Au cours des trois
semaines d'interruption de débats, le Congrès du Globe,
qui eut lieu du 23 au 26 avril 1905, donna naissance au Parti socialiste
unifié, section française de l'Internationale ouvrière
(SFIO), grâce à la fusion du parti ouvrier socialiste
révolutionnaire de Jules Guesde,
du parti socialiste de France de Jean
Jaurès et de plusieurs fédérations autonomes.
* Dépôt, par M. de Pins et plusieurs
de ses collègues, d'une proposition de loi tendant à accorder
des secours aux victimes de l'inondation qui a ravagé le département
du Gers, et en particulier l'arrondissement de Lombes les 6 et 7 mai 1905.
M. le président : ...
La Chambre se souvient qu'elle s'est arrêtée
à l'article 4 bis constitué
avec les trois derniers paragraphes de l'ancien article
4.
M. Cachet avait déposé un amendement
... A la suite des déclarations faites par M. le rapporteur
à la dernière séance, M. Cachet m'a prévenu
qu'il ne voit plus l'intérêt à maintenir son amendement.
En conséquence, l'amendement est retiré.
Avant de mettre en délibération le
texte de la commission, je dois appeler la Chambre à statuer sur
plusieurs amendements qui sont destinés, s'ils étaient adoptés,
à prendre place entre l'article 4 et l'article 4 bis.
Le premier de ces amendements est signé de
MM. Allard, Vaillant et Dejeante ; il est ainsi conçu :
"Les biens attribués en vertu de l'article
précédent, ne le sont qu'à titre d'usufruit, la nue
propriété des biens restant à l'État ou aux
communes.
"L'attribution n'est faite que pour une période
de dix ans. Au bout des dix ans, elle pourra être renouvelée,
pour le même temps, par une loi."
Un second amendement est de M. Charles Dumont ;
il est ainsi conçu :
"Outre les conditions prévues à l'article
17, les associations cultuelles pour être aptes à recueillir
les biens visés à l'article 4, devront comprendre le tiers
des habitants des deux sexes (Ne
pas oublier qu'à l'époque, les femmes n'ont pas le droit
de vote et que celles qui sont mariées sont
civilement mineurs ), majeurs, domiciliés
dans les limites territoriales de l'ancien établissement public.
"Le transfert visé par les dispositions de
l'article 4 et du paragraphe ci-dessous ne porte que sur les revenus des
biens mentionnés audit article 4. La jouissance de ces revenus sera
attribuée à titre d'usufruit aux associations cultuelles
satisfaisant aux conditions déterminées par le précédent
paragraphe. Celles-ci seront toutefois dispensées de fournir la
caution prévue à l'article 601 du code civil.
"Toutefois, ceux des biens susvisés qui proviennent
de l'État, feront retour à l'État."
"L'attribution des bien, etc."
(Le reste comme l'article proposé par la
commission)
(Le premier amendement sera repoussé par 389 voix contre 173
et M. Dumont acceptera la proposition de M. le rapporteur que son amendement
soit renvoyé à la discussion de l'article 17 où il
aurait des chances d'être adopté)
...
M. le président : Nous en arrivons à un amendement
de M. Lefas, ainsi conçu :
"En cas de vacances du titulaire d'une mense épiscopale,
l'attribution des biens de cette mense sera faite par les vicaires capitulaires."
(L'amendement est repoussé par 316 voix contre 241, M. le
ministre des cultes ayant fait remarquer que l'expression "les représentants
légaux" contenu dans le 1er paragraphe de l'article 4 répondait
à ses inquiétudes.)
...
Nous passons à un amendement de MM. Vigouroux,
Chavoix, Jean Codet, Empereur, Iriart d'Etchepare, Muteau et Saumande,
qui est ainsi conçu :
"L'attribution de biens prévue à l'article
précédent devra être approuvée par le préfet
du département où siège l'établissement ecclésiastique.
En cas de non -approbation, il sera statué par décret en
conseil d'État."
...
M. le rapporteur : L'amendement de M. Vigouroux fait intervenir
l'administration préfectorale dans la dévolution des biens.
Par là, il est en contradiction avec les termes de l'article 4.
...
Si vous faites intervenir le préfet, vous
devez lui donner un pouvoir, par exemple, celui de s'opposer à la
transmission. Mais le faire intervenir uniquement pour assister à
la transmission, permettez-moi de vous faire observer que ce serait insuffisant
pour justifier votre amendement. ...
M. Louis Vigouroux : ...
Je crois que mon amendement constitue une amélioration ...
Si vous ne le voulez pas, je m'incline et je le retire ...
...
M. le président : Nous en arrivons à l'amendement
de M. Grousseau qui est ainsi conçu :
"Par le fait de l'attribution des biens effectués
conformément à l'article précédent, les droits
et actions des divers établissements publics du culte passeront
aux associations qui leur succéderont."
M. Grousseau : Mon amendement
a pour but d'éviter toute équivoque sur le des mots "biens
mobiliers et immobiliers" qui sont contenus dans l'article 4. J'estime
...
que
cette expression comprend non seulement les biens matériels ...
mais encore ce qu'on appelle les biens incorporels, les droits de toute
sorte et les actions de toute nature qui ne s'exerceront que postérieurement
à la dévolution de l'attribution.
...
M. le rapporteur : Il est certain que l'objet même de
votre amendement est contenu implicitement dans les termes de l'article
4 et que les droits incorporels des établissements publics du culte
sont transmis avec tous les autres droits aux associations cultuelles.
Un droit de créance, par exemple, est évidemment transmis
à l'association cultuelle.
M. Grousseau : ... Je n'ai pas à insister, et je retire mon amendement.
M. le président :... Nous passons à l'amendement
de M. Lemire, qui est ainsi conçu :
"Seront pareillement, et dans le même délai,
attribuées par les communes aux associations cultuelles fondées
sur leur territoire, les sommes recueillies à titre de legs ou donations
avec affectation spéciale à la construction ou à la
restauration d'édifices du culte ou d'annexes de ces édifices."
(Monsieur Lemire explique sa position)
M. Jaurès : C'est un nouveau Syllabus.
M. Lemire : Pas du tout ; je n'ai pas l'habitude de faire des Syllabus. Nous en possédons un qui n'a rien à faire en cette circonstance et que je n'ai pas à examiner à la tribune.
M. Jaurès : Ne vous offusquez pas de ce mot.
M. Lemire : C'est un argument ad hominem, et il ne me plaît pas.
M. Jaurès : Prenez garde de trop vous en défendre, monsieur Lemire.
M. Lemire : Vous insistez, monsieur Jaurès. Vous voudriez
que nous soyons en concile, et vous nous condamneriez plus vite que le
pape. (Rires et applaudissements à droite.)
...
M. le rapporteur : Notre honorable collègue nous a présenté
son amendement sous un aspect innocent qui nous le rendrait volontiers
sympathique. Mais ... il pose, en réalité, des questions
qui touchent à la propriété des édifices du
culte et dont le règlement ne serait pas à sa place ici.
(après quelques explications complémentaires)
M. Lemire : Je me déclare satisfait par les déclarations de l'honorable rapporteur et je retire mon amendement.
M. Le président : ...
Nous passons à un amendement de M. Lasies
dont voici le texte :
"Les prescriptions de l'article précédent
ne seront applicables que sous réserve expresse que les évêques,
pasteurs et rabbins, sous la dépendance administrative desquels
se trouveront les associations cultuelles, seront de nationalité
française ou naturalisé depuis dix ans au moins."
M. Lasies : ...
Je dépose ma proposition comme article additionnel
et j'ai l'intention de démontrer à la Chambre que la discussion
actuelle, ..., ne sera qu'une manifestation concordataire et religieuse.
...
M. Lemire : Je prie M. Lasies de ne pas insister sur la motion
qu'il a présentée. Il sait très bien que lorsqu'il
s'set agi de la liberté générale d'association, les
Chambres n'ont pas voté d'article spécial pour interdire
aux étrangers d'entrer dans l'administration.
La loi sur les sociétés commerciales
ne comprend pas non plus un article un article spécial pour exclure
les étrangers, de sorte qu'ils peuvent venir sur la terre de France
manipuler de l'argent, s'établir et devenir propriétaires.
A-t-on fait une réclamation pareille à
la vôtre, monsieur Lasies, lorsqu'il s'est agi de l'administration
des compagnies de chemin de fer, qui sont autrement plus puissantes que
les sociétés cultuelles ?
M. Lasies : Pardon ! J'ai déposé à ce sujet une proposition de loi il y a sept ans.
M. Lemire : Aucune loi n'exclut les étrangers de l'administration
de ces sociétés diverses.
Si le principe que vous posez doit être admis
par le Parlement, il faut l'appliquer avant tout lorsqu'il s'agit de ces
organisations économiques qui sont, vous le savez, plus tyranniques
que les idées et les doctrines. Guesde a dit maintes fois : "Nous
n'aurons rien fait aussi longtemps que nous n'aurons pas organisé
la lutte contre le régime capitaliste."
Eh bien ! cette lutte elle-même, on n'a pas
demandé de la faire en excluant les étrangers de la terre
de France.
Vous n'avez pas demandé que les étrangers
fussent exclus des forces sociales et des forces économiques de
notre pays. Pourquoi venez-vous tout à coup le demander pour nous,
association catholique ? Pourquoi venez-vous dire à la Chambre que
nous serions capables de mettre à notre tête des chefs étrangers
?
Je n'admets pas que nous rende victimes de cette
suspicion qui m'est odieuse. (Applaudissements) je n'admets pas,
monsieur Lasies, l'hypothèse que vous faites ! Comme si, le lendemain
du jour où nous serions séparés de l'État,
nous devions cesser d'être de bons patriotes !
M. Lasies : Je n'ai jamais rien dit de pareil !
M. Lemire : Pardon, je réponds à des arguments
d'ordre nationaliste et j'écarte le soupçon qu'on fait planer
sur toutes les associations catholiques de France.
Non, messieurs, le lendemain du jour où elles
ne seront plus liées à l'État par les liens concordataires,
elles n'auront pas perdu subitement le sens de leurs devoirs nationaux.
Elles auront assez de tact vis-à-vis de leurs compatriotes pour
ne pas mettre à leur tête dans l'ordre religieux des chefs
étrangers.
...
Le lendemain du jour où nous serons séparés
de l'État, il ne sera pas dit que pour les catholiques ce sera désormais
le règne du bon plaisir et qu'ils vivront dans un état anarchique,
sans aucun droit à respecter ou à réclamer.
M. Lucien Millevoye : Alors c'est le concordat Briand-Lemire ! Nous ne sommes pas fâchés de le savoir.
M. Lemire : Je demande à la Chambre la permission de conduire
ma discussion comme je l'entends. (Parlez ! parlez !)
Le lendemain du jour où le Concordat
ne sera plus appliqué, il faudra bien un autre régime
! Il y aura forcément ... à établir chez nous,
catholiques, des règlements divers, par exemple pour la nomination
des curés. Vous intervenez aujourd'hui dans cette nomination. Vous
n'interviendrez plus, c'est entendu. Mais quelqu'un devra intervenir. Il
y aura donc, de ce fait, une organisation nouvelle, et qui sera régulièrement
faite.
...
Nous n'avons pas besoin pour régler
nos affaires ecclésiastiques,..., de la participation
de l'État.
S'il y a un Concordat en France, c'est un régime
qui a son histoire, qui a ses avantages, mais sans lequel l'Église
peut exister. Le Concordat n'est pas indispensable au fonctionnement de
l'Église catholique. ...
M. Émile Villiers : Etes-vous partisan oui ou non
de la séparation ? (Exclamations à l'extrême gauche)
...
M. Lemire : Je discute l'amendement de M. Lasies...
Dès le lendemain de la séparation
- si elle a lieu ; c'est l'hypothèse où je me place, monsieur
Villiers, séparation que je ne fais pas, que je ne vote pas, mais
qui dépend du vote de la Chambre et dont je puis bien discuter les
conséquences - on ne doit pas s'imaginer que les catholiques seront
totalement dénués de tout esprit national, de toute notion
de justice ... (Divers interventions)
Je ne m'imaginais pas, en vérité,
que la question passionnerait à ce degré et que je serais
amené à de pareils développements ....
On ne doit pas s'imaginer que le lendemain de la
séparation les catholiques de France vivront sans aucun règlement
interne, sans aucun droit canon, soit pour protéger les prérogatives
de ceux qui obéissent, soit pour régler l'administration
de ceux qui commandent.
Nous ne vivons pas sous le régime du despotisme.
M. Lasies : Si le Vatican vous entendait ! ...
M. Lemire : C'est du catéchisme que je fais en ce moment.
M. Gayraud : C'est cela ! C'est du catéchisme tout pur.
M. Lemire : M. l'abbé Gayraud, qui est un théologien, me dit que c'est du pur catéchisme ... Je suis donc complètement rassuré au point de vue de l'orthodoxie.
M. Lucien Millevoye :Vous avez même l'approbation dogmatique
de l'extrême gauche.
...
M. Lemire : Nous allons avoir, le lendemain de la séparation,
si elle se fait ..
M. de Baudry d'Asson : N'en doutez pas, monsieur l'abbé ; elle est déjà faite.
M. Lemire : Nous sommes ici une assemblée politique
; je parle ici comme collègue à des collègues, et
j'entends exercer mes droits de député. (Applaudissements
à gauche et au centre.)
Si je ne le pouvais pas ça serait
que la soutane est incompatible avec la fonction de député.
Mais l'amendement proposé par M. Dejeante n'est pas encore voté.
J'ai donc la liberté de mes déclarations, et je les fais
avec une responsabilité que je revendique.
...
(Prié de retirer son amendement, M. Lasies le maintiendra.
Il sera repoussé par 460 voix contre 63 et la suite de la discussion
sera reportée au lendemain )
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3