sans violence,
du régime actuel au régime de la séparation....
...
Depuis longtemps les fidèles ont en France l'habitude
de ne pas pourvoir aux frais du culte qu'ils pratiquent et de considérer
comme un service public à la charge de l'État l'obligation
d'y subvenir.
Il y a là des habitudes, des traditions qui se
sont formées, et ce sont des habitudes et des traditions singulièrement
résistantes...
...
... J'avoue qu'à aucun titre, je ne me préoccupe
ni de la hiérarchie catholique, ni de l'avenir de l'Église
romaine ; cela ne me regarde pas et c'est le moindre de mes soucis. Mais
j'estime que, légiférant pour des catholiques, j'ai à
me préoccuper de savoir ce qu'est un catholique, et je suis bien obligé
de reconnaître qu'il n'est pas possible d'être et de se dire
catholique si l'on méconnaît l'autorité de l'évêque,
qui est le représentant du souverain pontife.... (Très bien
! très bien ! à droite.)
...
L'Église catholique n'est pas organisée en
démocratie à l'exemple des cultes protestants, c'est une monarchie
absolue : est-ce un bien ou un mal, cela ne me regarde pas et je ne m'attarderai
pas à le rechercher. C'est un fait que je constate et dont j'ai, par
là même, l'obligation de tenir compte.
....
En définitive, je préfère de beaucoup
le système de la concession gratuite et illimitée des édifices
consacrés au culte, au système de la location temporaire que
nous a présenté la commission.
je le répète, en respectant les affectations
des édifices consacrés au culte, affectations qui nous viennent
de nos traditions et de notre histoire, nous donnons vraiment une satisfaction
très notable aux catholiques. Or, messieurs, ne devons-nous pas nous
préoccuper de faire accepter par les catholiques la grande réforme
que nous nous proposons de réaliser ? (Mouvements divers à
l'extrême gauche. - Très bien ! très bien ! au centre
et à droite.)
...
Sur divers bancs : A jeudi !
M. le président : ... Il n'y a pas d'opposition ?
...
Il en est ainsi ordonné.
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3
Dépôt légal 2ème trimestre 1999