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4 avril 1905

        * Dépôt, par M. Charles Benoist, d'un rapport supplémentaire, fait au nom de la commission du travail,
        chargée d'examiner le projet de loi portant codification des lois ouvrières (livres I, II, III, IV et V du code du travail
        et de  la prévoyance sociale) (Le projet de loi avait été déposé le 5 février. Cette codification avait été demandée par le conseil supérieur du travail une dizaine d’année plus tôt. M. Julien Goujon en 1901 l‘avait rappelé et une commission spéciale avait été nommée. Il faudra attendre 1910 pour voit paraître le “Code de Travail”)

suite de la discussion du projet et des propositions de loi
concernant la séparation des Églises et de l'État.
(7° journée ; réduite et annotée)

M. Eugène Réveillaud : .....
    Pour éviter donc le risque que le rejet de l'urgence sur la proposition de M. Ernest Roche ne laissât planer une équivoque sur les dispositions de la Chambre et ne créât même une présomption défavorable au principe qui nous à cœur, je demandai que la proposition Ernest Roche, ainsi que celle de notre collègue Dejeante qui avait été déjà déposée, et celle de M. Francis de Pressensé, qui étaient dès lors annoncée, fussent renvoyées à une grande commission de trente trois membres que la Chambre aurait à nommer et qui, saisie de toutes les propositions de même nature, les examinerait au fond, pourrait en provoquer ou en étudier d'autres pour nous apporter ensuite son rapport sur ces propositions avant la fin de la législature.
    De ce côté de la Chambre (la droite), on m'interrompit en disant avec une intention d'ironie : " ce sera un enterrement de première classe". Je répondis qu'à mon sens c'était au contraire le moyen le plus sûr de faire sortir la thèse de la séparation des limbes , des vaines et stériles manifestations purement démonstratives et platoniques pour la faire entrer dans l'ordre de la vie, pour la placer sur un terrain pratique et lui donner les meilleures chances d'aboutir.
    La Chambre voulut bien, à une imposante majorité, me donner raison et voter ma motion. L'événement a justifié mes prévisions puisque, aujourd'hui, grâce aux études de la grande commission par nous élue, grâce à ses travaux réfléchis et sérieux, grâce aussi, il faut le dire, aux concours que le Gouvernement a été amené à lui fournir, cette Chambre se voit aujourd'hui saisie d'un projet de loi qui a tout le caractère de maturité, de sagesse, de vues pratiques qui permettra à la majorité de cette Chambre, acquise, en principe, à la séparation, de la voter et de mener cette grande réforme à bonne fin. (Très bien ! très bien ! à gauche.)
...
    J'ai repris, ..., comme contre-projet notre proposition, ... Si, [après l'avoir défendu] ou les amendements que j'en puis extraire sur les points où il se défférencie des solutions de la commission, la Chambre décide de les repousser, je déclare d'avance que je suis tout  prêt à me rallier au projet de la commission et a voter non pas seulement le passage à la discussion des articles, mais l'ensemble du projet de loi. (Très bien ! très bien ! à gauche.)
    C'est vous dire que je suis foncièrement, jusqu'aux moelles, un séparatiste convaincu. Je l'ai toujours été.
    Je l'étais, il y a plus de trente ans déjà, dès mon entrée dans la vie politique. (Et il lit ses écrits d'alors, où, entre autre, il différencie le cléricalisme de la religion : l'ingérence des croyances dans le fonctionnement de l'État )
    ... Le cléricalisme ainsi caractérisé, ..., a toujours été, ..., contre le progrès républicain, contre le programme de la Révolution ; il a toujours représenté en France le parti et les idées contre-révolutionnaires.
    Le peuple, qui voulait l'affermissement de la république, qui ne voulait pas renoncer aux conquêtes, ni au principes de 1789, le peuple a bien vu que même parti était constamment prêt à saper l'édifice qu'il voulait construire ou compléter.
    Dès lors, par la faute de ce parti et de ces agissements, il s'est détaché et du clergé et des congrégations qui faisaient cause commune avec lui et il en est arrivé - les dernières élections l'ont assez montré et déjà les élections précédentes l'avaient indiqué - à manifester très nettement son opposition au cléricalisme, à chercher les moyens d'en finir avec son ingérence abusive, et, se disant que le clergé tirait sa force du Concordat, à souhaiter la rupture de ce lien concordataire qui unissait, qui enchaînait l'État et l'Église, représenté par un clergé militant, hostile à nos institutions. (Très bien ! très bien ! à gauche.)
    Pour ne pas remonter plus loin que les dernières élections, je rappellerai cette campagne violente, acharnée, que le parti clérical a mené contre tous les républicains dont on a dénaturé et calomnié les intentions, contre le Gouvernement, représentant la majorité du Parlement et issu de ses suffrages. Vous vous souvenez de ces affiches dans lesquelles le gouvernement de M. Waldeck-Rousseau était qualifié de ministère de l'étranger.

M. le baron de Boissieu : C'était la vérité

M. Eugène Réveillaud : Non, ce n'était pas la vérité, mon cher collègue.

M. le baron de Boissieu : L'affaire Dreyfus l'a prouvé. C'est de l'actualité.

M. le président : Messieurs, cette discussion se poursuit dans le calme, et je puis vous dire dans la dignité ; il faut continuer. (Très bien ! très bien !)

M. Eugène Réveillaud : Pour mon compte, c'est une véritable guerre au couteau que, dans l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter .... (Exclamations sur divers bancs à droite.)

M. Braud : Il en a été partout de même.

M. Eugène Réveillaud : J'entend dire qu'il en a été partout de même, et ce n'est que trop vrai.
    Je veux indiquer seulement que cette guerre acharnée, cette campagne de calomnies, qui consistait à nous présenter comme les alliés, les agents même de l'étranger, ne pouvait qu'indisposer nos électeurs, ceux qui nous ont donné leur confiance, et accentuer leur éloignement du parti clérical d'où partaient ces calomnies.
    Pour répondre à la question ... de savoir si le peuple n'a pas été consulté, n'a pas manifesté son sentiment sur la séparation, ..., on est allé jusqu'à prétendre, parce que je me rattache à la religion protestante et parce qu'on savait -...- que j'étais partisan de la séparation des Églises et de l'État, que si j'étais élu, les églises seraient fermées, les prêtres chassés de France.

M. le comte de Pomereu : on avait raison

M. Eugène Réveillaud : On avait tort. Mais par votre interruption"..." voyez quel argument vous me fournissez ! Si vraiment le suffrage universel a pu croire, a pu admettre que le succès de ma candidature et de celle de nos collègues qui se plaçaient sur le même terrain que moi impliquait que les églises devaient être fermées, que les prêtres devaient en être expulsés, c'est donc que le pays, que tout au moins les circonscriptions qui nous ont élus et qui ont donné à nos amis la majorité dans cette Chambre, seraient prêtes pour une séparation plus radicale, draconienne, pour une solution véritablement révolutionnaire, pour une rupture violente de l'État et du clergé.
...
    On a prétendu - de très bonne foi, j'en suis convaincu - que la majorité des protestants était contraire à la séparation. J'ai soutenu l'avis contraire sans persuader mes contradicteurs qui ont maintenu leurs dires. Or vous avez pu lire comme moi, dans le Matin d'avant-hier, une déclaration signée M. Lacheret, pasteur de l'Église réformée de Paris, président de la commission permanente du Synode général des Églises réformées synodales de France. M. Lacheret est certainement l'homme le plus autorisé pour dégager, pour exprimer, sur ce point, l'opinion vraie de la majorité des églises protestantes.
...
    Voici donc ce qu'écrivait au Matin M. Lacheret :
    "M. Denys Cochin, après M. Grousseau vient d'affirmer à la Chambre que les protestants comme les catholiques sont contre la séparation des Églises et de l'État.
    "Ces messieurs sont mal renseignés.
    "Leur affirmation peut s'appliquer à l' l'Église de la confession d'Augsbourg, ..., mais en ce qui concerne l'Église réformée, rien ne permet de dire qu'elle s'est inscrite en faux contre la décision solennelle du synode général de 1872 se déclarant "convaincu que l'Église réformée de France est disposée à accepter avec confiance en ce qui la concerne la séparation d'avec l'État quand les pouvoirs publics la jugeront nécessaire pour tous les cultes."
...
    Pour en revenir à des auteurs moins solennels, moins sévères et plus modernes qui expriment cependant très justement le même pensée, laissez-moi vous lire un court entrefilet de l'écrivain spirituel qu'est M. Cornély.
    Il écrivait, ces jours-ci, dans le Siècle :
    "Proclamer que la séparation serait un désastre, c'est proclamer que l'Église ne peut pas vivre en France sans l'appui de l'État et que par conséquent le catholiques ne croient pas aux promesses de Jésus-Christ, ni à la vitalité de leur religion.
    "Je suis persuadé que l'Église catholique gagnera beaucoup à la séparation. Elle a fait ses preuves, depuis tantôt vingt siècles, de souplesse et d'adaptabilité. Pourquoi, le lendemain de la séparation, qui changera son sort plus de dix fois séculaire en France, n'acquérerait-elle pas les organes qui assurent déjà sa puissance et son influence dans d'autres pays ? Pourquoi les catholiques français seraient-ils plus mous, plus inhabiles que les catholiques suisses ou allemands, qui ont trouvé le moyen de vivre et de conquérir non seulement le respect des autres Suisses et des autres Allemands, mais encore une influence quelquefois prépondérante ? Est-ce que les préceptes du Christ sont comme le tabac et les téléphones ; est-ce qu'ils ont besoin du monopole de l'État ?
    "Non ! non ! Avant dix années d'ici, les amis même incrédules de l'Église se féliciteront qu'elle ait été séparée de l'État qui l'énerve, qui l'alangui, qui abaisse le niveau intellectuel de son recrutement.
    "D'ailleurs, de deux choses l'une : ou bien elle est d'institution divine ou bien elle est le produit d'un bluff séculaire et audacieux. Si elle est d'institution divine, elle doit se rire de l'effort des hommes. Dans le cas contraire, nous n'avons rien à perdre de sa disparition."
....
    J'ai parlé de la religion en général en montrant qu'elle n'était pas contraire à l'esprit qui est celui de notre devise républicaine : "Liberté, Égalité, Fraternité", puisqu'on peut dire même que cette devise a été tiré de l'Évangile et qu'elle a été la sienne avant de devenir la devise de la franc-maçonnerie et de la république.
...
    J'ai confiance , ..., dans la liberté, et je suis persuadé que la solution la plus libérale possible du grand problème qui est posé devant nous sera le meilleure solution, ..., de préférence aux autres qui se présenteraient sous le couvert d'une législation draconienne, avec la pensée de répondre aux attaques du parti clérical par une politique de combat.
    Dans les amendements que j'ai proposé, ..., je demande que la liberté la plus grande soit laissée aux associations du culte, que la transition soit ménagée du régime actuel au régime qui suivra la séparation. C'est pourquoi je ne crains pas de laisser aux Églises qui sont en possession la jouissance des édifices du culte moyennant un loyer purement fictif et symbolique. (Mouvements divers.) Je crois que nous devons nous adresser aux Églises avec des pensées d'apaisement, l'olivier de la paix à la main. Si à ces intentions de paix, à ces avances de conciliation, le parti militant de l'Église répond par la guerre, s'il continue les campagnes d'attaques et de calomnies qu'il a dirigées dans le passé contre les républicains, nos successeurs ou nous-mêmes, si nous vivons encore, pourrons faire des lois de police des cultes susceptibles de nous protéger.. (Exclamations au centre et à droite.)
    Mais à chaque jour suffi sa peine. pour le moment, j'affirme qu'il est de l'intérêt du parti républicain de donner à la loi ... un caractère foncièrement libéral, large et généreux.
    dans ces conditions nous n'auront rien à craindre : le pays approuvera la loi que nous allons faire et cette loi de séparation qui sera l'entrée dans une ère nouvelle, la préface d'un régime nouveau, dont j'attends pour ma part, une libre et féconde éclosion des idées religieuses dans le meilleur sens du mot, ce régime-là sera ...

M. le marquis de Rosanbo : ... un régime de guerre civile !

M. Eugène Réveillaud : ... non, pas un régime de guerre civile, mais un régime d'apaisement et d'affranchissement à la fois. Il ne tiendra qu'à vous, messieurs de la droite, de répondre à nos avances de paix par une attitude de paix qui vaudra mieux d'ailleurs pour vos idées mêmes que cette attitude de bataille qui ne vous a jamais réussi. Ainsi cette grande réforme depuis si longtemps désirable s'accomplira, j'en ai la conviction, à l'honneur de cette législature ...

M. le marquis de Rosanbo : Ce sera pour cette législature un signe d'infamie. (Exclamations et bruit )

M. Eugène Réveillaud : pour le bien de notre pays, pour l'indépendance réciproque des Églises et de l'État, pour l'affermissement de la République, pour la grandeur et l'honneur de notre patrie républicaine. (Applaudissements à gauche.)
    ...
M. Bienvenu Martin, ministre de l'instruction publique, des beaux arts et des cultes : ...
...
    Oui nous estimons que le moment est venu de faire la séparation. ... que la séparation nous apparaît comme l'unique moyen de sortir avec dignité de la situation que les événements ont créée.

M. le baron de Boissieu : Il est regrettable que vous n'employiez pas ce moyen pour le Maroc.

M. le ministre : La rupture des relations diplomatiques avec le vatican est un fait accompli et la chambre l'a ratifiée.
...
    On nous conseillait hier -...- de reprendre les relations avec la cour de Rome ; le Gouvernement actuel n'y est pas disposé. (Applaudissement à gauche et à l'extrême gauche).
    Un pareil acte serait considéré par l'opinion publique comme de nature à abaisser le Gouvernement de la république ; M. Barthou est allé plus loin, il a dit que ce serait une humiliation. (Applaudissement à gauche et à l'extrême gauche). Si on renouait avec Rome, quelle majorité aurait dans cette chambre le ministère qui s'y serait résigné ? ce ne serait pas, à coup sûr, une majorité républicaine. ( Applaudissements sur les mêmes bancs.- Interruptions à droite.)
    Et quelle autorité aurait ce ministère dans le pays ? ( Très bien ! très bien ! à gauche.)
...
    M. Ribot, ..., nous reprochait d'avoir mal engagé la question.
    Puisque nous voulions faire la séparation nous aurions dû, suivant lui, commencer par négocier avec le Vatican. Je ne sais pas si, pour réaliser une mesure d'une porté aussi considérable, le meilleur moyen d'y parvenir était de chercher à s'entendre avec une partie qui ne veut pas de cette réforme.
    Il me semble que dans les paroles de M. Ribot, ..., Il y ait une grand part d'illusion. Des négociations de ce genre auraient-elles eues  une chance quelconque d'aboutir ? L'Église ne se résignera jamais à la séparation (Mouvements divers) ou elle mettrait à son adhésion des conditions inacceptables.
    L'opinion de l'Église sur ce grave sujet a été exprimé par de nombreux représentant de l'épiscopat. Dans une lettre pastorale de l'évêque de Marseille, récemment publiée, je relève cette phrase :
    "Il n'y a pas, il ne peut y avoir d'État laïque."
    Cette formule énonce une doctrine qui a toujours été celle du Saint-Siège et de l'Église catholique.
    Voilà pourquoi toute négociation avec le Vatican sur un pareil terrain serait voué à un insuccès certain.
....
    J'arrive maintenant à la loi en discussion dont je voudrais brièvement indiquer le caractère.

M. le lieutenant-colonel du Halgouet : (ironiquement) Libéral ! ...

M. le ministre :  Oui, c'est une loi libérale, mon cher collègue. Elle commence par proclamer un principe que vous n'avez jamais accepté, c'est le principe de la liberté des cultes. (Très bien ! très bien ! à gauche et à l'extrême gauche.)

M. le comte de Lanjuinais : Vous le méconnaissez dans tous les articles.

M. le ministre : Le parti catholique ne comprend la liberté en cette matière que d'une façon : il veut la liberté pour lui et non pas pour les autres cultes. (Applaudissements sur les mêmes bancs)
...
    Il y a dans notre code pénal un article qui punit ceux qui prêteraient sans permission de l'autorité municipale leur maison à la célébration d'un culte reconnu ou non ; il y a des décrets qui défendent des lieux de culte sans autorisation du Gouvernement. Ce n'est pas la liberté. Le parti catholique a-t-il jamais demandé l'abrogation de ces dispositions ?

M. Charles Benoist : Et vous, l'avez-vous demandé ?

M. le ministre : La loi en discussion abroge cette cette législation surannée et, en même temps qu'elle proclame la liberté de conscience, elle institue son corollaire nécessaire, la liberté des cultes. (Très bien ! très bien ! à gauche.) On a prétendu qu'après le vote de la loi, les prêtres seraient mis hors des presbytères, que les églises seraient fermées, et on a fait entrevoir, lors de l'application de ces mesures, je ne sais quelles éventualités menaçantes
...
    S'il y a des actes de violence, ils ne viendront pas de notre côté (Interruption à droite)
...
    Quant aux conséquences que vous tirez de la loi nouvelle, il suffit, pour montrer à quel point vous les avez exagérées ou faussées, de rappeler en quelques mots ses principales dispositions.
    Non seulement nous ne fermerons aucune des églises existantes, mais, en vertu du principe de la liberté des cultes que nous proclamons, nous donnons le droit d'en ouvrir de nouvelles sans aucune autorisation administrative.
    D'autre part nous continuons, pendant une certaine période, à laisser la jouissance gratuite du presbytère aux ministres du culte, de telles sorte que le culte pourra être célébré partout comme aujourd'hui et, n'était la suppression partielle du budget des cultes, on pourrait croire qu'il n'y a rien de changé.

M. le baron de Boissieu : Jusqu'aux élections de 1906.

M. le ministre : ...
    Je voudrais, avant de terminer, dire un mot des associations cultuelles.
    Certains membres du clergé les ont considérées comme en opposition formelles avec l'organisation de l'Église, je parle de l'Église catholique.
    je ne sais pas ce que vaut, au point de vue des doctrines de l'Église, cette affirmation ; je ne suis pas cependant tenté de m'y arrêter, puisque, dans certains pays soumis au régime de la séparation et où la religion catholique compte un très grand nombre d'adhérents, la célébration du culte est précisément assuré au moyen d'associations de cette nature. Mais nous avons à nous demander dans quelles conditions fonctionneront ces associations ? Là encore vous trouverez la marque de cet esprit de libéralisme dans lequel a été conçu le projet. Les associations cultuelles, que la commission et le Gouvernement vous proposent d'instituer, vont jouir, si vous adoptez les propositions qui vous sont faites, non pas d'une liberté illimitée, mais d'une liberté qu'on peut appeler de faveur. En effet, si vous comparerez le régime de ces associations à celui qui a été édicté par la loi de 1901, vous verrez que les associations cultuelles sont mieux traitées que les associations visées par cette loi. (Exclamations à droite.)

M. Fabien-Cesbron : Il ne manquerait plus que cela fût autrement.

M. le ministre : Elles ont une capacité plus étendue. Nous leur permettons d'acquérir dans des limites tellement larges que certains républicains s'en effrayent.
... Le droit commun ne suffirait pas à ces associations, car la capacité civile, ..., ne leur permettrait pas de recueillir assez de ressources pour faire face aux dépenses du culte. Et nous avons alors élargi leur capacité d'acquérir.

M. Edourd Vaillant : C'est un tort !
...
M. Maurice Colin :...
    Bien avant d'avoir l'honneur de siéger dans cette Chambre, j'étais partisan de la séparation des Églises et de l'État ; et si j'en était partisan, c'est parce que l'intervention de l'État dans l'organisation, dans la réglementation et dans le fonctionnement des différents cultes me paraît absolument contraire à la notion de l'État moderne, c'est-à-dire d'un État qui doit-être, non pas hostile, mais étranger à toutes les croyances religieuses, qui doit se placer en dehors , qui doit se placer au-dessus de toutes les croyances religieuses, et qui, par suite, n'a aucune qualité, aucune compétence pour examiner et résoudre les différentes questions que l'organisation actuelle lui donne à trancher.
    D'autre part, j'estime que nous avons tous grand intérêt à dégager en fin la politique de ce pays de la question cléricale qui, depuis trop longtemps, pèse sur cette politique d'un poids si lourd. Or, je suis persuadé que si nous supprimons l'intervention de l'État dans l'organisation, dans la réglementation et dans le fonctionnement des différents cultes, nous aurons fait un grand pas pour libérer ce pays de cette question cléricale. ( Très bien ! très bien ! sur divers bancs.)
...
    Je considère le projet de loi qui nous est apporté par la commission constitue un terrain très acceptable de discussion. Toutefois, je me permettrai d'indiquer de façon très rapide les différents points sur lesquels il parait, à mon sens, utile d'y apporter certaines modifications.
...
   Il est d'abord un point qui me parait essentiel. C'est la réglementation, c'est l'organisation d'un régime transitoire qui nous amènera sans à-coups, sans heurt et sans violence, du régime actuel au régime de la séparation....
...
    Depuis longtemps les fidèles ont en France l'habitude de ne pas pourvoir aux frais du culte qu'ils pratiquent et de considérer comme un service public à la charge de l'État l'obligation d'y subvenir.
    Il y a là des habitudes, des traditions qui se sont formées, et ce sont des habitudes et des traditions singulièrement résistantes...
...
    ... J'avoue qu'à aucun titre, je ne me préoccupe ni de la hiérarchie catholique, ni de l'avenir de l'Église romaine ; cela ne me regarde pas et c'est le moindre de mes soucis. Mais j'estime que, légiférant pour des catholiques, j'ai à me préoccuper de savoir ce qu'est un catholique, et je suis bien obligé de reconnaître qu'il n'est pas possible d'être et de se dire catholique si l'on méconnaît l'autorité de l'évêque, qui est le représentant du souverain pontife.... (Très bien ! très bien ! à droite.)
...
    L'Église catholique n'est pas organisée en démocratie à l'exemple des cultes protestants, c'est une monarchie absolue : est-ce un bien ou un mal, cela ne me regarde pas et je ne m'attarderai pas à le rechercher. C'est un fait que je constate et dont j'ai, par là même, l'obligation de tenir compte.
....
    En définitive, je préfère de beaucoup le système de la concession gratuite et illimitée des édifices consacrés au culte, au système de la location temporaire que nous a présenté la commission.
    je le répète, en respectant les affectations des édifices consacrés au culte, affectations qui nous viennent de nos traditions et de notre histoire, nous donnons vraiment une satisfaction très notable aux catholiques. Or, messieurs, ne devons-nous pas nous préoccuper de faire accepter par les catholiques la grande réforme que nous nous proposons de réaliser ? (Mouvements divers à l'extrême gauche. - Très bien ! très bien ! au centre et à droite.)
...
Sur divers bancs : A jeudi !

M. le président : ... Il n'y a pas d'opposition ? ...
    Il en est ainsi ordonné.
 
 
 

©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3
Dépôt légal 2ème trimestre 1999