* Dépôt par M. Denêcheau et plusieurs
de se collègues, d’une proposition de loi tendant à ouvrir
au ministre de l’agriculture un crédit extraordinaire de 1 500 000
fr. pour venir en aide aux victimes d’un cyclone dans le département
de l’Aisne
* Dépôt, par M. Andrieu, d’une proposition
de loi, portant ouverture d’un crédit de 800 000 fr. pour venir
en aide aux victimes des orages dans l’arrondissement d’Albi (Tarn).
* Dépôt, par M. de Montebello et plusieurs
de ses collègues, d’une proposition de loi portant ouverture d’un
crédit extraordinaire de 500 000 fr. pour venir en aide aux victimes
des orages dans l’arrondissement de Reims, d’Epernay et de Châlons.
* Dépôt, par M. Devins, d’une proposition
de loi portant ouverture d’un crédit de 100 000 fr. pour venir en
aide aux populations de Blesle (Haute-Loire).
* Dépôt, par M. de Castillard, d’une
proposition de loi portant ouverture d’un crédit de 800 000 fr.
destiné à secourir les victimes des intempéries qui
ont sévie dans l’arrondissement d’Arcis-sur-Aube.
* Dépôt par M. Denêcheau et plusieurs
de se collègues, d’une proposition de loi tendant à ouvrir
au ministre de l’agriculture un crédit extraordinaire de 1 500 000
fr. pour venir en aide aux victimes d’un cyclone dans le département
de l’Aisne
* Dépôt, par M. Andrieu, d’une proposition
de loi, portant ouverture d’un crédit de 800 000 fr. pour venir
en aide aux victimes des orages dans l’arrondissement d’Albi (Tarn).
* Dépôt, par M. de Montebello et plusieurs
de ses collègues, d’une proposition de loi portant ouverture d’un
crédit extraordinaire de 500 000 fr. pour venir en aide aux victimes
des orages dans l’arrondissement de Reims, d’Epernay et de Châlons.
* Dépôt, par M. Devins, d’une proposition
de loi portant ouverture d’un crédit de 100 000 fr. pour venir en
aide aux populations de Blesle (Haute-Loire).
* Dépôt, par M. de Castillard, d’une
proposition de loi portant ouverture d’un crédit de 800 000 fr.
destiné à secourir les victimes des intempéries qui
ont sévie dans l’arrondissement d’Arcis-sur-Aube.
(On ne parlait pas de réchauffement
climatique à l’époque ...)
* Dépôt, par M. Devins, d’une proposition
de loi limitant à huit heures au maximum la journée de travail
dans les mines
suite de la discussion du projet et des diverses propositions
de loi
concernant la séparation des Églises et
de l'État.
(46° journée ; réduite
et annotée - mais c'était la 48° séance)
M. le président : ...
Nous nous sommes arrêtés vendredi dernier aux dispositions
additionnelles de l’article 35.
La première .... est retirée.
Nous arrivons à un article additionnel
présenté par M. Lemire et ainsi conçu :
« Les ministres des cultes précédemment
reconnus par l’État sont désormais, comme les autres citoyens
et dans les mêmes conditions, aptes à toutes les fonctions
publiques et à toutes les professions, sous réserve de la
dérogation transitoire mentionnée dans l’article 36 bis de
la présente loi. »
M. Lemire : ... Lorsque nous
aurons abrogé un certain nombre d’articles des lois existantes ...
, la conséquence ... sera que les ecclésiastiques sont désormais
aptes aux fonctions publiques. Mais il y a aussi les professions, et nul
n’ignore qu’à l’heure actuelle un certain nombre de ces professions
nous sont fermées.
...
Actuellement, lorsqu’un ecclésiastique
pourvu de la licence en droit demande à être inscrit au barreau,
sa demande n’est pas accueillie.
...
Nous avons une déclaration des droits
de l’homme et du citoyen ; pourquoi comporterait-elle demain des exceptions
? je ne crois pas qu’il entre dans la pensée de la Chambre d’en
faire. ...
(L’amendement, mis aux voix, n’est pas pris en considération.)
M. le président : Nous arrivons à une disposition
additionnelle de M. Lasies, ainsi conçue :
« L’effet des articles 31 et 32 de la
présente loi est limité à un an à partir de
sa promulgation. »
(Amendement repoussé par 328 voix contre 228)
....
Nous passons à l’article 36. J’en donne lecture
:
« Un règlement d'administration
publique rendu dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente
loi déterminera les mesures propres à assurer son application.
»
Il y a un amendement de M. Gourd tendant à rédiger
comme suit cet article :
« Un règlement d’administration
publique, rendu après délibération du conseil des
ministres, déterminera les mesures propres à assurer son
application. »
M. Gourd : Le règlement
d’administration publique pour l’exécution de la loi du 1er juillet
1901 a été rendu le 16 août suivant, dans un délais
d’un mois et demi, par conséquent, après la promulgation
de la loi. Peut-être l’a-t-il été trop tôt, puisqu’il
a dû être modifié ou complété par un nouveau
décret du 28 novembre 1902.
Le règlement d’administration publique
pour l’exécution de la loi du 7 juillet 1904 est du 5 janvier 1905
postérieur de 6 mois à peu près à la promulgation
de la loi.
La première modification que je demande
au texte de l’article 36 est la suppression de tout délai. Le délai
sera ce qu’il sera ; celui que la gravité du sujet et l’importance
des intérêts engagés auront rendu nécessaire.
...
Vous avez renoncé, ..., à la
garantie de la double délibération.
Je reconnais très volontiers que la
délibération unique a été à la fois
aussi longue et aussi complète qu’elle pouvait l’être. mais
la garantie que donne la double délibération n’est nullement
fondée sur cette idée que la première lecture, nécessairement
hâtive et incomplète, sera complétée par la
seconde, autrement et plus sérieusement conduite. C’est même
sur l’idée contraire qu’elle repose. La première délibération
sera aussi sérieuse, aussi complète qu’elle pourra l’être.
Un projet sortira, avec une rédaction au moins provisoirement arrêtée
pour un temps plus ou moins long pendant lequel elle sera soumise aux libres
discussions et de la presse et de tous les intéressés, individus
et collectivité. Puis, la seconde délibération, aussi
complète, aussi sérieuse que la première, dans des
circonstances de temps différentes, peut être sous la pression
d’événements différents ou de mouvements différents
d’opinion, maintiendra ou modifiera, s’il y a lieu, l’œuvre sortie de la
première délibération.
(...... Ou il n’y aura pas de
deuxième délibération, ce qui est façon d’abandonner
une loi. C’est ce qui est arrivé en 1871 avec le projet délibéré
par la commission chargée d‘examiner une loi pour les associations.
Elle fut rapportée par M. Bertauld, à l'occasion de la proposition
Tolain qui abrogeait purement et simplement les articles du code pénal
et la loi de 1834. Il y eut une discussion à l'Assemblée
nationale qui décida de passer à une deuxième délibération
... qui n'eut jamais lieu ! La réflexion dura 30 ans ... )
...
Au cours de la délibération
unique, vous avez décidé que vous ne consulteriez ni les
conseils municipaux ni les conseil généraux. Je reconnais
que la consultation, qui n’aurait pas été pourtant sans précédent,
eût été quelque peu insolite. Peut-être ... les
circonstances en auraient-elles justifié l’emploi, puisque le corps
électoral n’avait été appelé à se prononcer,
....., aux dernières élections législatives ni sur
les modalités, ni même simplement sur l’utilité du
projet de réforme. (Très bien ! très bien ! à
droite.)
Vous n’avez pas d’avantage voulu ajourner
la discussion à la prochaine législature, pour permettre
aux électeurs de manifester librement, publiquement, leur sentiment,
au prochain renouvellement de la Chambre.
.....
Déjà, ...., quelques-uns des
grands journaux du parti le plus avancé et de ceux qui paraissent
diriger plutôt que de suivre l’opinion de leur parti, déclarent
ouvertement que la loi nouvelle est simplement oeuvre sujette à
correction.
...
(L’amendement est repoussé par 339 voix contre 238 ; l’article
35 ter constituera un deuxième paragraphe à l’article 36
; l’ensemble de l’article 36,
mis aux voix, est adopté )
M. le président : « Art.
37 - Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives
à l'organisation publique des cultes antérieurement reconnus
par l'État, ainsi que toutes dispositions contraires à la
présente loi et notamment :
« 1° La loi du 18 germinal an X
; portant que la convention passée le 26 messidor an IX entre le
pape et le gouvernement français, ensemble les articles organiques
de ladite convention et des cultes protestants, seront exécutés
comme des lois de la République ;
« 2° Le décret du 26 mars
1852 et la loi du 1er août 1879 sur les cultes protestants ;
« 3° Les décrets du 17 mars
1808, la loi du 8 février 1831 et l'ordonnance du 28 mai 1844 sur
le culte israélite ;
« 4° Les décrets des 22 septembre
1812 et 19 mars 1859 ;
« 5° Les articles 201 à 208,
260 à 264, 294 du code pénal
« 6° Les articles 100 et 101, les
paragraphes 11 et 12 de l'article 136 et l'article 167 de la loi du 5 avril
1884 ;
« 7° Le décret du 30 décembre
1809 et l'article 78 de la loi du 26 janvier 1892. »
Il y a tout d’abord un amendement de M. Henry
Boucher, tendant à la suppression des 1°, 2°, 3° de
cet article.
(Amendement repoussé par 329 voix contre 229)
[Du début au 4° inclus, il n’y a plus d’amendement] (cette
partie de l’article, mise aux voix est adoptée.)
M. Gayraud, d’une part, et M. Lemire d’autre
part, proposent par voie d’amendement, d’ajouter aux dispositions légales
abrogées par le 5° de l’article 37, les articles 199 et 200
du code pénal ...
.....
M. Lemire : Comment faites
vous, ..., pour sauvegarder l’ordre public en Algérie ? J’aperçois
derrière vous M. le ministre de la marine ; il connaît bien
les musulmans, il sait très bien qu’on ne leur demande rien.
Comment faites-vous pour sauvegarder l’ordre
public qui importe autant en Algérie qu’en France ? Vous ne demandez
jamais à un musulman de s’inquiéter de votre mariage civil.
Cependant il y aurait des raisons plus graves ...
M. le ministre des cultes :
Cela n’a aucun rapport avec la question que nous discutons. Les musulmans
ne sont pas soumis au code civil,
ils ne sont pas
citoyen français.
(Le 16 juin 1887, MM. Michelin
et Gaulier avaient déposé une
proposition de loi ayant pour objet de conférer les droits de
citoyens français aux musulmans indigènes des départements
algériens. Ce texte a bénéficié d’un rapport
sommaire favorable ... et après ? Une belle occasion ratée,
non ?)
......
(L’amendement, mis aux voix, n’est pas pris en considération.)
M. le président : Monsieur Lemire, maintenez-vous l’amendement
par lequel vous demandez une série d’abrogation ?
M. Lemire : Monsieur le président, puisque nous en sommes à régler nos comptes, je voudrais bien que ces comptes fussent nets.
M. le président : Vous proposez d’abroger:
« Les décrets du 7 janvier 1806
et 16 septembre 1809.
« ......
M. le rapporteur : mais vous pourriez aussi bien indiquer cinquante
ou soixante dispositions qui doivent disparaître par le fait même
de la loi. Nous n’avons visé que les grandes lois ayant un caractère
organique. En tête de l’article 37 vous pouvez lire ceci :
« Sont et demeurent abrogées
toutes les dispositions relatives à l'organisation publique des
cultes antérieurement reconnus par l'État, ainsi que toutes
dispositions contraires à la présente loi et notamment ...
»
M. Lemire: Alors l’énumération n’est pas limitative
à gauche. Évidemment non !
M. le ministre des cultes : Non, puisque la loi dit « ... et notamment ... »
M. Lemire : Ainsi, cette énumération n’est qu’indicative
? (Assentiment.)
J’avais demandé que la suppression
des lois concernant l’inéligibilité des ecclésiastiques
fût indiqué de façon précise.
...
Vous avez réglé la question
quant au conseil municipal. mais en ce qui concerne le conseil général,
la Chambre des députés et le Sénat ?
M. le rapporteur : La loi prévoit une exception.
C’est à dire que pour tous les autres cas, c’est le droit commun
qui sera applicable.
...
M. Lemire : Je prends acte des déclarations de M. le
rapporteur et de l’adhésion qu’y donne M. le ministre. Nos comptes
sont réglés. (Très bien ! très bien !à
droite.)
(La deuxième partie de l’article, puis l’ensemble de l’article 37, mis aux voix est adopté)
M. le président : Nous passons à une disposition
additionnelle présentée par M. Gérault-Richard et
ainsi conçue :
« Les quatre fêtes, dites concordataires,
établies sous un vocable religieux en vertu de la loi du 18 germinal
an X, subsistent et s’appelleront, à partir de la promulgation de
la présente loi : celle de l’Ascension, fête des Fleurs ;
celle de l’Assomption, fête des Moissons ; celle de la Toussaint,
fête du Souvenir ; celle de Noël ou de la Nativité fête
de la Famille. » (Exclamations et mouvements divers.)
M. Gérault-Richard:...
Si je ne craignais pas d’aller au delà du vraisemblable et si je
ne reculais pas devant les gros mots, je dirais qu’elle [la commission]
fait oeuvre cléricale, car rétablir des fêtes qui ont
été supprimées, c’est en quelque sorte les créer,
et on n’admettra jamais dans un pays républicain que des républicains
qui instituent des fêtes les placent sous de vocables religieux.
...
Le christianisme, lui, n’a pas eu ce scrupule, que je partage
; il a fait disparaître toutes les fêtes de l’antiquité,
ou du moins sur toutes il a mis son empreinte. (Très bien ! très
bien ! à gauche.)
...
M. Fernand Engerand : Pourquoi ne demandez-vous pas le
rétablissement du calendrier révolutionnaire ?
...
M. François Fournier : Il faut laïciser le calendrier
M. Maurice-Binder : Le jour de la rentrée des Chambres
s’appellera le fête de la Folie ! (Bruits.)
...
M. Charles Benoist : Je demande une fête de la Constitution.
(On rit.)
....
M. le président : La chambre repousse l’amendement par
356 voix contre 195
Je mets aux voix la disposition additionnelle
proposée par la commission :
« Les dispositions légales relatives
aux jours actuellement fériés sont maintenues.)
(La disposition est adoptée)
Cette disposition prendra place avant l’article
36.
Messieurs, nous avons terminé l’examen
des articles du projet de loi.
M. Raiberti demande le retrait de l’urgence
qui avait été prononcée au début de la discussion.
(Mouvements divers.)
M. Raiberti: ... Avons nous
le droit de faire tenir le vote d’une loi pareille dans une seule délibération
?
.....
M. Aristide Briand, rapporteur : J’aurais compris les
hésitations de la Chambre, sur la question de l’urgence, quand elle
s’est posé au début de la discussion. La Chambre était
alors incertaine de son oeuvre ; elle pouvait redouter qu’après
de longues délibérations la réforme n’en sortit pas
telle qu’on la devait souhaiter. .... elle pouvait éprouver le désir
de se ménager une seconde délibération. Mais à
l’heure actuelle, où, face à face avec son oeuvre, elle peut
l’apprécier pleinement dans son caractère et ses conséquences,
elle n’a plus le droit d’atermoyer. C’est maintenant l’heure des responsabilités.
Il faut les assumer. (Applaudissements à gauche et à l’extrême
gauche.)
Si, à cette minute décisive,
la Chambre est prise d’hésitation et d’inquiétude, si elle
juge que la réforme préparée par nous est mauvaise
et dangereuse, elle doit avoir le courage de la repousser. (Nouveaux applaudissements
sur les mêmes bancs.)
Sous prétexte d’urgence, la proposition de l’honorable
M. Raiberti ne tend rien moins qu’à renvoyer la réforme à
une autre législature. Un tel vote serait inexplicable après
le rejet de toutes les motions préjudicielles qui tendait au même
but.
La Chambre a jugé que la séparation
était imposée à la foi par les principes républicains
et par les circonstances dont chacun sait que la responsabilité
remonte au Saint-Siège. (Vifs applaudissements à gauche
et à l’extrême gauche. - Interruptions à droite et
au centre.)
...
Vous devez convenir que lorsque cette législature
s’est ouverte, la question de la séparation ne se posait pas ; il
a fallu les graves incidents provoqués par Rome pour la mettre à
l’ordre du jour.
..
Quoi qu’il en soit, la Chambre s’est résolument
saisie du problème.
On ne saurait lui reprocher d’avoir esquivé
une seule des difficultés nombreuses et graves qu’il soulevait,
d’avoir agi, ..., hâtivement, sous l’influence des passions politiques
ou parce que la proximité des élections générales
rendait la solution particulièrement pressante. Nous avons donné
à l’étude, à la discussion de la réforme tout
le temps qu’elle méritait et nous avons permis, ..., à tous
nos adversaires de faire connaître leurs raisons, de développer
librement leurs arguments qui ont été écoutés
et réfutés en toute conscience comme en toute courtoisie.
Vous ne pouvez pas vous plaindre, ..., d’avoir
rencontré chez nous, ..., un parti pris tyrannique puisque, dans
plusieurs circonstances, sur des points graves, ... essentiels, nous nous
sommes rendus à vos raisons, désireux que nous étions
de faire accepter la séparation par les nombreux catholiques de
ce pays. Nous n’avons pas oublié un seul instant que nous légiférons
pour eux et que les droits de leur conscience exigeait de la loi une consécration
conforme à l’équité. (Applaudissements à
l’extrême gauche et à gauche.)
C’est dans cet esprit que nous avons entrepris
et réalisé cette grande réforme.
Au début, ..., le doute était
parmi nous. Bien peu même des partisans les plus déterminés
de la séparation eussent affirmé qu’au cours des longues
délibérations ... la réforme ne se briserait pas contre
un écueil imprévu. Certains n’étaient pas non plus
sans inquiétude sur les sentiments du pays.
Grâce à l’esprit politique dont
la majorité a fait montre, tous les écueils ont été
heureusement évités. Grâce à ces trois mois
de discussion approfondie et minutieuse, l’opinion publique, pleinement
éclairée par nos travaux, en attend désormais l’achèvement
avec une patience et un calme qui attestent qu’elle en a déjà
approuvé la conclusion.
Nos collègues de droite nous avaient
dit : Nous n’avons pas confiance en vous ; vous êtes une Assemblée
jacobine, sectaire, passionnée (Oui ! oui! à droite)
, vous nous l’avez prouvé par la façon dont vous avez fait
exécuter la loi de 1901 ; nous ne pouvons attendre de vous aucune
justice ; vous n’avez pas l’esprit libéral qui serait seul qualifié
pour aborder un problème aussi délicat.
Et nous vous avons répondu : «
Vous nous connaissez mal ; nous vous le prouverons par notre sang-froid,
par la raison et l’esprit de justice que nous saurons mettre au service
de la réforme. » Eh bien ! je vous le demande : que pouvez-vous
nous reprocher maintenant ? (Vifs applaudissements à l’extrême
gauche et à gauche. - Interruptions et exclamations à droite.)
...
.... Vous êtes allés à
travers ce pays, inquiétant la conscience des catholiques, leur
disant : « Prenez garde ; une législature se prépare
qui va fermer vos églises, persécuter vos prêtres,
proscrire vos croyances. »
...
Eh bien ! nous voici à fin d’oeuvre
et nous vous disons : Trouvez dans cette loi une disposition qui justifie
vos griefs ...(Interruptions à droite.)... montrez un seul
article qui vous permette de dire aux électeurs : « Vous voyez
! nous avions raison de vous mettre en garde. C’en est fini de la liberté
de conscience, c’en est fini du libre exercice du culte dans ce pays. »
Non, vous ne pouvez plus dire cela, car manifestement ce ne serait pas
vrai.(Vifs applaudissements à gauche et à l’extrême
gauche.)
...
Et la loi que nous vous avons faite, après
cinquante séances consacrées à une discussion ample,
aussi courtoise, aussi consciencieuse que vous la pouviez désirer,
vous êtes obligés vous-même de reconnaître qu’elle
est finalement, dans son ensemble, une loi libérale. (Dénégations
à droite. - Très bien ! très bien ! à gauche
et à l’extrême gauche.)
...
... Oui, nous avons le droit de le proclamer,
c’est bien une loi de liberté ... qui fera honneur à la République
et qui doit incliner tous mes amis de ce côté de l’Assemblée
(la gauche) à la signer joyeusement de leur vote.
Ils ne risquent pas d’encourir à cet égard les reproches
de l’opinion républicaine.
....
Je disais que peut-être, ..., éprouvait-on
quelque étonnement, quelque mécontentement de la tournure
pacifique prise par cette réforme. Hélas ! sous l’influence
des passions politiques, les hommes ne sont parfois que trop portés
à nier tout progrès qui ne s’affirme pas par une violence
au détriment de leurs adversaires.
Je tiens à le dire hautement : le progrès ainsi
compris n’est pas dans ma manière. (Applaudissements à
l’extrême gauche et sur divers bancs à gauche et au centre.)
Dans ce pays, où des millions de catholiques
pratiquent leur religion, ..., il était impossible d’envisager une
séparation qu’ils ne pussent accepter. Ce mot a paru extraordinaire
à beaucoup de républicains qui se sont émus de nous
voir préoccupés de rendre la loi acceptable par l’Église.
... Outre qu’on ne fait pas une réforme
contre une aussi notable portion du pays, je vous demande s’il ne serait
pas imprudent de provoquer par des vexations inutiles tant d’autres citoyens,
aujourd’hui indifférents en matière religieuse, mais qui
demain ne manqueraient pas de se passionner pour Église s’ils pouvaient
supposer que la loi veut leur faire violence.
Quand des hommes comme Gambetta, comme Jules
Ferry, comme Paul Bert, comme Waldeck-Rousseau, qui n’étaient pas
insensibles aux principes républicains, et qui, en fait d’anticléricalisme,
avaient donné leur mesure, ont reculé devant la réforme
dont des circonstances imprévues nous ont imposé la réalisation,
leurs hésitations, leurs inquiétudes ne doivent-elles pas
être pour nous un enseignement ? Nous n’avons pas le droit de faire
une réforme dont les conséquences puissent ébranler
la République.
Eh bien ! je dis que telle que nous
l’avons conçue, telle que nous l’avons réalisée, laissant
aux catholiques, aux protestants, aux israélites ce qui est à
eux, leur accordant la jouissance gratuite et indéfinie des églises,
leur offrant la pleine liberté d’exercer leurs cultes ... sans autre
limites que le respect de l’ordre public, permettant aux associations cultuelles
de s’organiser en toute indépendance avec des facultés plus
larges que celles du droit commun ; ne prenant à l’égard
des ministres d’autres précautions que celles qu’ils devraient être
eux-même les premiers à approuvés, s’ils sont réellement
guidés par l’intérêt de la religion et non par des
préoccupations électorales ; je dis, oui, j’ai le droit de
dire qu’une telle réforme pourra affronter, sans péril pour
la République, les critiques de ses adversaires !
La loi que nous aurons faite ainsi sera une
loi de bon sens et d’équité, combinant justement les droits
ders personnes et l’intérêt des Églises avec les intérêts
et les droits de État, que nous ne pouvions pas méconnaître
sans manquer à notre devoir. (Vifs applaudissements à
l’extrême gauche et à gauche.)
...
Du reste, étant donné la composition
de cette Assemblée, la réforme ne pouvait pas être
différente de ce qu’elle est en réalité.
...
Si ceux de nos collègues qui ont combattu
le principe de la séparation et se sont efforcés loyalement,
..., d’en ajourner le vote, veulent bien porter sur notre oeuvre un jugement
selon leur conscience, ils seront bien forcés de reconnaître
que nous avons fait pour le mieux.
Maintenant, messieurs, permettez-moi de vous
dire que la réalisation de cette réforme qui figure depuis
trente-quatre ans au premier plan du programme républicain ....
aura pour effet désirable d’affranchir ce pays d’une véritable
hantise sous l’influence de laquelle il n’a que trop négligé
tant d’autres questions importantes, d’ordre économique ou social,
dont le souci de sa grandeur et de sa prospérité aurait imposer
déjà la solution (Vifs applaudissements à l’extrême
gauche et à gauche). Ces grands problèmes se poseront
demain, dès qu’auront disparu des programmes politiques les questions
irritantes qui, comme celle-ci, passionnent les esprits jusqu’à
la haine et gaspillent en discordes stériles les forces les plus
vives et les enthousiasmes les plus généreux de la nation.
(Applaudissements à gauche)
La réforme que nous allons voter laissera
le champ libre à l’activité républicaine pour la réalisation
d’autres réformes.
Mais, pour qu’il en fût ainsi, il fallait que la séparation
ne donnât pas le signal des luttes confessionnelles ; il fallait
que la loi se montrât respectueuse de toutes les croyances et leur
laissât la faculté de s’exprimer librement. Nous l’avons faite
de telle sorte que Église ne puisse invoquer aucun prétexte
pour s’insurger contre le nouvel état de choses qui va se substituer
au régime concordataire. Elle pourra s’en accommoder ; il ne met
pas en péril son existence. Mais ici, il convient de s’entendre.
Si la vie de Église dépend du maintient du Concordat,
si elle est indissolublement liée au concours de État, c’est
que cette vie est factice, artificielle, c’est qu’alors en réalité,
Église catholique est déjà morte. (Réclamations
à droite. - Applaudissements à gauche et à l’extrême
gauche.)
....
En tous les cas, vous [les ecclésiastiques]
n’aurez plus le droit demain d’aller dire aux paysans, aux catholiques
de France, que la majorité républicaine de cette Chambre
s’est montrée à votre égard tyrannique et persécutrice,
car elle vous aura généreusement accordé tout ce que
raisonnablement pouvaient réclamer vos consciences : la justice
et la liberté.(Vifs applaudissements répétés
à gauche et à l’extrême gauche.)
MM. Klotz, Couyba et un grand
nombre de membres à gauche : Nous demandons l’affichage du discours
de M. le rapporteur.
(L’affichage est voté par 328 voix contre 221 )
.....
M. le marquis de Rosambo:
.... Vous vous montrez magnifiques à l’égard des prêtres,
auxquels vous avez la générosité de donner une petite
partie de ce que vous leur devez ; vous vous montrez magnifiques à
l’égard du culte auquel vous prêtez les édifices que
vous lui enlevez. Vous vous montrez prodigues à l’égard des
communes dont vous voudriez éveiller l’esprit de cupidité
et vous faire des complices, en leur promettant quelques sous d’un argent
mal acquis.
Eh bien ! messieurs, sans vouloir aucunement
vous offenser, permettez-moi de vous dire que je vous aimais encore mieux
sous votre premier aspect que sous le second, parce que je préfère
un sectarisme franc, que je comprends, à une hypocrisie qui paraît
plus dangereuse encore.
....
M. Paul Deschanel : ... Cette
réforme, comme toute grand oeuvre législative, est le résulta
d’une série de transactions. (Très bien ! très
bien !) mais ce sont les points essentiels qu’il faut retenir.
Trois grandes questions dominaient le débat
: celle des édifices, celle des associations cultuelles et de la
caisse centrale, et celle de la dévolution des biens.
Pour les édifices, il était
visible dès le premier jour que la Chambre nous donnerait gain de
cause, pour les associations cultuelles et la caisse centrale, la commission
avait tout d’abord admis les mesures les plus larges, et ce sont ces mesures
qui, dans leurs grandes lignes, ont prévalu.
Enfin, pour la dévolution des biens,
il se trouve que des orateurs de l’extrême gauche sont venus défendre
les idées les plus libérales, et avec tant de force, qu’en
vérité ils nous laissaient rien à dire - et, peut-être,
les discussions qui ont suivi le vote de l’article 4 ne se seraient-elles
pas produites si, pendant les vacances du Parlement, des polémiques
de presses passionnées n’étaient venues en forcer le sens.
.....
Que devons-nous conclure de là, ...,
sinon que les excommunications de républicain à républicain
sont coupables (Très bien ! très bien ! au centre)
et que cette coopération sincère d’hommes animés de
doctrines différentes, mais également soucieux ... du repos
de la République et de la paix sociale, peut continuer de s’exercer
en d’autres domaines et pour d’autres réformes ? (Applaudissement
au centre et à gauche.)
Et maintenant qu’il me soit permis d’exprimer
un double vœu :
Le premier, c’est que le Sénat aborde
ce débat dans l’esprit où nous l’avons poursuivi ...
Le second, c’est que nos intentions soient
comprises à Rome ... (Rumeurs à droite.)
...
(L’amendement de M. Raiberti, tendant au retrait de l’urgence, est
repoussé par 335 voix contre 235)
M. le président : Tout le monde est d’accord pour que pleine liberté soit laissée aux explications de vote ...
M. Antoine Gras : ... Je le déclare tout d’abord, je voterai
l’ensemble du projet de loi, mais en faisant les réserves et les
déclarations qui me sont suggérées par un double ordre
d’idées.
Le premier est relatif à l’économie
du projet. Dès le début, ..., le projet me paraissait déjà
trop favorable à Église (Exclamations à droite.)
...
Il ne faut pas perdre de vue que Église
est l’éternelle et irréconciliable ennemie. Je sais bien
que nous pourrons nous défendre, mais nous ne luttons pas à
armes égales, parce que la démocratie ne dispose pas, elle,
de moyens supraterrestres ; elle n’a à sa disposition ni les flammes
de l’enfer ni la béatitude du paradis. De là évidemment
son infériorité.
...
Le second ordre d’idées est relatif
à l’attitude violente des cléricaux.... (Interruptions
à droite.)
Ce n’est pas une insulte. Le cléricalisme
est un parti. ... à l’égard du projet primitif de la commission
et des républicains.
.....
M. Jules Auffray :... Pour
État, plus encore que pour les églises, Concordat vaut mieux
que séparation ; ... voilà pourquoi nous avons voté
contre le passage à la discussion des articles.
La discussion entamée, nous avons accompli
loyalement notre devoir de législateurs, nous efforçant d’améliorer
le texte soumis à nos délibérations.
Le système sorti de nos débats
confus est trop équivoque, contradictoire et inquiétant pour
nous permettre de voter l’ensemble du projet de loi.
Sur un seul un point, tous rapports sont rompus
entre État et les Églises Celles-ci auront la liberté
absolue de nomination de tous leurs ministres. L’expérience seule
nous dira si ce régime, sans précédent en France,
sera bon pour État et même pour les Églises
Sur toutes les autres questions, que de points
de contact, aujourd’hui maintenus dont le plus futile incident peut demain
faire des points de conflit !
.....
M. Léonce de Castelnau
:
... Messieurs, nous avons voté, mes amis et moi, contre le passage
à la discussion des articles de la loi de séparation et nous
voterons contre l’ensemble de l’oeuvre qui vient de sortir de nos débats.
Elle a, en effet, malgré tous nos efforts, gardé les caractères
qui nous avaient imposé notre premier vote.
Elle était et elle reste la rupture
violente de traditions françaises séculaires qui avaient
assuré la paix publique à l’intérieur et avaient fait
de notre pays au delà de ses frontières le premier et le
plus fécond civilisateur du monde.
Elle était et elle reste la violation
flagrante et injuste d’engagements solennels pris avec le Saint-Siège;
...
Elle était et elle reste la spoliation
certaine des établissements publics du culte auxquels elle enlève,
sans cause aucune, le patrimoine qui leur avait été légitimement
restitué ... au début du dernier siècle ...
Elle était et elle reste la méconnaissance
des droits des fabriques ...
Elle était et elle reste l’institution
de la suspicion légale vis-à-vis des ministres du culte ...
....
M. Edouard Vaillant :Dès
le début, tant à la commission qu’à la Chambre, nous
nous sommes proposés, mes amis et moi, de réduire dans le
régime de séparation, à défaut de les pouvoir
supprimer, la puissance et les privilèges de l’Eglise.
Nous n’avons pas tardé à constater
l’inutilité de nos efforts. (Interruptions au centre.) Si
considérables que fussent les concessions de la commission, elles
étaient toujours insuffisantes au gré de la Chambre. Et la
Chambre a laissé et abandonné à l’Eglise tous les
biens, toutes les richesses, tous les édifices, tous les privilèges
que ses partisans demandaient pour elles, en un mot tout ce qu’il était
possible de lui abandonner. (Mouvements divers.) Nous avons dû
reconnaître que la Chambre, qui avait jusqu’alors refusé la
suppression du budget des cultes et la séparation, ne les voterait
que dans des conditions favorables pour Église
Il nous y faut résigner et attendre
du progrès des idées et de la volonté de la nation
et de l’action croissante du socialisme les mesures de défense républicaine,
ouvrière et laïque que nous voulions immédiates. (Exclamations
à droite.)
Nous considérons que leur point de
départ, que surtout la première et urgente mesure de l’oeuvre
nécessaire de laïcisation des service publics, des lois et
de la société, est la rupture des liens de l’Eglise et de
l’Etat, l’abrogation du Concordat, la suppression du budget des cultes,
la séparation des Eglises et de l’Etat.. Et c’est pour cette raison
que malgré qu’elle ne soit pas ce que nous aurions voulu qu’elle
fût, nous voterons la loi. (Applaudissements à l’extrême
gauche et sur divers bancs à gauche. - Applaudissements ironiques
à droite.)
...
M. François Carnot :
... Messieurs, nous n’avons jamais considéré que le Concordat
de germinal an X comme devant régler d’une façon intangible
les rapports des Eglises et de l’Etat.
La théorie de l’Eglise libre dans l’Etat
libre a toujours fait partie du vieux programme républicain.
L’heure était-elle venue de rompre
un pacte séculaire ? Il nous sera permis de conserver des doutes
sur l’opportunité des mesures qui nous ont été proposées
; mais les mêmes considérations qui nous ont déterminés
à voter le passage à la discussion des articles et à
collaborer loyalement à la loi nous décident de ne pas nous
opposer à son adoption.
Si nous n’avons pu obtenir toutes les garanties
que nous réclamions, nous ne saurions méconnaître qu’à
la suite des amendements votés, le texte proposé a été
sensiblement amélioré.
Nous espérons que le Sénat voudra
lui conserver, en l’accentuant, le caractère libéralisme
qui seul permettra à une réforme hardie d’être acceptée
par le pays au moment où, plus que jamais, il a besoin d’apaisement
et d’union. C’est dans cet esprit que nous voterons la loi. (Applaudissements
à gauche.)
M. Pasquier :.... J’entends bien que vous dites qu’avec les associations
cultuelles, les habitants des champs auront la faculté d’assurer
l’exercice de leur culte ; mais ces associations ne pourront pas se créer
et vivre qu’au prix de gros sacrifices, qu’avec d’onéreuses souscriptions
et cotisations, que les cultivateurs, les ouvriers agricoles, déjà
surchargés de contributions, seront impuissants à supporter.
Ce sera un nouvel impôt indirect que
vous ferez peser lourdement sur eux.
La religion ne pourra plus être pratiquée
que dans les milieux populeux offrant des ressources, que dans les villes
et les bourgs riches et importants. (Applaudissements au centre et à
droite.) ce sera une suppression presque absolue du culte dans nos
petites communes. Vous accentuez la désertion des champs si
regrettable, qui se manifeste partout et que vous déplorez.
Au lieu d’enrayer le mouvement des populations vers les grands centres,
vous aller l’encourager, le rendre plus inévitable et plus profond
que jamais ; vous éloignerez de la République les vaillants
habitants des champs qui en sont les soutiens les plus sincères
et les plus désintéressés, qui lui fournissent les
meilleurs, les plus robustes et les plus nombreux soldats.
Ce sont ces considérations d’intérêt
patriotique qui me font voter contre l’ensemble de la loi. (Nouveaux
applaudissements sur les mêmes bancs)
M. Maurice Allard :...
Je considère que cette loi ne répond nullement au desiderata
des républicains et des libres penseurs.
La loi ... que la Chambre va voter ... n’est pas celle que demande le pays
qui veut la séparation intégrale, et qui a toujours considéré
cette mesure comme devant être une arme de combat contre les religions.
(Exclamations
à droite.)
Au lieu de désarmer Église,
vous lui avez conservé tous ses anciens privilèges ; vous
les augmentez mêmes, et en plus vous lui confiez la liberté
absolue. Ce n’est donc pas la séparation que nous voulons et demandons.
(Très bien ! très bien ! à l’extrême gauche.)
...
Cependant je voterai la loi.(Ah ! ah !
au centre et à droite.), et ... vous allez savoir pourquoi.
Je voterai la loi parce que le principe de
la séparation est en cause et parce que c’est la première
fois que nous faisons une rupture officielle avec la papauté. Je
voterai la loi pour une seconde raison : Nous voulons que la question de
la séparation des Églises et de État reste à
l’ordre du jour du Parlement (Mouvements divers.) et nous espérons,
..., que le Sénat améliorera la loi. (Interruptions à
droite et au centre.) Et si la loi améliorée par le sénat
revient devant la Chambre, je serai curieux de voir, messieurs
de la gauche, si vous serez plus réactionnaires que l’assemblée
du Luxembourg.
Enfin je voterai la loi pour une troisième
cause, parce que j’espère que, si elle est votée telle que
vous la faites, le bien sortira de l’excès du mal. Demain, avec
cette loi, Église deviendra peut-être si forte et prendra
une telle insolence que j’espère que le pays se soulèvera
et fera lui-même, contre elle, la véritable séparation
; car, puisqu’il ne se trouve pas un Parlement capable de donner au peuple
la loi qu’il désire, nous devrons faire la séparation par
l’action directe et, s’il le faut, nous prendrons d’assaut vos églises
et vos chapelles, pour les faire disparaître, comme les révolutionnaires
de 92 et 93 ont jadis pris d’assaut les châteaux et les forteresses
de la noblesse.
C’est pour ces trois raisons que je voterai
la loi.
(Exclamations à droite. - Applaudissements sur divers
bancs à l’extrême gauche.)
...
M. le marquis de La Ferronnays
:
Au nom de la majorité des députés de la Loire-Inférieure
et du Morbihan, je viens motiver le vote que nous allons émettre.
Représentants de populations profondément
chrétiennes et, sauf de rares exceptions, catholiques, nous ne pouvons
en aucune façon donner notre adhésion à la loi dont
la longue discussion va prendre fin.
Fidèles aux croyances dont la pratique
a pendant quinze siècles assuré dans le monde entier la prépondérance
de la France indissolublement liée au développement de la
civilisation chrétienne, nos électeurs ne nous permettraient
pas d’oublier dans cet instant solennel le mandat qu’ils nous ont expressément
confié.
Si la loi n’avait pour objet que de rompre
une union dont l’histoire enregistre à chaque page les bienfaisants
effets, nous aurions pu nous incliner avec tristesse comme Français
et attendre avec confiance, comme chrétiens, les infaillibles réparations
de l’avenir. (Très bien ! très bien ! à droite.)
Il n’en n’est pas ainsi. Votre but est la
déchristianisation de la France, vos orateurs autorisés l’ont
déclaré. Vous avez accumulé les entraves au libre
exercice des cultes ; vous avez banni de tous les lieux publics les emblèmes
religieux ; vous avez innové dans nos codes des pénalités
pour des délits qui ne relèvent que de la conscience ; vous
venez, enfin, de restreindre l’étendue des droits civiques au détriment
des ministres de la religion. (Applaudissements à droite.)
...
M. Bepmale : ... La loi sur
l’ensemble de laquelle nous sommes appelés à nous prononcer
n’est pas celle qu’attendait la démocratie républicaine.
La collaboration active des adversaires résolu
du divorce de Église et de État ne pouvait avoir d’autre
résultat que d’en fausser l’esprit et d’en atténuer la portée.
Ses principales dispositions, ..., ont vu se dresser contre elles la quasi-unanimité
de ceux qui, depuis de longues années, fidèles à la
tradition révolutionnaire, ont réclamé et voté
la séparation.
Du fait de la loi, Église conserve
la plupart de ses privilèges, quelques-uns mêmes aggravés.
Elle y perd, il est vrai, dans un avenir encore assez lointain, son budget
mais elle y gagne dès aujourd’hui une liberté illimitée.
...
Cette liberté sans contre-poids et
sans garanties, le passé peut nous monter comment elle en usera
dans l’avenir. Elle peut, si les pouvoirs publics s’en désintéressent
et manquent de vigilance, devenir un danger pour la République elle-même.
...
Nous eussions préféré
le droit commun à une loi dont l’application sera hérissée
de difficultés et qui laisse État plus désarmé
encore contre les empiètements de Rome.
Telle quelle, pourtant, nous la voterons.
(Exclamations ironiques au centre et à droite.)
...
Nous la voterons, d’abord parce que beaucoup
de ceux-là qui l’ont faite en détail la repousseront en bloc
et que nous ne voulons pas que l’effort énorme de ces derniers mois
soit perdu.
Nous la voterons parce-que, quelque insuffisante
qu’elle nous paraisse, elle enlève à Église ce caractère
officiel et cette parcelle d’autorité légale auxquels elle
était si profondément attachée et qui ont conservé
à travers les siècles sa force et son prestige. (Applaudissements
à gauche.)
Nous la voterons enfin parce que nous
la considérons comme une loi provisoire ...(Applaudissements
ironiques à droite et au centre.)...... une loi provisoire destinée
à marquer une étape nécessaire dans la marche vers
la laïcisation intégrale. (Applaudissements à l’extrême
gauche.)
.....
M. le président :... Voici, après vérification,
le résultat du dépouillement du scrutin sur l’ensemble du
projet de loi concernant la séparation des Églises et de
État
Nombre des votants ... 574
Majorité absolue ........ 288
Pour l’adoption ... 341
Contre ..................233
La chambre des députés a adopté.(Vifs
applaudissements à gauche et à l’extrême gauche. -
Applaudissements ironiques sur divers bancs à droite.)
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3