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20 avril 1905
        * Adoption, après déclaration de l'urgence, d'un projet de loi ayant pour objet de déclarer d'utilité publique, à titre d'intérêt général, l'établissement d'un chemin de fer de Carmaux à Vindrac.
        * Adoption, après déclaration de l'urgence, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat portant modification de la loi du 8 juillet 1890 sur les délégués à la sécurité des ouvriers mineurs.

suite de la discussion du projet et des propositions de loi
concernant la séparation des Églises et de l'État.
(16° journée ; réduite et annotée)

M. le président :...
    Avant de passer à la discussion des amendements, je donne lecture de la nouvelle rédaction, proposée par la commission de l'article 4 :
    "Dans le délai d'un an, à partir de la promulgation de la présente loi, les biens mobiliers et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires et autres établissements publics du culte seront, avec toutes les charges et obligations qui les grèvent, transférés au même titre par les représentants légaux de ces établissements aux associations qui, en se conformant aux règles d'organisation générale du culte dont elles se proposent d'assurer l'exercice, se seront légalement formées, suivant les prescriptions de l'article 17, pour l'exercice de ce culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements.
    "Toutefois, ceux des biens qui proviennent de l'État et qui ne sont pas grevés d'une fondation pieuse feront retour à l'État.
    "Les attributions de biens ne pourront être faites par les établissements ecclésiastiques qu'un mois après la promulgation du règlement d'administration publique prévu à l'article 36 . Faute de quoi la nullité pourra en être demandée devant le tribunal civil par toute partie intéressée ou par le ministère public.
   "En cas d'aliénation par l'association cultuelle de de biens mobiliers ou immobiliers faisant partie du patrimoine de l'établissement public dissous, le montant du produit de la vente devra être employé en titres de rente nominatifs."

    Il y a un article 4bis dont il y aura lieu de donner ultérieurement lecture.
    La parole est à M. Ribot pour une motion d'ordre.

M. Ribot : M. le président vient de donner lecture d'une nouvelle rédaction que la commission a accepté hier et qu'elle a fait distribuer aujourd'hui. Je crois que la Chambre a besoin d'une explication ...
    La première rédaction ...  donnait au tribunal une sorte de pouvoir arbitraire non défini, sans critérium légal, pour choisir entre les associations qui se présenteraient afin de succéder aux établissements publics supprimés.
    ...  nous avons déclaré que nous ne voulions pas nous ingérer dans l'organisation intérieure de chaque culte... . Nous disons que c'était là la doctrine et la pratique américaine et que ce devait être, dans un régime de séparation loyale et sincère, la pratique à laquelle nous devions tous nous rallier.
...

M. Aristide Briand, rapporteur : ...
    je m'empresse de déclarer qu'il n'y a rien dans cette modification qui soit contraire ou même simplement en désaccord avec l'esprit dans lequel l'article 4 avait été conçu et arrêté dans son premier texte. Pour s'en convaincre, il suffit de se reporter à l'interprétation que j'en avais donné dans mon rapport.
...
    A l'heure où va être faite la dévolution des biens, nous sommes en présence de trois églises; ... Ces églises ont des constitutions que nous ne pouvons pas ignorer ; ... et notre premier devoirs, à nous législateurs, au moment où nous sommes appelés à régler le sort le sort des Églises dans l'esprit de neutralité où nous concevons la réforme, c'est de ne rien faire qui soit attentatoires à la libre constitutions de ces Églises. (Très bien ! très bien ! au centre et sur divers bancs.)
...
M. le président : Nous arrivons à un amendement présenté par M. Jules Auffray, tendant à remplacer les articles 4 à 7 par d'autres articles.
    Je donne tout d'abord lecture de l'amendement sur l'article 4 :
    remplacer l'article 4 par le texte suivant :
    "Art. 4 - dans le délai d'un an à partir de la promulgation de la présente loi, il sera fait attribution, sous les distinctions et dans les conditions suivantes, de tous les biens mobiliers et immobiliers appartenant aux menses, fabriques, conseils presbytéraux et autres établissements ecclésiastiques du culte, avec toutes les charges et obligations qui les grèvent, par les représentants légaux de ces établissements.
    "Tous les biens, grevés d'une fondation pieuse ou qui auront été, jusqu'au jour de la promulgation de la présente loi, affectés à l'entretien du culte, seront attribués aux associations légalement formées pour succéder aux droits et charges des établissements du culte supprimés.
    "Ces associations seront désignées par les évêques et les consistoires.
    "A défaut d'une association formée dans la même commune, l'attribution pourra être faite à toute autre association cultuelle désignée comme il a été dit ci-dessus, et prenant l'engagement de pourvoir aux charges des fondations et aux besoins du culte auxquels il était pourvu par l'établissement public du culte supprimé."
...
M. Jules Auffray : ...
    C'est tout ce qui est réglé au titre II. Il porte comme en-tête : "De la dévolution des biens"
    Or, la commission a dû statuer sur les quatre questions suivantes : Quels biens vont être dévolus ? Sous quel régime tomberont les biens dévolus ? Par qui la dévolution sera-t-elle faite ? En quatrième et dernier lieu, quels recours peuvent être ouverts à ceux de qui proviennent un certain nombre de ces biens ?
...
    Pour résoudre l'ensemble de ces quatre questions la commission avait été sollicitée dans les sens les plus divers ...
    La commission s'est trouvée d'abord en présence d'un système très radical qu'elle a repoussé et qui a été avant-hier rejeté par la chambre....
    Un second projet était signé de MM. Vaillant et Allard ; il était un peu moins radical que le projet de MM. Allard et Vaillant ...  [Il] se contentait d'attribuer tout l'ensemble des biens, y compris les fondations pieuses, à un culte quelconque, qui n'était pas nécessairement le culte qui jusqu'alors avait possédé ces biens. Ce projet a été également écarté par la commission.
    Le troisième amendement que la commission a repoussé est celui de M. Régnier aux termes duquel les biens étaient attribués par des commissaires liquidateurs nommés par décret, sans que d'ailleurs aucune règle d'attribution fût indiquée.
    Ces dispositions étaient toutes plus radicales que celles de la commission.
    Le quatrième projet, ..., d'abord écarté puis accepté par la commission, est celui de de MM. Trouillot, Sarrien, Camille Pelletant et plusieurs autres collègues. Suivant cet amendement, les biens des fabriques, menses, consistoires et conseils presbytéraux seraient administrés par les associations cultuelles, comme ils l'étaient par ces établissements publics du culte.
    En outre, de ces propositions émanant de l'initiative parlementaire, la commission s'est trouvée en présence de deux projets de Gouvernement, qu'elle a également écartés. Le premier était celui de M. Combes ; au termes de ce projet les biens de fabriques, menses, consistoires, etc., pouvaient être l'objet de concessions décennales dans les limites des besoins des différents cultes, besoins déterminés, suivant l'importance des biens, soit par le conseil d'État, soit par arrêté préfectoral.
    Le projet de M. Combes exceptait,..., de ces concessions décennales les biens provenant de l'État et les fondations charitables qu'on attribuait à des établissements publics ; pour la première fois, on se préoccupait de la constitution des fonds de réserve, et le projet de M. Combes en créait deux ; un sans limitation de chiffre, exclusivement affecté à l'achat de terrains aux constructions ou réparation d'immeubles affectés au culte, l'autre, limité au tiers du revenu annuel des différentes associations cultuelles.
    Si je me permet de donner ces explications, c'est que je cherche, dans le sort fait à ces projets, la pensée directrice de la commission. Cette pensée s'est dessinée peu à peu : au début la commission s'est placée sur un terrain un peu étroit ; elle a ensuite étendu ses vues, modifié son esprit, et j'examinerai tout à l'heure si toutes ces modifications sont conçues dans un sens libéral ou dans un sens restrictif de la liberté : c'est à ce point de vue qu'il est intéressant de discuter l'article 4
...
    La commission a fonctionné depuis bientôt deux ans - c'est à dire depuis le 18 juin 1903 - et c'est, aujourd'hui seulement, 20 avril 1905, qu'elle adopte cette solution. Or quel avait été jusqu'ici son système ?
    La première question était celle-ci : Quels seront les biens dévolus ?
    La commission décidait que tous les biens actuellement possédés seraient attribués par les représentants légaux des associations cultuelles à venir, à l'exception de deux catégories de bien : 1° les biens provenant de dotation d'État ; 2° les biens provenant de fondations charitables ou étrangères au culte.
    Sur la seconde question : sous quel régime tomberont les biens dévolus ? la commission décidait, il y a deux jours encore, que les biens attribués par les représentants légaux appartenaient aux fabriques et, par conséquent, appartiendraient aux associations cultuelles.
...
    Sur la troisième question : Par qui la dévolution sera-t-elle faite ? la commission statuait que les représentants légaux des établissements publics à supprimer attribueraient les biens, les uns aux associations cultuelles légalement formées, les autres, c'est-à-dire les biens charitables ou étrangers au culte, à des établissements d'utilité publique, sous l'approbation du préfet ou du conseil d'État.
...
    Enfin sur la quatrième question : quels recours seront ouverts à ceux de qui proviennent les biens ? la commission ouvrait une action en reprise ou en revendication aux auteurs des donations ou legs ou à leurs héritiers en ligne directe.
    Tel était, il y a deux jours, le système de la commission. Depuis, elle a apporté trois modifications importantes à son premier projet. Je dis : trois, ce qui montre tout de suite, comme on en a discuté qu'une tout à l'heure, qu'il en reste deux autres à examiner.
    La première modification a été rendue nécessaire à la suite du débat soulevé par MM. Ribot et thierry, et relative au règlement des dettes. Je n'en parle pas puisqu'elle fait l'objet de l'article 4bis ...
    Les deux autres modifications admises récemment par la commission portent sur les points suivants.
    La commission, dont la rédaction primitive était celle-ci : "Dans le délais d'un an, etc. ... les biens mobiliers et immobiliers appartenant aux menses, fabriques, etc., seront attribués par les représentants légaux ...", a accepté l'amendement de MM. Trouillot, Bourrat, Dron, Gouzy, Guyot-Dessaigne, camille Pelletant, Sarrien et Codet, et a rédigé ainsi son nouvel article :
    "dans le délai d'un an, etc., les biens mobiliers et immobiliers administrés par les menses, etc., seront transférés au même titre par les représentants légaux."
    Enfin, le dernier amendement accepté par la commission depuis hier est celui de M. Boucher d'un côté, et de M. de Présentés de l'autre ; il consiste à dire que les représentants légaux feront l'attribution des biens aux associations qui non seulement se seront légalement formés suivant les prescriptions de l'article 17, mais qui se seront conformés aux règles d'organisation générale du culte dont elles se proposent d'assurer l'exercice.
    A l'heure actuelle le système de la commission est donc le suivant : d'abord, en ce qui concerne les biens dévolus, elle les fait tous passer aux associations cultuelles excepté :1° les biens provenant des dotations de L'État ; 2° les fondations charitables ou étrangères au culte.
    Sur la seconde question : sous quel régime vont tomber les biens dévolus ? Elle décide que ces biens qui étaient administrés par les menses, fabriques, consistoires, etc., vont être transférés au même titre, et par conséquent continueront d'être administrés de même par les associations cultuelles.
    Sur la troisième question : par qui la dévolution va-t-elle être faite ? elle décide que la dévolution sera faite à des associations qui seront en conformité avec les règles organiques du culte aux besoin duquel elles prétendront pourvoir.
...
    Sur la dernière question, elle n'a rien modifié ...
...
[J'ai trois observations à faire] que je vous demande la permission de développer .... (Interruptions à l'extrême gauche et à gauche. -Parlez ! parlez ! à droite)

M. Jaurès :  C'est de l'obstruction !

M. Jules Auffray :  Non, monsieur Jaurès, je n'ai nullement l'intention de faire de l'obstruction, mais bien d'éclairer le débat.

M. Jaurès : Mettons qu'elle est d'autant plus efficace qu'elle est involontaire. (Rires et applaudissements à l'extrême gauche et à gauche. - Protestations à droite.)

M. Jules Auffray :Monsieur Jaurès, je ne me prête pas aux traits d'esprit, même venant d'un homme aussi autorisé que vous. Il est peut-être spirituel à un homme qui jouit dans cette Chambre de l'importance de M. Jaurès de dire que l'obstruction est involontaire, ce qui signifie que l'orateur est un imbécile. (Exclamations.)

M. Jaurès : Oh! monsieur Auffray !
...
M. le rapporteur: M. Auffray,..., nous a fait un discours très intéressant sur l'article 4 ; mais en réalité il n'a pas défendu son amendement ...

M. Jules Auffray : Évidemment, si M. le rapporteur est convaincu que je n'ai pas discuté mon amendement, c'est que pendant deux heures, j'ai été d'une obscurité parfaite. (On rit)
...
    ... sur l'avis de M. Ribot, je retire mon amendement.

(La Chambre, consultée, décide qu'elle tiendra une séance exceptionnelle demain matin)

©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3