M. Plichon : ...
Vous vous rappelez la lutte, violente, persévérante,
que le ministère Combe déclara aux congrégations religieuses.
Ces congrégations une fois condamnées, dissoutes, exilées,
il ne restait place que pour les réformes qu'on avait promises et
dont l'échéance approchait. La difficulté de les réaliser
engagea le Gouvernement de M. Combes à une nouvelle diversion qu'il
chercha et qu'il trouva dans la séparation des Églises et
de l'État.
Tel est le but qu'on s'est proposé, et je
dois le reconnaître qu'on a cherché de la façon la
plus persévérante à l'atteindre. Les phases successives
en ont été exposées dans la presse par nombre d'entre
vous messieurs. L'honorable M. Briand
disait à ce propos : " A chaque jour suffit
sa tâche. Aujourd'hui le rappel ; demain la suppression du crédit
; après demain, c'est-à-dire à très brève
échéance, la dénonciation du Concordat, et la séparation
de l'Église et de l'État."
Puis M. de Pressensé
: " Voilà qui est fait. Le rideau tombe sur
le second acte de la tragi-comédie du Concordat. Le troisième
et le dernier, ce sera, avec la dénonciation du Concordat, et la
suppression du budget des cultes, le vote de la loi organique nouvelle."
Et M. Clemenceau, avec sa verve coutumière
et l'habitude de proclamer franchement ce qu'il pense, disait :
"La rupture des relations diplomatique avec le Vatican, n'est qu'une indigne
comédie, si ce n'est la préface de la dénonciation
du Concordat."
La méthode a donc été suivie
avec un soin méticuleux ; j'ajoute même qu'on y a mis peu
de formes, et que si on s'était adressé à un souverain
ayant quelque pouvoir temporel, on aurait usé de manières
plus courtoises.
...
(Puis il donnera sa vison catastrophique de
la précédente expérience française de séparation
des Églises et de l'État entre 1794 et 1801 - de la Convention
au Concordat - qui aurait été la violation de la liberté
des cultes.)
M. Louis Barthou:
...
Nous avons, [mes amis et moi],
...,voté
chaque année, sur la demande des différents ministères
qui se sont succédés au pouvoir,
les crédits afférents aux dépenses des cultes.
Nous sommes décidés aujourd'hui à accepter leur suppression,
parce qu'elle nous apparaît, en même temps que la dénonciation
du Concordat, comme la solution inéluctable qui découle logiquement
d'événements désormais historiques et aussi parce
que, seule, elle peut assurer la dignité intérieure et la
dignité extérieur de l'État français. (Applaudissements
à gauche et à l'extrême gauche.)
Le principe de la séparation
envisagé à un point de vue abstrait et comme solution théorique,
a rencontré peu de contradicteurs dans l'ensemble du parti républicain.
La séparation a toujours été un des articles du programme
radical ; mais elle a aussi trouvé des adhésions significatives
de la part d'hommes qui ne siègent pas sur les bancs extrêmes
des Assemblées.
C'était,..., mon ami
Raymond Poincaré.... Vous avez entendu M. Paul Deschannel....
Et
c'est M. Ribot ...
... On ne manque pas d'opposer
à ces opinions les témoignages de Gambetta, de Paul Bert
et de Jules Ferry. Il me serait facile de démonter par des textes
décisifs que ces trois grands républicains, ..., n'ont
jamais renié le principe même de la séparation. (Applaudissements
à gauche.)
....
On n'a pas manqué
non plus de faire allusion à certaines notes trouvées au
lendemain de sa mort dans les papiers de Waldeck-Rousseau....
Waldeck Rousseau attendait la séparation des Églises et de
l'État de l'action lente et presque invisible du temps.... (Il
fallait la préparer, et c'est ce que M. Lemire rappelle lors
des débats sur la loi de 1901.)
....
Selon qu'elle ménagera
ou qu'elle brusquera les transitions, selon qu'elle respectera ou qu'elle
paraîtra froisser les croyances, selon qu'elle s'inspirera de l'esprit
de liberté ou qu'elle cédera à l'esprit de secte,
la séparation sera une solution bienfaisante ou le plus redoutable
des aventures. Son avenir, son sort, son succès sont presque uniquement
liés, messieurs à votre prévoyance et à votre
sagesse. (Applaudissements à gauche.)
La séparation des Églises
et de l'État devaient fatalement, à une heure que les événements
ont précipitée peut-être, suivre la séparation
de l'Église et de l'école. Ces deux grandes réformes,
dont on peut dire que la première a annoncé, préparé
et commandé la seconde, auront assuré dans la République
libérée de toute domination et de toute tutelle confessionnelle,
l'œuvre de sécularisation entreprise, vous savez au milieu de quels
périls tragiques, par les trois grandes Assemblées de la
Révolution.
Elles ne suffiront pas pourtant
à épuiser l'activité et à remplir la tâche
du parti républicain. D'autres efforts et d'autres réformes
tenteront sa volonté et son courage. Il dépend de vous, messieurs,
de lui rendre la liberté qui lui est nécessaire pour s'absorber
tout entier dans l'étude des vastes problèmes dont la solution
apportera à la démocratie confiante moins d'inégalité,
une justice meilleure et une plus large humanité. ( Vifs applaudissements
à gauche, à l'extrême gauche et sur divers bancs au
centre. - L'orateur, en regagnant son banc, reçoit les félicitations
de ses amis.)
Voix nombreuses, A
jeudi !
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3
Dépôt légal 2ème trimestre
1999