Début
VI
Discussion des articles
Titre Ier
PRINCIPES
Article 1er
"La République
assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice
des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après
dans l'intérêt de l'ordre public."
Au moment où
il pénètre dans le domaine sacré de la conscience,
où il pose et résout un problème aussi complexe que
celui de l'organisation des cultes et se prépare à régler
les manifestations collectives de sentiments aussi intimes que les croyances
religieuses, le législateur a pour premier devoir d'indiquer les
principes qui l'ont inspiré et qu'il a voulu appliquer.
Le régime
nouveau des cultes, qui vous est proposé, touche à des intérêts
si délicats et si divers, il opère de si grands changements
dans des coutumes séculaires, qu'il est sage, avant tout, de rassurer
la susceptibilité éveillée des "fidèles", en
proclament solennellement que, non seulement la République ne saurait
opprimer les consciences ou gêner dans ses formes multiples l'expression
extérieure des sentiments religieux, mais encore qu'elle entend
respecter et faire respecter la liberté de conscience et la liberté
des cultes.
Ainsi la Révolution
et la première République précédaient noblement,
sur le seuil de chaque grave réforme, par l'affirmation de principes
généraux.
Mais il n'y
a pas seulement ici un retour à une tradition républicaine.
Si minutieusement rédigée soit une loi aussi considérable,
dont tous les effets doivent être prévus par des dispositions
de droit civil, de droit pénal et de droit administratif, elle contient
inévitablement des lacunes et soulève des difficultés
nombreuses d'interprétation. Le juge saura, grâce à
l'article placé en vedette de la réforme, dans quel esprit
tous les autres ont été conçus et adoptés.
Toutes les fois que l'intérêt de l'ordre public ne pourra
être légitimement invoqué, dans le silence des textes
ou le doute sur leur exacte application, c'est la solution libérale
qui sera la plus conforme à la pensée du législateur.
Le libre exercice
des cultes tel qu'il est prévu et garanti par le projet réalise
un progrès notable dans la voie du libéralisme.
L'article 1er
du Concordat porte que "la religion catholique et romaine sera librement
exercée en France", et que "son culte sera public en se conformant
aux règlements de police que le gouvernement jugera nécessaires
pour la tranquillité publique".
La liberté
ainsi octroyée au culte catholique, étendue à certains
cultes protestants et au culte israélite, comportait des restrictions
considérables que le projet de loi supprime en proclamant la liberté
d'association religieuse (Titre IV, art. 16 et suivant), liberté
de réunion (Titre V, art. 23 et suivants) et la liberté des
lieux de culte (Titre VI, art. 37, portant abrogation des décrets
des 22 décembre 1812, 19 mars 1859 et de l'article 294 du code pénal).
Il n'y a plus
d'autres limites au libre exercice des cultes que celles qui sont expressément
édictées dans l'intérêt de l'ordre public par
le projet de loi lui-même.
Article 2
La République ne reconnaît,
ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à
partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente
loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements
et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des
cultes.
Les établissements publics
du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées
à l'article 3.
Cet article,
dont le projet de loi dépend et découle, réalise la
séparation absolue des Églises et de l'État. Et encore
cette formule est-elle insuffisante, car l'État, au sens stricte
du mot, n'est pas seul en cause. Il s'agit bien de la séparation
des Églises et de la République elle-même ainsi que
le dit le texte rédigé par votre commission. Le principe
établi est poussé jusqu'à ses extrêmes conséquences
; il s'applique à tous les services publics de l'État, des
départements ou des communes.
Ce n'est pas
le lieu ici de discuter la théorie de l'acte de séparation
lui-même et de le légitimer.
L'article 2
l'accomplit radicalement et pose un double principe :
Désormais
aucun culte ne sera plus reconnu - c'est la neutralité et la laïcité
absolue de l'État - et, conséquence immédiate et nécessaire,
aucun culte ne sera plus officiellement salarié.
Il faut examiner
successivement chacun de ces principes.
La République
ne reconnaissant plus aucun culte, l'organisation officielle de l'Église
catholique, de l'Église réformée de France, de l'Église
de la confession d'Augsbourg et des communautés israélites,
telle qu'elle est établie par les lois, décrets et ordonnances
en vigueur, est abolie.
Cela résulte
d'ailleurs également de l'article 37, aux termes duquel "sont et
demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l'organisation
publique des cultes antérieurement reconnus par l'État, ainsi
que toutes les dispositions contraires à la présente loi".
Les immeubles
officiellement affectés aux cultes ou au logement des ministres
du culte sont désaffectés et ne restent à leur disposition
aux termes des articles 10 et suivant que dans un intérêt
privé.
La loi ne reconnaître
les cultes et les cérémonies cultuelles qu'en tant qu'elles
n'intéresseront pas l'ordre public. Mais, par a contrario,
toutes les dispositions civiles ou pénales ayant un caractère
d'ordre public, restent en vigueur. Ainsi, pour ne citer que cet exemple,
celles qui ont pour objet d'assurer la célébration du mariage
civil avant le sacrement religieux.
Par une conséquence
nécessaire, les ministres des cultes seront, pour tout ce qui concerne
leur ministère ou en dérive, légalement ignorés.
Toute la législation d'exception qui leur est actuellement applicable
est abrogée implicitement, sous la réserve, toujours, de
l'intérêt de l'ordre public. Les incompatibilités et
privilèges dont ils sont l'objet disparaissent. Ils pourront être
jurés, deviendront éligibles aux conseils municipaux et généraux,
au sénat. Ils ne seront plus dispensés des fonctions de tuteur
; l'article 259 du code pénal ne sera plus applicable au port du
costume ecclésiastique.
Il est presque
inutile d'ajouter que tous les règlements sur les honneurs de présence
et visite des corps cesseront de viser les ministres de cultes ; ceux-ci
n'auront plus rang officiel.
Toutes les exceptions
de procédure ( attributions aux cours d'appel de la connaissance
de la connaissance des délits commis par les archevêques,
évêques et président de consistoires), comme en matière
d'impôt, de réquisition militaire, etc., deviendront lettre
morte.
Le principe
posé par cet article est si extensif qu'il est impossible d'en prévoir
à l'avance toutes les applications pratiques.
Cependant, l'article
906 du code civil, qui édicte pour les ministres du culte l'incapacité
de recevoir dons et legs des malades auxquels ils ont apporté, dans
la dernière maladie, les secours de leur ministère reste
indubitablement en vigueur. Cette disposition s'inspire de raisons pratiques
qui subsistent et s'applique d'ailleurs aujourd'hui même aux ministres
des cultes non reconnus, ainsi qu'aux médecins et aux pharmaciens
dont la profession n'a pas un caractère officiel.
Tous les établissements
ecclésiastiques chargés de la gestion des intérêts
des cultes actuellement reconnus sont supprimés. Cette disposition
se combine cependant avec celle de l'article
3, qui prévoit pour eux un
prolongement d'existence légale pour assurer la liquidation de leurs
biens. Nonobstant cette surveillance temporaire ces établissements
doivent disparaître purement et simplement. Il ne sauraient être
maintenus même à titre officieux : seules les associations
prévues par le titre
IV peuvent à l'avenir gérer
les intérêts des cultes, quelle qu'en soit la nature.
La république
ne salariant, ne subventionnant plus aucun culte, toutes dépenses
inscrites à un titre quelconque au budget de l'État, des
départements ou des communes doivent être supprimées.
Les pensions accordées par mesure transitoire, ne font pas échec
à ces stipulations, elles n'ont qu'un caractère absolument
précaire.
Il ne faut pas
considérer comme une exception à ce principe la disposition
finale de l'article
17 qui prévoit certaines subventions
que l'État, les départements ou les communes jugeraient utile
d'employer aux grosses réparations des édifices religieux
leur appartenant. Ces subventions ne sont pas ne sont pas accordées
dans l'intérêt des associations cultuelles, mais dans celui
des propriétaires, pour la conservation des biens dont ils recouvreront
la libre disposition.
Le Parlement
a le droit et le devoir d'interdire ainsi aux départements et aux
communes l'inscription de certaines dépenses à leur budget.
Il importe de
ne pas se laisser se perpétuer dans certaines régions les
rapports entre officiels entre l'Église, les communes et les départements.
La séparation doit être simultanément un fait accompli
sur tout le territoire français. Les services départementaux
et communaux ne jouissent nullement, en pareille matière, d'une
autonomie absolue. Certaines dépenses sont obligatoirement inscrites
à leur budget, d'autres leur sont actuellement interdites.
Mais tout ce
que nous avons dit ne s'applique pas qu'aux budgets ordinaires. Il faut
aller plus loin et admettre qu'aucune dépense relative à
l'exercice du culte ne pourra être comprise dans les budgets spéciaux
rattachés pour ordre ou non aux budgets généraux de
l'État, des départements ou des communes. Ainsi, les aumôneries
des asiles publics, des lycées, collèges, etc., ne peuvent
faire l'objet de crédits permanents et réguliers dans les
budgets précités. Lorsqu'un de ces établissements
fera appel, dans l'intérêt privé d'un pensionnaire
ou d'un membre du personnel, aux offices d'un ministre du culte, celui-ci
pourra être légitimement rémunéré, mais
comme le serait un fournisseur ordinaire, par exemple un médecin
occasionnel.
Tous les crédits
budgétaire doivent être supprimés à partir du
1er janvier qui suivra la promulgation de la loi. Jusqu'au 1er janvier,
ils seront régulièrement maintenus, et les sommes qu'ils
indiquent devront être intégralement payés. Après
cette date, ils disparaîtront, et les établissements publics
des cultes dont la survivance est prévue par l'article 3 ne pourront
pas en réclamer à leur profit le maintien pendant la dernière
période de leur fonctionnement.
Cette date du
1er janvier était la seule normale, l'exercice annuel étant
clos au 31 décembre.
Telle est rapidement
analysée l'économie et la portée de l'article 2.
Mais une question
se pose ici pour le législateur soucieux de l'équité.
Ne lèse-t-il pas des droits acquis ?
En ce qui concerne
les ministres des cultes protestants et israélites, il n'est pas
douteux que les traitements et allocations qu'ils reçoivent n'ont
d'autre raison d'être que la volonté du législateur.
Consentis d'année en année, ils peuvent être supprimés
à la fin de l'exercice.
Pour le clergé
catholique on a prétendu et soutenu que le traitement qui est alloué
à ses membres n'est que l'acquittement annuel des arrérages
d'une dette perpétuelle. Certains n'ont même pas hésiter
à déclarer que refuser de payer cette dette serait, à
cet égard, pour l'État faire banqueroute de ses engagements.
Nous ne pouvons
ici discuter cette théorie dans tous ses détails (
On consultera avec fruit sur ce point comme sur beaucoup d'autre l'intéressant
et suggestif ouvrage de M. Grunebaum-Ballin, la Séparation des
Églises et de l'État, Paris 1905). Il est
cependant impossible de la passer absolument sous silence. Il n'est pas
douteux qu'en droit public les gouvernements successifs assument chacun
les charges dont leurs prédécesseurs ont grevé les
finances publiques. Il faut donc rechercher si l'article 2 peut se légitimer
en droit et en équité.
On a vu dans
la partie historique du rapport que le 2 novembre 1789 (la veille de la
déclaration des droits de l'homme), l'Assemblée constituante
avait voté une motion proposée par Mirabeau
et ainsi conçue :
"Les
biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation
à la charge de pourvoir d'une manière convenable aux frais
du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres."
Il est difficile
de saisir exactement ce qu'entendait le grand orateur, en proposant un
texte rédigé en termes aussi peu juridiques.
Il faut constater
tout d'abord qu'il n'y a pas eu de contrat. C'est une simple déclaration
par laquelle l'Assemblée décide de remettre entre les mains
de la nation les biens ecclésiastiques, et ajoute libéralement
qu'elle prend à sa charge les frais du culte, l'entretien des ministres
et le soulagement des pauvres.
Il résulte
des documents de l'époque et des travaux préparatoires, que
l'assemblée constituante ne pensait ni ne voulait dépouiller
l'Église d biens qu'elle possédait ; elle entendait restituer
à la nation propriétaire l'administration et l'usufruit des
biens ecclésiastiques dont l'Église jouissait.
Comme le dit
la motion même les biens ecclésiastiques (appartenant à
l'État et mis à la disposition de l'Église catholique)
sont simplement remis à la disposition de la nation.
D'accord avec
ses principes et dans l'intérêt de la paix publique la constituante
prenait aussi les résolutions de pourvoir aux frais du culte, à
l'entretien des ministres et au soulagement des pauvres.
Elle estimait,
en effet, que l'exercice de la religion et de la charité constituaient
des nécessités sociales qui devaient faire l'objet de services
publics. Reprenant à ceux qui étaient chargés de ce
service les biens qui leur permettaient de vivre, elle inscrivait au budget
général les crédits pour rémunérer leurs
fonctions jugées indispensables.
Il y avait en
outre une préoccupation de sage politique, afin que le culte fût
exercé partout sans aucune suspension possible et afin que les oeuvres
charitables entreprises par l'Église à l'aide de ces ressources
fussent continuées. Il y avait aussi une pensée bienfaisante
en faveur des membres du clergé qui avaient cru pouvoir compter
toujours pour eux-mêmes sur les bienfaits mis à leur disposition.
Mais il ne pouvait
y avoir, dans l'allocation prévue, aucun caractère d'indemnité.
L'indemnité
ne se conçoit et ne peut se concevoir lorsqu'il y a faute ou quasi-délit.
L'allocation eût été l'aveu d'une spoliation. Rien,
ni dans la discussion qui a précédé la motion, ni
dans l'analyse de la motion elle-même, ne permet de prétendre
que la Constituante a cru léser quelque droit acquis en remettant
entre les mains de la nation ce qui n'avait cessé de lui appartenir.
Elle n'a voulu et n'a fait qu'exercer un droit certain et imprescriptible.
Il est vrai
que la théorie de la charge perpétuelle est d'origine récente
et n'avais cours ni sous la Révolution ni au début du dernier
siècle, qu'en 1816 la Chambre introuvable elle-même
repoussait la proposition d'une création de dotation permanente
en faveur du clergé.
La résolution
de la Constituante pour les cultes et leurs ministres était un acte
gracieux de l'autorité législative, et à ce titre
essentiellement précaire.
Il est probable
qu'à l'origine le budget des cultes avait pour les Églises
un caractère transitoire, et pour leurs ministres un caractère
viager. On voulait en reprenant les biens ecclésiastiques donner
viagèrement au clergé en exercice, un traitement suffisant.
Aussi, la Constitution
de 1791 porte-t-elle cette disposition : "
Sous aucun prétexte les fonds nécessaire à l'acquittement
de la dette nationale ne pourront être refusés ou suspendus.
Le traitement des ministres du culte catholique pensionnés, conservés,
élus ou nommés en vertu de décret de l'Assemblée
constituante fait partie de la dette nationale."
ce texte aussi précis prouve, à l'évidence, qu'il
ne s'agissait que des ministres régulièrement admis à
ce moment par la Constituante. La loi stipulait pour le passé et
non pour ceux qui seraient nommés à l'avenir.
C'était
une disposition semblable à celle du projet actuel pour les pensions
allouées aux ministre des cultes en fonctions.
Ces traitements
et pensions auraient pris fin, mais l'article 14 du Concordat créa
un régime nouveau. Il porte : " Le
Gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques
et curés" . Il n'est pas douteux que
si le budget des cultes avait le caractère d'une charge perpétuelle
assumée en raison de la reprise des biens ecclésiastiques,
le Concordat eût pris soin de le rappeler et de confirmer un droit
aussi important.
Il décide,
au contraire, comme s'agissant d'un droit nouveau et purement contractuel,
il ne dit rien du passé et ne stipule que pour l'avenir. Le silence
du Concordat sur la dette de l'État vis-à-vis de l'Église
catholique est décisif. Le sort de l'article 14 est lié à
celui du pacte lui-même ; il tombe avec lui.
Et d'ailleurs
pourquoi discuter en théorie ? En admettant même cette erreur
certaine que le budget des cultes a eu le caractère d'indemnité,
il y a aurait lieu d'apprécier si le total de ces indemnités
payées à ce jour n'a pas suffi à compenser le préjudice
subi.
Remarquons tout
d'abord que si indemnité il y a, elle doit être payée
tout à la fois aux Églises, aux ministres des cultes et aux
pauvres. Elle continue à être payée aux pauvres qui
sont les créanciers indivis et solidaires du clergé. Il y
a même lieu de croire que la République lui a donné
à cet égard des proportions que les contractants de la dette
n'avaient pas prévues.
Mais pour l'Église
elle-même, le budget des cultes, de 4 millions en 1803, a atteint
sous le second empire le chiffre de 50 millions. Il est aujourd'hui de
plus de 40 millions.
Que l'on calcule ce qui a été payé par la nation à
l'Église catholique depuis la Constituante ; qu'on y ajoute la libre
et pratique disposition de tous les édifices religieux appartenant
à l'État ou aux communes, les traitements alloués
aux innombrables membres du clergé non concordataires, les indemnités
de logement et toutes les allocations inscrites au budget des communes
et l'on ne sera pas éloigné de conclure que, loin d'être
spoliée, l'Église se trouverait, dans un pareil règlement
de compte, débitrice de la République. Celle-ci lui a assuré
depuis assez longtemps une assez riche dotation pour pouvoir supprimer
le budget des cultes en toute sérénité.
Titre II
Dévolution des biens, pensions
Article 3
Les établissements dont la suppression
est ordonnée par l'article 2 continueront provisoirement de fonctionner,
conformément aux dispositions qui les régissent actuellement,
jusqu'à la dévolution de leurs biens aux associations prévues
par le titre IV et au plus tard jusqu'à l'expiration du délai
ci-après.
Les établissements
ecclésiastiques dont ma suppression est prononcée par l'article
2 sont provisoirement maintenus en exercice pour procéder à
l'attribution de leurs biens dans les conditions déterminées
par l'article 4.
Aussi longtemps
que durera ce fonctionnement temporaire, ils demeureront régis par
les lois et règlements actuels. Le maintien provisoire des établissements
ecclésiastiques ne peut durer plus d'une année.
Trois cas peuvent
se présenter dans la pratique.
1° Les établissements
publics du culte, par l'organe de leurs représentants légaux,
opèrent la dévolution de leurs biens aux associations cultuelles,
sans que se produise aucune contestation. Ils cessent immédiatement
d'exister ;
2° Les établissements
publics du culte opèrent cette dévolution, mais des contestations
et réclamations sont soulevées ; le tribunal civil est saisi
et ces établissements sont supprimés avant même que
le délai d'un an soit expiré ;
3° Les établissements
publics du culte restent dans l'inaction absolue. A l'expiration du délai
d'un an à partir de la promulgation de la loi le tribunal est saisi,
il place les biens sous séquestre et les établissements n'ont
plus d'existence légale.
En toute hypothèse
donc, l'organisation actuelle des cultes ne peut subsister après
ce délai d'un an ; elle se désagrégera peu à
peu en fait, à chacune dévolution des biens ecclésiastiques.
Article 4
Dans le délai d'un an, à
partir de la promulgation de la présente loi, les biens mobiliers
et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires
et autres établissements publics du culte seront, avec toutes les
charges et obligations qui les grèvent et avec leur affectation
spéciale, attribués par les représentants légaux
de ces établissements aux associations qui se seront légalement
formées pour l'exercice du culte dans les anciennes circonscriptions
desdits établissements.
Toutefois, ceux des biens désignés
à l'article précédent qui proviennent de l'État
et qui ne sont pas grevés d'une fondation pieuse feront retour à
l'État.
A défaut d'une association apte
à recueillir les biens d'un établissement ecclésiastique,
ceux de ces biens qui ne sont pas grevés d'une fondation pieuse,
pourront être réclamés par la commune où l'établissement
à son siège, à charge pour elle de les affecter à
des oeuvres d'assistance ou de prévoyance.
Les attributions de biens ne pourront
être faites par les établissements ecclésiastiques
qu'un mois après la promulgation du règlement d'administration
publique prévu à l'article 36 . Faute de quoi la nullité
pourra en être demandée devant le tribunal civil par toute
partie intéressée ou par le ministère public.
Article 5
Les biens mobiliers ou immobiliers
grevés d'une affectation charitable ou d'une toute autre affectation
étrangère à l'exercice du culte seront attribués,
par les représentants légaux des établissements ecclésiastiques,
aux services ou établissements publics ou d'utilité publique,
dont la destination est conforme à celle desdits biens. Cette attribution
devra être approuvée par le préfet du département
où siège l'établissement ecclésiastique. En
cas de non-approbation, il sera statué par décret en Conseil
d'État.
Toute action en reprise ou en revendication
devra être exercé dans un délai de six mois à
partir du jour de la dévolution prévue au paragraphe précédent
.Elle ne pourra être intentée qu'en raison de donation ou
de legs et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne
directe.
Article 6
Faute par un établissement ecclésiastique
d'avoir, dans le délai fixé par le premier paragraphe, procédé
aux attributions ci-dessus prescrites, il y sera pourvu par le tribunal
civil du siège de l'établissement. .
A l'expiration dudit délai
et à la requête des intéressés ou du ministère
public, les biens à attribuer seront, jusqu'à leur dévolution
, placés provisoirement sous séquestre par décision
du président de ce tribunal.
Dans le cas où les biens
d'un établissement seront, soit dès l'origine, soit dans
la suite, réclamés par plusieurs associations légalement
formées pour l'exercice du même culte, l'attribution que l'établissement
en aura été faite pourra être contestée
devant le tribunal civil qui statuera comme dans le cas du premier paragraphe
du présent article.
Pour la commodité
du texte, il a fallu répartir en plusieurs articles les dispositions
insérées dans las articles 4, 5 et 6, mais pour la clarté
du commentaire et de l'analyse, il y a tout intérêt à
les grouper dans une commune explication.
Il s'agit ici
de la dévolution des biens appartenant aux établissements
publics des cultes.
Ces établissements
disparaissant, à qui devaient être attribués leurs
meubles et immeubles ?
On aurait pu,
à la suppression de leurs propriétaires actuels, considérer
les biens ecclésiastiques comme des biens vacants. D'après
le droit commun, l'État les aurait recueillis et en aurait disposé
suivant des règles à déterminer.
Votre commission
n'a pas cru que ce principe et cette méthode fussent équitables.
Une partie des
biens qui sont en possession des établissements public du culte
ont été constitués par les fidèles pour le
culte ; la commission a estimé qu'en droit naturel, leur propriétaire
était la collectivité des fidèles. Cette collectivité
est personnalisée aujourd'hui par les Églises ; elle le sera
demain par les associations cultuelles ; elle ne disparaît pas à
la suppression des établissements ecclésiastiques.
Il n'y a pas,
dans la réalité des faits équitablement appréciés,
disparition pure et simple de personnes morales sans héritiers légitimes.
il n'y a qu'une transformation, imposée par le législateur
lui-même, dans la forme juridique de ces personnes morales.
Tel est le principe
posé et respecté par votre commission.
Tous les biens
constitués par les fidèles pour le culte doivent rester à
la disposition des fidèles.
Les autres suivent
une destination normale que nous indiquerons dans la suite.
Il fallait ici
envisager et résoudre trois questions principales :
1° Qui doit
opérer la dévolution des biens actuellement possédés
par les établissements du culte ?
2° Dans
quel délais ?
3° Comment
et à qui cette dévolution doit-elle être faite ?
I - Qui doit opérer la
dévolution des biens actuellement possédés par les
établissements du culte ?
Votre
commission, avons-nous dit, a estimé que les établissements
publics du culte détenaient actuellement ces biens en quelque sorte
au nom et pour le compte des fidèles.
Représentants
légaux de ces fidèles, ils ont pari tout naturellement désignés
pour transmettre les biens aux associations appelées à leur
succéder. Cette solution offrant, en pratique, les avantages les
plus appréciables. Si l'État avait fait, par l'organe de
ses préfets ou autres, la dévolution nécessaire, ou
aurait pu prétendre que certaines attributions, cependant consciencieusement
faites, avaient été inspirées par une arrière-pensée
politique.
Comme,
vraisemblablement, dans de nombreux cas les mêmes personnes qui administrent
l'établissement public du culte composeront l'association nouvelle,
c'était simplifier considérablement la procédure que
de laisser aux intéresser eux-même le soin d'effectuer légalement
la transmission.
Il était
aussi plus logique, à l'heure où l'on proclamait la séparation
de l'Église et de l'État, de ne pas laisser à l'État
la responsabilité de liquider la fortune de l'Église.
Ce seront donc
les membres de l'administration de l'établissement public du culte
qui feront librement la dévolution, et cela dans tous les cas. Ils
joueront en quelque sorte le rôle de liquidateur à l'heure
de la distribution des deniers aux créanciers vérifiés.
Les biens grevés
d'une affectation charitable ou étrangère à l'exercice
du culte seront attribués aux services publics ou d'utilité
publique. Ici, cependant, l'attribution ne sera pas libre absolument. Il
s'agit, en effet, de biens appartenant, en droit naturel, non à
la collectivité religieuse, mais aux pauvres, ou, pour les biens
scolaires, aux écoliers. Il était juridique, et il était
prudent de soumettre à l'approbation du préfet, tuteur légal
des établissements publics ou d'utilité publique, appelé
à recevoir ces nouvelles ressources, l'affectation qui en était
faite.
A défaut
d'une telle disposition, l'établissement public du culte aurait
pu détourner tout ou partie de ces biens de leur destination normale
Mais pour qu'en
sens contraire, le préfet n'exerce pas abusivement les pouvoirs
qui lui sont ainsi conférés, l'article 5 stipule qu'en cas
de non approbation il sera statué en conseil d'État.
Quant aux biens
qui ont une destination strictement religieuse, l'établissement
public du culte les transmet toujours, et librement, à l'association
cultuelle de son choix. Si une contestation s'élève au sujet
de la dévolution ainsi faite, le tribunal civil décide, saisi
par le ministère publique ou tout intéressé.
Le tribunal
civil n'est pas dans ce cas seulement arbitre, il est juge au sens complet
du mot. C'est-à-dire qu'il statue suivant la procédure du
droit commun. C'est une nouvelle compétence qui lui est attribué
par le projet de loi. Les parties intéressées pourront faire
appel du jugement d'après les règles du code de procédure
et se pourvoir en cassation. Mais ici, une observation est nécessaire.
Le tribunal
civil s'inspirera pour sa décision de trois motifs principaux. Deux
de droit : Les associations sont-elles légalement formées
dans les termes de la loi de 1901 et de la loi de séparation de
l'Église et de l'État ? La dévolution des biens
a-t-elle été faite régulièrement et dans les
délais prescrits ?
L'autre de fait
: Ces associations sont-elles sérieuses ? Quelle est celle, ou quelles
sont celles qui continuent à représenter les fidèles
et peuvent légitimement revendiquer au nom de leur collectivité
? IL n'est pas douteux que, pour ce troisième point, le nombre des
membres qui composent l'association et leur personnalité elle-même
fourniront des présomptions précieuses.
Devant la cour
de cassation la preuve du fait n'étant point admise, les pourvois
ne pourront se former que pour composition illégale des associations
auxquelles les tribunaux civils auraient donné gain de cause pour
défaut de motif ou pour violation des règles essentielles
à la validité des décisions judiciaires.
C'est dans ces
conditions que les tribunaux sont appelés à statuer sur la
dévolution des biens lorsque celle-ci est sujette à contestation.
Il est facile
de légitimer l'attribution de compétence qui leur est faite.
La loi pouvait
désigner, pour trancher la difficulté, soit par acte gouvernemental,
le préfet, soit par décision contentieuse, le conseil d'État
ou le conseil de préfecture.
Il y avait en
théorie et en pratique les plus grands inconvénients à
laisser les juridictions administratives décider en matière
aussi délicate. En principe, la séparation étant accomplie,
il faut rompre le plus tôt possible et le plus radicalement possible
tous les rapports entre l'État et les Églises. ; en pratique
on aurait toujours suspecté l'équité gouvernementale
dans ces dévolutions et la moindre erreur aurait servi de prétexte
pour une agitation antirépublicaine.
Le conseil d'État,
éloigné de chaque paroisse et n'ayant d'autre moyens d'information
que les rapports officiels et l'expertise, aurait difficilement réglé
la tâche qui lui eût été assignée.
Les conseils
de préfecture, composés de membres amovibles, eussent été
l'objet d'inévitables suspicions.
Le tribunal
civil avait, dans cette circonstance, le triple avantage : d'être
situé sur les lieux mêmes du litige, d'être composé
de juges inamovibles et de rendre des décisions, après débats
contradictoires, emportant force de chose jugée. D'ailleurs, il
s'agira en définitive de question de propriété et
les tribunaux judiciaires sont juges de droit commun en ces matières.
II - Délais dans lequel
la dévolution doit s'opérer
.
Il fallait ici
éviter un double inconvénient. Le plus grave était
la possibilité pour les établissements publics du culte de
perpétuer leur existence en ne procédant pas à la
mission qui leur est confiée. Le projet, pour éviter pareil
attitude, fixe à un an, le délai dans lequel la dévolution
doit être faite. Si, à l'expiration de l'année, l'établissement
public n'a pas rempli sa tâche, il cesse, par le fait même
de la loi, d'exister, et, le tribunal civil est saisi par le ministère
public ou tout intéressé.
Mais ce délai
d'un an est un délai maximum. L'article 4 a voulu ainsi poser un
terme avant lequel normalement la transmission des biens devra être
effectuée.
L'autre inconvénient
pouvait résulter de l'envoi en possession précipité,
octroyé par l'établissement public du culte à une
association hâtive.
Parmi les fidèles,
quelques personnes avisées pourraient préparer avant le vote
de la loi, et fonder immédiatement après, une petite association,
réduite au minimum de membres et rigoureusement fermée à
toute adhésion. De connivence avec les administrateurs de l'établissement
public du culte, ils recevraient, sans délais, les biens ecclésiastiques
et toute autre association, moins diligente et cependant plus nombreuse,
plus sérieuse, représentant plus véritablement dans
la paroisse la masse des coreligionnaires, se trouverait par ce moyen dépouillée
de ressources sur lesquelles elle avait pu légitimement compter.
Pour permettre
à toutes les associations éventuelles le moyen et leur
donner le temps de se constituer, votre commission a, dans le texte élaboré
(art. 6), prescrit, à peine de nullité absolue, que les attributions
de biens ne pourront être faite par les établissement qu'un
mois après la promulgation du règlement d'administration
publique prévu à l'article 36.
Ce règlement
doit être rendu dans les trois mois. Le délai maximum de l'article
6 sera donc de quatre mois. Le règlement d'administration publique
exigera sans doute une étude assez prolongée pour que le
danger d'une dévolution hâtive soit écarté.
III - Comment et à qui
cette dévolution doit-elle être faite ?
Le règlement
d'administration publique à intervenir déterminera la forme
juridique dans laquelle les biens seront transmis, les formalités
qui devront qui devront être observées, en particulier pour
l' inventaire qu'il faudrait dresser. L'établissement
public du culte procédera à ces formalités et cessera
immédiatement après d'exister ; l'association ou les associations
cultuelles qui recueilleront les biens pourvoieront, sans interruption,
à l'exercice du culte. L'établissement public du culte désignera,
ainsi qu'il a été dit plus haut, même en cas de compétition
entre plusieurs associations cultuelles, celle qui recueillera les biens.
Si des procès s'ensuivent, l'association à laquelle aura
été faite la dévolution restera en possession et jouissance
jusqu'au règlement du litige. C'est seulement dans le cas où
la dévolution n'aurait pas été faite dans le délai
prescrit que les biens seront, conformément au paragraphe 2 de l'article
6, placé sous séquestre par décision du président
du tribunal.
Pour déterminer
à qui les biens seront dévolus dans ces conditions, il faut
distinguer suivant leur nature et leur convenance.
Le projet de
loi (art. 4 et 5) distingue entre les biens servant directement ou indirectement
à l'exercice du culte, les biens grevés d'une fondation pieuse
et les biens grevés d'une affectation charitable ou de toute autre
affectation étrangère à l'exercice du culte.
Le patrimoine
entier des établissements publics du culte, à l'exception
des biens provenant de l'État, ou grevés d'une affectation
étrangère à l'exercice du culte, est transmis par
l'établissement public à une ou à des associations
cultuelles de son choix. Nous avons dit de quel principe la commission
s'est inspirée pour établir une semblable règle. Il
lui a paru que, d'une part, le possesseur naturel de ce patrimoine, les
communautés religieuses, ne disparaissait pas à la suppression
de l'établissement public du culte et que dès lors la théorie
des biens vacants et sans maître avait contre elle, ici, le droit
et l'équité ; elle a pensé aussi que le besoin social
pour la satisfaction duquel ce patrimoine a été constitué
existait indéniablement encore, avec des exigences impérieuses
et qu'une sage politique devait la respecter et lui laisser toute liberté
et toute satisfaction légitime.
Ce patrimoine
constitué depuis le Concordat est considérable ( en 1902
la statistique officielle appréciait à 50 290 hectares l'étendue
des immeubles appartenant aux établissements publics du culte.)
Pour la partie mobilière les documents ne sont pas précis,
mais elle est certainement de plus de 100 millions.
L'Église,
dans le nouveau régime des cultes, ne sera pas dès lors,
du jour au lendemain sans ressources. Il y a lieu d'ailleurs, dans un esprit
libéral, de s'en réjouir pour le maintien de la paix publique.
Ces biens dévolus
aux associations cultuelles seront transmis avec toutes les charges et
obligations qui les grèvent actuellement. Les fondations pieuses
devront continuer à être respectées dans toutes les
conditions suivantes lorsqu'elles ont été consenties. Le
passif des établissements publics du culte sera supporté
par les associations nouvelles dans la même mesure que l'actif.
Rien ne sera
donc changé ni dans la destination des biens ecclésiastiques
ni dans leurs modalités juridiques ; le principe est simple et facilement
applicable.
Toutefois, les
biens qui proviendront de l'État et qui ne seront pas grevés
d'une fondation pieuse retourneront à l'État.
Ce sont tous
les biens, sans distinction, pour lesquels il est ainsi disposé.
Pour les meubles "meublant", l'article 2279 du code civil sera naturellement
observé ; pour les autres dotations mobilières ou immobilières
( tout particulièrement les biens nationaux concédés
aux fabriques et menses curiales sous le premier empire), elle reviennent
à l'État.
On comprend
à merveille les raisons qui ont motivé cette disposition.
Si l'on met à part les fondations pieuses, ces biens ont été
non pas aliénés, mais concédés par l'État
pour un service public. Ce service public disparaissant, l'État
n'a plus les mêmes obligations ; il a le droit de considérer
ses concessions comme sans objet ; il reprend ses dotations, pour leur
donner une autre destination publique. On conçoit qu'au lendemain
de la séparation, chacun des contractants reprenne son apport.
Quant aux bien
grevés d'une affectation charitable ou étrangère à
l'exercice du culte ( scolaire par exemple ), il n'était pas conforme
au droit public de les transmettre aux associations cultuelles.
Le communautés
religieuse les avaient recueillis en violation du principe de la spécialité
des établissements publics ou d'utilité publique. Les avis
du conseil d'État en date des 13 avril, 13 juillet et 4 mai 1881
ont remis en vigueur ce principe, à l'application duquel échappaient
jusque là, les établissements publics des cultes. Il exige
que chaque personne morale se consacre et consacre toutes ses ressources
au sel but pour lequel elle a été constituée. Les
nouvelles associations cultuelles ne devront avoir pour objet que l'exercice
du culte. Leur patrimoine devra être entièrement affecté
à ce but. Elles n'avaient aucune qualité pour recevoir les
biens constitués par les établissements publics du culte
antérieurement à 1881.
Cependant, par
une mesure toute d'équité, le projet de loi laisse aux représentants
légaux des établissements publics des cultes le soin de transmettre
eux même les biens charitables ou autres à des services, des
établissements publics ou d'utilité publique.
Les préfets
tuteurs de ces établissements devront approuver ces attributions
ainsi que nous l'avons indiqué. Leur rôle se bornera à
examiner si la présente loi a été observée
et si le principe de la spécialité est respecté. Il
convient de faire deux remarques sur le texte même adopté
par votre commission. Elle a cru devoir admettre les établissement
d'utilité publique à bénéficier des attributions
faites en vertu de l'article 5. Les biens charitable ou autres ont été,
en effet, confiés aux établissements ecclésiastiques
par des donateurs ou légataires qui ont évidemment désiré,
par une telle mesure, les affecter au profit de leur coreligionnaires.
Les adeptes de chaque culte ayant fondé un assez grand nombre d'oeuvres
reconnues d'utilité publique, il sera possible dans presque tous
les cas, de respecter la pensée et la volonté des donateurs
des biens dévolus.
Il faut observer
aussi que l'article 3 ne limite pas aux établissements publics ou
d'utilité publique, situé dans la circonscription ou les
circonscriptions voisines de celles des établissements des cultes,
le bénéfice de ses dispositions. C'est une facilité
de plus donnée aux établissements publics des cultes de conserver
aux biens qu'ils ne peuvent transmettre aux associations cultuelles leur
destination intégrale.
Tous ces biens
seront recueillis aussi, grevés de toutes les charges et obligations
dont ils étaient affectés antérieurement à
leur transmission.
Tel est le mode
de dévolution des biens composant aujourd'hui le patrimoine des
établissements ecclésiastiques. IL sera effectué dans
les conditions que nous venons de préciser.
Il restait cependant
à prévoir deux cas. Fallait-il les actions en reprise ou
revendication des biens donnés ou légués ? Votre commission
a adopté la solution libérale ; elle a reconnu la légitimité
de ces actions. La loi de 1901 sur les associations avait pris une disposition
semblable à propos des biens possédés par les congrégationsLe
projet pose cependant une condition et une restriction au droit de revendication
: en ce qui concerne les bien grevés d'une affectation charitable
ou de toute autre affectation étrangère à l'exercice
du culte, l'action doit être exercée dans les six mois à
dater du jour de leur dévolution. Il eût été
fâcheux de laisser trop longtemps les établissements qui recevront
ces biens sous la menace d'une dépossession éventuelle au
profit des donateurs ou de leurs héritiers.
L'action en revendication ne peut être intentée que par les
auteurs mêmes de la donation ou par leurs héritiers en ligne
directe.
Pour les auteurs, c'était le droit commun ; pour leurs héritiers
on a admis qu'ils continuaient en quelque sorte leurs personne. Mais les
simples légataires ou héritiers en ligne collatérale
n'ont pas le même caractère. C'eût été
ouvertement violer la volonté expresse du donateur ou du testateur
que d'attribuer à ces collatéraux des biens dont les auteurs
les avaient délibérément privés pour leur donner
une destination bienfaisante.
En dehors de ces conditions, le projet de loi ne soumet à aucune
disposition spéciale la revendication éventuelle des dons
et legs à la suite de la transmission des biens des établissements
ecclésiastiques. Le droit commun s'appliquera, et il appartiendra
aux tribunaux, suivant les circonstances de chaque espèce, de décider
si, alors que les charges et conditions continuent à être
exécutées et qu'il s'est produit seulement un changement
dans la personne morale chargée d'y pourvoir, il y a cependant matière
à révocation.
Nous savons déjà que si plusieurs associations cultuelles
sérieuses se forment, elles pourront réclamer devant le tribunal
civil tout ou partie des biens attribués par les établissements
public du culte à l'une d'elles. Le tribunal appréciera,
en fait, quelle est celle, ou quelles sont celles, qui représentent
véritablement la collectivité des fidèles pratiquant
le même culte.
Mais cette hypothèse ne pas être seulement prévue pour
le lendemain de la promulgation de la loi. Il peut arriver aussi que, dans
la suite, une scission se produise dans une association cultuelle et donne
naissance à un conflit pour la possession et la jouissance de ces
biens. La loi serait incomplète si elle ne prévoyait pas
une aussi grave difficulté et n'indiquait pas un juge pour la trancher.
ce sera encore le tribunal civil qui statuera en pareil cas sur des éléments
d'appréciation que nous avons indiqués plus haut.
Une dernière difficulté devait être prévue et
solutionnée. IL se peut que dans la description d'un établissement
public, du culte aucune association cultuelle ne se forme. Il n'est pas
absurde de concevoir qu'en certaines régions les habitants soient
si complètement détachés des habitudes religieuses
que les sept personnes majeures et domiciliées, suffisantes pour
constituer une association, ne se rencontrent pas. Il est encore plus vraisemblable
d'admettre que dans d'autres régions ou l'esprit clérical
et combatif dominera, on pourrait chercher à faire échec
à la loi en faisant en quelque sorte la grève des fidèles
et en refusant de constituer les associations cultuelles prévues
par le projet. Il fallait bien, en pareil cas, déterminer le mode
de dévolution des biens ecclésiastiques. A qui seraient-ils
attribués ? Pour ne pas dépouiller de leur bénéfice
les régions même où ils sont actuellement possédés,
l'article 4 décide qu'à l'exception de ceux qui ne sont pas
grevés d'une fondation pieuse, ils pourront être réclamés
par la commune, à charge pour elle de les affecter à des
oeuvres d'assistance ou de prévoyance. Ainsi, à défaut
d'un usage religieux pour le maintien duquel les anciens paroissiens de
l'église n'auront manifesté aucune volonté expresse,
le patrimoine qui servait aux besoins du culte pourra en quelque manière
augmenter le bien-être des pauvres et des travailleurs. LIbres penseurs
et croyants seront unanimes à approuver une telle disposition.
Article 7
En cas de dissolution d'une association, les
biens qui lui auront été dévolus en exécution
des articles 4 et 6 seront attribués par elle à une association
analogue existant soit dans la même circonscription soit dans les
circonscriptions les plus voisines.
Faute d'attribution régulière
et dans le cas ou plusieurs associations formées légalement
pour l'exercice d'un même culte revendiqueraient les biens, l'attribution
sera faite, à la requête de la partie la plus diligente, par
le tribunal de l'arrondissement où l'association dissoute avait
son siège.
A défaut de toute association apte
à recueillir les biens de l'association dissoute, ceux de ces biens
qui ne seront pas grevés d'une fondation pieuse pourront être
réclamés par les communes dans les conditions fixées
au paragraphe 3 de l'article 4.
Il fallait prévoir
la dévolution des biens des biens des associations qui seraient
dissoutes. Les personnes morales, même religieuses, ne jouissent
pas, en fait, d'une existence infinie et les associations cultuelles peuvent
disparaître à la suite de mort naturelle ou de mort violente.
La mort naturelle sera l'effet du nombre insuffisant de membres de l'association
(art. 17) ; la mort violente sera le résultat de la dissolution
prononcée par les membres eux même ou par décision
de justice, en vertu de l'article 7 de la loi du 1er juillet 1901, ou par
application des dispositions contenues dans le projet de loi (art. 21).
Si l'on s'en
était référé purement et simplement au droit
commun, tel qu'il résulte de la loi du 1er juillet 1901 (art. 9)
et du décret du 16 août 1901 (art. 14), l'association cultuelle,
en cas de dissolution volontaire ou forcée, aurait été
libre d'attribuer, comme elle l'aurait entendu et à qui elle aurait
voulu, les biens provenant des établissements ecclésiastiques
auquel elle avait succédé. Il y aurait eu des déplacements
anormaux de capitaux dans un but ou avec des effets parfois regrettables.
Aussi a-t-il
paru prudent à votre commission de spécifier que les biens
en pareil cas seraient dévolus à une association analogue
à celle qui se dissoudrait, soit dans la même circonscription,
soit dans les circonscriptions les plus voisines. Si les associés
ne s'entendent pas sur cette attribution, elle sera opérée
en justice conformément aux règles fixées par l'article
5.
Il en sera de
même si quelque association formée pour l'exercice du culte,
et située dans les circonscriptions précitées, revendique
ces biens. La commission a estimé ici encore que ceux-ci appartenaient
plutôt à l'ensemble des fidèles d'un culte qu'aux établissements
publics et aux associations qui les remplaceront. Ces associations représentent
en quelque sorte et personnalisent le corps des coreligionnaires. Si elles
ne remplissent pas exactement le mandat tacite qui leur est comme dévolu
il faut laisser aux groupements religieux intéressés le droit
de faire valoir leurs revendications. La sauvegarde de la justice qui prononce
parait indispensable.
"Mais il fallait
aussi prévoir le cas ou aucune association cultuelle n'existerait,
capable de recueillir les biens possédés par l'association
dissoute, par suite de l'indifférence de la population ou encore
par un acte de résistance concertée à la loi.
Ceux de ces
frères qui seront grevés d'une fondation pieuse suivront
leur destination normale pour laquelle ils ont été constitués,
les autre pourront être réclamés par la commune qui
devra les affecter, sous le contrôle de l'autorité administrative,
à des oeuvres d'assistance et de prévoyance (article 5).
Article 8
Les attributions prévues par
les articles précédents ne donnent lieu à aucune perception
au profit du Trésor.
La
dévolution des biens appartenant soit aux établissements
ecclésiastiques supprimés, soit aux associations cultuelles,
a un caractère forcé. Elle a pour but de laisser à
l'ensemble des fidèles d'un culte la disposition des meubles et
immeubles constitués par ceux dont ils sont les continuateurs. Il
n'y a pas véritablement transmission de propriété
de la part d'un ancien au profit d'un nouveau propriétaire ; il
n'y a qu'un changement juridique, exigé par la loi, dans la forme
et selon les modalités de la propriété.
L'article 8
ne fait d'ailleurs qu'étendre aux attributions opérées
en vertu des articles 4, 5, 6 et 7 du projet de loi, les immunités
fiscales dont les acquisitions réalisées par voie d'expropriation
pour cause d'utilité publique bénéficient par application
de l'article 58 de la loi du 3 mai 1841.
Les actes de
toute nature se rapportant aux attributions des biens d'établissements
ecclésiastiques ou d'associations cultuelles seront donc dressés
sur papier libre et dispensés de tous droits d'enregistrement. Leur
transcription sera gratuite. La procédure devant les tribunaux
sera suivie sans frais de justice. Il n'y aura d'inscription que pour les
honoraires d'avoués.
Il faut distinguer
cependant entre la dévolution régulière, normale,
des biens faite à des associations cultuelles, et la revendication
de ces biens exercée par les héritiers en ligne directe des
donateurs.
Dans ce dernier
cas il y a véritablement changement de propriétaire au profit
d'une personne qui recueille des biens étrangers, malgré
la volonté expresse d'un donateur ou testateur ; il y a aussi changement
d'affectation de ces biens qui ne suivent plus la destination déterminée
par leur légitimes propriétaires, aucune raison de droit
ni de fait n'oblige le Trésor faire bénéficier ces
actions en revendication des dispositions de l'article 8.
Article 9
Les ministres des cultes qui compteront
vingt-cinq années de fonctions rémunérées par
l'État, les départements ou les communes, dont vingt années
au moins au moins au service de l'État, recevront une pension annuelle
et viagère égale à la moitié de leur traitement
; cette pensions ne pourront pas être inférieure à
400 fr., ni supérieure à 1.200 fr.
Les ministres des cultes actuellement
salariés par l'État, qui ne seront pas dans les conditions
exigées pour la pension recevront, pendant quatre ans à partir
de la suppression du budget des cultes, une allocation égale à
la totalité de leur traitement pour la première année,
aux deux tiers pour la deuxième, à la moitié pour
la troisième, au tiers pour la quatrième.
Les départements et
les communes pourront, sous les mêmes conditions que l'État,
accorder aux ministres des cultes actuellement salariés par eux,
des pensions ou des allocations établies sur la même base
et pour une égale durée.
Réserve et faite des droits
acquis en matière de pensions par application de la législation
antérieure. Les pensions ne pourront se cumuler avec toute
autre pension ou tout autre traitement alloué, à titre quelconque
par l'État les départements ou les communes.
Ces pensions et allocations seront
incessibles et insaisissables dans les mêmes conditions que les pensions
civiles. Elles cesseront de plein droit en cas de condamnation à
une peine afflictive ou infamante et elles pourront être suspendues
pendant un délai de deux à cinq ans en cas de condamnation
pour l'un des délits prévus aux articles 31 et 32 de la présente
loi.
Le système
que votre commission a adopté pour les pensions accordées
par mesure transitoire aux ministres du culte se différencie de
celui que le Gouvernement avait formulé dans l'article de son premier
projet. Il y a eu sur ce point transaction et accord pour la rédaction
d'un texte commun.
Le Gouvernement
divisait les ministres du culte salariés par l'État en trois
classes. Ceux qui ont trente ans d'exercice, ceux qui ont vingt ans d'exercice,
ceux qui ont moins de vingt ans d'exercice. Les premiers recevaient à
dater de la cessation de leur traitement une pension viagère annuelle
égale aux deux tiers de ce traitement. Elle ne pouvait supérieure
à 1 200 fr., ni inférieure à 400 fr.
Les seconds
auraient une pension viagère annuelle égale à la moitié
de leur traitement, mais de 400 fr. au moins et de 1 200 fr. au plus. Enfin
les derniers auraient droit pendant un temps égal à la moitié
de la durée de leurs services rétribués par l'État
à une allocation annuelle de 400 fr.
Ce système
a paru présenter certains inconvénients dont le plus gros
serait de maintenir pendant longtemps un véritable budget des cultes
nécessitant des crédits importants. On pouvait lui reprocher
aussi de ne donner aux ministre des cultes qui ont moins de vingt années
de service rémunérés par l'État, et qui sont
les plus nombreux, qu'une allocation insuffisante dès le lendemain
de la séparation des Églises et de l'État.
Sur le principe même des pensions
et allocations à accorder aux ministres du culte, il ne peut y avoir
de contestation sérieuse. sans discuter la question de savoir s'ils
sont ou non des fonctionnaires, sans chercher d'avantage s'il leur est
dû une indemnité au lendemain de la suppression de leurs services
publics, on s'accordera à admettre qu'il est juste de prévenir
les infortunes de ceux qui espéraient recevoir toujours un traitement
officiel.
Mais, d'autre part, la séparation
des Églises et de l'État ne serait qu'un vain mot pendant
longtemps, et la suppression du budget des cultes qu'une illusion, si on
était contraint durant de longues années de maintenir des
crédits considérables pour le service des pensions. Il fallait
pourtant assurer, sans contre-coup trop pénible pour les ministres
des cultes, le passage de l'ancien au nouveau régime.
La commission accorde tout d'abord
des pensions aux ministres des cultes âgés. Tous ceux qui
qui sont actuellement pensionnés continuent à jouir de leurs
droits acquis ; ils gardent leurs pensions sans les cumuler avec celles
du nouveau régime.
Ceux qui ne sont pas pensionnés
et qui ont vingt-cinq ans de services ( dont vint seulement rémunérés
par l'État) auront droit à une pension annuelle viagère
égale à la moitié de leur traitement. On a fait abstraction
de l'âge des ecclésiastiques pour n'envisager que la durée
de leurs services.
Il peut être intéressant
toutefois d'observer pour le culte catholique que, l'ordination n'ayant
lieu en principe qu'à partir de vingt-cinq ans ( décret du
28 février 1810, art. 3 et 4) les vingt ou vingt-cinq ans
de service rétribués par l'État correspondent à
un minimum de quarante ou quarante-cinq ans d'âge, inférieur
à celui qui est exigé pour les retraités civils.
Cette pension ne pourra être
inférieure à 400 fr., ni supérieure à 1 200
fr.
Si l'on tient compte de ce que les
ministres de cultes, contrairement aux autres fonctionnaires, ne subissent
sur leur traitement aucun prélèvement pour la retraite ;
si l'on calcule dans les retraites civiles, la part incombant à
l'État, en dehors de l'intérêt des sommes accumulées
à capital perdu, par chaque fonctionnaire et par prélèvement
sur son salaire, on constate que la pension ainsi proposée pour
les ministres des cultes est proportionnellement supérieure à
celle dont bénéficient les fonctionnaires civils.
Tous les autres ministres des cultes
actuellement salariés par l'État recevront dès la
suppression du budget des cultes, pendant une année leur traitement
intégral, la seconde année, les deux tiers, la troisième
année la moitié, la quatrième année le tiers.
Les sommes ainsi réparties
en quatre ans sont à peu près égales à celles
prévues par le projet du Gouvernement.
Mais le système que votre commission
vous propose à l'unanimité de ses membres, et, avec l'approbation
du Gouvernement qui s'y est rallié, a un double avantage. Le budget
important des pensions ( celui relatif aux ministres des cultes ayant au
moins vingt-cinq ans d'exercice excepté), ne sera obligatoire que
pendant quatre ans. Ainsi quatre année après le vote de la
loi, le budget de l'État sera libéré de la plus lourde
charge des crédits pour les cultes et leurs ministres.
Au point de vue fiscal, comme au point
de vue politique, il y a un intérêt de premier ordre à
ne pas perpétuer les liens qui unissent l'État aux Églises.
Plus la séparation sera nette et rapide et moins elle sera difficile
et douloureuse. Les mesures les plus radicales sont parfois les mesures
les plus habiles.
D'ailleurs elles se concilient ici
heureusement avec l'intérêt véritable des ministres
des cultes eux-mêmes. Le projet du Gouvernement accordait au plus
grand nombre pendant assez longtemps une allocation de 400 fr. Celle-ci
était absolument insuffisante pour les faire vivre. Au lendemain
de la séparation si une crise financière s'était produite
dans l'Église, les ministres en auraient souffert et l'allocation
de 400 fr. aurait été pour eux un pauvre secours.
Quant aux ministres qui désireraient
quitter le sacerdoce et trouver une situation laïque, ils n'auraient
pu avec leur trop modeste subvention aller à la recherche d'une
position convenant mieux à leurs aptitudes. Ils eussent été
liés à l'Église.
Avec l'article 9 du projet, ils recevront
la première année la totalité de leur traitement.
Pour eux il ne peut y avoir durant ce temps de crise financière.
La seconde année, les deux tiers représentant encore une
somme appréciable. Le budget des pensions et indemnités diminuera
insensiblement chaque année, et ainsi les ministres du culte passeront
sans secousse de l'ancien au nouveau régime. Peu à peu le
budget officiel sera remplacé par les dons des croyants.
Les départements ou communes
pourront, pour les ministres des cultes, salariés par eux, établir
ou accorder des pensions sur les mêmes bases que celles de l'État.
Toutes ces pensions et allocations
sont insaisissables et incessibles. Cependant elles cesseront, de plein
droit, en cas de condamnation à une peine afflictive ou infamante.
L'État ne peut s'imposer des sacrifices pour des indignes. Elles
pourront être suspendues pendant un délai de deux à
cinq ans en cas de condamnation pour des délits prévus aux
articles 31 et 32 du projet de loi.
Les tribunaux auront à apprécier,
suivant la faute et les circonstances du délit, si la suspension
doit être prononcée.
Titre III
Des édifices des cultes
Article 10
Les édifices antérieurs
au Concordat, servant à l'exercice public des cultes ou au logement
de leurs ministres , cathédrales, églises, chapelles de secours,
temples, synagogues, archevêchés, évêchés,
presbytères, séminaires, ainsi que leur dépendances
immobilières, et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment
où lesdits édifices ont été remis aux cultes,
sont et demeurent propriétés de l'État, des départements,
des communes qui devront en laisser la jouissance gratuite, pendant deux
années à partir de la présente loi, aux établissements
ecclésiastiques puis aux associations formées pour l'exercice
du culte dans les anciennes circonscriptions des établissements
ecclésiastiques supprimés.
L'État, les départements
et les communes seront soumis à la même obligation en ce qui
concerne les édifices postérieurs au Concordat dont ils seraient
propriétaire, y compris les faculté de théologie protestante.
Il ne peut être
sérieusement contesté que les églises métropolitaines
et cathédrales rendues au culte catholique en exécution du
Concordat soient la propriété de l'État ainsi que
les palais épiscopaux, archiépiscopaux, les presbytères
et les bâtiments séminaires.
La Constituante
avait fait de tous les biens ecclésiastiques - qui étaient
distingués de biens du clergé, plus exactement des bénéfices
- la propriété de l'État. Avant elle, les églises
paroissiales et les presbytères avaient un caractère
mixte, communal et ecclésiastique. La Législative remit ces
dernières aux municipalités. (Décrets des 4 et 14
septembre 1792.)
Les décrets
des 3 ventôses et 11 prairial an III, en rétablissant le libre
exercice des cultes déclarèrent à nouveau le droit
de possession des églises par les communes.
Le 3 nivôse
et 2 pluviôse an XIII, des avis du conseil d'État, approuvés
par l'empereur et exécutés comme force de loi furent solennellement
émis en ces termes :
"Le conseil d'État ... sur la question de savoir si les communes
sont devenues propriétaires des églises et des presbytères
qui leur ont été abandonnés en exécution de
la loi du 18 germinal an X est d'avis que lesdits Églises et presbytères
doivent être considérés comme propriétés
communales."
D'autres textes
ont rappelé ou proclamé les mêmes principes.
Depuis lors
le conseil d'État et la cour de cassation ont consacré dans
une jurisprudence constante ce principe "que
les églises métropolitaines et cathédrales sont propriétés
de l'État, les églises paroissiales et presbytères
sont la propriété des communes."
Les édifices
d'origine ancienne rendus aux cultes protestants lors du rétablissement
de ces cultes par application de la loi du 18 germinal an X ou attribués
au culte israélite lors de son organisation par décret du
17 mars 1808 appartiennent également aux communes.
L'article 10
fait donc une appréciation juridique et conforme aux règles
séculaires, en distinguant, pour le régime auquel seront
soumis les édifices des cultes, les immeubles religieux antérieurs
au Concordat et ceux qui sont possédés par les établissements
publics depuis le Concordat. Le droit de propriété de l'État
ou des communes n'est pas crée, il est simplement confirmé.
cette confirmation,
cette nouvelle consécration législative, n'étaient
pas inutiles. On n'aurait pas manqué de tirer argument du silence
de la loi pour contester un droit même aussi indéniable.
L'État
ne pouvait d'ailleurs abandonner aux associations cultuelles cette propriété.
Aucune raison ne permettait de diminuer ainsi le patrimoine de la société
toute entière au profit de certains groupements religieux, et surtout
n'autorisait le Parlement à faire de pareilles largesses aux dépens
des communes.
Pour les édifices
postérieurs au Concordat, votre commission a finalement décidé
de ne tracer aucune règle pour résoudre les questions de
propriété qui pourraient se poser entre l'État, les
départements et les communes d'une part et les établissements
ecclésiastiques de l'autre.
On décidera,
d'après le droit commun de propriété et spécialement
d'après l'article 552 du code civil. Les dispositions qu'on eût
pu inscrire dans la loi, n'auraient aucunement facilité la solution
de ces difficultés. Le recours à la justice ne pouvant être
évité, il n'y avait aucun intérêt à ajouter
aux règles du code civil de nouvelles stipulations.
Les tribunaux
décideront d'après les titres ou, à défaut,
par tous les modes de preuve admis en pareille matière. Les droits
des établissements des cultes, comme ceux de l'État ou des
communes, ont été ainsi mieux réservés. Les
juges trouveront dans les délibérations des conseils municipaux
et dans celles des conseils de fabrique de précieux éléments
d'appréciation.
Les édifices
servant à l'exercice des cultes ou au logement de leurs ministres,
quels qu'ils soient, qu'ils appartiennent à l'État, aux départements
ou aux communes, antérieurs ou postérieurs au Concordat,
les facultés de théologie protestantes, seront laissés
pendant deux ans gratuitement à la disposition des établissements
publics des cultes ou aux associations cultuelles qui continueront l'exercice
du culte dans les circonscriptions ecclésiastiques des établissements
publics supprimés. Les deux ans courront à partir de la promulgation
de la loi.
On a voulu ainsi,
pendant deux ans donner aux associations cultuelles toute facilité
pour se constituer, se développer et réunir, à l'abri
de toute dépense immédiate, une certaine réserve.
Si l'on tient compte de ce que, pendant un an, les ministres du culte recevront
leur traitement intégral et pendant la deuxième année
les deux tiers de ce traitement, on constatera dans quel esprit de véritable
libéralisme et de prudente politique cette disposition a été
conçue. Le lendemain de la promulgation, rien ne sera changé
en fait. L'exercice du culte sera continué sans aucune interruption.
La transformation sera juridique et de principe, avant d'être réalisée
en pratique. Aucune application brutale et inattendue ne sera de nature
à susciter une agitation ou une inquiétude chez les croyants.
Si quelques troubles se produisent, on aura le droit de les considérer
comme factices, et la responsabilité ne pourra en incomber au législateur.
Article 11
A l'expiration du délais ci-dessus
fixé, L'État, les départements et les communes devront
consentir aux associations, pour une durée n'excédant pas
cinq ans, la location des presbytères et pour une durée n'excédant
pas dix ans, la location des cathédrales, églises, chapelles
de secours, temples, synagogues ainsi que des objets mobiliers qui
les garnissent.
Le loyer ne sera pas supérieur
à 10 p. 100 du revenu annuel moyen des établissements supprimés,
ledit revenu calculé d'après les résultats des cinq
dernières années antérieures à la promulgation
de la présente loi, déduction faite des recettes supprimées
par la loi du 28 décembre 1904.
Les réparations locatives et d'entretien
ainsi que les frais d'assurance seront à la charge des établissements
et associations.
En cas d'inexécution de ces prescriptions,
la location sera résiliable.
Les associations locataires ne pourront
se prévaloir contre l'État et les communes des dispositions
de articles 1720 et 1721 du code civil. Elles pourront demander la résiliation
du bail dans le cas où le bailleur se refuserait à exécuter
les grosses réparations indispensables pour assurer la jouissance
de l'immeuble.
Les édifices
actuellement à la disposition d'établissements publics pour
l'exercice du culte et qui sont al propriété de l'État,
des départements ou des communes devront, à l'expiration
de la jouissance gratuite concédée pendant deux ans, être
loués, sur leur demande, aux associations cultuelles.
Observons tout
d'abord qu'on s'est abstenu de prescrire pour ces édifices aucune
règle d'inaliénabilité. Les monuments historiques
demeurent soumis à leur régime particulier à ce point
de vue comme à tous autres. Mais pour ceux qui ne sont point classés
à ce titre, ils font, par le fait même de l'article 2, partie
du domaine privé, et les déclarer inaliénables eût
été créer sans raison sérieuse une législation
spéciale à leur égard. Il n'y avait aucun intérêt,
au contraire, à les maintenir dans les limites du droit commun,
car l'État, les départements et les communes pourront ainsi,
selon leur libre volonté, les céder aux associations cultuelles.
Pendant dix
ans, ces édifices seront loués ainsi que leur mobilier moyennant
un prix extrêmement modéré qui peut être abaissé
jusqu'à un chiffre de pur principe, et qui ne peut dépasser
10 p. 100 du revenu annuel moyen des établissements supprimés,
ce revenu calculé d'après le résultat des cinq dernières
années. On déduit même, et c'est justice, les recette
supprimées par la loi du 28 décembre 1904. Ainsi, pour une
fabrique dont le revenu moyen aurait été de 3 000 fr., le
loyer ne pourra pas être supérieur à 300 fr.; il pourra
être abaissé au gré des parties jusqu'à 1 fr.
Les cas de loyers
fictifs ainsi consentis à des établissements publics ou des
oeuvres d'utilité publique ou d'intérêts collectifs,
sont nombreux. Il ne fallait pas le jour même de la fondation d'une
association cultuelle lui imposer des dépenses trop fortes qui eussent
risqué souvent d'en faire une institution mort-née. Il ne
fallait pas surtout, dès l'instant où l'on reprenait les
édifices servant à l'exercice du culte depuis de longs siècles,
sans rémunération aucune, donner à cet acte de reprise
un caractère vexatoire. CEtte période de dix ans, pendant
laquelle on pourra réclamer aux associations un loyer, modeste pour
les édifices mis à leur disposition, suffira dans la plupart
des cas pour permettre ces associations de se développer et de faire
face à toutes les charges qui, dans la suite, pourraient légitimement
leur être imposées.
Elle est prévue
pour tous les édifices sans exception, affectés au culte
: cathédrale, église, chapelles de secours, temples et synagogues.
Les archevêchés,
évêchés, séminaires, facultés de théologie
protestantes ne bénéficient pas de ces dispositions.
Il a paru à
votre commission qu'aucune raison de principe ni de politique ne permettait
après deux ans de jouissance gratuite, de les comprendre dans un
régime d'exception et de faveur. Toutefois, par un sentiment de
bienveillance à l'égard des paroisses et de leurs desservants,
les presbytères seront loués pendant cinq ans aux associations
cultuelles d'après les règles déterminées pour
les édifices du culte. En raison du faible traitement accordé
aux curés, pasteurs et rabbins, on ne pouvait leur imposer du jour
au lendemain la charge d'un loyer élevé.
Durant la jouissance
gratuite de la période de location de tous ces immeubles, les réparations
locatives et d'entretien, ainsi que les frais d'assurance, seront à
la charge des établissements et des associations. Il faut éviter
que par l'insouciance et l'incurie des directeurs des associations, les
propriétaires des immeubles assistent impuissants à la dépréciation
de leur propriété. C'est pourquoi, si l'association locataire
laisse dépérir volontairement les immeubles qu'on lui a cédés
à bail pour un loyer aussi modeste, la location sera résiliable.
Les tribunaux apprécieront en fait s'il y a eu faute lourde commise.
Les grosses
réparations restent à la charge de l'État ou des communes.
Mises à la charge des associations cultuelles elles auraient entraîné
pour elles des dépenses considérables auxquelles, dans bien
des cas, ces associations récentes n'auraient pu suffire et qui
ont finalement paru à votre commission inconciliables avec la jouissance
de courte durée prévue dans le projet de loi. Il eût
été aussi excessif de cumuler cette charge avec le loyer
exigé des établissements et associations. Mais votre commission
a jugé qu'étant donné la modicité de ce loyer,
il serait raisonnable de laisser à la charge des associations, en
outre des réparations locatives, celles d'entretien. C'est une exception
au droit commun. Mais le droit commun, si on l'invoque, laisse au propriétaire
le libre choix du locataire avec le plein droit de fixer le prix de ses
loyers. Il les calcule d'après ses charges et les réparations
d'entretien ne sont pas la moindre. En enlevant à l'État
et aux communes tous les droits, tous les avantages de la propriété,
eût-il été juste de ne leur laisser que les inconvénients
?
Votre commission
n'a pas cru devoir imposer les grasses réparations à l'État
et aux communes. Ils n'y procéderont que s'ils considèrent
que tel est leur intérêt. On a, dans ce but, apporté
une dérogation aux articles 1720 et 1724 du code civil. Mais l'équité
exigeait que les associations locataires ne fussent pas contraintes de
respecter leur bail si l'on négligeait d'effectuer les grosses réparations
nécessaires pour assurer la jouissance de l'immeuble.
Dans ce cas, le bailleur
serait considéré comme violant à l'égard du
locataire les bases mêmes du contrat et ce dernier pourrait réclamer
la résiliation du bail.
Nous verrons
à l'article 17 que des crédits sont prévus au budget
de l'État et des communes pour ces grosses réparations.
Article 13
Les édifices du culte, dont les
établissements ecclésiastiques seraient propriétaires,
seront, avec les objets mobiliers les garnissant, attribués aux
associations dans les conditions déterminées par le titre
II
Article 14
Quand plusieurs associations légalement
formées formées pour l'exercice du même culte réclameront
la jouissance ou la location des mêmes édifices et objets
mobiliers, il sera pourvu au règlement du litige par le tribunal
civil du ressort.
Ces articles
se bornent à assimiler les édifices du culte et les objets
mobiliers qui les garnissent, appartenant aux établissements ecclésiastiques,
aux autres biens de ces établissements dont la dévolution
est réglée par le titre II
Pour la clarté
de la loi, il était indispensable de distinguer entre les biens
ordinaires dont les établissements ecclésiastiques publics
ont aujourd'hui la possession ou la disposition, et les édifices
du culte. Il était nécessaire, pour ceux de ces derniers
qui appartiennent à ces établissements, de les soumettre
expressément au même mode de dévolution
que les biens ordinaires. Le silence du texte sur ce point aurait suscité
des interprétations diverses.
Article 15
Les objets mobiliers ou les immeubles
par destination mentionnés aux articles 10 et 13, qui n'auraient
pas encore été inscrits sur la liste de classement dressée
en vertu de la loi du 30 mars 1887, sont, par l'effet de la présente
loi, ajoutés à ladite liste. Il sera procédé
par le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts, dans le délai
de trois ans, au classement définitif de ceux de ces objets
dont la conservation présenterait, au point de vue de l'histoire
ou de l'art, un intérêt suffisant. A l'expiration de ce délai,
les autres objets seront déclassés de plein droit.
En outre, les immeubles et les objets
mobiliers, attribués en vertu de la présente loi aux associations,
pourront être classés dans les mêmes conditions que
s'ils appartenaient à des établissements publics.
Il n'est pas dérogé,
pour le surplus, aux dispositions de la loi du 30 mars 1887.
C'est
par soucis de l'intérêt historique et artistique qui s'attache
aux édifices et aux objets servant au culte que cette disposition
a été inscrite dans le projet de loi.
Les chefs d'oeuvres
que nous ont légué les siècles passés font
partie du patrimoine artistique de la nation et le devoir du législateur
est d'en assurer l'intégrale conservation.
Les monuments
par lesquels l'art religieux a caractérisé à chaque
époque lointaine une forme spéciale de beauté : les
statues, les tableaux, les meubles, "trésors" de toute sorte qui
ornent encore nos églises où ils ont été accumulés
par des milliers d'artistes disparus, doivent être protégés
contre toute atteinte et toute dilapidation.
Il était
utile, pour réaliser ce but, de compléter ici la loi du 30
mars 1887.
Les édifices
du culte qui appartiennent à l'État ou aux communes ne courent
aucun risque. Tous ceux qui présentent un intérêt historique
ou artistique ont été classés.
Il n'en est
pas de même des objets qui les garnissent. Un grand nombre de ces
objets n'ont pas été classés et l'on ne saurait songer
à leur appliquer, au lendemain de la séparation, la procédure
ordinaire de classement qui est assez longue et assez compliquée.
Par mesure générale, il a paru à votre commission
qu'il était prudent de classer provisoirement en bloc, par l'effet
même de la loi, en vue d'en empêcher l'aliénation, la
détérioration ou la perte, les objets mobiliers et les immeubles
par destination loués aux associations cultuelles. Dans un délai
de trois ans on fera la révision et le classement régulier,
et tout ce qui n'aura pas été classé définitivement
se trouvera déclassé de plein droit.
Dans la législation
actuelle, les biens appartenant à des particuliers ou même
à des établissements d'utilité publique, ne peuvent
être classés sans le consentement du propriétaire (
loi du 30 mars 1887, art. 3). La loi sur ce point aurait donc été
mise en échec : on se serait trouvé en tout cas en présence
de dispositions inconciliables.
Aussi la commission
a-t-elle ajouté que les immeubles et les objets mobiliers attribués
aux associés pourraient être classés dans les conditions
déterminées au paragraphe 1er de ce même article, comme
s'ils appartenaient à des établissements publics.
En dehors de
ces dispositions spéciales, la loi du 30 mars 1887 s'applique avec
toute sa force.
Titre IV
Des associations pour l'exercice des cultes
Article 16
Les associations formées pour
subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public
d'un culte devront être constituées conformément aux
articles 5 et suivants de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en
outre, soumises aux prescriptions de la présente loi, sous réserve
des dispositions ci-après .
L'article 2
du projet abolit le régime actuel des cultes et fait pour ainsi
dire table rase de l'organisation légale des églises. Sous
quelles formes celles-ci allaient-elles renaître ; fallait-il créer
pour elle une législation spéciale ?
Votre
commission n'a pas cru devoir entrer dans cette voie ; elle n'a pas hésité
à adopter la solution la plus libérale et, dès le
premier article du titre IV, elle soumet les associations religieuses au
droit commun. Suivant cette règle celui-ci sera-t-il adapté
aux formes particulières de chaque culte ? Quelles exceptions doit-on
apporter aux règles générales en tenant compte à
la foi de l'intérêt de l'ordre public et de celui des cultes
? C'est ce que nous verrons à propos des divers articles de ce titre
IV.
Mais, s'il y
a des exceptions inévitables, il n'y a pas de régime exceptionnel.
La loi des associations qui aura qui aura été la préface
de la séparation des Églises et de l'État en sera
aussi la charte. Dans tous les cas où la loi présente n'aura
pas statué, c'est la loi de 1901 qui devra servir de règle
pour tout ce qui concerne l'organisation des associations religieuses.
La loi doit
laisser les Églises, et c'est pour elles une liberté aussi
essentielle que la liberté du culte, s'organiser selon leurs tendances,
leurs traditions et leur gré. La constitution de chacune d'elles
est adéquate à ses principes et comme la conséquence
de ses dogmes. Intervenir dans cet organisme serait dans bien des cas -
nous le montrerons plus particulièrement à propos de l'article
18 - s'immiscer dans l'expression ecclésiastique des croyances religieuses.
Il faut prendre garde aussi que toutes les dispositions transitoires de
la loi seront dans quelques années lettre morte et n'appartiendront
qu'à l'histoire ; il ne restera en vigueur que l'application de
ces deux principes : liberté de conscience et liberté d'association.
Le second est le corollaire du premier.
Le projet a
eu pour but de laisser ainsi les communautés cultuelles, s'organiser
librement pour l'accomplissement intégral de leur but strictement
religieux. Aucune des exceptions admises ne peut apporter à leur
oeuvre, ainsi définie et limitée, aucune entrave : il n'en
est pas qui puisse les gêner en aucune manière dans leur indépendance.
Les associations
cultuelles doivent être, en effet, des associations déclarées,
en conformité avec les articles 5 et suivants de la loi du 1er juillet
1901. Cette obligation est inévitable puisqu'en vertu de l'article
17, elles jouissent de la personnalité civile et de la capacité
juridique.
Article 17
Elles devront être composées
au moins de sept personnes majeures et domiciliées ou résident
dans la circonscription religieuse et avoir et avoir exclusivement pour
objet l'exercice d'un culte.
Elles pourront recevoir, en outre,
des cotisations prévues par l'article 6 de la loi du 1er juillet
1901, le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte,
percevoir des rétributions : pour les cérémonies et
services religieux même par fondation ; pour la location des bancs
et sièges ; pour la fourniture des objets destinés au service
des funérailles dans les édifices religieux et à la
décoration de ces édifices.
Elles pourront verser, sans donner
lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à
d'autres associations constituées pour le même objet.
Elles ne pourront, sous quelque
forme que ce soit, recevoir des subventions de l'État, des départements
et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions
les sommes que l'État, les départements et les communes jugeront
convenable d'employer aux grosses réparations des édifices
du culte loués par eux aux associations.
L'article 17
détermine certaines règles spéciales aux associations
cultuelles et dont les unes sont extensives, les autres restrictives du
droit commun. Elles procèdent toutes d'un juste souci de la liberté
des Églises et de l'ordre public.
La première
règle est relative à la composition des associations. Elles
ne seront légalement formées que si elles comptent sept membres
au moins, majeurs, domiciliés ou résidant dans la circonscription
religieuse.
Il faut, en
d'autres termes, que l'association soit sérieuse. Comment aurait-on
pu attribuer les biens appartenant aux établissements publics du
culte, comment aurait-on pu conférer les droits qui découlent
du projet de loi, à une association fantôme de moins de sept
membres ? La condition de domicile ou de résidence n'est pas moins
indispensable.
Quelques étrangers
à la circonscription auraient pu fonder une association dans le
but secret, en acquérant les biens ecclésiastiques, d'exercer
une influence prépondérante sur toute une région.
Il y aurait eu lieu de craindre que cette influence ne fût pas exclusivement
religieuse. L'intrusion de ces associés auraient été
de nature parfois à spolier de tout ou partie de leurs droits les
associations locales. Quelques personnes aussi auraient pu trouver dans
la loi le moyen, par leur inscription à un grand nombre d'associations,
d'exercer une action illégitime.
L'association
doit être sérieuse par son caractère et sa composition.
On ne saurait considérer comme telle une association qui n'aurait
pas, en fait, pour but certain l'exercice du culte dont elle se réclame.
Donc, pour être conforme à la loi, il faut qu'elle puisse
réaliser ce but. C'est ainsi qu'on ne peut concevoir une association
catholique qui n'aurait pas pas à sa disposition un prêtre,
ou une association israélite sans rabbin.
Mais il ne suffisait
pas de dire que par leurs membres et leur objet les associations doivent
être sérieuses et sincères et non pas la caricature
ou la contrefaçon d'un groupement religieux, il fallait aussi les
limiter dans leur action. Sous le couvert de la religion, elles auraient
pu cacher des intentions suspectes. Aussi l'article 17 dispose-t-il qu'elles
doivent avoir pour but exclusif l'exercice d'un culte. Elles sont appelées
à bénéficier des établissements ecclésiastiques
et à jouir des édifices du culte appartenant à l'État
ou aux communes ; il est naturel qu'elles soient limitées à
l'objet qui leur vaut ces avantages et qu'elles ne puissent utiliser ces
biens et ces édifices pour une autre destination.
Elles ont aussi
une capacité plus étendue que les associations ordinaires
déclarées. cette extension sans laquelle les Églises
ne pourraient ni vivre ni se développer, ne leur est accordée
qu'en raison de leur caractère cultuel. Elle ne doit pas servir
à d'autres fins que celle en vue de laquelle elle est instituée.
Le second paragraphe
de cet article énumère les diverses sources de revenu des
associations. Celles qui sont prévues explicitement par la loi de
1901 n'auraient pas suffi pour assurer la continuation de l'exercice des
cultes ; d'autres pouvaient apparaître excessives, et qu'il fallait
cependant conserver par respect pour les pratiques religieuses.
Aussi votre
commission vous convie-t-elle à décider que les associations
cultuelles pourront recevoir d'autres fonds que les cotisations de leurs
membres. Ces dernières ne leur fourniraient pas des moyens suffisants
d'existence.
Ces ressources
nouvelles seront les quêtes et collectes, limitées à
leur objet : les frais du culte. Il s'agit ici de dons manuels qui, d'après
la jurisprudence, sont distingués des dons et legs pour lesquels
une autorisation est nécessaire.
Ces quêtes
et collectes ne sont pas limitées quant aux endroits où elles
peuvent être faites. On n'a pas cru devoir les prohiber, comme il
avait été proposer, en dehors des édifices consacrés
à l'exercice des cultes, car, au lendemain de la séparation,
tout local pourra, moyennant une déclaration préalable, servir
à cet exercice. N'y aurait-il pas dès lors quelque illogisme
alors que le culte peut être célébré partout,
à localiser en certains endroit les quêtes et collectes ?
Du reste, pareille prohibition fût restée vaine. On ne peut
saisir ni surprendre nulle part les dons manuels ; et, en définitive,
pourquoi empêcher ceux qui, malades, infirmes ou même non pratiquants
personnellement, ne fréquentant pas les églises de participer
cependant s'ils le veulent, a des collectes pour l'entretien du culte ?
Les associations
pourront aussi percevoir des rétributions pour les cérémonies
et service religieux. Il y a là rémunération d'un
service demandé et reçu.
Les fondations
pour les mêmes objets sont également autorisées. Il
s'agit ici de fondations pour cérémonies religieuses et messes.
C'eût
été blesser gravement les sentiments intimes de ceux
qui, de leur vivant ou après eux, veulent assurer la célébration
de certaines cérémonies ( comme messes pour les morts, etc.)
que d'interdire ces fondations. Elle n'ont rien de contraire à l'ordre
public et leur objet est nettement délimité. Les associations
cultuelles n'ayant pas la capacité de recevoir des dons et legs,
cette exception en faveur des fondations était indispensables. La
question de savoir si ces fondations représentent simplement le
prix des services et des cérémonies, sera une question d'espèce,
car, après la séparation, il n'y aura plus, comme aujourd'hui,
des tarifs d'oblation approuvés par le gouvernement (loi du 18 germinal
an X, art. 69). La rémunération des services et cérémonies
sera libre sous la seule condition de ne pas dissimuler une libéralité.
Le droit de
puiser d'autres ressources dans la location des bancs et siège,
la fourniture des objets destinés au service des funérailles
dans les édifices religieux et à la décoration de
ces édifices est simplement le maintien du droit acquis qui passe
des fabriques et consistoires aux associations cultuelles. Il faut noter
cependant que ma séparation entraînera la suppression de la
tarification officielle existant actuellement pour le service intérieur
des pompes funèbres.
La commission
n'a pas cru devoir accorder aux associations cultuelles la faculté
de recevoir des donations et des legs. Elle a redouté la création
de puissance financière excessive.
En possession
de capitaux trop considérables et de ressources trop abondantes,
les associations religieuses auraient pu multiplier les lieux de culte
et augmenter hors de proportion le nombre des membres du clergé.
Il eût été à craindre que l'influence acquise
à prix d'argent ne restât pas strictement religieuse. Il n'était
pas inutile non plus, dans l'intérêt même des familles,
de faire obstacle aux tentatives de captation.
Les biens religieux
dont la manifestation demeure libre amèneront des ressources correspondantes.
La religion ne doit pas se maintenir par les héritages des morts,
mais par les libéralités volontaires des vivants. C'est la
règle des fidèles qui fera vivre l'Église et qui réglera
l'étiage de sa fortune.
Il faut aussi
observer que la loi du 1er juillet 1901 a entendu faire de la capacité
de recevoir des dons et legs un privilège exclusivement attaché
à la reconnaissance d'utilité publique. Or, sous le régime
de la séparation, sous peine de contradiction flagrante, il faut
conserver aux associations cultuelles un caractère purement privé.
Nulle autre
source de revenus que celles que nous venons d'énumérer ne
pourra être utilisée par les associations cultuelles. Elle
ne pourront recevoir aucune subvention de l'État, des départements
ou des communes.
Les crédits
inscrits aux budgets affectés aux grosses réparations des
édifices religieux n'ont pas ce caractère de subvention.
Nous savons qu'ils ne sont alloués que pour assurer la conservation
de ces édifices dans l'intérêt des propriétaires.
Les fonds recueillis
par chaque association cultuelle, peuvent, dans certains cas dépasser
les besoins de cette association et dans d'autres être insuffisant.
Il n'est pas
douteux en fait, qu'une solidarité étroite unit les diverses
paroisses. La loi qui eût empêché les plus riches de
secourir les pauvres, et l'opulence des uns de venir en aide à la
pénurie des autres, eût été véritablement
injuste. Pour les minorités religieuses cette raison est plus sensible
encore. Les israélites, par exemple, sont très groupés
et très riches en certaines villes ; dans d'autres, ils sont très
peu nombreux et de condition modeste. Pourquoi interdire à la communauté
riche de venir en aide, pour l'exercice du culte, aux communautés
moins favorisées ? Aussi l'article 17 décide-t-il, que, sans
donner lieu à perception de droit, le surplus des recettes d'une
association pourra être versé à une autre association
ayant le même objet.
Il y a même
intérêt d'ordre public à permettre ainsi aux associations
cultuelles de dépenser au jour le jour leurs ressources au lieu
de thésauriser.
Cette dernière
disposition de l'article 17 ne présente donc que des avantages.
Article 18
Ces associations peuvent, dans les formes
déterminées par l'article 7 du décret du 16 août
1901, constituer des unions ayant une administration ou une direction centrale
; ces unions seront réglées par les articles 16 et 17 de
la présente loi.
Cette importante
disposition se différencie du projet primitivement déposé
par le Gouvernement.
Celui-ci autorisait
aussi des unions ayant une direction ou administration centrale, mais déclarait
que les unions étendues sur plus de dix départements
seraient dépourvues de toute capacité juridique.
L'article 18,
que votre commission a cru devoir, à diverses reprises, maintenir
dans son projet, décide au contraire, que les unions d'associations
cultuelles auront la même capacité juridique que les associations
elles-mêmes, capacité définie et délimité
par les articles 16 et 17.
Le motif qui
pourrait inspirer une limitation de capacité pour les unions d'associations
est simple : on redoute, non pas tant pour les minorités religieuses
trop peu nombreuses, que pour les grandes unions ou l'union générale
des associations catholiques, une accumulation de ressources considérables
en même temps qu'une puissance sociale incompatible avec le souci
de l'ordre public.
Votre commission
n'a pas cru pouvoir sacrifier à cette inquiétude les considérations
d'équité élémentaire qui militent en faveur
du droit pour les associations de se fédérer.
S'il est, en
effet, une liberté que la loi doive accorder aux églises,
c'est la liberté d'organisation. Dans toutes les dispositions légales
relatives au droit des associations cultuelles, le principal souci du législateur
doit être de respecter les principes ecclésiastiques de toutes
les communautés religieuses existant actuellement.
Il n'eût
été ni juste ni loyal de refuser aux associations cultuelles
la faculté de s'organiser selon des formations qui tiennent aux
règles essentielles de l'Église et à sa constitution
même. C'eût été faire obstacle à l'exercice
de la religion et, par là, porter la plus grave atteinte à
la liberté de conscience. L'Église catholique, en effet,
n'est pas seulement divisée en paroisses ; elle l'est aussi en diocèses.
Cette dernière formation, pour subsister, implique forcément,
au profit des associations paroissiales, le droit de se fédérer
par région diocésaine. Or, tous les diocèses sont
reliés hors de France par une direction unique bien autrement redoutable
que celle qui pourrait venir de l'association nationale. Alors, à
quoi servirait-il d'interdire celle-ci, et comment le pourrait-on ? Ne
serait-il pas, au contraire, plus dangereux encore de ne permettre aux
associations de ne prendre contact qu'à Rome pour toute l'administration
des affaires ecclésiastique de France ?
Raisonnablement,
il n'était pas possible de refuser à l'Église ce large
droit d'association. Mais, le lui accordant, il devenait indispensable
de prendre des précautions sérieuses contre l'abus qu'elle
serait tenté d'en faire. Ces précautions, elles sont d'abord
dans l'impossibilité pour l'Église de constituer une caisse
noire par l'accumulation illimitée de capitaux. Le projet fait obstacle
à la mainmorte par l'interdiction aux associations des cultes de
posséder au-delà d'un capital déterminé, calculé
d'après les besoins annuels normaux de la circonscription religieuse.
Comme garantie de sécurité, c'est beaucoup. Mais il y a,
en outre, au titre de la police des cultes, des dispositions visant
les abus que pourrait faire l'Église des libertés qui lui
sont octroyées. Si les temps héroïques sont passés,
le temps des martyrs l'est aussi. Malgré les excitations des meneurs,
les membres du clergé français, avant de violer la loi, hésiteront
devant les pénalités à encourir.
Observons, en
outre, que, pour que les Églises protestantes, le droit d'union
s'imposait. En fait, elles sont dispersées et disséminées
dans la France entière. De nombreux départements ne comptent
que quelques centaines de fidèles. Agglomérés dans
certaines grandes villes comme Paris, Nîmes, Lyon, ils sont répandus
dans toutes les autres régions en nombre extrêmement faible.
L'Église
protestante de beaucoup la plus nombreuse, l'Église réformée
de France, ne compte au total que la moitié environ d'adeptes du
diocèse catholique le moins peuplé. Le protestantisme aussi,
par son principe de libre examen, a provoqué la création
de nombreuses petite communautés indépendantes de 1 000,
2 000, et la plus nombreuse 20 000 membres dispersés par groupe
parfois de 10 ou de 100 fidèles. A défaut d'union générale
et de caisse centrale, constituée pour donner un centre commun à
cette poussière de paroisses, la plupart seraient condamnées
à disparaître et se déclareraient légitimement
en butte à de véritables mesures d'oppression religieuse.
Le budget des
cultes constitue actuellement pour toutes les Églises protestantes
reconnues le centre commun indispensable. Le jour de son abrogation, il
faudra le remplacer.
Mais en droit,
plus encore qu'en fait, les protestants réclament avec raison l'union
générale pour la conservation de leur constitution séculaire.
Elle l'ont toutes
établies sur des bases semblables. La plus importante, l'Église
réformée, a, ainsi que nous l'avons expliqué, une
organisation parlementaire et démocratique. La paroisse nomme au
suffrage universel son ou ses pasteurs et représentants ( conseil
presbytéral). Les conseils presbytéraux nomment les délégués
au consistoire. Au dessus du consistoire se trouve le synode régional,
et, enfin, l'Église entière est gérée par un
synode national, dont la légalité a été reconnue
par avis solennel du conseil d'État. Ce synode national où
les laïques sont en majorité, a tous les pouvoirs d'un véritable,
ecclésiastique et financier. L'anéantir serait priver l'Église
réformée de ce qui forme sa caractéristique particulière.
Louis XIV, seul, par la révocation de l'édit de Nantes, a
cru devoir le faire. L'union générale avec sa capacité
juridique peut seule respecter la constitution protestante en ce qu'elle
a d'essentiel et de caractéristique.
Les israélites,
tout aussi dispersés et possédant aujourd'hui légalement
un consistoire central, réclament à juste titre, les mêmes
dispositions, non pas bienveillantes, mais simplement équitables.
Et si l'on songe
que demain des dissidents catholiques, protestants ou israélites,
des adeptes de religions nouvelles, peuvent fonder des associations cultuelles
; si l'on prévoit que leurs adhérents seront au début
recrutés un peu parmi tous les fidèles de France sur tout
le territoire, et vraisemblablement peu nombreux dans un premier temps,
on devra conclure que pour permettre la naissance et le développement
de ces nouvelles associations cultuelles, il faut leur donner le droit
de fonder, alors qu'elles sont faibles encore, leur foyer commun et leur
budget commun.
Tout le monde
reconnaît que ce qui est accordé aux uns doit l'être
à tous ; c'est pourquoi, sans distinction de confession religieuse,
votre commission a cru devoir admettre les unions générales
d'associations cultuelles avec capacité juridique.
Pour en revenir
à l'Église catholique, si les militants parmi les fidèles
voulaient exercer un rôle politique et social, ils ne le feraient
pas par le moyen d'associations cultuelles, mais par le moyen d'associations
ordinaires qui, elles, ont bien sans limitation le droit de se fédérer.
Le projet tel
qu'il est conçu ne leur permettrait pas sans danger d'agir avec
succès sous le couvert de communautés religieuses. Nous le
répétons, trop de précautions sont prises à
cet effet.
Au point de
vue financier, les ressources des associations cultuelles ne proviennent
que de certains revenus spécialisés.
Ceux-ci doivent être affectés
uniquement à l'exercice du culte. Les associations ne peuvent recevoir
ni dons ni legs. Leurs comptes sont soumis à un contrôle financier
et précis, éclairé et sévère.
La violation des règles financières
peut entraîner la dissolution de l'association.
Au pont de vue politique et social,
les associations ne peuvent servir à d'autres fins que l'exercice
du culte. Leurs actes collectifs sont soumis à des règles
très strictes : ni elles-mêmes, ni leurs directeurs ou ministre
ne peuvent poursuivre un but différent de celui qui est déterminé
par leurs statuts. Les paroles même de ces ministre encourent dès
qu'elles sont subversives des pénalités sévères.
Toute contravention peut entraîner la dissolution de l'association
ou de l'union.
En présence de telles mesures
et de précautions aussi minutieuses on est en droit de dire que
le danger qui pourrait résulter de l'union générale
d'associations trop nombreuses ou trop riches est, sinon illusoires, au
moins très atténué.
Il n'est pas tel que l'on doive limiter
les fédérations des associations catholiques et briser l'organisation
traditionnelle des minorités religieuses ; le maintien de l'union
des associations avec la capacité juridique prévue par le
projet de loi s'impose donc au législateur. Le Gouvernement s'est
rallié, sur ce point encore, aux vues de la commission.
Article 19
Les associations et les unions tiennent
un état de leurs recettes et de leurs dépenses ; elles dressent
chaque année le compte financier de l'année écoulée
et l'état inventorié de leurs biens, meubles et immeubles.
Le contrôle financier est
exercé sur les associations par l'administration de l'enregistrement
et sur les unions par la cour des comptes.
Dans le but
de maintenir les règles édictées par le projet de
loi, le mode de perception et l'affectation des ressources des associations
cultuelles, la commission a pris des dispositions pour que leurs comptes
soient dressés et contrôlés avec soin.
Les associations
et les unions noteront toute recettes et dépenses, feront annuellement
l'inventaire complet de leurs biens, meubles et immeubles, et le compte
financier de l'année écoulée.
L'administration
de l'enregistrement, pour les associations, vérifiera et contrôlera
toute cette gestion financière. Elle dressera des procès-verbaux
pour les infractions à la loi. Le contrôle des unions d'associations
sera exercé par la cour des comptes. Les associations cultuelles
trouveront dans l'administration de l'enregistrement et à la cour
des compte tous les éléments d'une vérification éclairée
et juste.
Article 20
Les associations et unions peuvent employer
leurs ressources disponibles à la constitution d'un fonds de réserve
dont le montant pourra jamais dépasser la moyenne annuelle
des sommes dépensées pendant les cinq derniers exercices
pour les frais et l'entretien du culte .
Indépendamment de cette réserve,
qui devra être placée en valeurs nominatives, elles pourront
constituer une réserve spéciale dont les fonds devront êtres
déposés à la Caisse des dépôts et consignations
pour y être exclusivement affectés, y compris les intérêts,
à l'achat, à la construction, à la décoration
ou à la réparation d'immeubles ou meubles destinés
aux besoins de l'association ou de l'union.
La
loi du 1er juillet 1901, permettant par son article 6, aux associations
d'administre les sommes qu'elles sont admises à recevoir, leur a
concédé la faculté de se constituer des fonds de réserve,
et comme ces fonds ne sont alimentés qu'au moyen de ressources étroitement
limitées, ils n'ont pas été limités eux-mêmes.
La capacité
de recevoir des associations cultuelles étant plus étendue,
il devenait nécessaire de prévoir un maximum pour ce fonds
de réserve. Tel est l'objet de l'article 20. Le fonds de réserve
est tel qu'il puisse permettre à une association cultuelle de vivre,
au besoin, une année entière sans rien recevoir des fidèles.
Il peut atteindre la moyenne annuelle des sommes dépensées
pendant les cinq derniers exercice pour les frais et l'entretien du culte.
Il faut remarquer
que cette réserve éventuelle, constituée par les excédents
de recettes annuels, est indépendante du capital provenant des biens
qui auront été dévolus à l'origine par les
établissements publics des cultes.
Les fonds de
la réserve seront placés en valeurs nominatives afin que
le montant global en puisse être facilement contrôlé.
Mais ces ressources
n'auraient pas suffi. En dehors de l'exercice du culte les associations
pourront parfois se trouver en présence de dépenses considérables
pour l'acquisition, la réparation ou la décoration des immeubles
nécessaires au but de l'association.
A cet effet,
la loi autorise la constitution d'une réserve spéciale à
la caisse des dépôts et consignations.
Il n'est peut-être
pas inutile de remarquer que le patrimoine légal des associations
actuelles pourra être beaucoup plus considérable que celui
des associations de droit commun et des syndicats professionnels (Loi du
21 mars 1884)
Article 21
Seront passibles d'une amende de 16
à 200 fr., et d'un emprisonnement de six jours à trois mois,
ou de l'une de ces deux peines, les directeurs ou administrateurs d'une
association ou d'une union qui auront contrevenu aux articles 16, 17, 18,
19 et 20.
Les tribunaux pourront, dans le
cas d'infraction au paragraphe 1er de l'article 20, condamner l'association
ou l'union à verser à l'État l'excédent constaté
par le contrôle financier.
Ils pourront, en outre, dans
tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent article,
prononcer la dissolution de l'association ou de l'union.
Les
associations cultuelles fonctionnent librement ; elles sont soustraites,
dans l'accomplissement de leurs actes à tout contrôle préventif.
Dès lors,
la seule manière d'assurer le respect des dispositions des articles
16, 17, 18, 19 et 20 était d'organiser un système répressif.
C'est d'ailleurs le système le plus libéral qui ne présume
pas la fraude à la loi et qui laisse le maximum de liberté
aux associations qu'il régit.
Ce sont les
directeurs et administrateurs qui seront rendus responsables des infractions
commises.
Lorsque la réserve dépassera
le chiffre légal, les tribunaux pourront condamner l'association
ou l'union à verser à l'État l'excédent constaté.
Mais ce n'est qu'une faculté. On pourra obliger l'association à
le dépenser immédiatement pour l'exercice du culte ou le
transmettre à une autre association. similaire.
Dans les cas les plus graves, lorsque
les infractions seront telles que l'existence de l'association et de l'union
paraîtra
constituer un danger pour l'ordre public, les tribunaux pourront en prononcer
la dissolution.
Article 22
Les biens meubles et immeubles, propriété
des associations et unions, sont soumis aux mêmes impôts que
ceux des particuliers.
Ils ne sont pas assujettis à la
taxe d'abonnement ni à celle imposée aux cercles par l'article
33 de la loi du 8 août 1890.
Toutefois les immeubles appartenant aux
associations et unions sont soumis à la taxe de mainmorte.
L'impôt de 4 p. 100 sur le revenu
établi par les lois du 28 décembre 1880 et du 29 décembre
1884 ne frappe pas les biens des associations déclarées pour
l'exercice et l'entretien du culte. Il est transformé en une taxe
de statistique de 1 centime p. 100 fr., perçue sur le revenu des
titres et valeurs mobilières desdites associations.
La commission
a entendu par l'article 22 soumettre les immeubles les immeubles appartenant
aux associations cultuelles ou aux unions d'associations aux mêmes
impôts que les immeubles appartenant aux particuliers et à
un impôt spécial : la taxe de mainmorte.
Il n'y avait
aucune raison pour leur imposer la taxe d'accroissement prévue par
les lois des 28 décembre 1880, du 29 décembre 1884 et du
16 août 1886. En effet, le but des associations n'est pas lucratif.
Elles ne peuvent accumuler de capitaux. Il n'y a point de bénéfices
répartis flectivement ou réellement entre leurs membres ni
aucune clause de réversibilité dans l'intérêt
des membres restants. On ne pourrait les assimiler à des congrégations
religieuses.
Il a paru sage,
la loi l'a fait pour beaucoup de sociétés, de les exonérer
de la taxe spéciale sur les cercles, qui porte sur des lieux de
réunion permanente d'un caractère tout différent.
Cependant elles
supporteront une taxe dite de statistique de 1 centime p. 100 fr. sur le
revenu de leurs titres et valeurs mobilières.
Cet impôt
permettra la vérification constante du montant de ces titres.
Titre V
Police des cultes
Article 23
Les réunions pour la célébration
d'une culte tenues dans les locaux appartenant à une association
cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées
des formalités de l'article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent
placées sous la surveillance des autorités dans l'intérêt
de l'ordre public. Elles ne peuvent avoir lieu qu'après une déclaration
faite dans les formes de l'article 2 de la même loi et indiquant
le local dans lequel elles seront tenues
Une seule déclaration suffit pour
l'ensemble des réunions permanentes, périodiques ou accidentelles
qui auront lieu dans l'année.
Cet article
inaugure le titre V relatif à la police des cultes.
Ce titre n'indique
nullement que les dispositions qu'il contient sont toutes destinées
à réprimer les infractions commises par les associations
cultuelles ou leur directeurs et ministres.
Certaines ont,
au contraire, pour objet de garantir leur liberté et de les protéger.
Lorsqu'une personne
morale se constitue, elle exerce une action spéciale à son
but et qui dépend de son fonctionnement. Lorsque la personne morale
devient très puissante, elle crée pour elle comme un doit
particulier. Au point de vue pénal, elle peut commettre des délits
qui résultent de son caractère distinctif ; on peut aussi
commettre à son préjudice des actes d'une nature spéciale.
Il devient dès
lors nécessaire de régler dans le droit écrit ces
manifestations diverses et de prévoir ces délits nouveaux.
Mais il ne s'agit
pas ici du droit pénal. Il fallait légiférer sur une
matière administrative très délicate : la tenue des
réunions pour l'exercice du culte.
D'après
le projet ces réunions devront être publiques.
Inutile de dire
que toute manifestation cultuelle ne sera pas soumise à cette condition
: Le chrétien qui prie dans sa chambre et à l'église,
le prêtre qui dit sa messe sur un autel privé, les réunions
familiales ou intimes pour la célébration d'un culte à
domicile ou dans une chapelle privée, ne seront pas passibles des
pénalités légales. C'est la réunion des fidèles
pour l'exercice d'un culte qui devra être publique.
Les communautés
religieuses ne pourront s'en plaindre, car elles atteindront ainsi même
les profanes et réaliseront un de leurs buts qui est la propagande
religieuse.
La publicité
des réunions cultuelles devenait indispensable pour assurer l'application
du principe inscrit dans la loi, qu'elles resteront placées sous
la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre
public. En l'absence de cette prescription, toutes les fois qu'une association
aurait voulu échapper à la loi de police des cultes, même
par des actes contraires à l'ordre public, elle n'aurait au qu'à
organiser une réunion privée à l'abri des témoins
redoutés.
La publicité
de la réunion résultera simplement du maintien des portes
ouvertes qui permettra la surveillance et le contrôle et mettra les
fidèles à l'abri du chantage politique qu'à l'aide
de la religion on pourrait être tenté d'exercer sur eux.
Il pourrait
sembler au premier abord que pour tous les exercices publics du culte,
on aurait dû conserver l'application du droit commun des réunion
publiques, tel qu'il résulte de la loi du 30 juin 1881.
Cette solution
simpliste n'a pas paru possible. La loi de 1881 contient certaines exigences
qui auraient constitué de véritables entraves à l'exercice
des cultes. Il aurait fallu une déclaration spécifiant non
seulement le lieu mais aussi le jour et l'heure des réunions. On
voit mal une déclaration ainsi nécessaire pour chaque messe
ou chaque vêpres. Les réunions n'auraient pu avoir lieu que
vingt-quatre heures après la déclaration. Elles n'auraient
pas dû se prolonger au delà de onze heures du soir (art. 6).
Un bureau composé d'au moins trois personnes auraient été
nécessaire (art. 8).
On n'a retenu
de la loi de juin 1881, que la nécessité d'une déclaration
limité au local où s'exercera le culte. Aucune autorisation
ne reste nécessaire, et ceci est une réforme très
considérable et très libérale de nos principes traditionnels
et de notre législation. Une seule déclaration, pour toutes
les réunions d'une année suffira sans qu'il y ait lieu d'énoncer
les jours et les heures. Les cérémonies accidentelles, comme
les mariages, baptêmes, enterrements n'auraient pu être tenues
d'après ces règles. On ne pourrait les limiter par avance
à certains jours et à certaines heures.
Votre commission
n'a pas cru prolonger ce délai d'un an pendant lequel aucune autre
déclaration n'est indispensable. Certains administrateurs
ou directeurs de l'association peuvent changer de domicile, mourir ou démissionner,
perdre leurs droits civils et politiques ; il est nécessaire, à
raison de la responsabilité qui leur incombe, qu'ils soient remplacés
à bref délai.
Si l'on rapproche
l'article 23 du projet de l'article 37, on constate que ses dispositions,
comme l'abrogation des décrets des 22 décembre 1812, 19 mars
1859 et de l'article 294 du code pénal établissent dans notre
législation une liberté nouvelle : la liberté des
lieux de cultes. Désormais les cultes pourront s'exercer dans tous
les locaux sous condition unique de déclaration préalable.
Cette réforme,
réclamée depuis longtemps par les esprits libéraux
et dont l'importance et la portée seraient difficilement exagérées,
libère les Églises d'une sujétion sévère
et réalise la neutralité de l'État à l'égard
de toutes les manifestations religieuses.
Article 24
Il est interdit de tenir des réunions
politiques dans les locaux servant habituellement à l'exercice d'un
culte.
Les
raisons qui ont motivé la rédaction de cet article se conçoivent
et s'imposent sans difficulté.
Les associations
cultuelles doivent conformer leur action à leur but spécial
et précis. Les réunions de leurs membres ne sauraient avoir
d'autre objet que l'exercice du culte ou le fonctionnement et l'administration
de l'association. Les réunions cultuelles jouissant d'un régime
de faveur, les locaux qui leur sont destinés ne doivent pas servir
à un autre usage que le culte et ne sauraient tout particulièrement
donner asile à des réunions d'un caractère politique.
Si l'État demeure neutre à l'égard des Églises,
celles-ci doivent observer une neutralité absolue à l'égard
de l'État.
L'article 24
n'interdit pas seulement aux associations cultuelles de tenir des réunions
politiques, il interdit d'une façon rigoureuse toutes réunions
publiques dans les locaux servant à l'exercice du culte.
Ainsi l'association
ne peut consentir à ce que ces réunions soient organisées
même par des tiers : elle doit veiller sous sa responsabilité
à ce que nul n'emprunte ses locaux dans un but interdit par la loi.
Article 25
Les cérémonies, processions
et autres manifestations extérieures d'un culte ne peuvent avoir
lieu sur la voie publique.
Les cérémonies funèbres
seront réglées dans toutes les communes par arrêté
municipal dans les conditions de la loi du 15 novembre 1887.
Les sonneries des cloches seront
réglées par arrêté municipal.
L'article 25
dont la sévérité n'est qu'apparente en présence
du libéralisme de l'article 23, est la conséquence nécessaire
et immédiate du principe fondamental du projet.
Les Églises
sont séparées de l'État ; leurs manifestations de
toute nature, conformes à leur objet, sont libres ; elles n'ont
plus aucun caractère officiel ni public ; leur patrimoine, leur
fonctionnement sont du domaine privé.
Elles peuvent
tenir partout leurs réunions cultuelles sous la seule obligation
d'une déclaration annuelle, elles peuvent construire des édifices
aussi nombreux, aussi vastes qu'elles désirent, elles peuvent, pour
les cérémonies en plein air, acquérir des jardins
ou des espaces extrêmement étendus, mais elles n'ont pas le
droit d'emprunter la voie publique pour les manifestations de leur culte
et d'imposer ainsi aux indifférents, aux adeptes d'autres confessions
religieuses le spectacle inévitable de leurs rites particuliers.
L'article 25 apparaît ainsi comme la consécration du principe
de liberté et de neutralité.
La séparation
entre le monde religieux et le monde laïque, comme entre les divers
groupements religieux, doit être absolue et décisive.
Les processions
et cérémonies ne pourront avoir lieu ni dans les rues, boulevards,
squares, ni dans aucune dépendance de la voie publique.
Il est sage
d'enlever aux conseils municipaux la responsabilité d'autoriser
ou d'interdire les manifestations religieuses sur la voie publique. Elles
ne sont pas indispensables à l'exercice du culte et sont susceptibles
de troubler l'ordre et la paix pour le plus grand préjudice même
des associations cultuelles. La loi, par cette disposition générale,
sera pacificatrice.
Une exception
est faite en faveur des cérémonies funèbres ; elles
seront réglées par arrêté municipal, mais conformément
à la loi du 15 novembre 1887.
La question
de l'usage des cloches des édifices religieux doit être envisagé
à un double point de vue. Les cloches ne sont pas seulement destinées
à annoncer les cérémonies du culte, elles sont utiles
dans d'autres circonstances, par exemple pour donner l'alarme en cas de
sinistre et dans certains événements graves ou exceptionnels.
Les sonneries
religieuses et civiles font actuellement, en vertu de l'article 100 de
la loi du 5 avril 1884, l'objet de règlements concertés entre
l'évêque ou les consistoires et le préfet en vue de
concilier les intérêts civils et les intérêts
religieux. Ce système est incompatible avec le régime de
la séparation. L'autorité gouvernementale ne peut intervenir
spontanément. Le maire, selon les principes administratifs, a la
police de la commune pour faire respecter les intérêts publics
ou privés. Ce sera lui qui aura tout pouvoir pour la réglementation
des sonneries, sauf au préfet, par application de l'article 9 de
la même loi, à annuler les arrêtés municipaux
pris en cette matière ou en suspendre l'exécution, si les
arrêtés n'étaient pas de nature à ménager
les divers intérêts en présence.
Article 26
Il est interdit, à l'avenir,
d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur
les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à
l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture
privées ainsi que des musées ou expositions.
L'interdiction
formulée par cet article s'inspire toujours des mêmes principes
que les précédentes dispositions : réaliser la neutralité
stricte de la part ou à l'égard des associations cultuelles.
Elle est indispensable pour prévenir les troubles et les désordres
qui peuvent être occasionnés par la présence d'emblèmes
ou de signes religieux. Mais l'interdiction n'est prononcée que
sous ces réserves qui respectent les coutumes et les sentiments
intimes des populations.
Les emblèmes
religieux déjà élevés ou apposés demeurent
et sont régis par la législation actuelle. L'article ne dispose
que pour l'avenir. Ils pourront être placés dans et sur les
édifices servant au culte, sur les terrains de sépulture
privée, ainsi que dans les musées ou expositions.
Il fallait que
les édifices religieux pussent être reconnus extérieurement
grâce à des signes ou des emblèmes spéciaux.
La liberté des cultes exige que les adeptes des différentes
religions aient le droit d'affirmer leurs croyances sur leurs sépultures
particulières. Ce qui doit être prohibé seulement au
nom de la neutralité, ce sont les emblèmes et les signes
qui tendraient à consacrer l'ensemble d'un cimetière à
un culte déterminé et porteraient ainsi atteinte à
la liberté de conscience de ceux qui ne professent pas ce culte.
C'est dans l'intérêt
de l'art et de la science historique que les musées et expositions
ont fait aussi l'objet d'une exception formelle.
Article 27
Les contraventions aux articles précédents
sont punies des peines de simple police.
Sont passibles de ces peines, dans
le cas des articles 23, 24 et 25 , ceux qui ont organisé la réunion
ou manifestation, ceux qui y ont participé en qualité de
ministres du culte et, dans le cas des articles 23 et 24 , ceux qui ont
fourni le local.
Les peines de
police, les plus modérées dans l'échelle pénale,
ont paru suffisantes pour réprimer les infractions qui seraient
commises aux articles 23, 24, 24, 25 et 26.
Mais encore
fallait-il que ces pénalités fussent efficaces.
C'est pourquoi
le second paragraphe du présent article spécifie que certaines
personnes, en cas de contraventions relatives aux réunions du culte,
aux réunions tenues dans les édifices religieux, aux cérémonies,
processions et sonneries des cloches, seront de plein droit punissables
en vertu d'une présomption légale de culpabilité.
Ces personnes sont ainsi rendues légalement responsables ; elles
devront faire elle-même la preuve de leur innocence. Il va de soi
d'ailleurs que d'autres pourront aussi, selon les circonstances, être
poursuivies si leur participation aux faits constitutifs de la contravention
vient à être établie par les moyens ordinaires de la
preuve.
Article 28
Sont punis d'une peine d'amende de 16
fr. à 200 fr. et d'un emprisonnement de six jours à deux
mois ou de l'une de ces deux peines seulement, ceux qui, soit par voies
de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre
de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille
ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer ou à
s'abstenir d'exercer un culte, à contribuer ou à s'abstenir
de contribuer aux frais d'un culte.
Article 29
Seront punis des mêmes peines
ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les
exercices d'un culte par des troubles ou désordres causés
dans le local servant à ces exercices.
Article 30
Les dispositions des deux articles précédents
ne s'appliquent qu'aux troubles, outrages ou voies de fait, dont la nature
ou les circonstances ne donneront pas lieu à de plus fortes peines
d'après les dispositions du Code pénal.
Ces
articles tendent à garantir tout à la fois la liberté
des cultes et la liberté de conscience. Ils remplaceront, pour les
cas qu'ils prévoient, les articles 260, 261 et 264 du code pénal
qui sont abrogés par l'article 37 du projet. La rédaction
de l'article 260 du code pénal a été transportée
dans l'article 28 du projet qui l'a complétée en s'inspirant
de l'article 39 du décret organique du 2 février 1852
Les articles
262 et 263 du code pénal qui avaient pour objet de réprimer,
au moyen de peines spéciales, les outrages adressé soit aux
objets du culte, soit au ministres de ce culte, ainsi que les coups portés
aux ministres des cultes dans l'exercice de leurs fonctions, sont abrogés
purement et simplement par l'article 37 du projet de loi, sans qu'on ait
fait revivre tout ou partie leurs dispositions qui ne cadraient pas avec
le régime de séparation des Églises et de l'État,
où les objets et ministres du culte ne sauraient avoir droit à
une protection particulière et où il suffit que le libre
exercice des cultes soit garanti.
Les pénalités
de droit commun suffiront, à défaut de pénalités
exceptionnelles pour réprimer les voies de fait auxquelles s'appliqueraient
les articles 262 et 263 du code pénal.
Il est d'ailleurs
expressément spécifié dans l'article 30 du projet
que pour les troubles, outrages ou voie de fait punis par le code pénal
des peines plus fortes que celles prévues dans le projet de loi,
ils continueront à être réprimés par la législation
antérieure.
Il résulte
des nouvelles dispositions que toute personne pourra exercer le culte qu'elle
aura librement choisi ; le fait de l'avoir déterminée ou
d'avoir voulu la déterminer à s'abstenir d'exercer un culte
constituera un délit.
Mais en sens
contraire le fait de peser sur la détermination d'une personne pour
l'amener à exercer un culte ou contribuer à son exercice
sera de même considéré comme délictueux. Ces
différents actes, procédant d'une intolérance, sont
à bon droit punis des mêmes peines.
Article 31
Tout ministre d'un culte qui, dans les
lieux où s'exerce ce culte, aura publiquement par des discours prononcés,
des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches
apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé
d'un service public, sera puni d'une amende de 500 fr. à 3 000 fr.
et d'un emprisonnement d'un mois à un an, ou de l'une de ces deux
peines seulement.
Article 32
Si un discours prononcé ou un
écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux
où s'exerce le culte, contient une provocation directe à
résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux
de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou à
armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui
s'en sera rendu coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à
deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans
le cas où la provocation aurait été suivie d'une sédition,
révolte ou guerre civile.
Ces
articles sont destinés à remplacer les articles 201, 202,
203, 204, 205 et 206 du code pénal, abrogés par l'article
37 du projet de loi.
Ces articles
du code pénal avaient trait aux critiques, censures et provocations
dirigées par les ministres du cultes contre l'autorité publique
dans des discours ou écrits pastoraux.
Les articles
107 et 106 du même code qui tendaient à réprimer les
correspondances des ministres des cultes avec des puissances étrangères
ont été supprimés purement et simplement par l'article
37 du projet sans qu'il ait paru utile de les remplacer. Les dispositions
des articles 75 et suivants du code pénal relatives aux crimes et
délits contre la sûreté intérieur ou extérieure
de l'État sont suffisantes en effet pour réprimer à
ce point de vue les agissements des ministres des cultes.
La commission
a cherché par des textes précis à interdire aux ministres
des cultes et à leurs complices d'user de leur influence dans un
but politique contre des personnalités publiques ; de transformer
la chaire en tribune et l'Église en asile séditieux.
Dans le cas
où les paroles ou les actes punis et réprimés par
ces articles auraient été suivis d'effet, les complices des
ministres des cultes pourront être poursuivis et condamnés
selon les règles visant la complicité.
De telles dispositions
n'ont rien d'antilibéral, elles ne peuvent atteindre les ministres
du culte exclusivement soucieux de leur oeuvre religieuse. Elles étaient
indispensable, car ici, le droit commun restait insuffisant. Il était
impossible de traiter sur le pied de l'égalité, quand il
s'agit de l'exercice du droit de la parole, le prêtre dans sa chaire
et le simple citoyen dans une tribune de réunion publique. Le délit
commis par celui-ci, qu'il s'agisse d'outrages, de diffamation envers les
personnes ou d'excitation à la violence, n'est en rien comparable,
comme gravité, au délit commis par un ministre des cultes
en pareil cas. Le lieu, les circonstances du délit, l'autorité
morale de celui qui la commet, sont des éléments dont il
est impossible de ne pas tenir compte. Aucune assimilation n'est à
faire entre la portée, les conséquences d'un discours de
réunion publique devant un auditoire averti, où toutes les
opinions sont le plus souvent en présence, où l'on est habitué
à faire la part des exagérations, où la contradiction,
toujours possible, offre toutes garanties de mise au point, et celles d'un
sermon prononcé par un ministre du culte devant des auditeurs livrés
inertes et sans défense par la croyance ou la superstition aux suggestions
d'une parole qui tient sa force des siècles et n'a jamais été
affaiblie par la controverse.
Du reste, en
quoi cette restriction au droit commun pourrait-elle faire obstacle au
libre exercice des cultes ? Un prêtre, un pasteur, un rabbin sont-ils
donc exposés fatalement, de par leurs fonctions mêmes, à
tomber sans cesse sous les coups de ces pénalités pour des
délits de cette nature ? Si non, ils n'auront rien à redouter
de la loi, ne seront en rien gênés par elle ; dans le cas
contraire, c'est qu'alors l'Église n'est pas seulement, comme le
prétendent ses défenseurs, l'expression vivante de la religion,
mais aussi et surtout une force organisée au service d'intérêts
politiques. Dans ce dernier cas, toutes les précautions prises par
l'État dans l'intérêt de sa défense ne peuvent
qu'être justifiées.
Article 33
Dans le cas de condamnation par les
tribunaux de police ou de police correctionnelle en application des articles
23 et 24, 31 et 32 , l'association constituée pour l'exercice du
culte dans l'immeuble où l'infraction a été commise
et ses directeurs et administrateurs sont civilement et solidairement responsables.
Si l'immeuble a été loué
à l'association par l'État, les départements ou les
communes en vertu de la présente loi, la résiliation du bail
pourra être demandée par le bailleur.
Pour
que les condamnations fussent effectives, il fallait rendre responsable
les directeurs et administrateurs de l'association. On sera ainsi assuré
qu'ils veilleront à l'observation de la loi et rempliront leur mandat
avec scrupule. Ils pourront, bien entendu, être astreints à
d'autres responsabilités civiles.
En cas d'infraction
à la police des cultes, la résiliation des baux consentis
par l'État, le département ou la commune, peut devenir une
mesure nécessaire, parfois même urgente. Mais cette résiliation
sera prononcée en justice. C'est une sanction accessoire qui n'a
pas lieu de plein droit, comme dans le cas prévu à l'article
11 où elle est prescrite à titre impératif. L'État,
le département ou la commune demanderont, s'ils le jugent à
propos, la résiliation pour la quelle une décision judiciaire
doit intervenir.
Titre VI
Dispositions générales
Article 34
L'article 463 du Code pénal et
la loi du 26 mars 1891 sont applicables à tous les cas dans lesquels
la présente loi édicte des pénalités.
Article 35
Les congrégations religieuses
demeurent soumises aux lois des 1er juillet 1901, 4 décembre 1902
et 7 juillet 1904.
Article 36
Un règlement d'administration
publique rendu dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente
loi déterminera les mesures propres à assurer son application.
Cette disposition
est encore de style dans toute oeuvre législative établissant
en quelque matière un régime nouveau.
La loi ne peut
pas prévoir et édicter tous les détails de procédure
qu'entraîne son application. Il appartiendra au Gouvernement, par
la voie d'un règlement d'administration publique d'en préciser
tous les détails. Ce règlement, pour ne pas laisser trop
longtemps la volonté du législateur en suspens, devra être
rendu dans les trois mois, à dater de la promulgation de la loi.
Article 37
Sont et demeurent abrogées toutes les
dispositions relatives à l'organisation publique des cultes antérieurement
reconnus par l'État, ainsi que toutes dispositions contraires à
la présente loi et notamment :
1° La loi du 18 germinal an X
; portant que la convention passée le 26 messidor an IX entre
le pape et le gouvernement français, ensemble les articles organiques
de ladite convention et des cultes protestants, seront exécutés
comme des lois de la République ;
2° Le décret du 26 mars 1852
et la loi du 1er août 1879 sur les cultes protestants ;
3° Les décrets du 17 mars 1808,
la loi du 8 février 1831 et l'ordonnance du 28 mai 1844 sur le culte
israélite ;
4° Les décrets des 22 septembre
1812 et 19 mars 1859 ;
5° Les articles 201 à 208,
260 à 264, 294 du code pénal
6° Les articles 100 et 101, les paragraphes
11 et 12 de l'article 136 et l'article 167 de la loi du 5 avril 1884 ;
7° Le décret du 30 décembre
1809 et l'article 78 de la loi du 26 janvier 1892.
Le
dernier article du projet reproduit la formule traditionnelle par laquelle
se trouvent annulées toutes les dispositions légales ou réglementaires
antérieures qui seraient contraires à la présente
loi.
Mais il a paru
nécessaire d'abroger expressément, par une disposition spéciale,
certains textes relatifs au régime ou à la police des cultes.
Nous les avons signalés un à un au cours de notre commentaire
toutes les fois qu'une disposition nouvelle était destinée
à les remplacer. Il serait oiseux d'y revenir.
Constatons seulement
que désormais il n'y aura plus aucune organisation officielle des
cultes, que ceux-ci seront libres dans les limites de l'ordre public déterminée
par le projet.
Mais il est
une disposition de l'article 37 au sujet de laquelle un commentaire s'impose.
Il s'agit de
l'abrogation de la loi du 18 germinal an X, portant que la convention passée
à Paris le 26 messidor an IX entre le pape et le gouvernement français
sera exécutée comme loi de la République.
L'abrogation
du Concordat pouvait-elle être valablement
prononcée par un acte unilatéral et sous quelle forme ?
Il faut distinguer
entre la loi qui a rendu exécutoire en France le Concordat, et la
convention elle-même conclue avec le Saint-Siège. La loi peut
être abrogée par une autre loi et ne peut l'être autrement.
L'acte législatif est libre et le parlement a toujours le droit
de l'accomplir.
Le Concordat,
convention sui generis, est indéniablement un contrat synallagmatique,
dont la durée n'a pas été déterminée
conventionnellement, qui s'exécute par des actes continus et successifs,
et pour les difficultés d'interprétation ou d'application
duquel aucun tribunal ne peut être compétent.
Est-il perpétuel
? Qu'on le considère comme un traité diplomatique, ou comme
de droit privé, s'il portait clause de perpétuité,
celle-ci, en vertu de notre droit moderne, devrait être considéré
comme non écrite. Les États ne peuvent, pas plus que les
individus, obliger indéfiniment leurs successeurs et les lier par
des liens indissolubles.
Mais pareille
clause n'existe pas dans le Concordat ; il
garde simplement le silence sur la rupture des accords qu'il consacre,
et prévoit seulement le cas où le chef de l'État français
ne serait pas catholique et où il y aurait lieu de procéder
à une nouvelle convention (XVII).
Comment pourrait-il
prendre fin ?
Par la volonté
exprimée de l'une des parties de ne pas remplir ses engagements
; par la volonté présumée de l'une des parties de
ne plus se conformer à ses obligations (article 1184 du code civil)
; par une entente entre les deux parties.
Il n'y a pas
entre le Gouvernement français d'entente proprement dite avec le
pape. Il n'y a pas eu de volonté expressément notifiée
par une des parties de ne plus exécuter la convention. Mais il y
a eu certains actes de la papauté qui ont été interprétés
par le Gouvernement français en ce sens qu'elle se refusait sur
les matières à propos desquelles ces actes avaient été
accomplis, à observer les obligations du Concordat.
Il est vrai
qu'un tribunal n'a pas été appelé à juger ce
différend. Mais aucun tribunal n'avait pareille compétence
et ce défaut de juge ne pouvait donner au Concordat une pérennité
contraire au droit privé, public et international.
Nous n'avons
pas ici à chercher si le Gouvernement français a eu raison
d'apprécier l'attitude du pape, en certaines circonstances, comme
un refus de se conformer au Concordat. Il y a un acte gouvernemental interprétant
ainsi les agissements de la papauté. C'est là un fait accompli.
Le Concordat est considéré et doit être considéré
comme rompu par la volonté présumée et unilatérale
du pape, qui a agi de telle sorte que le Gouvernement de la République
a considéré ses actes comme une inexécution délibérée
du contrat.
Dès lors,
le Gouvernement peut et doit convier le parlement à abroger la loi
déclarant le Concordat exécutoire comme loi française.
L'article 37
a cet objet.
S'il est vrai
qu'une dénonciation diplomatique de la convention eût été
conforme au droit international, elle est aujourd'hui impossible, les relations
diplomatiques étant rompues entre la République française
et le pape.
Du reste avant
la rupture de ces relations une note du ministre des affaires étrangères
officiellement notifiée au cardinal secrétaire d'État,
en date du 29 juillet 1904, avertissait solennellement le Vatican que le
Gouvernement de la république française
"a prévenu le Saint-Siège de la conclusion qu'il serait amené
à tirer de la méconnaissance persistante de ses droits"
( concordataires) et que "obligé de
constater ... que le Saint-Siège maintient les actes accomplis à
l'insu du pouvoir avec lequel il a signé le Concordat, le Gouvernement
de la république a décidé de mettre fin à des
relations officielles qui, par la volonté du Saint-Siège,
se trouvent sans objet".
C'est dire,
en termes diplomatiques, que le Gouvernement considérait que, par
la volonté du Saint-Siège, le Concordat n'était plus
observé et que, par suite, les relations existant entre la République
et le pape devenaient sans objet.
Dès lors
la dénonciation du Concordat devient
fautile, les agissements du Saint-Siège ayant été
tels que le Gouvernement français a pu en déduire l'intention
du pape de ne plus exécuter intégralement la convention signée
par Bonaparte et Pie VII
VII
Conclusion
Début