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30 juin 1905

suite de la discussion du projet et des diverses propositions de loi
concernant la séparation des Églises et de l'État.
(45° journée ; réduite et annotée)





M. le président : ... Nous nous sommes arrêtés hier aux dispositions additionnelles proposées après l’article 35 qui a été voté.
    Le premier est de M. Rudelle qui est ainsi conçu :
    « Les jeunes gens qui, antérieurement à la promulgation de la présente loi, auront, à titre d’élèves ecclésiastiques, été envoyés en congé dans leurs foyers après un an de présence sous les drapeaux, seront définitivement dispensés de tout service dans l’armée à la condition de justifier qu’à l’âge de vingt-six ans ils remplissaient l’emploi de ministre d’un culte rétribué par une association déclarée constituée conformément aux dispositions des articles 16 et suivants. »

M. Rudelle :  J’ai considéré que la disposition additionnelle ... était absolument indispensable pour régler une situation inextricable puisque, par suite de la substitution de la loi de 1905 sur le recrutement à la loi de 1889 et par suite de la séparation des Églises et de l’État, toute une catégorie de citoyens qui avaient été appelés à contribuer au service militaire, par suite d’un véritable contrat dans des conditions spéciales, allaient se trouver désormais dans une situation indéterminée. La commission l’a du reste compris ..... [puisque] la rédaction que j’ai proposée était acceptée et allait figurer dans la loi comme article 35 bis.

M. Aristide Briand, rapporteur : .... Nous demandons seulement à la Chambre et à M. Rudelle ... de vouloir bien accepter le texte dont je vais donner lecture à la Chambre :
    « Les jeunes gens, qui ont obtenu à titre d'élèves ecclésiastiques la dispense prévue par l'article 23 de la loi du 15 juillet 1889, continueront à en bénéficier conformément à l'article 99 de la loi du 21 mars 1905, à la condition qu'à l'âge de vingt-six ans ils soient pourvus d'un emploi de ministre du culte rétribué par une association cultuelle et sous réserve des justifications qui seront fixées par un règlement d'administration publique. »
(La disposition additionnelle mise aux voix est adoptée)

M. le président : Il y a deux autres dispositions additionnelles, qui se confondent, l’une de M. César Trouin, et l’autre de M. Albin Rozel, relatives toutes deux à l’application de la loi à l’Algérie.
.....
    Je mets aux voix le texte proposé par M. le rapporteur, et qui est ainsi conçu :
    « Des règlements d'administration publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente loi sera applicable en Algérie et aux colonies. »
    Ce texte donne également satisfaction à un amendement de MM. Clément, Gerville-Réache et Ursleur .....
(La disposition, mise aux voix, est adopté.)
    Cette disposition deviendra l’article 35 ter.
    Une autre disposition additionnelle présentée par M. Dubuisson, est libellée en ces termes:
    « La présente loi ne pourra recevoir aucune application avant le 1er janvier 1907. (Exclamations à droite. )

M. Dubuisson : .... C’est pour permettre à nos successeurs d’examiner s’il ne conviendrait pas d’abroger cette loi avant son application. ....
    Le texte de la loi sera connu, chacun aura pu peser les avantages et les inconvénients et les électeurs sauront à l’occasion du renouvellement de la Chambre faire connaître leur volonté . (Applaudissements au centre et à droite)
(L’amendement, mis aux voix, n’est pas adopté.)
....
M. le président : Nous passons à [la disposition additionnelle] de M. Albert-Le-Roy, qui est ainsi conçue:
    « Les ministres des cultes sont inéligibles dans la circonscription ecclésiastique où ils exercent leurs fonctions .» (Exclamations à droite.)

M. Albert-Le-Roy : ... Je suis au nombre de ceux qui ont contribué à obtenir le vote d’un certain nombre de dispositions libérales incorporées à la présente loi.
...
M. le rapporteur : Messieurs, votre commission n’a pas cru pouvoir adopter l’amendement ... , au moins dans les termes absolus et définitifs où notre collègue vous le présente.
    ...., j’ai déjà eu l’honneur de faire remarquer à certains de nos collègues de gauche que la réforme dont nous poursuivons en commun la réalisation n’aurait pas que des avantages ; il peut résulter aussi quelques inconvénients, dont il faut bien prendre son parti. (Très bien ! très bien ! à gauche.)
    Il convient de choisir entre le régime concordataire (Applaudissements sur divers bancs à gauche et au centre) restrictif de la liberté du prêtre et la séparation, qui ne peut aller sans beaucoup de liberté pour les ministres du culte, puisque sous ce régime ils devront être traités comme tous les autres citoyens. (Très ben ! très bien !)
    Cependant, je reconnais qu’il serait imprudent de donner aussitôt après la promulgation de la loi la pleine et totale éligibilité aux prêtres. .....
    La première période qui suivra la promulgation de la loi, pendant laquelle les associations cultuelles s’organiseront, pourra donner naissance à des conflits entre le maire et le curé. La solution deviendrait particulièrement difficile si les deux fonctions se trouvaient réunies dans la main du ministre du culte, devenu juge et partie. Nous avons tous admis que la rupture entre État et les Églises ne sauraient être brutale, absolue, dès le vote de la réforme.
...
    Il convient d’éviter dans la mesure du possible une telle éventualité. Mais s’il est bon de prendre des précautions à cet effet, il ne faut pas les exagérer au point de porter inutilement atteinte au principe de la réforme que nous proposons. C’est dans la commune où il exerce sa fonction, que l’influence spéciale du ministre du culte peut mettre en péril l’indépendance des électeurs et créer une situation anormale. Contentons-nous de limiter au mandat de maire ou d’adjoint dans la commune où il remplit son sacerdoce l’inéligibilité..... Et comme durée ... nous nous bornons à adopter la période de huit années pendant laquelle des liens d’intérêts persistent entre État et les ministres du culte.

M. le président : Voici le texte proposé par la commission :
    « Pendant huit années, à partir de la promulgation de la présente loi, les ministres du culte seront inéligibles aux fonctions de maire ou d’adjoint dans les communes où ils exercent leur ministère ecclésiastique. »
(La disposition, à laquelle s’est rallié M. Albert-Le-Roy, mise aux voix, est adoptée)
.....
M. le président : .... Les dispositions additionnelles auxquelles nous arrivons ont toutes pour objet l’emploi des disponibilités résultant du vote du projet de loi.
    La première est signée de MM. Balitrand, Lacombe, Caillaux, Codet, Georges Leygues, Rigal, Chavoix, Vival, Saumade, D’Iriart d’Etchepare, Devins, Sarrazin, Bussière, Sarraut, Vigouroux, Mill, Noulens et Fernand-Brun. Elle est ainsi conçue :
    « Les sommes rendues disponibles, chaque années, sur le budget des cultes supprimé seront attribuées aux communes, au prorata du contingent de la contribution foncière des propriétés non bâties qui leur aura été assignée pendant l’exercice qui précèdera la promulgation de la présente loi. »
......
M. Klotz : Toutes les dispositions relatives à l’emploi des disponibilités résultant du vote du projet pourraient être, je crois, disjointe et reportées à la discussion de la prochaine loi de finances. Il me semble que, de cette façon, les droits de tous les auteurs de ces dispositions seraient réservés et qu’au moment de la discussion de la loi de finances nous pourrions statuer plus utilement. (Très bien ! très bien ! à gauche et à l’extrême gauche.)
...
M. Joseph Caillaux :... Un certain nombre de mes collègues et peut-être moi-même, aurions été assez disposé à accepter cette solution, mais, comment dirais-je ....on se méfie ! (Rires et applaudissements sur divers bancs.).....
    On craint qu’une fois la disposition inscrite dans la loi, par les lois de finances ultérieurs on ne modifie le principe et qu’on ne vienne disposer des fonds d’une façon tout à fait différente. De sorte qu’un grand nombre de mes collègues et moi-même nous estimons que mieux vaut régler tout de suite la question. (Applaudissement sur divers bancs.) Et il me semble que le règlement de la question n’est pas extrêmement compliqué.
.....
M. le rapporteur :Messieurs, dès la première heur, la commission s’est prononcée en faveur de l’attribution aux contribuables des sommes qui deviendraient disponibles ..... Elle avait admis une forme de répartition à laquelle elle a dû renoncer pour se rallier au système qui consistait à attribuer ces sommes aux communes. Il est bien entendu que, dans son esprit,... celle dont le budget est le plus pauvre, auraient dû être particulièrement avantagées. (Mouvements divers.)
    ... Pour cela, je proposeras le texte suivant :
    « Les sommes rendues disponibles chaque années sur le budget ders cultes supprimé seront réparties entre les communes et d’après leur situation financière et sur une base qui sera établie par la loi de finances. » (Bruits à droite.)
....
M. Joseph Caillaux : La solution proposée par M. le rapporteur nous paraît inopérante.
    M. le rapporteur nous propose d’inscrire dans la loi que la somme rendue disponible sera répartie entre les communes, ce qui nous donne satisfaction, mais il ajoute : d’après la situation financière de ces communes.
    Concevez-vous, monsieur le rapporteur, une expression plus vague ? (Très bien ! très bien ! sur divers bancs à gauche. - Bruits.)
    Si vous juger que la formule que nous avons présentée est insuffisante, il appartient au Gouvernement ou à vous-même, ...,  d’en présenter une autre. ...
    Nous vous demandons donc de répartir la somme entre les différentes communes au prorata de leur richesse agricole telle qu’elle est exprimé par l’impôt.
    J’attends que tous ceux qui, à l’occasion, se montrent de si farouches défenseurs des intérêts agricoles votent contre cet amendement. (Très bien ! très bien ! à gauche et à l’extrême gauche.)
...
M. le président : La première partie de la disposition proposée par M. Cazeneuve est ainsi conçue : « Les sommes rendues disponibles chaque années par la suppression du budget des cultes seront réparties entre les communes .... »
    Je vais mettre aux voix, par scrutin, cette première partie......
......
(Adoptée par 435 voix contre 70)
.....
    La seconde partie de l’amendement de MM. Balitrand et Caillaux devient ... un sous-amendement à l’amendement de Cazeneuve. Elle est ainsi conçue :
    « ... au prorata du contingent de la contribution foncière des propriétés non bâties qui leur aura été assigné pendant l’exercice qui précèdera la promulgation de la présente loi. »
(Adoptée par 386 voix contre 39, et l’ensemble de l’amendement, mis aux voix, est adopté.
    La Chambre était maintenant appelée à voter sur l’ensemble de l’article 35 quater dont le deuxième paragraphe a été adopté. je lui demande de vouloir bien fondre ces deux paragraphes en un seul ... texte... ainsi rédigé :
    « Pendant huit années à partir de la promulgation de la présente loi, les ministres du culte seront inéligibles au conseil municipal dans les communes où ils exerceront leur ministère ecclésiastique. »
(L’article est adopté.)
 

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©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3