* Communication d'un décret désignant
un commissaire du Gouvernement pour assister le ministre de l'agriculture
dans la discussion du projet de loi tendant à modifier la loi d'avril
1887 concernant la répression dans le commerce du beurre et la fabrication
de la margarine.
* Suite de la discussion du projet et de la proposition
de loi concernant la fraude sur les vins et le régime des spiritueux.
suite de la discussion du projet et des diverses propositions
de loi
concernant la séparation des Églises et
de l'État.
(38° journée ; réduite
et annotée)
M. le président : Nous nous sommes arrêtés
hier aux dispositions additionnelles proposées à l’article
17.
La première ... est celle de MM. de La Ferronnays, de
Dion, de Lontaigu, Ginoux-Defernon et Jules Gajot. Elle est ainsi conçue
:
“Ajouter à la fin du dernier paragraphe
la disposition suivante :
“Ne seront pas considérées comme
subventions les sommes employées à l’amortissement des dettes
contractées régulièrement, avant la promulgation de
la présente loi, avec l’autorisation du ministre compétant.”
...
(La disposition additionnelle, mise aux voix n’est pas adoptée)
La seconde disposition additionnelle est présentée
par M. le lieutenant-colonel Rousset. Elle tend à ajouter après
le dernier paragraphe de l’article 17 :
“Ne sont pas considérées comme
subventions les sommes allouées pour réparations aux monuments
classés.”
...
M. Bienvenu Martin,
ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes :
cet amendement est conforme aux déclarations que j’ai faites.
M. le président : Il n’y a pas d’opposition à l’adoption
de la disposition additionnelle de M. Rousset ? ...
La disposition additionnelle est adoptée
Nous avons ensuite une autre disposition additionnelle,
de M. Auffray, ainsi conçue :
“ne sont pas considérées comme
subventions les sommes que l’État, les départements ou les
communes jugeront convenable d’employer aux grosses réparations
des édifices du culte loués par eux aux associations”
...
M. Jules Auffray : Messieurs,
je suis convaincu qu’il me sera possible de retirer mon amendement après
les explications que je crois nécessaire de demander à la
commission.
....
M. le président : M. Auffray n’insiste pas ; son amendement
est retiré.
M. Vazeille a déposé une disposition
additionnelle tendant à ajouter à l’article 17 les dispositions
suivantes :
“Les associations cultuelles qui prétendront
au bénéfice des articles 4, 11 et 12 devront être ouvertes
à
toutes les personnes qui acceptent le statut fondamental du culte dont
il s’agit de et comprendre au moins le dixième des personnes majeures
précédemment inscrites à ce culte, domiciliées
ou résidant dans la circonscription religieuse.
Leurs statuts ne devront contenir aucune clause
restrictive de la libre administration légale des biens de l’association
par l’assemblée générale de ses membres.”
M. Vazeille : En présence de la satisfaction qui m’a été accordée par la commission, je retire mon amendement.
M. le président :... Nous passons à la disposition
additionnelle de M. Gayraud, qui tend à ajouter à l’article
17 le paragraphe suivant :
“Les dispositions des paragraphes 3, 4 et 6 du présent
article ne sont applicables qu’aux associations attributaires de biens
concédés par État aux divers cultes en vertu de la
loi du 18 germinal an X ou de tout autre acte postérieur.”
...
M. Gayraud : ... après
le vote de la loi sur la séparation des Églises et de État,
il se formera pour ainsi dire deux catégories d’associations cultuelles.
Les unes se constitueront pour succéder
aux anciennes fabriques et bénéficieront naturellement des
dispositions des articles 4, 11 et 12 de la présente loi. Elles
recevront les biens qui se trouvent en ce moment-ci entre les mains des
fabriques; ...
Une autre catégorie d’associations
se formera, sans aucun doute ; ... dans des lieux où il n’existait
pas de paroisses, où il n’y avait pas de fabriques ni de consistoires
: elles seront organisées en vue de fonder des paroisses nouvelles
;
... Elles naîtront, ... principalement
dans les grandes villes où il existe des paroisses comprenant une
nombreuse population...... il sera, ... , constitué dans ces grandes
paroisses de petites paroisses..... Ce sera toute une floraison paroissiale
nouvelle qui surgira ... grâce à la loi sur la séparation.
Il en sera de même dans les villes industrielles
où l’afflux de la population provinciale nécessitera la création
de nouveaux centres paroissiaux.
....
M. Paul Constans (Allier)
: ... D’après votre argumentation, vous prévoyez que la loi
de séparation des Églises et de État, loin de ralentir
l’activité des fidèles l’augmentera au contraire.
...
Je crois donc, monsieur Gayraud, que vous
êtes en opposition avec l’opinion que vous avez émise au début
de cette discussion, en présentant la séparation comme un
obstacle à l’exercice de la religion. (Et
toc !)
...
(La disposition additionnelle de M. Gayraud n’est pas prise en considération)
(L’ensemble de l’article 17 est adopté par 363 voix contre 219)
M. le président : Nous passons à l’article
18, qui est ainsi conçu :
“Ces associations peuvent, dans les formes
déterminées par l'article 7 du décret
du 16 août 1901, constituer des unions ayant une administration ou
une direction centrale ; ces unions seront réglées par les
articles 16 et par les cinq derniers paragraphes de l'article 17 de la
présente loi.
« Les unions, qui seront seules aptes
à recueillir les biens des menses épiscopales, des chapitres
et séminaires diocésains, devront être formées
par les associations de la circonscription ecclésiastique correspondante.
»
Il y a d’abord sur cet article, trois amendements
qui tendent à restreindre la faculté d’union des associations.
Le premier est signé de MM. Vaillant,
Allard, Bouvert, Chauvière, Constans, Jules Coutant, Dejeante, Delory,
Dufour, Piger, Sembat, Thivrier, Walter . Il tend à rédiger
comme suit l’article 18 :
« Ces associations ne peuvent constituer
des unions ayant une administration ou une direction centrale. »
Le second amendement porte les signatures
de MM. Allard, Vaillant, Dejeante, Bouvert, , Chauvière, Constans,
Jules Coutant, Delory, Dufour, Piger, Sembat, Thivrier et Walter . Il tend
à substituer à l’article le texte suivant :
« Ces associations ne peuvent se fédérer
que dans les limites d’un département. Elles ne pourront, en aucun
cas, ni sous aucune forme, constituer des unions ou des fédérations
avec administration ou direction centrale. »
Le troisième de M. Levraud, est libellé
en ces termes :
« Ces associations peuvent, dans les
formes déterminées par l’article 7 du décret du 16
août 1901, constituer des unions ayant une administration ou une
direction centrale, mais limitées à l’étendue d’un
département. »
M. Édouard Vaillant :...
ceux qui prétendent que cette direction centrale serait sans péril
nous disent que, dans tous les cas, si elle n’existait pas en France, elle
serait à Rome et deviendrait par suite plus dangereuse.
...
Par conséquent, de quelque façon
que soit constituée l’Église dans la séparation, la
direction, la souveraineté du pape existera pour les catholiques,
pour Église Mais s’il y a une union nationale, une direction centrale,
l’autorité du pape, les évêques auront dans la direction
centrale l’organe pratique et politique de leur action..
Je demande que cette faculté de constituer
une union nationale et une direction centrale soit supprimée ; et
je dépose une demande de scrutin à l’appui. (Très
bien ! très bien ! à l’extrême gauche.)
M. Maurice Allard : ... Lorsque
j’ai présenté cet amendement ..., je croyais qu’il existait,
à la gauche de cette Chambre, une majorité décidée
à faire une séparation conforme au vieux programme républicain,
c’est à dire une séparation qui désarmât Église,
qui tendit à diminuer sa malfaisance politique et sociale. (Applaudissements
sur plusieurs bancs à l’extrême gauche. - Exclamations à
droite.) (peut-être que
ce « vieux programme » était-il dépassé
par l’évolution de la société ?)
Je m’étais trompé. Les débats
ont dissipé mes illusions. Cette majorité n’existe pas. Du
projet même de la Commission que je trouvais trop modéré,
..., il ne reste plus rien aujourd’hui.
Mon cher Briand, on vous a changé votre
enfant. (Sourires.) Reprenez tous les articles que nous avons votés
depuis le commencement de la discussion : vous n’en trouverez pas un seul
qui appartienne au projet de la commission.
S’agit-il encore d’une séparation ?
Par l’article 4, vous avez donné aux associations cultuelles les
biens des menses et de fabriques ; par l’article 9, vous avez maintenu
pour longtemps encore le budget des cultes ; par les articles 10 et 11,
vous avez spolié État et les communes au profit de Église
....
Aujourd’hui, vous avez à couronner
l’œuvre de la Chambre, vous avez à donner à Église,
c’est à dire à Rome, ce qui leur a manqué jusqu’à
ce jour en France, la personnalité juridique ...
J’ai essayé, ..., de lutter contre
ces tendances. ... mais étant donné l’état d’esprit
qui se manifeste même parmi les membres de la gauche, il est bien
certain qu’aucun de mes amendements n’a quelque chance d’être accueilli
ici avec bienveillance. C’est pourquoi, soucieux d’économiser le
temps de la Chambre,... , je retire aujourd’hui mon amendement à
l’article 18 et tous ceux qui le suivent. (Applaudissement à
l’extrême gauche. Mouvements divers.)
M. le président : L’amendement de M. Allard et de
se collègues est retiré. L’amendement de M. Vaillant et de
se collègues subsiste.
...
M. le rapporteur : Messieurs, je ne partage pas le pessimisme
de mon collègue et ami M. Allard. ...
En tout cas, par l’article 18, ..., il ne
sera en rien innové au système qui avait été
primitivement arrêté par la commission......
Une loi n’a jamais pu, heureusement, réussir
à réduire ni les individus, ni les groupements d’individus,,
encore moins leur pensée, à l’impuissance. (Très
bien ! très bien)
Un tel résultat ne peut être
que l’oeuvre de la pensée elle même servie par une propagande
active et intelligente. Une loi qui se proposerait un tel but ne pourrait
être qu’une loi de persécution et de tyrannie.
C’est ce que nous avons voulu éviter.
(Très
bien ! très bien !) Nous avons considéré que la
loi de séparation telle que des républicains, et surtout
des libres penseurs, doivent la désirer, devait avoir pour unique
effet de consacrer la neutralité de l’Etat en matière confessionnelle.....
Les dispositions indiquées par M. Allard sont de simple équité.
Quand il dit que nous perpétuons le budget des cultes, évidemment
il exagère. Nous avons admis un système d’indemnités
et de pensions que véritablement une Chambre républicaine
ne pouvait pas se refuser de voter.
Ce n’est pas perpétuer le budget des
cultes que de donner pendant huit ans à des fonctionnaires entrés
au service de l’Etat, sous la foi d’un contrat, une indemnité qui
leur permettra, s’ils le désirent, de rechercher une profession
nouvelle. (Très bien ! très bien ! à gauche.)
Ce n’est pas non plus violer le principe de la neutralité que de
donner à de vieux prêtres qui ont été pendant
vingt ans rémunérés par État une pension dont
le chiffre n’est véritablement pas excessif.
... je reviens à l’objet de l’amendement de M. Vaillant.
Vous ne voulez pas,..., que Église
puisse se constituer fortement, et vous croyez qu’en refusant aux associations
le droit de se fédérer, vous l’affaiblirez dans une certaine
mesure. Quelle erreur !
D’abord, il est puéril de refuser à
des adversaires ce qu’ils sont en mesure de prendre. (Très bien
! très bien !)
Vous refuseriez aux associations le droit
de s’unir, de se fédérer, qu’elles trouveraient quand même
le moyen de se rapprocher, de s’unir et ce serait dans des conditions infiniment
plus dangereuses, car alors elles devraient pratiquer le mode non contrôlable
des associations politiques.
Il arriverait plus encore : les fédérations
régionales, diocésaines, que vous ne pouvez pas interdire,
car elles sont conformes à la constitution actuelle de Église,
croyez-vous qu’elles resteraient isolées lus unes des autres ? Mais
si elles ne pouvaient se fédérer en France, c’est à
Rome, auprès du Saint-Siège, qu’elles iraient constituer
leur organe de direction centrale. Est-ce désirable et serais-ce
conforme à l’intérêt bien entendu de la république
?
....
Mais une autre considération, messieurs,
doit contribuer aussi à vous déterminer. Vous n’avez pas
à régler seulement le sort de Église catholique, mais
aussi celui des Églises protestante et israélite. Celles-ci
ne peuvent fonctionner qu’à la condition d’avoir un organe central.
Vous êtes donc obligés, sous peine d’entraver ces cultes,
par conséquent de porter atteinte à la liberté de
conscience de leurs adeptes, de leur accorder le plus large droit de fédération.
Or, le leur accordant, serait-il de bonne politique que de le refuser à
la seule Église catholique ?
.... Comptez sur la force de la raison servie
par l’activité de votre propagande (Très bien ! très
bien !) pour rendre Église inoffensive, et ne demandez pas à
la loi de réaliser ce qui doit être votre oeuvre. (Applaudissement
à gauche et sur divers bancs)
Vous avez eu raison de vous plaindre de la
loi quand elle mettait la force du bras séculier au service de Église
contre vous.
N’exigez pas d’elle aujourd’hui qu’elle commette
à votre profit la même iniquité.
Quant à moi, comme libre penseur, je
répudie un tel système et, ce faisant, je crois rester fidèle
au véritable principe de la séparation des Églises
et de État (Vifs applaudissements à gauche et sur divers
bancs)
...
(Les amendements seront repoussés. Celui de M. Vaillant
par 486 voix contre 102 ; celui de M. Levraud par 464 voix contre
107.)
M. le président : Viendrait maintenant un amendement déposé
par M. Régnier ... (amendement retiré)
Personne ne demande plus la parole sur le
premier paragraphe de l’article 18 ..... ?
(Le premier paragraphe, mis aux voix , est adopté)
Un certain nombre d’amendements ont été
déposés sur le paragraphe 2. Ceux de M. Buisson et de M.
Charles Dumont ne sont pas maintenus.
...
M. Ribot : ... Vous créez
... toute cette machine uniquement pour administrer ; c’est un effort tout
à fait inutile, tout à fait démesuré, vous
donnez ainsi une mainmise sur l’évêque, vous n’en n’avez pas
le droit en vertu de l’article 4 lui-même. Alors je me demande pourquoi
vous n’êtes pas resté dans votre système qui était
infiniment plus simple, qui au lieu d’une fédération et d’élections
à la base dans toutes les paroisses du diocèse, constitue
une association au chef-lieu à laquelle l’évêque remet
l’administration de la mense sous le contrôle des articles précédents.(Très
bien ! très bien ! au centre et à droite.)
...
M. le rapporteur : Le premier texte de la commission ne contenait
pas en effet le paragraphe relatif aux unions diocésaine aptes à
recueillir les biens des menses archiépiscopales ou épiscopales,
des chapitres et séminaires diocésains. La commission a ajouté
ce paragraphe par suite de l’adoption d’un amendement qui a été
déposé par notre collègue M. Dumont.
...
M. Ribot : ... Je crois, mon cher rapporteur, que vous pourriez
tout simplement revenir à votre texte. .... Supprimez donc alors
le second paragraphe et vous aurez supprimé une foule de difficultés.
...
(La suppression du second paragraphe, mise aux voix est adoptée)
M. le président : Deux dispositions additionnelles sont
présentées sur l’article 18.
La première, de M. Bepmale, est ainsi
conçue :
« L’union qui englobera les associations
appartenant à plus d’un diocèse actuel ne jouira pas de la
personnalité civile. »
(Amendement repoussé par 425 voix contre 155)
Aucune disposition additionnelle à
l’article 18 n’ayant été adoptée, je mets aux voix
l’ensemble de cet article qui est réduit au premier paragraphe.
(L’ensemble de l’article 18, mis aux voix, est adopté.)
« Art.19.- Les associations
et les unions tiennent un état de leurs recettes et de leurs dépenses
; elles dressent chaque année le compte financier de l'année
écoulée et l'état inventorié de leurs biens,
meubles et immeubles.
« Le contrôle financier est exercé sur les
associations par l'administration de l'enregistrement et sur les unions
par la cour des comptes. »
M. Flayelle propose de supprimer cet article.
M. Flayelle : ... C’est qu’une association ne peut être
à la fois publique et privée, qu’elle ne peut être
en même temps reconnue et non reconnue d’utilité publique.
... Or, rien dans notre droit ne permet d’instituer,
même pour les associations reconnues, un contrôle financier
spécial. Mais quand il s’agit d’une association purement privée,
il y a contradiction évidente à prétendre lui imposer
le contrôle d’une administration publique, telle que l’administration
de l’enregistrement, et même, dans certains cas, la juridiction de
la cour des comptes.
...
(Amendement repoussé par 338 voix contre 234)
M. le président : Je mets aux voix le premier paragraphe
de l’article 19 qui n’est pas contesté.
(Le premier paragraphe, mis aux voix est adopté)
...
M. Henry Boucher, par un amendement, propose
la suppression de ce second paragraphe.
Cet amendement est-il maintenu ?
M. le rapporteur : On a fait valoir les inconvénients
du contrôle par la cour des comptes et on demande par voie d’amendement
de remplacer la cour des comptes par l’inspection des finances.
La commission, d’accord avec le Gouvernement,
accepte.
M. le président : Le deuxième paragraphe se trouverait
donc ainsi rédigé:
« Le contrôle financier est exercé
sur les associations et sur les unions par l'administration de l'enregistrement
et par l'inspection générale des finances. »
Je mets aux voix le deuxième paragraphe
de l’article 19 ainsi rédigé.
(Le deuxième paragraphe de l’article 19, mis aux voix, est adopté
; ainsi que l‘ensemble de l‘article 19.)
Je donne lecture de l'article 20:
"Les associations et unions
peuvent employer leurs ressources disponibles à la constitution
d'un fonds de réserve dont le montant global ne pourra
dépasser la moyenne annuelle des sommes dépensées
pendant les cinq derniers exercices pour les frais et l'entretien du culte
.
"Indépendamment de cette
réserve, qui devra être placée en valeurs nominatives,
elles pourront constituer une réserve spéciale dont les fonds
devront êtres déposés à la Caisse des dépôts
et consignations pour y être exclusivement affectés, y compris
les intérêts, à l'achat, à la construction,
à la décoration ou à la réparation d'immeubles
ou meubles destinés aux besoins de l'association ou de l'union."
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3