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3 juillet 1905

    * Dépôt par M. Denêcheau et plusieurs de se collègues, d’une proposition de loi tendant à ouvrir au ministre de l’agriculture un crédit extraordinaire de 1 500 000 fr. pour venir en aide aux victimes d’un cyclone dans le département de l’Aisne
    * Dépôt, par M. Andrieu, d’une proposition de loi, portant ouverture d’un crédit de 800 000 fr. pour venir en aide aux victimes des orages dans l’arrondissement d’Albi (Tarn).
    * Dépôt, par M. de Montebello et plusieurs de ses collègues, d’une proposition de loi portant ouverture d’un crédit extraordinaire de 500 000 fr. pour venir en aide aux victimes des orages dans l’arrondissement de Reims, d’Epernay et de Châlons.
    * Dépôt, par M. Devins, d’une proposition de loi portant ouverture d’un crédit de 100 000 fr. pour venir en aide aux populations de Blesle (Haute-Loire).
    * Dépôt, par M. de Castillard, d’une proposition de loi portant ouverture d’un crédit de 800 000 fr. destiné à secourir les victimes des intempéries qui ont sévie dans l’arrondissement d’Arcis-sur-Aube.
    * Dépôt par M. Denêcheau et plusieurs de se collègues, d’une proposition de loi tendant à ouvrir au ministre de l’agriculture un crédit extraordinaire de 1 500 000 fr. pour venir en aide aux victimes d’un cyclone dans le département de l’Aisne
    * Dépôt, par M. Andrieu, d’une proposition de loi, portant ouverture d’un crédit de 800 000 fr. pour venir en aide aux victimes des orages dans l’arrondissement d’Albi (Tarn).
    * Dépôt, par M. de Montebello et plusieurs de ses collègues, d’une proposition de loi portant ouverture d’un crédit extraordinaire de 500 000 fr. pour venir en aide aux victimes des orages dans l’arrondissement de Reims, d’Epernay et de Châlons.
    * Dépôt, par M. Devins, d’une proposition de loi portant ouverture d’un crédit de 100 000 fr. pour venir en aide aux populations de Blesle (Haute-Loire).
    * Dépôt, par M. de Castillard, d’une proposition de loi portant ouverture d’un crédit de 800 000 fr. destiné à secourir les victimes des intempéries qui ont sévie dans l’arrondissement d’Arcis-sur-Aube.
(On ne parlait pas de réchauffement climatique à l’époque ...)
    * Dépôt, par M. Devins, d’une proposition de loi limitant à huit heures au maximum la journée de travail dans les mines

suite de la discussion du projet et des diverses propositions de loi
concernant la séparation des Églises et de l'État.
(46° journée ; réduite et annotée - mais c'était la 48° séance)

M. le président : ... Nous nous sommes arrêtés vendredi dernier aux dispositions additionnelles de l’article 35.
     La première .... est retirée.
     Nous arrivons à un article additionnel présenté par M. Lemire et ainsi conçu :
     « Les ministres des cultes précédemment reconnus par l’État sont désormais, comme les autres citoyens et dans les mêmes conditions, aptes à toutes les fonctions publiques et à toutes les professions, sous réserve de la dérogation transitoire mentionnée dans l’article 36 bis de la présente loi. »

M. Lemire : ... Lorsque nous aurons abrogé un certain nombre d’articles des lois existantes ... , la conséquence ... sera que les ecclésiastiques sont désormais aptes aux fonctions publiques. Mais il y a aussi les professions, et nul n’ignore qu’à l’heure actuelle un certain nombre de ces professions nous sont fermées.
...
     Actuellement, lorsqu’un ecclésiastique pourvu de la licence en droit demande à être inscrit au barreau, sa demande n’est pas accueillie.
...
     Nous avons une déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; pourquoi comporterait-elle demain des exceptions ? je ne crois pas qu’il entre dans la pensée de la Chambre d’en faire. ...
(L’amendement, mis aux voix, n’est pas pris en considération.)

M. le président :  Nous arrivons à une disposition additionnelle de M. Lasies, ainsi conçue :
     « L’effet des articles 31 et 32 de la présente loi est limité à un an à partir de sa promulgation. »
(Amendement repoussé par 328 voix contre 228)
....
    Nous passons à l’article 36. J’en donne lecture :
     « Un règlement d'administration publique rendu dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente loi déterminera les mesures propres à assurer son application. »
 Il y a un amendement de M. Gourd tendant à rédiger comme suit cet article :
     « Un règlement d’administration publique, rendu après délibération du conseil des ministres, déterminera les mesures propres à assurer son application. »

M. Gourd : Le règlement d’administration publique pour l’exécution de la loi du 1er juillet 1901 a été rendu le 16 août suivant, dans un délais d’un mois et demi, par conséquent, après la promulgation de la loi. Peut-être l’a-t-il été trop tôt, puisqu’il a dû être modifié ou complété par un nouveau décret du 28 novembre 1902.
     Le règlement d’administration publique pour l’exécution de la loi du 7 juillet 1904 est du 5 janvier 1905 postérieur de 6 mois à peu près à la promulgation de la loi.
     La première modification que je demande au texte de l’article 36 est la suppression de tout délai. Le délai sera ce qu’il sera ; celui que la gravité du sujet et l’importance des intérêts engagés auront rendu nécessaire.
...
     Vous avez renoncé, ..., à la garantie de la double délibération.
     Je reconnais très volontiers que la délibération unique a été à la fois aussi longue et aussi complète qu’elle pouvait l’être. mais la garantie que donne la double délibération n’est nullement fondée sur cette idée que la première lecture, nécessairement hâtive et incomplète, sera complétée par la seconde, autrement et plus sérieusement conduite. C’est même sur l’idée contraire qu’elle repose. La première délibération sera aussi sérieuse, aussi complète qu’elle pourra l’être. Un projet sortira, avec une rédaction au moins provisoirement arrêtée pour un temps plus ou moins long pendant lequel elle sera soumise aux libres discussions et de la presse et de tous les intéressés, individus et collectivité. Puis, la seconde délibération, aussi complète, aussi sérieuse que la première, dans des circonstances de temps différentes, peut être sous la pression d’événements différents ou de mouvements différents d’opinion, maintiendra ou modifiera, s’il y a lieu, l’œuvre sortie de la première délibération.
(...... Ou il n’y aura pas de deuxième délibération, ce qui est façon d’abandonner une loi. C’est ce qui est arrivé  en 1871 avec le projet délibéré par la commission chargée d‘examiner une loi pour les associations.  Elle fut rapportée par M. Bertauld, à l'occasion de la proposition Tolain qui abrogeait purement et simplement les articles du code pénal et la loi de 1834. Il y eut une discussion à l'Assemblée nationale qui décida de passer à une deuxième délibération ... qui n'eut jamais lieu ! La réflexion  dura 30 ans ... )
 ...
     Au cours de la délibération unique, vous avez décidé que vous ne consulteriez ni les conseils municipaux ni les conseil généraux. Je reconnais que la consultation, qui n’aurait pas été pourtant sans précédent, eût été quelque peu insolite. Peut-être ... les circonstances en auraient-elles justifié l’emploi, puisque le corps électoral n’avait été appelé à se prononcer, ....., aux dernières élections législatives ni sur les modalités, ni même simplement sur l’utilité du projet de réforme. (Très bien ! très bien ! à droite.)
     Vous n’avez pas d’avantage voulu ajourner la discussion à la prochaine législature, pour permettre aux électeurs de manifester librement, publiquement, leur sentiment, au prochain renouvellement de la Chambre.
.....
     Déjà, ...., quelques-uns des grands journaux du parti le plus avancé et de ceux qui paraissent diriger plutôt que de suivre l’opinion de leur parti, déclarent ouvertement que la loi nouvelle est simplement oeuvre sujette à correction.
...
(L’amendement est repoussé par 339 voix contre 238 ;  l’article 35 ter constituera un deuxième paragraphe à l’article 36 ; l’ensemble de l’article 36, mis aux voix, est adopté )

M. le président : « Art. 37 - Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l'organisation publique des cultes antérieurement reconnus par l'État, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi et notamment :
     « 1° La loi du 18 germinal an X ; portant que la convention passée le 26 messidor an IX entre le pape et le gouvernement français, ensemble les articles organiques de ladite convention et des cultes protestants, seront exécutés comme des lois de la République ;
     « 2° Le décret du 26 mars 1852 et la loi du 1er août 1879 sur les cultes protestants ;
     « 3° Les décrets du 17 mars 1808, la loi du 8 février 1831 et l'ordonnance du 28 mai 1844 sur le culte israélite ;
     « 4° Les décrets des 22 septembre 1812 et 19 mars 1859 ;
     « 5° Les articles 201 à 208, 260 à 264, 294 du code pénal
     « 6° Les articles 100 et 101, les paragraphes 11 et 12 de l'article 136 et l'article 167 de la loi du 5 avril 1884 ;
     « 7° Le décret du 30 décembre 1809 et l'article 78 de la loi du 26 janvier 1892. »
     Il y a tout d’abord un amendement de M. Henry Boucher, tendant à la suppression des 1°, 2°, 3° de cet article.
(Amendement repoussé par 329 voix contre 229)
[Du début au 4° inclus, il n’y a plus d’amendement] (cette partie de l’article, mise aux voix est adoptée.)
     M. Gayraud, d’une part, et M. Lemire d’autre part, proposent par voie d’amendement, d’ajouter aux dispositions légales abrogées par le 5° de l’article 37, les articles 199 et 200 du code pénal ...
.....
M. Lemire : Comment faites vous, ..., pour sauvegarder l’ordre public en Algérie ? J’aperçois derrière vous M. le ministre de la marine ; il connaît bien les musulmans, il sait très bien qu’on ne leur demande rien.
     Comment faites-vous pour sauvegarder l’ordre public qui importe autant en Algérie qu’en France ? Vous ne demandez jamais à un musulman de s’inquiéter de votre mariage civil. Cependant il y aurait des raisons plus graves ...

M. le ministre des cultes :  Cela n’a aucun rapport avec la question que nous discutons. Les musulmans ne sont pas soumis au code civil, ils ne sont pas citoyen français.
(Le 16 juin 1887, MM. Michelin et Gaulier avaient déposé une proposition de loi ayant pour objet de conférer les droits de citoyens français aux musulmans indigènes des départements algériens. Ce texte a bénéficié d’un rapport sommaire favorable ... et après ? Une belle occasion ratée, non ?)
......
(L’amendement, mis aux voix, n’est pas pris en considération.)
M. le président : Monsieur Lemire, maintenez-vous l’amendement par lequel vous demandez une série d’abrogation ?

M. Lemire : Monsieur le président, puisque nous en sommes à régler nos comptes, je voudrais bien que ces comptes fussent nets.

M. le président :  Vous proposez d’abroger:
     « Les décrets du 7 janvier 1806 et 16 septembre 1809.
     « ......

M. le rapporteur : mais vous pourriez aussi bien indiquer cinquante ou soixante dispositions qui doivent disparaître par le fait même de la loi. Nous n’avons visé que les grandes lois ayant un caractère organique. En tête de l’article 37 vous pouvez lire ceci :
     « Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l'organisation publique des cultes antérieurement reconnus par l'État, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi et notamment ... »

M. Lemire: Alors l’énumération n’est pas limitative

à gauche. Évidemment non !

M. le ministre des cultes :  Non, puisque la loi dit « ... et notamment ... »

M. Lemire : Ainsi, cette énumération n’est qu’indicative ? (Assentiment.)
     J’avais demandé que la suppression des lois concernant l’inéligibilité des ecclésiastiques fût indiqué de façon précise.
...
     Vous avez réglé la question quant au conseil municipal. mais en ce qui concerne le conseil général, la Chambre des députés et le Sénat ?

M. le rapporteur :  La loi prévoit une exception. C’est à dire que pour tous les autres cas, c’est le droit commun qui sera applicable.
...
M. Lemire : Je prends acte des déclarations de M. le rapporteur et de l’adhésion qu’y donne M. le ministre. Nos comptes sont réglés. (Très bien ! très bien !à droite.)

(La deuxième partie de l’article, puis l’ensemble de l’article 37, mis aux voix est adopté)

M. le président :  Nous passons à une disposition additionnelle présentée par M. Gérault-Richard et ainsi conçue :
     « Les quatre fêtes, dites concordataires, établies sous un vocable religieux en vertu de la loi du 18 germinal an X, subsistent et s’appelleront, à partir de la promulgation de la présente loi : celle de l’Ascension, fête des Fleurs ; celle de l’Assomption, fête des Moissons ; celle de la Toussaint, fête du Souvenir ; celle de Noël ou de la Nativité fête de la Famille. » (Exclamations et mouvements divers.)

M. Gérault-Richard:... Si je ne craignais pas d’aller au delà du vraisemblable et si je ne reculais pas devant les gros mots, je dirais qu’elle [la commission] fait oeuvre cléricale, car rétablir des fêtes qui ont été supprimées, c’est en quelque sorte les créer, et on n’admettra jamais dans un pays républicain que des républicains qui instituent des fêtes les placent sous de vocables religieux.
...
 Le christianisme, lui, n’a pas eu ce scrupule, que je partage ; il a fait disparaître toutes les fêtes de l’antiquité, ou du moins sur toutes il a mis son empreinte. (Très bien ! très bien ! à gauche.)
...
M. Fernand Engerand :  Pourquoi ne demandez-vous pas le rétablissement du calendrier révolutionnaire ?
...
M. François Fournier : Il faut laïciser le calendrier

M. Maurice-Binder : Le jour de la rentrée des Chambres s’appellera le fête de la Folie ! (Bruits.)
...
M. Charles Benoist : Je demande une fête de la Constitution. (On rit.)
....
M. le président : La chambre repousse l’amendement par 356 voix contre 195
     Je mets aux voix la disposition additionnelle proposée par la commission :
     « Les dispositions légales relatives aux jours actuellement fériés sont maintenues.)
(La disposition est adoptée)
     Cette disposition prendra place avant l’article 36.
     Messieurs, nous avons terminé l’examen des articles du projet de loi.
     M. Raiberti demande le retrait de l’urgence qui avait été prononcée au début de la discussion. (Mouvements divers.)

M. Raiberti: ... Avons nous le droit de faire tenir le vote d’une loi pareille dans une seule délibération ?
.....
M. Aristide Briand, rapporteur : J’aurais compris les hésitations de la Chambre, sur la question de l’urgence, quand elle s’est posé au début de la discussion. La Chambre était alors incertaine de son oeuvre ; elle pouvait redouter qu’après de longues délibérations la réforme n’en sortit pas telle qu’on la devait souhaiter. .... elle pouvait éprouver le désir de se ménager une seconde délibération. Mais à l’heure actuelle, où, face à face avec son oeuvre, elle peut l’apprécier pleinement dans son caractère et ses conséquences, elle n’a plus le droit d’atermoyer. C’est maintenant l’heure des responsabilités. Il faut les assumer. (Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.)
     Si, à cette minute décisive, la Chambre est prise d’hésitation et d’inquiétude, si elle juge que la réforme préparée par nous est mauvaise et dangereuse, elle doit avoir le courage de la repousser. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)
 Sous prétexte d’urgence, la proposition de l’honorable M. Raiberti ne tend rien moins qu’à renvoyer la réforme à une autre législature. Un tel vote serait inexplicable après le rejet de toutes les motions préjudicielles qui tendait au même but.
     La Chambre a jugé que la séparation était imposée à la foi par les principes républicains et par les circonstances dont chacun sait que la responsabilité remonte au Saint-Siège. (Vifs applaudissements à gauche et à l’extrême gauche. - Interruptions à droite et au centre.)
...
     Vous devez convenir que lorsque cette législature s’est ouverte, la question de la séparation ne se posait pas ; il a fallu les graves incidents provoqués par Rome pour la mettre à l’ordre du jour.
..
     Quoi qu’il en soit, la Chambre s’est résolument saisie du problème.
     On ne saurait lui reprocher d’avoir esquivé une seule des difficultés nombreuses et graves qu’il soulevait, d’avoir agi, ..., hâtivement, sous l’influence des passions politiques ou parce que la proximité des élections générales rendait la solution particulièrement pressante. Nous avons donné à l’étude, à la discussion de la réforme tout le temps qu’elle méritait et nous avons permis, ..., à tous nos adversaires de faire connaître leurs raisons, de développer librement leurs arguments qui ont été écoutés et réfutés en toute conscience comme en toute courtoisie.
     Vous ne pouvez pas vous plaindre, ..., d’avoir rencontré chez nous, ..., un parti pris tyrannique puisque, dans plusieurs circonstances, sur des points graves, ... essentiels, nous nous sommes rendus à vos raisons, désireux que nous étions de faire accepter la séparation par les nombreux catholiques de ce pays. Nous n’avons pas oublié un seul instant que nous légiférons pour eux et que les droits de leur conscience exigeait de la loi une consécration conforme à l’équité. (Applaudissements à l’extrême gauche et à gauche.)
     C’est dans cet esprit que nous avons entrepris et réalisé cette grande réforme.
     Au début, ..., le doute était parmi nous. Bien peu même des partisans les plus déterminés de la séparation eussent affirmé qu’au cours des longues délibérations ... la réforme ne se briserait pas contre un écueil imprévu. Certains n’étaient pas non plus sans inquiétude sur les sentiments du pays.
     Grâce à l’esprit politique dont la majorité a fait montre, tous les écueils ont été heureusement évités. Grâce à ces trois mois de discussion approfondie et minutieuse, l’opinion publique, pleinement éclairée par nos travaux, en attend désormais l’achèvement avec une patience et un calme qui attestent qu’elle en a déjà approuvé la conclusion.
     Nos collègues de droite nous avaient dit : Nous n’avons pas confiance en vous ; vous êtes une Assemblée jacobine, sectaire, passionnée (Oui ! oui! à droite) , vous nous l’avez prouvé par la façon dont vous avez fait exécuter la loi de 1901 ; nous ne pouvons attendre de vous aucune justice ; vous n’avez pas l’esprit libéral qui serait seul qualifié pour aborder un problème aussi délicat.
     Et nous vous avons répondu : « Vous nous connaissez mal ; nous vous le prouverons par notre sang-froid, par la raison et l’esprit de justice que nous saurons mettre au service de la réforme. » Eh bien ! je vous le demande : que pouvez-vous nous reprocher maintenant ? (Vifs applaudissements à l’extrême gauche et à gauche. - Interruptions et exclamations à droite.)
...
     .... Vous êtes allés à travers ce pays, inquiétant la conscience des catholiques, leur disant : « Prenez garde ; une législature se prépare qui va fermer vos églises, persécuter vos prêtres, proscrire vos croyances. »
...
     Eh bien ! nous voici à fin d’oeuvre et nous vous disons : Trouvez dans cette loi une disposition qui justifie vos griefs ...(Interruptions à droite.)... montrez un seul article qui vous permette de dire aux électeurs : « Vous voyez ! nous avions raison de vous mettre en garde. C’en est fini de la liberté de conscience, c’en est fini du libre exercice du culte dans ce pays. » Non, vous ne pouvez plus dire cela, car manifestement ce ne serait pas vrai.(Vifs applaudissements à  gauche et à l’extrême gauche.)
...
     Et la loi que nous vous avons faite, après cinquante séances consacrées à une discussion ample, aussi courtoise, aussi consciencieuse que vous la pouviez désirer, vous êtes obligés vous-même de reconnaître qu’elle est finalement, dans son ensemble, une loi libérale. (Dénégations à droite. - Très bien ! très bien ! à gauche et à l’extrême gauche.)
...
     ... Oui, nous avons le droit de le proclamer, c’est bien une loi de liberté ... qui fera honneur à la République et qui doit incliner tous mes amis de ce côté de l’Assemblée (la gauche) à la signer joyeusement de leur vote. Ils ne risquent pas d’encourir à cet égard les reproches de l’opinion républicaine.
....
     Je disais que peut-être, ..., éprouvait-on quelque étonnement, quelque mécontentement de la tournure pacifique prise par cette réforme. Hélas ! sous l’influence des passions politiques, les hommes ne sont parfois que trop portés à nier tout progrès qui ne s’affirme pas par une violence au détriment de leurs adversaires.
 Je tiens à le dire hautement : le progrès ainsi compris n’est pas dans ma manière. (Applaudissements à l’extrême gauche et sur divers bancs à gauche et au centre.)
     Dans ce pays, où des millions de catholiques pratiquent leur religion, ..., il était impossible d’envisager une séparation qu’ils ne pussent accepter. Ce mot a paru extraordinaire à beaucoup de républicains qui se sont émus de nous voir préoccupés de rendre la loi acceptable par l’Église.
     ... Outre qu’on ne fait pas une réforme contre une aussi notable portion du pays, je vous demande s’il ne serait pas imprudent de provoquer par des vexations inutiles tant d’autres citoyens, aujourd’hui indifférents en matière religieuse, mais qui demain ne manqueraient pas de se passionner pour Église s’ils pouvaient supposer que la loi veut leur faire violence.
     Quand des hommes comme Gambetta, comme Jules Ferry, comme Paul Bert, comme Waldeck-Rousseau, qui n’étaient pas insensibles aux principes républicains, et qui, en fait d’anticléricalisme, avaient donné leur mesure, ont reculé devant la réforme dont des circonstances imprévues nous ont imposé la réalisation, leurs hésitations, leurs inquiétudes ne doivent-elles pas être pour nous un enseignement ? Nous n’avons pas le droit de faire une réforme dont les conséquences puissent ébranler la République.
     Eh bien ! je  dis que telle que nous l’avons conçue, telle que nous l’avons réalisée, laissant aux catholiques, aux protestants, aux israélites ce qui est à eux, leur accordant la jouissance gratuite et indéfinie des églises, leur offrant la pleine liberté d’exercer leurs cultes ... sans autre limites que le respect de l’ordre public, permettant aux associations cultuelles de s’organiser en toute indépendance avec des facultés plus larges que celles du droit commun ; ne prenant à l’égard des ministres d’autres précautions que celles qu’ils devraient être eux-même les premiers à approuvés, s’ils sont réellement guidés par l’intérêt de la religion et non par des préoccupations électorales ; je dis, oui, j’ai le droit de dire qu’une telle réforme pourra affronter, sans péril pour la République, les critiques de ses adversaires !
     La loi que nous aurons faite ainsi sera une loi de bon sens et d’équité, combinant justement les droits ders personnes et l’intérêt des Églises avec les intérêts et les droits de État, que nous ne pouvions pas méconnaître sans manquer à notre devoir. (Vifs applaudissements à l’extrême gauche et à gauche.)
...
     Du reste, étant donné la composition de cette Assemblée, la réforme ne pouvait pas être différente de ce qu’elle est en réalité.
...
     Si ceux de nos collègues qui ont combattu le principe de la séparation et se sont efforcés loyalement, ..., d’en ajourner le vote, veulent bien porter sur notre oeuvre un jugement selon leur conscience, ils seront bien forcés de reconnaître que nous avons fait pour le mieux.
     Maintenant, messieurs, permettez-moi de vous dire que la réalisation de cette réforme qui figure depuis trente-quatre ans au premier plan du programme républicain .... aura pour effet désirable d’affranchir ce pays d’une véritable hantise sous l’influence de laquelle il n’a que trop négligé tant d’autres questions importantes, d’ordre économique ou social, dont le souci de sa grandeur et de sa prospérité aurait imposer déjà la solution (Vifs applaudissements à l’extrême gauche et à gauche). Ces grands problèmes se poseront demain, dès qu’auront disparu des programmes politiques les questions irritantes qui, comme celle-ci, passionnent les esprits jusqu’à la haine et gaspillent en discordes stériles les forces les plus vives et les enthousiasmes les plus généreux de la nation. (Applaudissements à gauche)
     La réforme que nous allons voter laissera le champ libre à l’activité républicaine pour la réalisation d’autres réformes.
 Mais, pour qu’il en fût ainsi, il fallait que la séparation ne donnât pas le signal des luttes confessionnelles ; il fallait que la loi se montrât respectueuse de toutes les croyances et leur laissât la faculté de s’exprimer librement. Nous l’avons faite de telle sorte que Église ne puisse invoquer aucun prétexte pour s’insurger contre le nouvel état de choses qui va se substituer au régime concordataire. Elle pourra s’en accommoder ; il ne met pas en péril son existence. Mais ici, il convient de s’entendre.
 Si la vie de Église dépend du maintient du Concordat, si elle est indissolublement liée au concours de État, c’est que cette vie est factice, artificielle, c’est qu’alors en réalité, Église catholique est déjà morte. (Réclamations à droite. - Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.)
....
     En tous les cas, vous [les ecclésiastiques] n’aurez plus le droit demain d’aller dire aux paysans, aux catholiques de France, que la majorité républicaine de cette Chambre s’est montrée à votre égard tyrannique et persécutrice, car elle vous aura généreusement accordé tout ce que raisonnablement pouvaient réclamer vos consciences : la justice et la liberté.(Vifs applaudissements  répétés à  gauche et à l’extrême gauche.)

MM. Klotz, Couyba et un grand nombre de membres à gauche : Nous demandons l’affichage du discours de M. le rapporteur.
(L’affichage est voté par 328 voix contre 221 )
.....
M. le marquis de Rosambo: .... Vous vous montrez magnifiques à l’égard des prêtres, auxquels vous avez la générosité de donner une petite partie de ce que vous leur devez ; vous vous montrez magnifiques à l’égard du culte auquel vous prêtez les édifices que vous lui enlevez. Vous vous montrez prodigues à l’égard des communes dont vous voudriez éveiller l’esprit de cupidité et vous faire des complices, en leur promettant quelques sous d’un argent mal acquis.
     Eh bien ! messieurs, sans vouloir aucunement vous offenser, permettez-moi de vous dire que je vous aimais encore mieux sous votre premier aspect que sous le second, parce que je préfère un sectarisme franc, que je comprends, à une hypocrisie qui paraît plus dangereuse encore.
....

M. Paul Deschanel : ... Cette réforme, comme toute grand oeuvre législative, est le résulta d’une série de transactions. (Très bien ! très bien !) mais ce sont les points essentiels qu’il faut retenir.
     Trois grandes questions dominaient le débat : celle des édifices, celle des associations cultuelles et de la caisse centrale, et celle de la dévolution des biens.
     Pour les édifices, il était visible dès le premier jour que la Chambre nous donnerait gain de cause, pour les associations cultuelles et la caisse centrale, la commission avait tout d’abord admis les mesures les plus larges, et ce sont ces mesures qui, dans leurs grandes lignes, ont prévalu.
     Enfin, pour la dévolution des biens, il se trouve que des orateurs de l’extrême gauche sont venus défendre les idées les plus libérales, et avec tant de force, qu’en vérité ils nous laissaient rien à dire - et, peut-être, les discussions qui ont suivi le vote de l’article 4 ne se seraient-elles pas produites si, pendant les vacances du Parlement, des polémiques de presses passionnées n’étaient venues en forcer le sens.
.....
     Que devons-nous conclure de là, ..., sinon que les excommunications de républicain à républicain sont coupables (Très bien ! très bien ! au centre) et que cette coopération sincère d’hommes animés de doctrines différentes, mais également soucieux ... du repos de la République et de la paix sociale, peut continuer de s’exercer en d’autres domaines et pour d’autres réformes ? (Applaudissement au centre et à gauche.)
     Et maintenant qu’il me soit permis d’exprimer un double vœu :
     Le premier, c’est que le Sénat aborde ce débat dans l’esprit où nous l’avons poursuivi ...
     Le second, c’est que nos intentions soient comprises à Rome ... (Rumeurs à droite.)
...
(L’amendement de M. Raiberti, tendant au retrait de l’urgence, est repoussé par 335 voix contre 235)

M. le président : Tout le monde est d’accord pour que pleine liberté soit laissée aux explications de vote ...

M. Antoine Gras : ... Je le déclare tout d’abord, je voterai l’ensemble du projet de loi, mais en faisant les réserves et les déclarations qui me sont suggérées par un double ordre d’idées.
     Le premier est relatif à l’économie du projet. Dès le début, ..., le projet me paraissait déjà trop favorable à Église (Exclamations à droite.)
...
     Il ne faut pas perdre de vue que Église est l’éternelle et irréconciliable ennemie. Je sais bien que nous pourrons nous défendre, mais nous ne luttons pas à armes égales, parce que la démocratie ne dispose pas, elle, de moyens supraterrestres ; elle n’a à sa disposition ni les flammes de l’enfer ni la béatitude du paradis. De là évidemment son infériorité.
...
     Le second ordre d’idées est relatif à l’attitude violente des cléricaux.... (Interruptions à droite.) Ce n’est pas une insulte. Le cléricalisme est un parti. ... à l’égard du projet primitif de la commission et des républicains.
.....
M. Jules Auffray :... Pour État, plus encore que pour les églises, Concordat vaut mieux que séparation ; ... voilà pourquoi nous avons voté contre le passage à la discussion des articles.
     La discussion entamée, nous avons accompli loyalement notre devoir de législateurs, nous efforçant d’améliorer le texte soumis à nos délibérations.
     Le système sorti de nos débats confus est trop équivoque, contradictoire et inquiétant pour nous permettre de voter l’ensemble du projet de loi.
     Sur un seul un point, tous rapports sont rompus entre État et les Églises Celles-ci auront la liberté absolue de nomination de tous leurs ministres. L’expérience seule nous dira si ce régime, sans précédent en France, sera bon pour État et même pour les Églises
     Sur toutes les autres questions, que de points de contact, aujourd’hui maintenus dont le plus futile incident peut demain faire des points de conflit !
.....
M. Léonce de Castelnau : ... Messieurs, nous avons voté, mes amis et moi, contre le passage à la discussion des articles de la loi de séparation et nous voterons contre l’ensemble de l’oeuvre qui vient de sortir de nos débats. Elle a, en effet, malgré tous nos efforts, gardé les caractères qui nous avaient imposé notre premier vote.
     Elle était et elle reste la rupture violente de traditions françaises séculaires qui avaient assuré la paix publique à l’intérieur et avaient fait de notre pays au delà de ses frontières le premier et le plus fécond civilisateur du monde.
     Elle était et elle reste la violation flagrante et injuste d’engagements solennels pris avec le Saint-Siège; ...
     Elle était et elle reste la spoliation certaine des établissements publics du culte auxquels elle enlève, sans cause aucune, le patrimoine qui leur avait été légitimement restitué ... au début du dernier siècle ...
     Elle était et elle reste la méconnaissance des droits des fabriques ...
     Elle était et elle reste l’institution de la suspicion légale vis-à-vis des ministres du culte ...
....
M. Edouard Vaillant :Dès le début, tant à la commission qu’à la Chambre, nous nous sommes proposés, mes amis et moi, de réduire dans le régime de séparation, à défaut de les pouvoir supprimer, la puissance et les privilèges de l’Eglise.
     Nous n’avons pas tardé à constater l’inutilité de nos efforts. (Interruptions au centre.) Si considérables que fussent les concessions de la commission, elles étaient toujours insuffisantes au gré de la Chambre. Et la Chambre a laissé et abandonné à l’Eglise tous les biens, toutes les richesses, tous les édifices, tous les privilèges que ses partisans demandaient pour elles, en un mot tout ce qu’il était possible de lui abandonner. (Mouvements divers.) Nous avons dû reconnaître que la Chambre, qui avait jusqu’alors refusé la suppression du budget des cultes et la séparation, ne les voterait que dans des conditions favorables pour Église
     Il nous y faut résigner et attendre du progrès des idées et de la volonté de la nation et de l’action croissante du socialisme les mesures de défense républicaine, ouvrière et laïque que nous voulions immédiates. (Exclamations à droite.)
     Nous considérons que leur point de départ, que surtout la première et urgente mesure de l’oeuvre nécessaire de laïcisation des service publics, des lois et de la société, est la rupture des liens de l’Eglise et de l’Etat, l’abrogation du Concordat, la suppression du budget des cultes, la séparation des Eglises et de l’Etat.. Et c’est pour cette raison que malgré qu’elle ne soit pas ce que nous aurions voulu qu’elle fût, nous voterons la loi. (Applaudissements à l’extrême gauche et sur divers bancs à gauche. - Applaudissements ironiques à droite.)
...
M. François Carnot : ... Messieurs, nous n’avons jamais considéré que le Concordat de germinal an X comme devant régler d’une façon intangible les rapports des Eglises et de l’Etat.
     La théorie de l’Eglise libre dans l’Etat libre a toujours fait partie du vieux programme républicain.
     L’heure était-elle venue de rompre un pacte séculaire ? Il nous sera permis de conserver des doutes sur l’opportunité des mesures qui nous ont été proposées ; mais les mêmes considérations qui nous ont déterminés à voter le passage à la discussion des articles et à collaborer loyalement à la loi nous décident de ne pas nous opposer à son adoption.
     Si nous n’avons pu obtenir toutes les garanties que nous réclamions, nous ne saurions méconnaître qu’à la suite des amendements votés, le texte proposé a été sensiblement amélioré.
     Nous espérons que le Sénat voudra lui conserver, en l’accentuant, le caractère libéralisme qui seul permettra à une réforme hardie d’être acceptée par le pays au moment où, plus que jamais, il a besoin d’apaisement et d’union. C’est dans cet esprit que nous voterons la loi. (Applaudissements à gauche.)

M. Pasquier :.... J’entends bien que vous dites qu’avec les associations cultuelles, les habitants des champs auront la faculté d’assurer l’exercice de leur culte ; mais ces associations ne pourront pas se créer et vivre qu’au prix de gros sacrifices, qu’avec d’onéreuses souscriptions et cotisations, que les cultivateurs, les ouvriers agricoles, déjà surchargés de contributions, seront impuissants à supporter.
     Ce sera un nouvel impôt indirect que vous ferez peser lourdement sur eux.
     La religion ne pourra plus être pratiquée que dans les milieux populeux offrant des ressources, que dans les villes et les bourgs riches et importants. (Applaudissements au centre et à droite.) ce sera une suppression presque absolue du culte dans nos petites communes. Vous accentuez la désertion des champs  si regrettable, qui se manifeste partout et que vous déplorez.    Au lieu d’enrayer le mouvement des populations vers les grands centres, vous aller l’encourager, le rendre plus inévitable et plus profond que jamais ; vous éloignerez de la République les vaillants habitants des champs qui en sont les soutiens les plus sincères et les plus désintéressés, qui lui fournissent les meilleurs, les plus robustes et les plus nombreux soldats.
     Ce sont ces considérations d’intérêt patriotique qui me font voter contre l’ensemble de la loi. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs)

M. Maurice Allard :...  Je considère que cette loi ne répond nullement au desiderata des républicains et des libres penseurs.     La loi ... que la Chambre va voter ... n’est pas celle que demande le pays qui veut la séparation intégrale, et qui a toujours considéré cette mesure comme devant être une arme de combat contre les religions. (Exclamations à droite.)
     Au lieu de désarmer Église, vous lui avez conservé tous ses anciens privilèges ; vous les augmentez mêmes, et en plus vous lui confiez la liberté absolue. Ce n’est donc pas la séparation que nous voulons et demandons. (Très bien ! très bien ! à l’extrême gauche.)
...
     Cependant je voterai la loi.(Ah ! ah ! au centre et à droite.), et ... vous allez savoir pourquoi.
     Je voterai la loi parce que le principe de la séparation est en cause et parce que c’est la première fois que nous faisons une rupture officielle avec la papauté. Je voterai la loi pour une seconde raison : Nous voulons que la question de la séparation des Églises et de État reste à l’ordre du jour du Parlement (Mouvements divers.) et nous espérons, ..., que le Sénat améliorera la loi. (Interruptions à droite et au centre.) Et si la loi améliorée par le sénat revient devant la Chambre, je serai curieux   de voir, messieurs de la gauche, si vous serez plus réactionnaires que l’assemblée du Luxembourg.
     Enfin je voterai la loi pour une troisième cause, parce que j’espère que, si elle est votée telle que vous la faites, le bien sortira de l’excès du mal. Demain, avec cette loi, Église deviendra peut-être si forte et prendra une telle insolence que j’espère que le pays se soulèvera et fera lui-même, contre elle, la véritable séparation ; car, puisqu’il ne se trouve pas un Parlement capable de donner au peuple la loi qu’il désire, nous devrons faire la séparation par l’action directe et, s’il le faut, nous prendrons d’assaut vos églises et vos chapelles, pour les faire disparaître, comme les révolutionnaires de 92 et 93 ont jadis pris d’assaut les châteaux et les forteresses de la noblesse.
     C’est pour ces trois raisons que je voterai la loi. (Exclamations à droite. - Applaudissements sur divers bancs à l’extrême gauche.)
...
M. le marquis de La Ferronnays : Au nom de la majorité des députés de la Loire-Inférieure et du Morbihan, je viens motiver le vote que nous allons émettre.
     Représentants de populations profondément chrétiennes et, sauf de rares exceptions, catholiques, nous ne pouvons en aucune façon donner notre adhésion à la loi dont la longue discussion va prendre fin.
     Fidèles aux croyances dont la pratique a pendant quinze siècles assuré dans le monde entier la prépondérance de la France indissolublement liée au développement de la civilisation chrétienne, nos électeurs ne nous permettraient pas d’oublier dans cet instant solennel le mandat qu’ils nous ont expressément confié.
     Si la loi n’avait pour objet que de rompre une union dont l’histoire enregistre à chaque page les bienfaisants effets, nous aurions pu nous incliner avec tristesse comme Français et attendre avec confiance, comme chrétiens, les infaillibles réparations de l’avenir. (Très bien ! très bien ! à droite.)
     Il n’en n’est pas ainsi. Votre but est la déchristianisation de la France, vos orateurs autorisés l’ont déclaré. Vous avez accumulé les entraves au libre exercice des cultes ; vous avez banni de tous les lieux publics les emblèmes religieux ; vous avez innové dans nos codes des pénalités pour des délits qui ne relèvent que de la conscience ; vous venez, enfin, de restreindre l’étendue des droits civiques au détriment des ministres de la religion. (Applaudissements à droite.)
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M. Bepmale : ... La loi sur l’ensemble de laquelle nous sommes appelés à nous prononcer n’est pas celle qu’attendait la démocratie républicaine.
     La collaboration active des adversaires résolu du divorce de Église et de État ne pouvait avoir d’autre résultat que d’en fausser l’esprit et d’en atténuer la portée. Ses principales dispositions, ..., ont vu se dresser contre elles la quasi-unanimité de ceux qui, depuis de longues années, fidèles à la tradition révolutionnaire, ont réclamé et voté la séparation.
     Du fait de la loi, Église conserve la plupart de ses privilèges, quelques-uns mêmes aggravés. Elle y perd, il est vrai, dans un avenir encore assez lointain, son budget mais elle y gagne dès aujourd’hui une liberté illimitée.
...
     Cette liberté sans contre-poids et sans garanties, le passé peut nous monter comment elle en usera dans l’avenir. Elle peut, si les pouvoirs publics s’en désintéressent et manquent de vigilance, devenir un danger pour la République elle-même.
...
     Nous eussions préféré le droit commun à une loi dont l’application sera hérissée de difficultés et qui laisse État plus désarmé encore contre les empiètements de Rome.
     Telle quelle, pourtant, nous la voterons. (Exclamations ironiques au centre et à droite.)
...
     Nous la voterons, d’abord parce que beaucoup de ceux-là qui l’ont faite en détail la repousseront en bloc et que nous ne voulons pas que l’effort énorme de ces derniers mois soit perdu.
     Nous la voterons parce-que, quelque insuffisante qu’elle nous paraisse, elle enlève à Église ce caractère officiel et cette parcelle d’autorité légale auxquels elle était si profondément attachée et qui ont conservé à travers les siècles sa force et son prestige. (Applaudissements à gauche.)
      Nous la voterons enfin parce que nous la considérons comme une loi provisoire ...(Applaudissements ironiques à droite et au centre.)...... une loi provisoire destinée à marquer une étape nécessaire dans la marche vers la laïcisation intégrale. (Applaudissements à l’extrême gauche.)

.....
M. le président :... Voici, après vérification, le résultat du dépouillement du scrutin sur l’ensemble du projet de loi concernant la séparation des Églises et de État

Nombre des votants ... 574
Majorité absolue ........ 288

Pour l’adoption ... 341
Contre ..................233

La chambre des députés a adopté.(Vifs applaudissements à gauche et à l’extrême gauche. - Applaudissements ironiques sur divers bancs à droite.)
 

Sénat
 

©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3