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20 juin 1905

     * Communication d'un décret désignant un commissaire du Gouvernement pour assister le ministre de l'agriculture dans la discussion du projet de loi tendant à modifier la loi d'avril 1887 concernant la répression dans le commerce du beurre et la fabrication de la margarine.
    * Suite de la discussion du projet et de la proposition de loi concernant la fraude sur les vins et le régime des spiritueux.

suite de la discussion du projet et des diverses propositions de loi
concernant la séparation des Églises et de l'État.
(38° journée ; réduite et annotée)





M. le président :  Nous nous sommes arrêtés hier aux dispositions additionnelles proposées à l’article 17.
 La première ... est celle de MM. de La Ferronnays, de Dion, de Lontaigu, Ginoux-Defernon et Jules Gajot. Elle est ainsi conçue :
     “Ajouter à la fin du dernier paragraphe la disposition suivante :
     “Ne seront pas considérées comme subventions les sommes employées à l’amortissement des dettes contractées régulièrement, avant la promulgation de la présente loi, avec l’autorisation du ministre compétant.”
...
(La disposition additionnelle, mise aux voix n’est pas adoptée)
     La seconde disposition additionnelle est présentée par M. le lieutenant-colonel Rousset. Elle tend à ajouter après le dernier paragraphe de l’article 17 :
     “Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux monuments classés.”
...
M. Bienvenu Martin, ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes : cet amendement est conforme aux déclarations que j’ai faites.

M. le président : Il n’y a pas d’opposition à l’adoption de la disposition additionnelle de M. Rousset ? ...
     La disposition additionnelle est adoptée
     Nous avons ensuite une autre disposition additionnelle, de M. Auffray, ainsi conçue :
     “ne sont pas considérées comme subventions les sommes que l’État, les départements ou les communes jugeront convenable d’employer aux grosses réparations des édifices du culte loués par eux aux associations”
...
M. Jules Auffray : Messieurs, je suis convaincu qu’il me sera possible de retirer mon amendement après les explications que je crois nécessaire de demander à la commission.
....
M. le président : M. Auffray n’insiste pas ; son amendement est retiré.
     M. Vazeille a déposé une disposition additionnelle tendant à ajouter à l’article 17 les dispositions suivantes :
     “Les associations cultuelles qui prétendront au bénéfice des articles 4, 11 et 12 devront être ouvertes à toutes les personnes qui acceptent le statut fondamental du culte dont il s’agit de et comprendre au moins le dixième des personnes majeures précédemment inscrites à ce culte, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse.
     Leurs statuts ne devront contenir aucune clause restrictive de la libre administration légale des biens de l’association par l’assemblée générale de ses membres.”

M. Vazeille :  En présence de la satisfaction qui m’a été accordée par la commission, je retire mon amendement.

M. le président :... Nous passons à la disposition additionnelle de M. Gayraud, qui tend à ajouter à l’article 17 le paragraphe suivant :
 “Les dispositions des paragraphes 3, 4 et 6 du présent article ne sont applicables qu’aux associations attributaires de biens concédés par État aux divers cultes en vertu de la loi du 18 germinal an X ou de tout autre acte postérieur.”
...
M. Gayraud : ... après le vote de la loi sur la séparation des Églises et de État, il se formera pour ainsi dire deux catégories d’associations cultuelles.
     Les unes se constitueront pour succéder aux anciennes fabriques et bénéficieront naturellement des dispositions des articles 4, 11 et 12 de la présente loi. Elles recevront les biens qui se trouvent en ce moment-ci entre les mains des fabriques; ...
     Une autre catégorie d’associations se formera, sans aucun doute ; ... dans des lieux où il n’existait pas de paroisses, où il n’y avait pas de fabriques ni de consistoires : elles seront organisées en vue de fonder des paroisses nouvelles ;
     ... Elles naîtront, ... principalement dans les grandes villes où il existe des paroisses comprenant une nombreuse population...... il sera, ... , constitué dans ces grandes paroisses de petites paroisses..... Ce sera toute une floraison paroissiale nouvelle qui surgira ... grâce à la loi sur la séparation.
     Il en sera de même dans les villes industrielles où l’afflux de la population provinciale nécessitera la création de nouveaux centres paroissiaux.
....
M. Paul Constans (Allier) : ... D’après votre argumentation, vous prévoyez que la loi de séparation des Églises et de État, loin de ralentir l’activité des fidèles l’augmentera au contraire.
...
     Je crois donc, monsieur Gayraud, que vous êtes en opposition avec l’opinion que vous avez émise au début de cette discussion, en présentant la séparation comme un obstacle à l’exercice de la religion. (Et toc !)
...
(La disposition additionnelle de M. Gayraud n’est pas prise en considération)
(L’ensemble de l’article 17 est adopté par 363 voix contre 219)

M. le président : Nous passons à l’article 18, qui est ainsi conçu :
     “Ces associations peuvent, dans les formes déterminées par l'article 7 du décret du 16 août 1901, constituer des unions ayant une administration ou une direction centrale ; ces unions seront réglées par les articles 16 et par les cinq derniers paragraphes de l'article 17 de la présente loi.
     « Les unions, qui seront seules aptes à recueillir les biens des menses épiscopales, des chapitres et séminaires diocésains, devront être formées par les associations de la circonscription ecclésiastique correspondante. »
     Il y a d’abord sur cet article, trois amendements qui tendent à restreindre la faculté d’union des associations.
     Le premier est signé de MM. Vaillant, Allard, Bouvert, Chauvière, Constans, Jules Coutant, Dejeante, Delory, Dufour, Piger, Sembat, Thivrier, Walter . Il tend à rédiger comme suit l’article 18 :
     « Ces associations ne peuvent constituer des unions ayant une administration ou une direction centrale. »
     Le second amendement porte les signatures de MM. Allard, Vaillant, Dejeante, Bouvert, , Chauvière, Constans, Jules Coutant, Delory, Dufour, Piger, Sembat, Thivrier et Walter . Il tend à substituer à l’article le texte suivant :
     « Ces associations ne peuvent se fédérer que dans les limites d’un département. Elles ne pourront, en aucun cas, ni sous aucune forme, constituer des unions ou des fédérations avec administration ou direction centrale. »
     Le troisième de M. Levraud, est libellé en ces termes :
     « Ces associations peuvent, dans les formes déterminées par l’article 7 du décret du 16 août 1901, constituer des unions ayant une administration ou une direction centrale, mais limitées à l’étendue d’un département. »

M. Édouard Vaillant :... ceux qui prétendent que cette direction centrale serait sans péril nous disent que, dans tous les cas, si elle n’existait pas en France, elle serait à Rome et deviendrait par suite plus dangereuse.
...
     Par conséquent, de quelque façon que soit constituée l’Église dans la séparation, la direction, la souveraineté du pape existera pour les catholiques, pour Église Mais s’il y a une union nationale, une direction centrale, l’autorité du pape, les évêques auront dans la direction centrale l’organe pratique et politique de leur action..
     Je demande que cette faculté de constituer une union nationale et une direction centrale soit supprimée ; et je dépose une demande de scrutin à l’appui. (Très bien ! très bien ! à l’extrême gauche.)

M. Maurice Allard : ... Lorsque j’ai présenté cet amendement ..., je croyais qu’il existait, à la gauche de cette Chambre, une majorité décidée à faire une séparation conforme au vieux programme républicain, c’est à dire une séparation qui désarmât Église, qui tendit à diminuer sa malfaisance politique et sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs à l’extrême gauche. - Exclamations à droite.) (peut-être que ce « vieux programme » était-il dépassé par l’évolution de la société ?)
     Je m’étais trompé. Les débats ont dissipé mes illusions. Cette majorité n’existe pas. Du projet même de la Commission que je trouvais trop modéré, ..., il ne reste plus rien aujourd’hui.
     Mon cher Briand, on vous a changé votre enfant. (Sourires.) Reprenez tous les articles que nous avons votés depuis le commencement de la discussion : vous n’en trouverez pas un seul qui appartienne au projet de la commission.
     S’agit-il encore d’une séparation ? Par l’article 4, vous avez donné aux associations cultuelles les biens des menses et de fabriques ; par l’article 9, vous avez maintenu pour longtemps encore le budget des cultes ; par les articles 10 et 11, vous avez spolié État et les communes au profit de Église ....
     Aujourd’hui, vous avez à couronner l’œuvre de la Chambre, vous avez à donner à Église, c’est à dire à Rome, ce qui leur a manqué jusqu’à ce jour en France, la personnalité juridique ...
     J’ai essayé, ..., de lutter contre ces tendances. ... mais étant donné l’état d’esprit qui se manifeste même parmi les membres de la gauche, il est bien certain qu’aucun de mes amendements n’a quelque chance d’être accueilli ici avec bienveillance. C’est pourquoi, soucieux d’économiser le temps de la Chambre,... , je retire aujourd’hui mon amendement à l’article 18 et tous ceux qui le suivent. (Applaudissement à l’extrême gauche. Mouvements divers.)

M. le président :  L’amendement de M. Allard et de se collègues est retiré. L’amendement de M. Vaillant et de se collègues subsiste.
...
M. le rapporteur :  Messieurs, je ne partage pas le pessimisme de mon collègue et ami M. Allard. ...
     En tout cas, par l’article 18, ..., il ne sera en rien innové au système qui avait été primitivement arrêté par la commission......
     Une loi n’a jamais pu, heureusement, réussir à réduire ni les individus, ni les groupements d’individus,, encore moins leur pensée, à l’impuissance. (Très bien ! très bien)
     Un tel résultat ne peut être que l’oeuvre de la pensée elle même servie par une propagande active et intelligente. Une loi qui se proposerait un tel but ne pourrait être qu’une loi de persécution et de tyrannie.
     C’est ce que nous avons voulu éviter. (Très bien ! très bien !) Nous avons considéré que la loi de séparation telle que des républicains, et surtout des libres penseurs, doivent la désirer, devait avoir pour unique effet de consacrer la neutralité de l’Etat en matière confessionnelle..... Les dispositions indiquées par M. Allard sont de simple équité. Quand il dit que nous perpétuons le budget des cultes, évidemment il exagère. Nous avons admis un système d’indemnités et de pensions que véritablement une Chambre républicaine ne pouvait pas se refuser de voter.
     Ce n’est pas perpétuer le budget des cultes que de donner pendant huit ans à des fonctionnaires entrés au service de l’Etat, sous la foi d’un contrat, une indemnité qui leur permettra, s’ils le désirent, de rechercher une profession nouvelle. (Très bien ! très bien ! à gauche.) Ce n’est pas non plus violer le principe de la neutralité que de donner à de vieux prêtres qui ont été pendant vingt ans rémunérés par État une pension dont le chiffre n’est véritablement pas excessif.
 ... je reviens à l’objet de l’amendement de M. Vaillant.
     Vous ne voulez pas,..., que Église puisse se constituer fortement, et vous croyez qu’en refusant aux associations le droit de se fédérer, vous l’affaiblirez dans une certaine mesure. Quelle erreur !
     D’abord, il est puéril de refuser à des adversaires ce qu’ils sont en mesure de prendre. (Très bien ! très bien !)
     Vous refuseriez aux associations le droit de s’unir, de se fédérer, qu’elles trouveraient quand même le moyen de se rapprocher, de s’unir et ce serait dans des conditions infiniment plus dangereuses, car alors elles devraient pratiquer le mode non contrôlable des associations politiques.
     Il arriverait plus encore : les fédérations régionales, diocésaines, que vous ne pouvez pas interdire, car elles sont conformes à la constitution actuelle de Église, croyez-vous qu’elles resteraient isolées lus unes des autres ? Mais si elles ne pouvaient se fédérer en France, c’est à Rome, auprès du Saint-Siège, qu’elles iraient constituer leur organe de direction centrale. Est-ce désirable et serais-ce conforme à l’intérêt bien entendu de la république ?
....
     Mais une autre considération, messieurs, doit contribuer aussi à vous déterminer. Vous n’avez pas à régler seulement le sort de Église catholique, mais aussi celui des Églises protestante et israélite. Celles-ci ne peuvent fonctionner qu’à la condition d’avoir un organe central. Vous êtes donc obligés, sous peine d’entraver ces cultes, par conséquent de porter atteinte à la liberté de conscience de leurs adeptes, de leur accorder le plus large droit de fédération. Or, le leur accordant, serait-il de bonne politique que de le refuser à la seule Église catholique ?
     .... Comptez sur la force de la raison servie par l’activité de votre propagande (Très bien ! très bien !) pour rendre Église inoffensive, et ne demandez pas à la loi de réaliser ce qui doit être votre oeuvre. (Applaudissement à gauche et sur divers bancs)
     Vous avez eu raison de vous plaindre de la loi quand elle mettait la force du bras séculier au service de Église contre vous.
    N’exigez pas d’elle aujourd’hui qu’elle commette à votre profit la même iniquité.
     Quant à moi, comme libre penseur, je répudie un tel système et, ce faisant, je crois rester fidèle au véritable principe de la séparation des Églises et de État (Vifs applaudissements à gauche et sur divers bancs)
...
(Les amendements seront repoussés. Celui de M. Vaillant  par 486 voix contre 102 ;  celui de M. Levraud par 464 voix contre 107.)

M. le président : Viendrait maintenant un amendement déposé par M. Régnier ... (amendement retiré)
     Personne ne demande plus la parole sur le premier paragraphe de l’article 18 ..... ?
(Le premier paragraphe, mis aux voix , est adopté)
     Un certain nombre d’amendements ont été déposés sur le paragraphe 2. Ceux de M. Buisson et de M. Charles Dumont ne sont pas maintenus.
...
M. Ribot : ... Vous créez ... toute cette machine uniquement pour administrer ; c’est un effort tout à fait inutile, tout à fait démesuré, vous donnez ainsi une mainmise sur l’évêque, vous n’en n’avez pas le droit en vertu de l’article 4 lui-même. Alors je me demande pourquoi vous n’êtes pas resté dans votre système qui était infiniment plus simple, qui au lieu d’une fédération et d’élections à la base dans toutes les paroisses du diocèse, constitue une association au chef-lieu à laquelle l’évêque remet l’administration de la mense sous le contrôle des articles précédents.(Très bien ! très bien ! au centre et à droite.)
...
M. le rapporteur : Le premier texte de la commission ne contenait pas en effet le paragraphe relatif aux unions diocésaine aptes à recueillir les biens des menses archiépiscopales ou épiscopales, des chapitres et séminaires diocésains. La commission a ajouté ce paragraphe par suite de l’adoption d’un amendement qui a été déposé par notre collègue M. Dumont.
...
M. Ribot : ... Je crois, mon cher rapporteur, que vous pourriez tout simplement revenir à votre texte. .... Supprimez donc alors le second paragraphe et vous aurez supprimé une foule de difficultés.
...
(La suppression du second paragraphe, mise aux voix est adoptée)

M. le président : Deux dispositions additionnelles sont présentées sur l’article 18.
     La première, de M. Bepmale, est ainsi conçue :
     « L’union qui englobera les associations appartenant à plus d’un diocèse actuel ne jouira pas de la personnalité civile. »
(Amendement repoussé par 425 voix contre 155)
     Aucune disposition additionnelle à l’article 18 n’ayant été adoptée, je mets aux voix l’ensemble de cet article qui est réduit au premier paragraphe.
(L’ensemble de l’article 18, mis aux voix, est adopté.)

« Art.19.- Les associations et les unions tiennent un état de leurs recettes et de leurs dépenses ; elles dressent chaque année le compte financier de l'année écoulée et l'état inventorié de leurs biens, meubles et immeubles.
 « Le contrôle financier est exercé sur les associations par l'administration de l'enregistrement et sur les unions par la cour des comptes. »
    M. Flayelle propose de supprimer cet article.

M. Flayelle : ... C’est qu’une association ne peut être à la fois publique et privée, qu’elle ne peut être en même temps reconnue et non reconnue d’utilité publique.
    ... Or, rien dans notre droit ne permet d’instituer, même pour les associations reconnues, un contrôle financier spécial. Mais quand il s’agit d’une association purement privée, il y a contradiction évidente à prétendre lui imposer le contrôle d’une administration publique, telle que l’administration de l’enregistrement, et même, dans certains cas, la juridiction de la cour des comptes.
...
(Amendement repoussé par 338 voix contre 234)

M. le président : Je mets aux voix le premier paragraphe de l’article 19 qui n’est pas contesté.
(Le premier paragraphe, mis aux voix est adopté)
...
     M. Henry Boucher, par un amendement, propose la suppression de ce second paragraphe.
     Cet amendement est-il maintenu ?

M. le rapporteur : On a fait valoir les inconvénients du contrôle par la cour des comptes et on demande par voie d’amendement de remplacer la cour des comptes par l’inspection des finances.
     La commission, d’accord avec le Gouvernement, accepte.

M. le président : Le deuxième paragraphe se trouverait donc ainsi rédigé:
     « Le contrôle financier est exercé sur les associations et sur les unions par l'administration de l'enregistrement et par l'inspection générale des finances. »
     Je mets aux voix le deuxième paragraphe de l’article 19 ainsi rédigé.
(Le deuxième paragraphe de l’article 19, mis aux voix, est adopté ; ainsi que l‘ensemble de l‘article 19.)
    Je donne lecture de l'article 20:
    "Les associations et unions peuvent employer leurs ressources disponibles à la constitution d'un fonds de réserve dont  le montant global ne pourra  dépasser  la moyenne annuelle des sommes dépensées  pendant les cinq derniers exercices pour les frais et l'entretien du culte .
   "Indépendamment de cette réserve, qui devra être placée en valeurs nominatives, elles pourront constituer une réserve spéciale dont les fonds devront êtres déposés à la Caisse des dépôts et consignations pour y être exclusivement affectés, y compris les intérêts, à l'achat, à la construction, à la décoration ou à la réparation d'immeubles ou meubles destinés aux besoins de l'association ou de l'union."

Suite

©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3