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Proposition de loi
sur la séparation des Églises et de
l'État,
la dénonciation du Concordat
et la suppression du budget de cultes
Présentée le 7 avril 1903 par
MM. Francis de Pressensé,
Albert-Poulain, Aldy, Aristide Briand,
Bagnol, Baron (Gabriel), Bouhey-Allex, Breton, Colliard, Devèze,
Ferrere, François Fournier, Géeault-Richard, Jaurès,
Krauss, Labussière, Lassalle, Millerand,
Pastre, Piger, Rouanet, Selle, A. Veber, O. Vigne, Baudon, Ch. Beauquier,
Bepmale, Berteaux, Bourrat, Buisson
(F.), Bussière, Cazeneuve, Chambige, Chenavaz,
L. Cornet, Dublet, Em. Dubois, Féron, Genet, Guieysse, Laferre,
Levraud, Mas, Massé, Messimy, H. Michel,
Paul Meunier, Pajot, Petitjean, Fernand Rabier, Rajon, Simyan, députés.
EXPOSE DES MOTIFS
I
Messieurs, tout a été dit
sur les principe de la séparation des Églises et de l'État.
La critique théorique du régime du Concordat
a été faite de main de maître et n'a pas besoin d'être
recommencée. La nécessité du divorce complet et définitif
entre la société civile et la société religieuse
a été proclamées, non seulement par les républicains,
mais par les simples adeptes de l'école libérale, et elle
a été reconnue par quelques-uns des fidèles des religions
positives. Avant la chute du second empire, la dénonciation du Concordat
et la suppression du budget des cultes figuraient au premier rang parmi
les articles essentiels du programme de l'opposition démocratique.
L'histoire avait démontré que Napoléon 1er, en négociant
avec la papauté avait eu en vue, non la satisfaction d'un besoin
religieux qui lui était, en soi, indifférent et qui avait
déjà trouvé, dans la liberté, d'autres moyens
de se satisfaire, mais purement et simplement l'acquisition d'un moyen
de règne. En même temps, des publicistes éminents avaient
repris l'examen de la question de la liberté de conscience et avaient
prouvé irréfutablement que le droit sacré de la pensée
individuelle n'est pas moins violé, encore que ce soit sous une
autre forme, par l'entretien concordataire d'un ou plusieurs cultes proclamés
officiels, aux frais du budget de l'État, que l'établissement
d'une unique Église nationale.
Après ces démonstrations
auxquelles on n'a rien opposé de sérieux, après les
recherches historiques dont les résultats décisifs ont été
publiés par le feu comte d'Haussonville, Lanfrey, Edmond de Pressensé,
MM. Aulard, Boulay ( de la Meurthe), Albert Serel, etc., après les
études de philosophie politique de Vinet, de Laboulaye, Jules Simon,
Paul Bert, etc., la Chambre comprendra que je n'aie pas l'intention de
reprendre, dans cet exposé des motifs, le problème dans son
ensemble. Je tiens, jusqu'à preuve du contraire, comme une vérité
incontestable, que le fait de conclure un traité avec le chef d'une
communauté religieuse, de régler avec lui les conditions
de l'exercice d'un culte en France, d'assurer pour l'État, en échange
d'un droit assez platonique de nomination et de contrôle, l'obligation
d'entretenir les ministres du culte, de leur accorder une situation officielle
et de leur conférer aux yeux des populations le prestige d'un caractère
public, constitue tout ensemble une dérogation flagrante au principe
de la neutralité et de la laïcité de l'État,
une atteinte à la liberté de conscience et une prime en faveur
des confessions ainsi reconnues.
Il y a trente ans que la grande majorité
du parti républicain professe ces opinions, qu'elle envisage la
controverse théorique comme close, qu'à chaque élection
générale elle voit les candidats lui renouveler la promesse
de réaliser enfin la grande réforme de la séparation
et chaque législature se termine sans qu'on ait osé donner
- ou insinuer - pour cet ajournement perpétuel des raisons de fond,
c'est à dire autre chose que des arguments de pure opportunité.
J'estime donc que j'aurai accompli
ma tâche si, laissant de côté, à cette heure,
les questions de doctrine et de théorie pure, tenant pour admis
par tous les républicains l'iniquité du régime concordataire
en soi, je réussis à établir que le Concordat n'est
pas seulement la négation des principes essentiels de notre doit
public, qu'il n'offre, en outre, aucune garantie sérieuse à
l'État, qu'il constitue un marché de dupes et que bien loin,
comme on le croit ou comme on affecte de le croire, de mettre aux mains
des défenseurs de la société laïque des armes
dans la lutte qu'ils livrent contre la puissance cléricale, il voue
d'avance à l'avortement et à la défaite nos efforts
les plus sincères. En d'autres termes, au moment où
nous sommes, il me semble que le parti républicain sera nécessairement
amené à conclure à l'accomplissement immédiat
d'une réforme qu'il n'a que trop ajourné, s'il acquiert la
conviction qu'elles est le terme logique, l'issue naturelle de l'oeuvre
qu'il vient d'entreprendre à nouveau, dont la loi du 1er juillet
1901 a été la première
étape et à qui le rejet en bloc des autorisations des
congrégations a fait faire un grand pas.
J'espère toutefois prouver
en même temps qu'ici comme sur tant d'autres terrains, la meilleure
manière, la plus aisée et la plus efficace, de lutter contre
l'ennemi, ça n'est pas de lui emprunter ses méthodes, mais
bien de lui imposer notre esprit ; de faire non de l'arbitraire ou de l'oppression,
mais de la liberté la sauvegarde de la société moderne.
Il s'agit de retirer à une grande institution historique le privilège
qui, en tout temps et sous tout régime, constituait une injustice
et une inégalité, mais qui, de plus, en République
et sous le règne des principes de 1789, constitue un anachronisme,
une contradiction et un non sens. Nous devons nous attendre à être
assaillis par des clameurs forcenées et à entendre une fois
de plus les ennemis jurés de la liberté, les disciples du
Syllabus,
les héritiers de la plus formidable entreprise d'asservissement
intellectuel, les complices des plus odieuses tentatives d'oppression morale
et politique, invoquer contre nous la liberté. Nous commençons
à nous habituer à voir la contre-révolution parader
sous le masque de la Révolution et se réclamer des principes
qu'elle a flétris et détestés.
Je n'aurai pas de meilleure réponse
à faire que celle qui nous permettra l'adoption de la proposition
de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre ; c'est à savoir que
ce qui fait crier à la tyrannie, ceux qui n'ont jamais refusé,
que je sache, de bénéficier du despotisme sous la forme des
Églises d'État et de la persécution; ceux qui viennent
pendant un siècle d'accepter les présents de l'État
laïque et même athée, selon le mot d'Odilon Barrot, c'est
tout simplement l'offre, de bonne fois, du droit commun et de la liberté.
Et il me sera bien permis de dire que si les représentants de la
religion avaient vraiment foi dans la valeur de leurs dogmes et dans la
puissance de leur organisme, ils devraient, non pas dénoncer et
chercher à retarder, mais appeler de leurs voeux et hâter
le jour où ils cesseront, en échange d'un salaire officiel,
de recevoir leurs prêtres et leurs évêques, non de la
succession apostolique, mais des mains de directeurs et de ministres étrangers,
peut-être hostiles à l'Église.
II
La question des rapports de l'Église
et de l'État, qui n'avait jamais cessé d'être agité
par les esprits vraiment pénétrés des principes du
droit moderne, fut posée tout à nouveau sous une forme pratique
devant l'opinion par certains événements qui bouleversèrent
la vieille Europe au milieu du siècle dernier. En Italie, la constitution
de l'unité nationale provoqua les résistances du pape-roi,
obstinément attaché à son pouvoir temporel. Cavour,
le grand homme d'État, qui sut, avant Bismarck, atteler des forces
révolutionnaires au char d'une politique dynastique et faire de
Garibaldi et de Mazzini lui-même les instruments de Victor-Emmanuel,
lança un de ces mots où s'incarne toute une doctrine : l'Église
libre dans un État libre. A cette date, les généreuses
chimères du catholicisme libéral n'avaient pas encore reçu
le coup de grâce du concile du Vatican et de la ratification du Syllabus
par la proclamation de l'infaillibilité. Montalembert crut pouvoir
reprendre cette parole et il en fit retentir le congrès de Malines.
Il semblait que cette thèse
hardie fût devenue banale, qu'on y pût voir désormais
le patrimoine commun de tous les esprits droits, l'espoir d'une très
prochaine réforme où se rencontreraient, pour des raisons
diverses et parfois opposées, avec les Lacordaire, les Augustin
Cochin, les Gratry, les Montalembert, des modèles comme Édouard
Laboulaye, Jules Simon, mon père Edmond de Pressensé, et
des radicaux comme Gambetta et Ferry ; on imaginait volontiers que tout
régime qui succéderait au second empire, déjà
profondément ébranlé et dont on escomptait l'héritage
sans prévoir la tragédie de sa fin, mettrait la séparation
des Églises et de l'État au premier rang dans son programme
législatif. La supposition était d'autant plus vraisemblable
que de nombreux exemples venaient de démontrer que l'opération
n'avait rien d'impraticable.
Pas n'est besoin de remonter jusqu'à
ces années du dix-huitième siècle expirant où,
la Révolution dans sa marche logique ayant mis fin, par la Convention,
à la néfaste expérience de la constitution civile
du clergé, la seule liberté prévalut et où
le même édifice abritait sans scandale, sans conflit, dans
la paix et le bon ordre, , à des heures successives, le culte constitutionnel,
le culte réfractaire, le culte théophilantropique et le culte
décadaire. Aux États-Unis, devenus, grâce à
Tocqueville et à Laboulaye, la terre d'élection et comme
la patrie de la séparation, c'est une grave erreur de croire que
ce régime ait toujours fonctionné. Ce qui y régna,
d'abord - sauf dans le petit état de Rhode-Island - ce fut une sorte
de théocratie puritaine, surtout à la Nouvelle-Angleterre,
où l'État fut longtemps en quelque sorte absorbé par
L'Église.
Ce n'est guère que dans la
première et la seconde décade du siècle dernier que
furent successivement dénoués les liens rigides et étroits
qui unissaient la société civile, dans le sud, à l'épiscopalisme
anglican, dans les nord, au congrégationalisme calviniste. Et s'il
est juste de reconnaître que la multiplicité des sectes, l'harmonie
naturelle de l'esprit protestant avec les formes de la liberté,
et la faiblesse relative du catholicisme ont singulièrement facilité
dans la grande république d'outre-mer une réforme que des
conditions toutes contraires peuvent compliquer en France, il n'en est
pas moins vrai que, dans cet affranchissement d'une grande démocratie,
il y a un précédent encouragement pour l'accomplissement
d'un divorce analogue.
Plus près de nous et dans un
milieu où les circonstances étaient bien peu favorables,
Gladstone a réalisé en Irlande une réforme que les
données du problème ont rendue véritablement héroïques.
Si l'Église anglicane, Église des grands propriétaires,
de l'aristocratie, des intrus, n'y comptait guère qu'un dixième
tout au plus de la population et si cette disproportion numérique
élevait au niveau d'un scandale l'attribution d'une situation privilégiée
à cette minorité imperceptible, il ne faut pas perdre de
vue qu'elle formait la garnison de la suprématie anglo-saxone. Ceux
mêmes en Angleterre qu'eût choqués l'aspect religieux
du problème, se laissaient aveugler par le sophisme politique et
proclamaient indispensable de l'hégémonie britannique cette
monstrueuse iniquité. Gladstone, Anglais, loyaliste, anglican convaincu,
entreprit sans hésiter la destruction de cette citadelle d'injustice
- et il y réussit. Une telle victoire enlève tout prétexte
de timidité à ceux qui ont à résoudre un problème
malgré tout moins compliqué. Enfin, plus récemment,
le Mexique a osé, tout imprégné de tradition cléricale
et d'esprit catholique, secouer le joug de la religion d'État. Il
a commencé par extirper de son sol les congrégations et il
a fait le second pas, le pas décisif dans la voie ouverte, en séparant
l'Église de l'État enfin neutre et laïque.
III
Tous ces faits sont de nature à
faire réfléchir ceux qui ont donné leur adhésion
rationnelle au principe de la séparation et qui n'hésitent
que devant les prétendues difficultés pratiques ou les périls
de sa réalisation. Or, c'est bien, à l'heure actuelle et
depuis vingt-cinq ans, dans cet état d'âme que s'est retrouvé
et que se trouve peut-être encore la majorité du parti républicain.
Elle n'a pas désavoué ses engagements, elle n'a pas renié
son passé : preuve en soit le renouvellement périodique de
ses promesses à chaque élection générale. Elle
s'est laissé hypnotiser depuis un quart de siècle par les
arguments de ces soit-disant réalistes qui ont exercé une
si funeste influence sur la politique républicaine et qui ont failli
l'amener à la banqueroute.
Après le 16 Mai, quand pour
la première fois la tentative paradoxale de la république
sans les républicains eut pris fin, au lendemain d'une crise au
cours de laquelle la bataille avait été menée par
le parti clérical tout entier mobilisé, la démocratie
victorieuse s'attendait à une vigoureuse offensive dont la dénonciation
du Concordat et la suppression du budget des cultes auraient été
le terme logique. On sait qu'un autre plan de campagne prévalut.
Il parut à la fois plus utile et plus facile, au lieu d'inaugurer
une politique spécifiquement républicaine à l'égard
de l'Église, de reprendre la politique traditionnelle et séculaire
non seulement de la Révolution, mais de l'ancien régime et
de ses légistes, contre la congrégation. La chose en soi
était bonne, comme elle l'est encore aujourd'hui. A une triple condition
pourtant, qui est, elle aussi, valable à cette heure.
La première, c'est que l'on
ne prétende pas faire de cette action anticléricale, qui
n'est qu'une portion de l'action républicaine, l'alpha et
l'oméga de ce programme, et qu'on ne s'efforce pas de dissimuler
derrière ce paravent l'immobilité et la farniente
en matière sociale. La seconde, c'est qu'on ne fasse pas ce combat
d'arrière garde contre les congrégations la bataille toute
entière et que, sous prétexte de concentrer l'effort sur
les réguliers, on ne fasse pas un trêve dangereuse avec les
séculiers : c'est, en un mot, que ces mesures prises contre la congrégation
ne soient que la préface des mesures à prendre pour donner
le coup de grâce au cléricalisme en le privant enfin de l'appui
de l'État et de l'argent du Trésor. La troisième,
c'est que cette lutte elle-même soit sérieuse, de longue haleine,
qu'elle ne s'interrompe pas à peine engagée et qu'elle ne
serve pas de prélude à je ne sais quelles capitulations
mystérieuses négociées dans l'ombre avec les adversaires
que l'on affecte de poursuivre en plein jour l'épée dans
les reins.
Or, sur ces trois points, l'action
de 1881, la politique dite des décrets, a tout juste pris le contre-pied
des conditions que je viens de formuler. Dans la pensée, sinon de
ses auteurs, du moins d'un trop grand nombre de ses metteurs en oeuvre,
elle eut pour objet principal de leurrer la démocratie et de lui
livrer quelques robes de moines aux lieu et place des réformes substantielles
qu'elle réclamait. Elle dut également servir d'alternative
à la politique de rénovation organique et à la séparation
des Églises et de l'État. Enfin, à peine inaugurée
à grand orchestre ou même à grand fracas, elle s'arrêta
court. Quand on eut mis dehors par la fenêtre en certain nombre de
religieux, on leur permit de rentrer par la porte. On les laissa pulluler
de nouveau : si bien que quand en 1900, sous le coup de révélation
récentes, on voulut reprendre la lutte et faire le bilan de cette
première campagne, on dut constater qu'il y avait plus de moines
en France qu'avant l'exécution des décrets, que c'était
un grand coup d'épée dans l'eau et que le mieux aurait valu
moins de bruit et plus de besogne.
C'est qu'en effet ce fut à
l'abri de l'espèce de sécurité illusoire créée
dans l'opinion par cette énergie apparente que se développa
l'esprit nouveau. Non seulement il n'était plus question d'achever
l'oeuvre de la Révolution dans ce domaine en accomplissant le divorce
de l'Église et de l'État, mais encore de braves gens naïfs,
de bons apôtres aussi venaient prêcher la réconciliation
finale de la République et du catholicisme, recommander je ne sais
quel baiser Lamourette entre l'autorité civile et les représentants
de la religion, et nous ramener à l'âge idyllique et néfaste
où les arbres de la Liberté étaient bénis par
les curés de village, mais où la Législative adoptait
la loi Falloux. Nous sortons à peine de cette phase. Une crise tragique
nous a permis de mesurer la profondeur de l'abîme et l'immensité
du péril. C'est pour cela que, si nous avons été
heureux de nous associer, soit dans la préparation de la loi de
1901, soit dans sa première application aux congrégations,
à la reprise d'une campagne nécessaire, il nous semble plus
indispensable encore de prendre toutes nos précautions pour que
la lamentable faillite de la politique de 1881 ne recommence pas.
IV
Or, il n'y a qu'un moyen de la prévenir,
et c'est de revenir au principe républicain, d'aborder la question
fondamentale et de faire enfin la séparation totale, immédiate,
irrévocable, des Églises et de l'État. Cette séparation
s'impose :
1° Parce que demander à
tous les citoyens de contribuer, quelles que soient leurs opinions, à
l'entretien d'un culte, c'est violer la liberté de conscience ;
2° Parce que traiter, avec le
chef étranger de l'Église à laquelle appartiennent
des citoyens, sur le régime du culte, s'engager vis-à-vis
de cet étranger à des obligations pécuniaires ou autres,
c'est aliéner une part de la souveraineté de l'État
et admettre une ingérence étrangère dans nos affaires
intérieures ;
3° Parce qu'un concordat contient
le germe d'une Église nationale ou d'État, ainsi que l'a
prouvé la charte de 1814 en proclamant religion de la nation française
l'Église catholique rétablie par le Concordat de Napoléon
;
4° Parce qu'un concordat entraîne,
à titre de conséquences dérogatoires aux principes
soit de la liberté de conscience, soit de l'égalité
des citoyens, une foule d'avantages et de privilèges au profit des
ministres des cultes reconnus et salariés, allant de certaines dispenses,
des préséances du décret de Messidor, de la franchise
postale à des exceptions plus graves encore ;
5° Parce qu'un concordat entraîne,
comme on l'a vu par des articles du code pénal relatifs aux crimes
et délits contre la personne des ministres des cultes ou dans les
édifices religieux, par la loi du sacrilège, par la loi de
181(?) sur le travail des jours fériés,
par la jurisprudence de la cour de cassation relative au mariage des prêtres
et du port du costume ecclésiastique, des atteintes flagrantes aux
bases du droit public d'une démocratie qui se croit affranchie de
la domination confessionnelle.
Il me serait aisé de multiplier
les articles de ce réquisitoire. Sur tous les griefs, je me plais
à croire qu'il n'est pas un républicain - comme il n'était
pas jadis un seul libéral sincère - qui ne soit convaincu
de l'incompatibilité radicale et essentielle entre la conception
laïque de l'État et de sa neutralité, et le régime
concordataire. D'ailleurs les grands politiques qui ont réussi depuis
vingt ans à empêcher la mise à l'ordre du jour de cette
réforme et à faire refuser par la majorité républicaine
l'acquittement à l'échéance de lettres de change venues
à maturité depuis longtemps n'ont pas osé s'attaquer
de front à ces incontestables vérités. Leur tactique
a été plus subtile. Elle a consisté exclusivement
à recourir à deux ordres d'arguments accessoires.
Par les premiers on démontrait
que le Concordat est une précieuse arme pour la République,
qu'il la garantit merveilleusement contre les frasques et les incartades
du cléricalisme et que ce serait folie de s'en dépouiller
sous prétexte de fidélité aux principes. Par les seconds
on démontrait que rien ne serait dangereux pour la démocratie
comme le lendemain de la séparation ; que le paysan, indifférent
à la religion, hostile à l'action des prêtres en dehors
de son église, ne pardonnerait pas à la République
une mesure qui, d'une part, aurait l'apparence de la persécution
et qui, de l'autre, forcerait le citoyen, résolu pour lui
et pour sa femme ou ses enfants à s'adresser au détenteur
de sortilèges encore exigés par les convenances, à
tirer de sa poche l'entretien du sorcier et le prix de ses denrées.
Je ne crois pas avoir affaibli la force de ces objections en les reproduisant.
Il reste à les examiner.
Les adversaires de la séparation
seraient, je crois, fort embarrassés de nous indiquer dans le Concordat
ou dans la législation concordataire les redoutables moyens de coercition
ou de répression dont dispose, suivant eux, le Gouvernement. Quant
à moi, je n'y ai jamais su découvrir que deux armes, deux
pauvres armes bien émoussées, bien ébréchées,
qui constituent tout cet arsenal et dont il me semble bien qu'on ne peut
guère se servir sans que celui qui les manie et celui qui est menacé
échangent un sourire. Il y a la suspension de traitement et il y
a la déclaration d'abus. La suspension de traitement ne porte jamais
que sur un temps limité. A supposer même qu'elle pût
être perpétuelle, ce ne serait qu'une ridicule chiquenaude
pour un évêque ou pour un curé de grande paroisse dont
les ressources sont immenses, et pour ce grand personnage d'ailleurs, comme
pour le petit desservant à la portion congrue, dans le budget duquel
quelques centaines de francs font un trou, chacun sait qu'une souscription
remplace, parfois décuple, la somme enlevée. Cette peine
pécuniaire est donc une fiction pure, et je me permettrai de faire
observer que s'il était vrai qu'elle fût de nature à
exercer une influence vraiment disciplinaire sur le clergé concordataire,
il y aurait là un merveilleux argument pour la suppression globale
du budget des cultes qui infligerait à tous les fonctionnaires ecclésiastiques
à la fois cette privation si sensible.
L'appel comme d'abus pouvait à
la rigueur avoir une valeur répressive dans une société
où les frontières de l'État et de l'Église
en matières mixtes n'étaient pas tracées, où
les légistes du Parlement et du conseil du roi, investis du droit
de sévir contre le clerc coupable prononçaient, au nom des
canons de l'Église autant qu'en celui de la législation civile,
et où le gallicanisme des quatre articles de la déclaration
de 1682 était la loi du royaume. Aujourd'hui contre un arrêt
du conseil d'État républicain prononçant qu'il y a
eu abus, l'ecclésiastique incriminé ne ressent que du mépris
et il affiche en même temps une joie hautaine d'avoir été
jugé digne d'être frappé. L'État lui fait gratuitement
une réclame dans son monde et dans son parti, et comme il est aussi
sûr que le cocher auquel le juge de paix avait infligé une
réprimande que cela ne l'empêchera pas de conduire, le prêtre,
objet d'une déclaration d'abus, loin de s'excuser ou de s'humilier,
serait tout prêt à récidiver dès le lendemain.
C'est donc se préparer de singulières
déceptions que de chercher à faire voir dans le Concordat
un rempart pour la société et pour l'État. La vérité
est que le maintien de ce régime est au contraire envisagé
par les représentants de l'intérêt clérical
comme un condition sine qua non de la préservation de leur
puissance. Nous venons d'en avoir une preuve bien éloquente dans
l'attitude de l'épiscopat français et du souverain pontife
dans l'affaire des congrégations. Tout le monde a été
frappé de la mollesse relative avec laquelle les champions officiels
de l'Église ont protesté contre un des coups les plus sensibles
qui aient été portés à une milice dont ils
ne sauraient abandonner la cause sans des raisons de premier ordre. On
ne prétendra pas qu'ils se soient fait des illusions sur la portée
de la loi du 1er juillet 1901 et surtout de l'application qu'en a cru faire
la Chambre des députés sous la direction de M. Combes.
On ne saurait non plus admettre comme
un motif suffisant de cette étonnante modération, la rivalité
très certaine qui a de tout temps existé entre les séculiers
et les réguliers. Outre que ce serait faire injure à l'ensemble
du clergé de lui prêter en une crise aussi grave des sentiments
de jalousie aussi mesquins, les évêques, encore qu'ils aient
parfois à se plaindre des exemptions grâce auxquelles les
congrégations réussissent à se soustraire à
la juridiction de l'ordinaire, n'en ont pas moins une compréhension
trop avertie des intérêts de l'Église à notre
époque, pour ne pas savoir que les ordres religieux les servent
à un très haut degré. En tout cas le pape, qui n'est
pas seulement le père commun des fidèles, mais le général
en chef de cette armée noire et blanche, n'a pas dû voir sans
un profond chagrin la République enfin résolue à une
vigoureuse défensive.
Si donc Rome s'est tue, si la France
a pu, sans s'attirer les foudres du Vatican, rétablir pour les congrégations
l'obligation de l'autorisation légale, puis la leur refuser en masse,
c'est autre part qu'il faut chercher la raison de cette abstention. : c'est
uniquement dans la crainte, au cas où les choses seraient poussées
à l'extrême, de voir la République revenir à
ses principes, secouer le joug d'une timidité déraisonnable,
et accomplir la séparation de l'Église et de l'État
par la dénonciation du Concordat et la suppression du budget des
cultes. Il me sera permis de signaler dans cet état d'esprit de
la Curie romaine un irrésistible argument en faveur de la politique
même à la seule appréhension de laquelle la très
fine diplomatie pontificale subordonne sa conduite. Plus il est évident
que le Concordat est apprécié à Rome comme la meilleure
garantie de la suprématie cléricale et plus il devient de
l'intérêt et du devoir des partisans de l'État laïque
et de la souveraineté civile, de travailler à la destruction
de ce pacte funeste.
On m'arrêtera toutefois par
des déclarations de prudence. Les théoriciens de l'opportunisme,
c'est-à-dire trop souvent de l'ajournement indéfini des réformes
dont la promesse a fait la raison d'être de la République,
soutiennent que le pays n'est pas mûr pour le régime de la
séparation. je crois avoir démontré qu'en tout cas,
si cette assertion repose sur la prétendue efficacité disciplinaire,
préventive, ou répressive, du Concordat,
elle s'appuie sur une complète illusion. Il reste donc simplement
que l'abrogation de ce traité donnerait à l'Église
une dangereuse indépendance et que, d'autre part, les citoyens français,
malgré la satisfaction légitime que ne manquerait pas de
leur causer la suppression du budget des cultes, pourraient avoir à
se plaindre de la nécessité de subvenir eux-même à
l'entretien du clergé ou de payer un tarif plus élevé
des services religieux dont ils ne croient pas encore pouvoir se passer.
Sur le premier, je me contenterai
de faire remarquer que toute la question réside dans la nature de
la loi de police des cultes qui est une condition sine qua non de
la séparation. J'ose croire que le titre de la présente proposition
qui a trait à cette matière importante, est rédigée
de façon à donner toutes les garanties nécessaires
au bon ordre et à la paix publique. M'inspirant des précédents
de la Révolution, tout en visant à ne pas faire une mauvaise
plaisanterie à la liberté qui doit être la compensation
légitime de la perte du privilège, j'ai essayé, sans
porter atteinte aux droits de la conscience, aussi respectable en ce sens
chez le croyant que chez le non-croyant, de mettre la sécurité
de l'État, la souveraineté de la société civile
et de la tranquillité générale, à l'abri des
entreprises éventuelles de la démagogie cléricale.
Quant à la question des frais
de culte, il m'apparaît que le contribuable saura gré à
la République de l'avoir dégrevé d'un impôt
dont la lourdeur tient moins à sa quotité qu'au sentiment
de l'injustice inséparable de sa perception. Libre désormais
de souscrire ou de ne pas souscrire à l'entretien du culte, il trouvera
dans la loi qui vous est soumise une disposition tutélaire pour
interdire aux dispensateurs des sacrements de hausser arbitrairement, dans
l'intérêt de leur casuel, le prix de celles de leurs cérémonies
qui se payent, au-dessus du niveau maximum du tarif actuellement en vigueur.
J'ai donc le droit de tenir pour fallacieuses
les objections qui ont jusqu'ici prévalu contre l'adoption d'une
réforme que l'on n'osait pas combattre de front, qui est dans les
voeux du suffrage universel, et que le parti républicain ne saurait
plus lontemps refuser sans faillir à ses engagements les plus sacrés
et sans jeter la suspicion sur le sérieux de la guerre commencé
contre les congrégations, mais aussi déclarée au cléricalisme.
Ce sera ici la pierre de touche de la politique en vue de laquelle s'est
constitué et a agi le "bloc". Si l'on réussit une fois de
plus à ajourner la séparation, si on maintien encore le Concordat,
il sera malheureusement démontré que l'on a le dessein de
s'arrêter aux bagatelles de la porte, que l'on ne vise pas l'émancipation
totale de la société et la laïcisation de la République.
Il n'y aura pas lieu de s'étonner si le pays, déçu,
subit une de ces réactions qui sont le châtiment comme elles
sont la conséquence logique d'une politique de demi-mesures et de
trompe-l'oeil. Il ne sera pas surprenant de voir plus tôt qu'on ne
pense aboutir à un renouveau de la puissance cléricale une
action qui serait brutale aussi bien que débile si elle devait s'en
tenir là, et dont la justification est tout entière dans
l'esprit de suite qui doit la mener à terme.
V
C'est parce que je suis convaincu, non
seulement que le moment est favorable, mais encore que l'heure a sonné
et qu'il serait souverainement imprudent et coupable de le laisser passer,
que j'ai l'honneur de présenter à la Chambre une proposition
de séparation des Églises et de l'État. Parmi les
reproches que l'on pourra sans doute faire à ce projet, il est une
critique qui ne saurait avoir sa place, et c'est celle d'avoir esquivé
le problème et d'en avoir tenté une solution partielle. Ce
que j'offre au parlement ou au pays, c'est un code mûrement étudié
du régime de la séparation. J'ai voulu faire sortir une question
qui s'y était trop longtemps étiolée, de la sphère
de la théorie pure et de l'affirmation stérile des principes.
Tout en étant persuadé
que les dispositions contenues dans ce projet sont de nature, soit à
faciliter la transition, soit à instituer un état des choses
bien équilibré où les droits de la conscience et ceux
de la société trouveraient une garantie mutuelle, je n'ai
pas la sotte prétention d'avoir formulé du premier coup et
jusque dans le dernier détail une mesure à prendre au pied
de la lettre et à voter jusqu'au moindre iota. Mon ambition est
la
fois plus modeste et plus haute : je m'assure que la démocratie
républicaine prendra de plus en plus conscience de la nécessité,
si elle veut achever son oeuvre de libération et s'émanciper
définitivement de toute de toute servitude spirituelle, de pousser
plus avant dans la voie où elle vient d'entrer et de faire les premiers
pas. A mes yeux, la suite logique, inévitable du refus d'autorisation
légale aux congrégations, c'est, d'une part, la séparation
des Églises et de l'État et, d'autre part, la constitution
de l'enseignement en service public. La France républicaine ne sera
un état pleinement laïque, c'est-à-dire totalement dégagé,
dans ses institution comme dans son esprit, des liens de l'antique sujétion
à une puissance non émané de la souveraineté
nationale, que le jour où le divorce de la société
civile et des sociétés religieuses, redevenues de pures associations
privées, sera complet et où le magistère de l'enseignement
sera devenu une magistrature et une fonction.
J'avoue en outre, que je ne trouve
pas sans quelque profit ni sans quelque amusement de mettre à l'épreuve
le libéralisme bruyant, mais de fraîche date, des champions
de la cause cléricale et, après avoir entendu revendiquer
à si grand fracas les immortels principes et nous accuser avec tant
d'effronterie de les violer, de constater, en les mettant au pied du mur
et en leur offrant un régime d'égalité et de liberté,
si c'est vraiment le droit commun qu'ils réclament ou si c'est le
privilège qu'ils regrettent.
Il va sans dire que si dans cet exposé
des motifs j'ai dû traiter avant tout de la dénonciation du
Concordat et de la suppression du budget des cultes en ce qui touche l'Église
catholique, à cause de son importance numérique et de sa
force relative, ma proposition accomplit la même opération
pour les deux Églises protestantes ( réformée et confession
d'Augsbourg) et pour le culte israélite. Je suis de ceux qui pensent
que, quelle que soit l'Église, à quelle confession qu'elle
se rattache, son union avec l'État ne peut être qu'attentatoire
au droit des consciences et contraire au bien de la société.
Quand bien même il s'agirait d'une philosophie la plus rationnelle
et la plus scientifique possible, j'estime que la reconnaissance de l'attache
officielle et les subventions du budget seraient aussi néfastes
aux intérêts supérieurs de l'État que dérogatoires
à l'honneur de la vérité et à la liberté
de l'esprit.
Tels sont les principes qui m'ont
inspiré la proposition dont les articles suivent. J'ai à
peine besoin d'ajouter qu'en la rédigeant j'ai obéi, non
seulement aux doctrines républicaines, aux traditions de la Révolution,
aux intérêts de la démocratie française, mais
encore au programme socialiste. C'est un de ces points de jonction innombrables,
où la théorie socialiste se rencontre avec la doctrine républicaine,
pour peu que cette dernière soit logique et fidèle à
ses propres prémisses. Il ne m'est pas interdit de revendiquer pour
mon parti l'honneur d'avoir le premier tenté d'apporter par un projet
de loi détaillé et complet, à un problème qui
pèse depuis longtemps sur le pays, une solution rationnelle et libérale,
car c'est bien une liberté que je propose de créer, d'organiser
et de substituer au régime du privilège et de l'inégalité.
PROPOSITION DE LOI
Titre Ier
Généralités
Art. 1er
La liberté des opinions, la liberté
de conscience et de croyance est inviolable.
Art. 2
La république reconnaît et
garantie la libre expression des opinions, religieuses ou autres, dans
la limite de l'ordre public et en conformité avec les dispositions
ci-après relatives à la police des cultes.
Art. 3
Nul ne peut être empêché
empêché d'exercer, conformément aux lois, le culte
qu'il a choisi.
Art. 4
Nul ne peut être contraint à
participer à un acte religieux ou à un culte, à faire
partie d'une association religieuse ou ecclésiastique, à
suivre ou à donner un enseignement religieux, à contribuer
par l'impôt, directement ou indirectement, à l'entretien d'opinions
religieuses ou d'établissements ecclésiastiques.
Art. 5
Nul ne peut être tenu d'exprimer
positivement ou négativement, ses opinions en matière religieuse,
même en se faisant inscrire ou en répondant à un questionnaire
de recensement.
Art. 6
La République ne protège,
ne salarie ni ne subventionne aucun culte. Elle n'accorde de privilège
ou de dispense à aucun culte. Elle ne s'immisce par acte d'autorité
gouvernementale dans aucun acte de conscience. Elle ne fournit à
titre gratuit aucun local pour l'exercice d'un culte ou le logement de
ses ministres.
Titre II
Dénonciation du Concordat
- Culte catholique
Art. 7
A dater de la promulgation de la présente
loi, la loi du 18 germinal an X est abrogée et la convention passée
à Paris le 26 messidor an IX entre le Gouvernement français
et le pape est dénoncée.
Art. 8
Le gouvernement de la république
cessera, à dater du 1er janvier qui suivra la promulgation de la
présente loi, de payer aux archevêques, vicaires généraux,
chanoines, curés, desservants et vicaires, les traitements ou allocations
imputés sur les chapitres 4, 5, 6, 7 et 8 du budget des cultes,
ainsi que les sommes portées au chapitre 9 sous le titre "Secours
accidentels à des prêtres en activité", les sommes
portées pour dépenses ecclésiastiques au chapitre
31 du budget de la guerre, au chapitre 12 du budget de la marine, aux chapitres
62, 63, et 71 du budget de l'instruction publique, aux chapitres 4 du budget
de la justice, aux chapitres 48, 49, 50, 51, 52 et 53 du budget de l'Algérie,
et généralement toutes les sommes inscrites, tant en vertu
du Concordat que de lois postérieures, à titre de traitements
ou d'allocations, aux ministres du culte catholique.
Art. 9
Tout traitement, toute subvention, toute
allocation accordée à un ministre du culte catholique en
activité sur les fonds de l'État, des départements
ou des communes cessera de plein droit à partir du 1er janvier de
l'année qui suivra la promulgation de la présente loi.
Art. 10
Le gouvernement de la République
cessera à la même date de payer les sommes imputées
par le mobilier des archevêchés et des évêchés
et pour les loyers et rentes pour évêchés aux chapitres
10 et 11 du budget des cultes et au chapitre 54 du budget de l'Algérie.
Art. 11
L'arrêté du 27 brumaire an
XII, l'arrêté du 14-25 ventôse an XI, le décret
du 12 prairial an XII, le décret du du 26 février 1810, l'ordonnance
du 6 novembre 1814, celle du 5 juin 1816, la décision royale du
29 septembre 1819, l'ordonnance du 29 septembre 1824, les sénatus-consultes
des 28 juin 1853 et 9 janvier 1854, l'article 30 de la loi de finances
du 21 mars 1885 sont et demeurent abrogés.
Art. 12
L'usage gratuit des églises, cathédrales
ou paroissiales, cessera à dater du 1er janvier qui suivra la promulgation
de la présente loi. La location de ces édifices se fera conformément
aux dispositions ci-après.
Art. 13
L'usage gratuit des locaux d'habitation
: archevêchés, évêchés, presbytères,
mis à la disposition des ministres du culte catholique par l'État,
les départements ou les communes, cessera à la même
date. La location se fera conformément aux dispositions ci-après.
Art. 14
Les allocations faites à titre
d'indemnités de logement aux ministres du culte catholique par les
communes cesseront à partir de la même date et ne pourront
être rétablies à aucun titre, sous aucune forme directe
ou indirecte. Sont abrogées les dispositions de l'article 136, n°
11, de la loi municipale du 54 avril 1884.
Titre III
mesures de transition.
Art. 15
Une pension viagère sera allouée
aux ministres du culte actuellement en fonctions et rémunéré
sur les fonds de l'État, lorsqu'ils auront plus de quarante-cinq
ans d'âge ou de vingt ans de fonctionnement et qu'ils en feront la
demande dans les conditions fixées ci-après. Cette pension
se confondra de droit jusqu'à la totalité de son montant
avec toute autre pension ou tout autre traitement alloué à
un titre quelconque par l'État à l'ayant droit.
Art. 16
Ces pensions viagères seront uniformément
de 600 francs.
Art. 17
Les ministres du culte catholique rentrant
dans les conditions de l'article 15 devront, pour faire liquider leur pension,
former une demande avec, à l'appui, les pièces prouvant leur
qualité, une attestation que leurs ressources personnelles ne suffisent
pas à leur entretien et une déclaration des sommes qu'ils
peuvent recevoir à un titre quelconque de l'État. Aucune
demande ne sera accueillie si elle n'est faite dans les six mois qui suivront
la promulgation de la loi.
Art. 18
Le payement des pensions ecclésiastiques
aura lieu par trimestre. La jouissance courra au profit du pensionnaire
du premier jour de l'exercice qui suivra la promulgation de la présente
loi. Les arrérages des pensions inscrites se prescrivent pour trois
ans. La condamnation à une peine afflictive et infamante entraîne
de plein droit la privation de la pension. Les pensions et leurs arrérages
sont incessibles et insaisissables, si ce n'est jusqu'à concurrence
d'un cinquième pour dettes envers le Trésor public et d'un
tiers pour les causes exprimées aux articles 203, 205 et 214 du
code civil.
Art. 19
Les fonds de ces pensions sont imputés
sur un chapitre spécial du budget intitulé "Pensions ecclésiastiques",
qui sera inscrit au budget du ministère de l'intérieur. A
la fin de chaque exercice les sommes afférentes aux pensions éteintes
pendant ce laps de temps seront portées en annulations de crédits.
Art. 20
La direction des cultes, qualifiée
désormais de direction de la liquidation du Concordat et réduite
par un règlement d'administration publique au nombre de bureaux
et d'employés strictement nécessaire, sera chargée
du service de la liquidation et de l'ordonnancement des pensions ecclésiastiques,
ainsi que de l'apurement final des comptes des conseils de fabrique arrêtés
et clos au dernier jour de l'exercice au cours duquel sera promulgué
la présente loi, et généralement de toutes les mesures
spéciales prises ou à prendre en vue de l'application de
ladite loi. Elle sera rattachée au ministère de l'intérieur.
Art. 20 bis
Les biens mobiliers et immobiliers appartenant
aux menses épiscopales ou aux fabriques feront retour, les premiers
à l'État, les seconds aux communes. Toutefois, dans le cas
où il serait fait la preuve que ces biens sont le fruit de libéralités
exclusives des fidèles, en dehors de toute subvention de l'État
ou des communes, lesdites libéralités s'étant produites
depuis le 1er janvier 1872, ils seront attribués aux sociétés
civiles formées pour l'exercice du culte dans le diocèse
ou la paroisse.
Titre IV
Location des édifices
du culte
Art. 21
L'État est et demeure propriétaire
des cathédrales, évêchés, bâtiments des
séminaires diocésains. Les communes sont et demeurent propriétaires
des églises paroissiales et des presbytères. Toutefois, dans
l'un et l'autre cas, les conseils de fabrique actuellement existants pourront
faire la preuve que que ces édifices ont été construits
après le Concordat exclusivement avec des fonds provenants de collectes,
quêtes et libéralités de particuliers, sans subvention
aucune du budget de l'État ni des municipalités. Ces derniers
édifices seront attribués à la société
civile diocésaine ou paroissiale dont il sera traité ci-après.
Art. 22
L'État et les communes pourront
consentir la location des églises diocésaines ou paroissiales,
des archevêchés, évêchés, séminaires
ou presbytères leur appartenant, à des sociétés
civiles constituées à l'effet se subvenir aux frais et à
l'entretien du culte, conformément aux dispositions ci-après.
Le préfet agit pour l'État ; le maire pour la commune. Ce
dernier doit être approuvé par le conseil municipal. Au cas
où dans la ville épiscopale ou la paroisse il n'y aurait
pas, au jour de la promulgation de la présente loi, d'édifice
adapté aux besoins actuels du culte, l'État et les communes
seront pendant cinq ans tenus de traiter avec lesdites sociétés
civiles. Ces contrats devront toujours se faire à titre onéreux.
Tout contribuable du département ou de la commune peut réclamer
par la voie judiciaire la résiliation de tout bail qui aurait été
conclu à des conditions manifestement dolodives ou dérisoires
et l'évaluation à dire d'expert de la valeur locative de
l'édifice. L'État et les communes pourront insérer
dans leurs baux des stipulations leur réservant le droit d'user
des édifices loués, soit à des dates fixes, soit tous
les dimanches à des heures autres que celles du cultes, à
l'effet d'y célébrer des fêtes civiques, nationales
ou locales.
Art. 23
L'État et les communes supportent
les charges et exercent les droits qui reviennent ou incombent au propriétaire,
les sociétés civiles contractantes, les charges et droits
revenant ou incombant aux locataires.
Art. 24
L'État et les communes ont le droit
d'aliéner ces édifices conformément aux règles
prescrites pour l'aliénation de leurs domaines respectifs.
Art. 25
Ceux des édifices ci-dessous désignés
qui ont été ou qui seront rangés dans la catégorie
des monuments historiques, seront soumis aux règles spéciales
et aux servitudes de cette classe.
Titre V
Sociétés civiles
pour l'exercice du culte
Art. 26
Les sociétés civiles constituées
en vue de subvenir aux frais et à l'entretien du culte se forment
conformément aux prescriptions de la loi du 1er juillet 1901 sous
la réserve des modifications ci-après.
Art. 27
La déclaration préalable
prévue à l'article 5 de ladite loi en vue de la publicité
requise pour obtenir la capacité juridique devra faire connaître,
outre les objets y énumérés, la liste complète
des noms, professions et domiciles de tous les membres de la société.
Art. 28
Même régulièrement
constituées, ces sociétés ne pourront recevoir de
subventions de l'État, des départements, ni des communes.
Art. 29
A titre d'immeuble strictement nécessaires
à l'accomplissement du but qu'elles se proposent, elles ne pourront
acquérir à titre onéreux, posséder ou administrer
qu'une église cathédrale et un évêché
par diocèse, une église paroissiale et un presbytère
par paroisse, en entendant par ces termes : diocèse et paroisse,
soit les circonscriptions actuellement ainsi dénommées, soit
celles qui pourraient être crées à l'avenir par les
autorités ecclésiastiques compétentes, pourvu qu'elles
ne soient pas inférieures en population à la moyenne des
circonscriptions actuelles.
Art. 30
Sous le nom de cotisation des membres,
on pourra comprendre le produit des quêtes faites à l'église,
de la location des bancs, du casuel ecclésiastique. La société
civile sera tenue de rendre un compte annuel qui sera déposé
au greffe de la justice de paix du canton et à la mairie de la commune.
Un droit de 10 p. 100 sera prélevé sur le total au profit
de l'assistance publique du département ou de la commune.
Art. 30 bis
Le tarif des droits perçus ou des
prix fixés pour les cérémonies du culte et pour la
location des chaises devra être rendu public. Il ne pourra en aucun
cas s'élever au-dessus du tarif en cours à l'époque
de la promulgation de la présente loi.
Art. 31
Au cas ou plusieurs de ces sociétés
viendraient à être reconnues d'utilité publique, conformément
à l'article 10 de la loi su 1er juillet 1901, elles seraient en
outre soumises aux règles spéciales qui suivent.
Art. 32
Toutes leurs valeurs mobilières
devraient être placées en titre de rente nominatifs. Le montant
total n'en pourraient dépasser la somme nécessaire pour produire,
à 3 p. 100 le prix de la location de l'église et du presbytère
et le traitement des ministres du culte y attachés. Elles devront
publier, chaque année, un compte de leurs propriétés
mobilières et revenus et un inventaire de leurs propriétés
immobilières.
Titre VI
Police de cultes
Art. 33
Il est interdit de rattacher un diocèse
ou une portion de diocèse à la juridiction d'un métropolitain
ou d'un évêque ayant son siège en pays étranger,
sous peine d'une amande de 500 à 5 000 fr. et d'un emprisonnement
de cinq jours à six mois.
Art. 34
Les ministres du culte devront être
Français, majeurs, en possession de leurs droits civils et politiques.
Ils ne pourront appartenir à une congrégation religieuse.
Art. 35
Aucune commune ou section de commune ne
peut en nom collectif acquérir ou louer un local ou édifice
pour l'exercice d'un culte.
Art. 36
Tout rassemblement de citoyens pour l'exercice
d'un culte est soumis, comme toute réunion publique, à la
surveillance des autorités constituées dans l'intérêt
du maintien de l'ordre public. cette surveillance se renferme dans les
mesures de police et de sûreté publique.
Art. 37
Ceux qui interrompent par un trouble publique
les cérémonies religieuses d'un culte sont punis des peines
portées contre ceux qui se livrent à des actes de nature
à porter atteinte à l'exercice du droit de réunion.
Art. 38
Seront punis d'une amende de 50 à
500 fr. et d'un emprisonnement de deux mois à un an ou de l'une
de ces deux peines ceux qui emploieront injures, voies de fait, menaces
ou violences pour contraindre une ou plusieurs personnes à célébrer
certaines fêtes religieuses, à observer tel ou tel jour de
repos, ou pour empêcher lesdites personnes de les observer, soit
en forçant à ouvrir ou à fermer leurs ateliers, boutiques,
magasins, ou de quelque manière que ce soit. Ces dispositions ne
dérogent pas aux lois fixant des jours de repos publics.
Art. 39
Ceux qui tenteront par injures ou menaces
de contraindre un ou plusieurs individus de contribuer aux frais du culte
seront punis d'une amande de 50 à 500 fr. S'il y a eu voie de fait
ou violence, la peine sera d'une amande de 100 à 1 000 fr. et d'un
emprisonnement de deux mois à un an ou de l'une de ces deux peines.
Art. 40
Il est interdit de se servir de l'édifice
consacré au culte pour y tenir des réunions politiques, pour
s'y livrer à des actes étrangers à l'objet du culte.
Toute infraction sera punie d'une amande de 500 à 5 000 fr. et d'un
emprisonnement de deux mois à un an ou de l'une de ces deux peines
en la personne de l'auteur responsable. En outre, en cas de location d'un
édifice de l'État ou des communes, le bail sera résilié
de plein droit.
Art. 41
L'entrée des édifices consacrés
à l'exercice du culte doit être libre et accessible à
tous, pendant la célébration des cérémonies
religieuses. Quiconque s'opposerait à l'entrée d'une ou plusieurs
personnes paisibles serait puni d'une amande de 500 à 5 000 fr.
et d'un emprisonnement de deux mois à un an ou de l'une de ces deux
peines. En outre, en cas de location d'un édifice de l'État
ou des communes, la résiliation serait de plein droit.
Art. 42
Les articles 201, 202, 203, 204, 205,
206, 207, 208 du code pénal sont abrogés et remplacés
par les dispositions suivantes.
Art. 43
Tout ministre du culte qui dans l'exercice
de ses fonctions et en assemblée publique, aura diffamé,
outragé ou calomnié un particulier, soit en lisant un écrit
contenant des instructions pastorales, soit en tenant lui-même un
discours, sera puni d'une amende de 500 à 5 000 fr. et d'un emprisonnement
de deux mois à un an ou de l'une de ces deux peines, sans préjudice
de la réparation d'un dommage causé. Toute diffamation, calomnie,
outrage ou injure prononcé dans les mêmes conditions contre
un membre du Gouvernement, des Chambres ou d'une autorité publique,
sera puni d'une amende de 1 000 à 10 000 fr. et d'un emprisonnement
de trois mois à deux ans. En ces deux cas, si l'édifice est
loué à l'État ou à une commune, le bail sera
résilié de plein droit.
Art. 44
Si un discours prononcé ou un écrit
lu par un ministre du culte, dans l'exercice de ses fonctions et en assemblée
publique, contient une provocation directe à la désobéissance
aux lois ou aux autres actes légaux de l'autorité publique,
ou s'il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens
contre les autres, le ministre du culte qui l'aura prononcé sera
puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans si la provocation
n'a été suivi d'aucun effet - et d'un emprisonnement de deux
à cinq ans si elle a donné lieu à une désobéissance
autre toutefois que celle qui aurait dégénéré
en révolte, sédition ou guerre civile. Dans les deux cas
ci-dessus, la résiliation du bail avec l'État ou la commune
est de plein droit.
Art. 45
Lorsque la provocation aura été
suivie d'une sédition, révolte ou guerre civile, dont la
peine donnera contre un ou plusieurs coupables à des peines plus
graves que celles portées à l'article précédent,
cette peine quelle qu'elle soit, sera appliquée au ministre du culte
coupable de la provocation.
Art. 46
L'auteur de l'écrit qui aura été
lu par le ministre du culte dans les conditions ci-dessus indiquées
sera puni des peines portées aux articles précédents
contre le ministre du culte coupable, s'il lui a donné l'ordre d'en
donner lecture.
Art. 46 bis
dans tous les cas où la présente
loi institue des pénalités, l'article 463 du code pénal
sur les circonstance atténuantes est applicable.
Art. 47
Tout ministre du culte qui lirait ou ferait
lire en assemblée publique, pendant la célébration
ou à l'occasion d'un culte, un écrit émanant d'une
autorité étrangère et censurant ou critiquant les
lois ou les actes légaux du Gouvernement de la République,
sera puni d'une amende de 1 000 à 10 000 fr. et d'un emprisonnement
de deux à cinq ans ou de l'une de ces deux peines. Si cet écrit
provoque à la désobéissance aux lois ou tend à
soulever une partie des citoyens contre les autres, tout ministre qui le
lira ou le fera lire dans les conditions susdites, sera puni de la détention,
si la provocation n'est suivie d'aucun effet ; du bannissement pour cinq
ans si elle est suivie d'un effet autre que la sédition, révolte
ou guerre civile et, en cas de sédition, révolte ou guerre
civile, de la peine la plus forte, si elle est plus forte que le bannissement
pour cinq ans, dont seraient punis un ou plusieurs coupables.
Art. 48
Les processions et autres cérémonies
ou manifestations extérieures du culte ne peuvent avoir lieu qu'en
vertu d'une autorisation expresse du maire de la commune. Cette autorisation
ne peut être donnée ou renouvelée si un dixième
des habitants de la commune ou plus de 100 de ces habitants protestent
contre elle. Les sonneries de cloches sont réglées par arrêté
municipal.
Titre VII
Privilèges, dispenses,
incompatibilités.
Art. 49
Les articles 262, 263, 264 du code pénal
sont abrogés. Les ministres des cultes jouissent de toute la protection
accordée par le droit commun aux citoyens et d'elle seule.
Art. 50
Sont abrogées les dispositions
des articles 31, 32 et 34 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, en
tant qu'elles comprennent les ministres des cultes reconnus parmi les membres
des corps constitués ou des autorités publiques.
Art. 51
L'article 259 du code pénal n'est
pas applicable au port du costume ecclésiastique.
Art. 52
Les articles 385 et 386 du code pénal
sont abrogés en tant qu'ils assimilent les édifices consacrés
au culte aux locaux habités ou servant d'habitation dans les cas
de vol sans violence avec réunion des trois circonstances : commis
de nuit, par deux ou plusieurs personnes, portant des armes apparentes
ou cachées ( puni des travaux forcés à temps), ou
de vol commis la nuit par deux ou plusieurs personnes ( punis de la réclusion).
Art. 53
Les dispositions des décrets du
24 messidor an XII, du 13 octobre 1863 et du 23 octobre 1883 sont abrogées
en ce qui concerne les préséances, honneurs, visites de corps
à rendre par les fonctionnaires et officiers des armées de
terre et de mer aux cardinaux, archevêques, évêques
à l'occasion de certaines fêtes ou de certains événements.
Art. 54
Sont abrogés les articles 280 et
296 du décret du 27 octobre 1883 en ce qui concerne les marques
extérieures de respect à rendre par les troupes en marche,
postes et sentinelles aux cérémonies et manifestations externes
du culte.
Art. 55
La franchise postale est supprimée
dans tous les cas où elle était accordée pour les
correspondances de service des archevêques, évêques,
grands vicaires, directeurs de séminaires, curés, desservants,
aumôniers des lycées et collèges et des hôpitaux,
chapelains des communautés religieuses, présidents de consistoires,
pasteurs protestants et rabbins israélites.
Art. 56
Sont déclarés nuls et non
avenus l'avis du conseil d'État ( section de l'intérieur)
du 4° jour complémentaire an XIII approuvé par l'empereur
le 8 vendémiaire an XIV, accordant aux ministres des cultes certaines
dérogations et indulgences relativement à la loi du 19 ventôse
an XI, sur l'exercice de la médecine et de la chirurgie, ainsi que
l'instruction ministérielle contenant et approuvant le rapport de
la faculté de médecine de Paris du 3 pluviose an X sur la
latitude à accorder aux ministres du culte dans l'exercice de la
pharmacie et de la préparation des médicaments.
Art. 57
Sont abrogés les articles 23, paragraphe
1, 24, paragraphe 4 et 51, paragraphe 4, de la loi du 16 juillet 1889 comprenant
parmi les jeunes gens qui, en temps de paix, après un an sous les
drapeaux, sont renvoyés en congé dans leurs foyers, jusqu'à
la date de leur passage dans la réserve, les élèves
ecclésiastiques admis à continuer leurs études en
vue d'exercer le ministère dans un des cultes reconnus par l'État
et les versant dans le service de santé en cas de mobilisation.
Art. 58
Est abrogé l'article 14, paragraphe
4, de la loi du 6 avril 1884, qui comprend les ministres des cultes reconnus
par l'État parmi les électeurs inscrits d'office sur les
listes électorales.
Art. 59
Est abrogé l'article 105 de la
loi du 3 frimaire an VIII sur la contribution foncière qui exempte
de cet impôt "les domaines notoirement improductifs, exceptés
de l'aliénation ordonnée par la loi et réservés
pour un usage utile" en tant qu'il est interprété par le
décret du 11 août 1808 qui a rangé dans cette catégorie
"les églises, temples consacrés aux cultes publics, archevêchés,
évêchés, séminaires, presbytères et jardins
y attenants".
Art. 60
Est abrogé l'article 5 de la loi
4 frimaire an VIII sur l'impôt des portes et fenêtres,
qui en exempte certains bâtiments, en tant qu'il vise les églises,
édifices servant au culte et bâtiments en logeant les ministres.
Art. 61
désormais les archevêques
et évêques payeront la contribution personnelle-mobilière
sur la totalité - et non sur une fraction seulement - de la valeur
locative des bâtiments servant à leur demeure.
Art. 62
Les commissaires répartiteurs de
l'impôt des prestations ne pourront plus, conformément à
la décision ministérielle du 13 février 1837, affranchir
de cet impôt les ministres du culte, même avec l'assentiment,
tacite ou formel, du conseil municipal.
Art. 63
Les ministres du culte n'ont pas d'exemption
à faire valoir contre les logements et réquisitions militaires.
Art. 64
Sont abrogés les articles 1er et
3 de la loi du 4 novembre 1872 sur le jury et l'article 391 du code d'instruction
criminelle qui prononcent la nullité des déclaration de culpabilité
auxquelles aurait participé le ministre d'un culte et établissent
une incompatibilité entre les fonctions de juré et celles
de ministre d'un culte.
Art. 65
Est supprimée la dispense accordée
par les articles 427 et 431 du code civil et par l'avis du conseil d'État
du 20 novembre 1806 et la circulaire ministérielle du 15 décembre
1806, aux personnes remplissant les fonctions du ministère ecclésiastique
exigeant résidence, de la charge de la tutelle dans un département
autre que celui où elles exercent leurs fonctions.
Art. 66
Est rapporté l'arrêté
du 18 nivôse an XI portant l'insaisissabilité des traitements
ecclésiastiques.
Art. 67
Les incompatibilités établies
par les loi du 30 novembre 1875 et du 26 novembre 1887 entre certaines
fonctions ecclésiastiques et le mandat de sénateur ou de
député sont et demeurent abolies.
Art. 68
Les inéligibilité dont les
lois du 2 août 1875 et du 30 novembre 1887 frappent pour le Sénat
et la Chambre des députés certains ministres des cultes sont
et demeurent abolies.
Art. 69
L'inéligibilité aux conseils
généraux dont la loi du 10 août 1871 frappe les ministres
des cultes dans le canton de leur résidence est et demeure abolie.
Art. 70
L'inéligibilité aux conseils
municipaux dont l'article 33, paragraphe 9, de la loi du 4 avril 1884 frappe
les ministres des cultes dans la commune où ils exercent leurs fonctions,
est et demeure abolie.
Art. 70 bis
dans tous les cas prévus par les
articles 67, 68, 69 et 70 où les incompatibilités et inéligibilité
des ministres des cultes prendront fin, elles subsistent pour ceux d'entre
eux qui ont exercé des fonctions ecclésiastiques salariées
par l'État pendant une période de douze ans.
Titre VIII
Aumôniers
Art. 71
La loi du 8 juillet 1880 et le décret
du 23 avril 1881, ainsi que les articles 174 et 178 du décret du
25 novembre 1889, sont abrogés. A dater du 1er janvier qui suivra
la promulgation de la présente loi, il n'y aura plus, sous quelque
nom que ce soit, d'aumôniers, succursalistes, à traitements
divers ou requis, appartenants aux cultes catholiques ou non catholiques,
rémunérés sur les fonds du ministère de la
guerre ( notamment aux chapitres 28 et 40)
Art. 72
Dans tous les rassemblements de troupes,
garnisons, forts, camps, etc., il sera permis aux hommes, en tant que les
besoins ne s'y opposeront pas, et sur leur demande individuelle, de se
rendre aux églises ou temples de leur religion les plus voisines
du lieu de leur résidence pour y participer aux actes de leur culte.
Art. 73
Les décisions ministérielles
des 27 novembre 1882 et 10 avril 1886, sont rapportées. A dater
du 1er janvier suivant la promulgation de la présente loi, il n'y
aura plus d'aumônier de la marine, à la mer ou à terre,
rémunérés sur les fonds du budget.
Art. 74
Dans les hôpitaux militaires et
maritimes, chaque malade a le droit de réclamer la visite d'un ministre
de son culte. Son désir est transmis au ministre de son culte le
plus voisin. L'entrée de l'hôpital et l'accès du malade
qui a formé cette demande doivent être assurés aux
heures et aux jours les plus convenables au ministre du culte ainsi réclamé.
Art. 75
A dater du 1er janvier suivant la promulgation
de la présente loi, il n'y aura plus d'aumôniers des hospices
et hôpitaux civils. Les malades auront le droit de réclamer
la visite du ministre de leur culte. Leur désir est transmis au
ministre de son culte le plus voisin auquel l'accès de l'hôpital
et du malade devra être assuré aux heures et jour les plus
convenables.
Art. 76
A partir de la même date, il n'y
aura plus d'aumôniers des lycées et collèges. Les parents
pourront réclamer en y plaçant leurs enfants, soit l'envoi
de ceux-ci aux instructions et cérémonies de leur culte à
des heures et jours où cela ne nuira pas aux études, soit
la permission pour ceux-ci de recevoir aux jours de visite celle d'un ministre
de leur culte désigné par eux.
Art. 77
A partir de la même date, il n'y
aura plus d'aumôniers des établissements pénitentiaires.
Les détenus auront le droit de demander la visite aux heures et
jours réglementaires d'un ministre de leur culte. Avis en sera donné
au ministre le plus voisin qui obtiendra l'accès de la prison et
du détenu aux conditions du règlement.
Art. 78
Les aumôniers appartenants aux catégories
des articles 71, 73, 75, 76 et 77 pourront, aux conditions prévues
par les articles 15 et 17 de la présente loi, obtenir la pension
de l'article 16.
Titre IX
Serment judiciaire
Art. 79
Toute formule spéciale du serment
judiciaire est abolie, notamment celle des articles 312 et 348 du code
d'instruction criminelle. Dans tous les cas où la loi exige la prestation
de serment, la personne tenue de le prêter sera libre de le faire
sous la forme qui lui conviendra le mieux, soit en répétant
l'ancienne formule, soit en se contentant d'affirmer, soit en donnant une
solennité particulière par tout mode d'attestation conforme
à ses convictions.
Art. 79 bis
Aucun signe ou emblème particulier
d'un culte ne peur être élevé, érigé,
fixé, et attaché en quelque lieu public que ce soit de manière
à y être exposé aux yeux des citoyens, si ce n'est
dans l'enceinte destinée aux exercices du culte, dans les cimetières
dans les conditions déterminées ci-après, et dans
les musées. Ceux qui existent, contrairement à la présente
disposition, seront enlevés par les autorités publiques,
sauf dans les cas où ils s'y attache une valeur ou un intérêt
artistique ou historique spécial. Il est interdit d'en rétablir
ou établir sous peine d'une amende de 500 à 5 000 fr.
Titre X
Cimetières
Art. 80
Les cimetières appartiennent aux
communes. L'autorité municipale en a seule la garde, la police et
l'entretien. Les dispositions du décret du 23 prairial an XII, du
décret du 30 décembre 1809 et généralement
toutes les dispositions contraires à la présente loi sont
abrogées.
Art. 81
Il est interdit de bénir, consacrer
ou de faire bénir et consacrer par une cérémonie religieuse
un cimetière tout entier ou une portion de cimetière comprenant
plusieurs tombes. Chaque tombe peut être bénite ou consacrée
individuellement selon la volonté du concessionnaire. Toute infraction
à ces dispositions est punie d'une amende de 100 à 500 fr.,
et, en cas de récidive de deux à cinq jours de prison.
Art. 82
Il est interdit dériger ou de faire
ériger dans les cimetières des emblèmes religieux
ayant un caractère symbolique et collectif. Chaque concessionnaire
peut, en se conformant aux règlements de police intérieur
rendus par les autorités municipales, ériger ou faire ériger
sur la tombe ou le monument qui lui appartient des emblèmes religieux,
croix, etc., ou bâtir ou faire bâtir une chapelle, pourvu que
celle-ci ait un caractère strictement privé. Toute infraction
sera punie d'abord de la destruction de l'emblème ou édifice
indûment érigé, puis d'une amende de 100 à 500
fr., et, en cas de récidive, de deux à cinq jours de prison.
Art. 83
Les inscriptions funéraires demeurent
soumises à l'autorité municipale. Toutefois, elles peuvent
être interdites ou effacées ou modifiées qu'au cas
où elles porteraient atteinte aux lois, aux bonnes moeurs ou à
la paix publique.
Art. 84
Tout concessionnaire ou membre de la famille
enlevant, détruisant ou faisant enlever ou détruire un emblème
philosophique ou religieux déposé en vertu de la volonté
du défunt, même, même par un étranger, sera puni
des peines portées contre la violation de sépulture à
l'article 360 du code pénal.
Art. 85
Il est interdit d'assigner des heures
spéciales ou des modes particuliers pour la célébration
des obsèques sous quelque prétexte philosophique ou religieux
que ce pusse être ; d'assigner des places spéciales aux suicidés
ou aux personnes non baptisées ou de religion différente
de celle de la majorité des habitants de la commune, ou de faire
quoi que ce soit tendant à déshonorer la mémoire d'une
personne, de quelque façon qu'elle soit morte ou qu'elle se fasse
ensevelir ou qu'elle ait vécu. Toute infraction à ces dispositions
entraînera la révocation du magistrat municipal qui s'en rendrait
coupable et sa non-rééligibilité pendant une période
de quatre ans.
Titre XI
Pompes funèbres
Art. 86
Les dispositions du décret du 23
prairial an XIII, du décret du 18 mars 1806, du décret du
18 août 1811, ainsi que toutes les dispositions qui ont conféré
aux fabriques et consistoires le monopole de la fourniture des tentures,
ornements, et de toutes les fournitures pour les pompes funèbres,
sont abrogées.
Art. 87
Les communes sont chargées d'assurer
le service des inhumations. A cet effet, elles peuvent soit gérer
elles-mêmes directement, soit traiter avec un entrepreneur qui ne
pourra jamais être le ministre du culte ni représenter directement
ou indirectement une société civile formée pour l'exercice
d'un culte. Le tarif sera fixé par arrêté du maire.
Art. 88
Il appartiendra aux communes ou à
leur concessionnaires de fournir non seulement le cercueil et le corbillard,
mais encore les tentures et autres accessoires usuels pour l'exposition
des corps au domicile et pour les pompes funèbres.
Art. 89
Toutefois, dans le cas où un service
religieux serait célébré dans un édifice du
culte, les tentures extérieures et intérieures des églises
ou temples où le corps serait transporté avant d'être
inhumé, seraient fournies de gré à gré par
les entrepreneurs ad hoc.
Titre XII
Cultes non catholiques
Art. 90
La loi du 18 germinal an IX, le décret-loi
du 26 mars 1852 et du 20 mai 1853, la loi du 1er août 1879, les décrets
des 12-14 mars 1880, 12-14 avril et 25-29 mars 1882 sont abrogés.
Art. 91
A dater du 1er janvier qui suivra la promulgation
de la présente loi, le gouvernement de la république
cessera de payer aux pasteurs, présidents de consistoires, inspecteurs
ecclésiastiques, suffragants et vicaires des Églises réformées
et de la confession d'Augsbourg, aucun traitement ou allocation imputé
sur les chapitres 17 et 18 du budget des cultes et généralement
sur les crédits du budget.
Art. 92
Il cessera à la même date
de payer les sommes imputées au chapitre 19 du budget des cultes
pour les dépenses des séminaires protestants de Paris et
de Montauban, ainsi que celles qui sont portées au budget de l'instruction
publique pour les deux facultés desdites villes et celles qui sont
portées au chapitre 22 du budget des cultes pour les travaux des
édifices des cultes protestants.
Art. 93
A partir de la même date, il cessera
de payer, sur les chapitres 20, 21 et 22 du budget des cultes les traitements
des rabbins, les dépenses du séminaire israélite et
les travaux des édifices israélites.
Art. 94
Tout traitement, toute subvention, toute
allocation accordée accordée à un ministre du culte
protestant ou du culte israélite ou du culte
mahométan, en activité, sur les fonds de l'État,
des départements et des communes cessera de plein droit à
la même date.
Art. 95
L'usage gratuit des temples et synagogues
et des presbytères protestants et israélite cessera à
la même date.
Art. 96
L'article 14 s'applique aux ministres
protestants et israélites.
Art. 97
Les articles 16, 17, 18, 19 s'appliquent
également à eux, ainsi qu'aux directeurs et professeurs des
séminaires, doyens et professeurs des facultés de théologie.
Art. 98
Toutes les dispositions de la présente
loi relatives à la location des édifices du culte et des
presbytères, à la formation des sociétés civiles
pour l'exercice du culte et à la police des cultes s'appliquant
aux cultes protestants (réformé et de la confession d'Augsbourg)
et israélite.