suite de la discussion du projet et des diverses propositions
de loi
concernant la séparation des Églises et
de l'État.
(45° journée ; réduite
et annotée)
M. le président : ...
Nous nous sommes arrêtés hier aux dispositions additionnelles
proposées après l’article 35 qui a été voté.
Le premier est de M. Rudelle qui est ainsi conçu
:
« Les jeunes gens qui, antérieurement
à la promulgation de la présente loi, auront, à titre
d’élèves ecclésiastiques, été envoyés
en congé dans leurs foyers après un an de présence
sous les drapeaux, seront définitivement dispensés de tout
service dans l’armée à la condition de justifier qu’à
l’âge de vingt-six ans ils remplissaient l’emploi de ministre d’un
culte rétribué par une association déclarée
constituée conformément aux dispositions des articles 16
et suivants. »
M. Rudelle : J’ai considéré que la disposition additionnelle ... était absolument indispensable pour régler une situation inextricable puisque, par suite de la substitution de la loi de 1905 sur le recrutement à la loi de 1889 et par suite de la séparation des Églises et de l’État, toute une catégorie de citoyens qui avaient été appelés à contribuer au service militaire, par suite d’un véritable contrat dans des conditions spéciales, allaient se trouver désormais dans une situation indéterminée. La commission l’a du reste compris ..... [puisque] la rédaction que j’ai proposée était acceptée et allait figurer dans la loi comme article 35 bis.
M. Aristide Briand, rapporteur
: .... Nous demandons seulement à la Chambre et à M.
Rudelle ... de vouloir bien accepter le texte dont je vais donner lecture
à la Chambre :
« Les jeunes gens, qui ont obtenu à
titre d'élèves ecclésiastiques la dispense prévue
par l'article 23 de la loi du 15 juillet 1889, continueront à en
bénéficier conformément à l'article 99 de la
loi du 21 mars 1905, à la condition qu'à l'âge de vingt-six
ans ils soient pourvus d'un emploi de ministre du culte rétribué
par une association cultuelle et sous réserve des justifications
qui seront fixées par un règlement d'administration publique.
»
(La disposition additionnelle mise aux voix est adoptée)
M. le président : Il y a deux autres dispositions additionnelles,
qui se confondent, l’une de M. César Trouin, et l’autre de M. Albin
Rozel, relatives toutes deux à l’application de la loi à
l’Algérie.
.....
Je mets aux voix le texte proposé par M.
le rapporteur, et qui est ainsi conçu :
« Des règlements d'administration publique
détermineront les conditions dans lesquelles la présente
loi sera applicable en Algérie et aux colonies. »
Ce texte donne également satisfaction à
un amendement de MM. Clément, Gerville-Réache et Ursleur
.....
(La disposition, mise aux voix, est adopté.)
Cette disposition deviendra l’article
35 ter.
Une autre disposition additionnelle présentée
par M. Dubuisson, est libellée en ces termes:
« La présente loi ne pourra recevoir
aucune application avant le 1er janvier 1907. (Exclamations à
droite. )
M. Dubuisson : .... C’est pour permettre à nos successeurs
d’examiner s’il ne conviendrait pas d’abroger cette loi avant son application.
....
Le texte de la loi sera connu, chacun aura pu peser
les avantages et les inconvénients et les électeurs sauront
à l’occasion du renouvellement de la Chambre faire connaître
leur volonté . (Applaudissements au centre et à droite)
(L’amendement, mis aux voix, n’est pas adopté.)
....
M. le président : Nous passons à [la disposition
additionnelle] de M. Albert-Le-Roy, qui est ainsi conçue:
« Les ministres des cultes sont inéligibles
dans la circonscription ecclésiastique où ils exercent leurs
fonctions .» (Exclamations à droite.)
M. Albert-Le-Roy : ...
Je suis au nombre de ceux qui ont contribué à obtenir le
vote d’un certain nombre de dispositions libérales incorporées
à la présente loi.
...
M. le rapporteur : Messieurs, votre commission n’a pas cru pouvoir
adopter l’amendement ... , au moins dans les termes absolus et définitifs
où notre collègue vous le présente.
...., j’ai déjà eu l’honneur de faire
remarquer à certains de nos collègues de gauche que la réforme
dont nous poursuivons en commun la réalisation n’aurait pas que
des avantages ; il peut résulter aussi quelques inconvénients,
dont il faut bien prendre son parti. (Très bien ! très
bien ! à gauche.)
Il convient de choisir entre le régime concordataire
(Applaudissements sur divers bancs à gauche et au centre) restrictif
de la liberté du prêtre et la séparation, qui ne peut
aller sans beaucoup de liberté pour les ministres du culte, puisque
sous ce régime ils devront être traités comme tous
les autres citoyens. (Très ben ! très bien !)
Cependant, je reconnais qu’il serait imprudent de
donner aussitôt après la promulgation de la loi la pleine
et totale éligibilité aux prêtres. .....
La première période qui suivra la
promulgation de la loi, pendant laquelle les associations cultuelles s’organiseront,
pourra donner naissance à des conflits entre le maire et le curé.
La solution deviendrait particulièrement difficile si les deux fonctions
se trouvaient réunies dans la main du ministre du culte, devenu
juge et partie. Nous avons tous admis que la rupture entre État
et les Églises ne sauraient être brutale, absolue, dès
le vote de la réforme.
...
Il convient d’éviter dans la mesure du possible
une telle éventualité. Mais s’il est bon de prendre des précautions
à cet effet, il ne faut pas les exagérer au point de porter
inutilement atteinte au principe de la réforme que nous proposons.
C’est dans la commune où il exerce sa fonction, que l’influence
spéciale du ministre du culte peut mettre en péril l’indépendance
des électeurs et créer une situation anormale. Contentons-nous
de limiter au mandat de maire ou d’adjoint dans la commune où il
remplit son sacerdoce l’inéligibilité..... Et comme durée
... nous nous bornons à adopter la période de huit années
pendant laquelle des liens d’intérêts persistent entre État
et les ministres du culte.
M. le président : Voici le texte proposé par la
commission :
« Pendant huit années, à partir
de la promulgation de la présente loi, les ministres du culte seront
inéligibles aux fonctions de maire ou d’adjoint dans les communes
où ils exercent leur ministère ecclésiastique. »
(La disposition, à laquelle s’est rallié M. Albert-Le-Roy,
mise aux voix, est adoptée)
.....
M. le président : .... Les dispositions additionnelles
auxquelles nous arrivons ont toutes pour objet l’emploi des disponibilités
résultant du vote du projet de loi.
La première est signée de MM. Balitrand,
Lacombe, Caillaux, Codet, Georges Leygues, Rigal, Chavoix, Vival, Saumade,
D’Iriart d’Etchepare, Devins, Sarrazin, Bussière, Sarraut, Vigouroux,
Mill, Noulens et Fernand-Brun. Elle est ainsi conçue :
« Les sommes rendues disponibles, chaque années,
sur le budget des cultes supprimé seront attribuées aux communes,
au prorata du contingent de la contribution foncière des propriétés
non bâties qui leur aura été assignée pendant
l’exercice qui précèdera la promulgation de la présente
loi. »
......
M. Klotz : Toutes les dispositions
relatives à l’emploi des disponibilités résultant
du vote du projet pourraient être, je crois, disjointe et reportées
à la discussion de la prochaine loi de finances. Il me semble que,
de cette façon, les droits de tous les auteurs de ces dispositions
seraient réservés et qu’au moment de la discussion de la
loi de finances nous pourrions statuer plus utilement. (Très
bien ! très bien ! à gauche et à l’extrême gauche.)
...
M. Joseph Caillaux :... Un
certain nombre de mes collègues et peut-être moi-même,
aurions été assez disposé à accepter cette
solution, mais, comment dirais-je ....on se méfie ! (Rires et
applaudissements sur divers bancs.).....
On craint qu’une fois la disposition inscrite dans
la loi, par les lois de finances ultérieurs on ne modifie le principe
et qu’on ne vienne disposer des fonds d’une façon tout à
fait différente. De sorte qu’un grand nombre de mes collègues
et moi-même nous estimons que mieux vaut régler tout de suite
la question. (Applaudissement sur divers bancs.) Et il me semble
que le règlement de la question n’est pas extrêmement compliqué.
.....
M. le rapporteur :Messieurs, dès la première heur,
la commission s’est prononcée en faveur de l’attribution aux contribuables
des sommes qui deviendraient disponibles ..... Elle avait admis une forme
de répartition à laquelle elle a dû renoncer pour se
rallier au système qui consistait à attribuer ces sommes
aux communes. Il est bien entendu que, dans son esprit,... celle dont le
budget est le plus pauvre, auraient dû être particulièrement
avantagées. (Mouvements divers.)
... Pour cela, je proposeras le texte suivant :
« Les sommes rendues disponibles chaque années
sur le budget ders cultes supprimé seront réparties entre
les communes et d’après leur situation financière et sur
une base qui sera établie par la loi de finances. » (Bruits
à droite.)
....
M. Joseph Caillaux : La solution proposée par M. le rapporteur
nous paraît inopérante.
M. le rapporteur nous propose d’inscrire dans la
loi que la somme rendue disponible sera répartie entre les communes,
ce qui nous donne satisfaction, mais il ajoute : d’après la situation
financière de ces communes.
Concevez-vous, monsieur le rapporteur, une expression
plus vague ? (Très bien ! très bien ! sur divers bancs
à gauche. - Bruits.)
Si vous juger que la formule que nous avons présentée
est insuffisante, il appartient au Gouvernement ou à vous-même,
..., d’en présenter une autre. ...
Nous vous demandons donc de répartir la somme
entre les différentes communes au prorata de leur richesse agricole
telle qu’elle est exprimé par l’impôt.
J’attends que tous ceux qui, à l’occasion,
se montrent de si farouches défenseurs des intérêts
agricoles votent contre cet amendement. (Très bien ! très
bien ! à gauche et à l’extrême gauche.)
...
M. le président : La première partie de la disposition
proposée par M. Cazeneuve est ainsi conçue : « Les
sommes rendues disponibles chaque années par la suppression du budget
des cultes seront réparties entre les communes .... »
Je vais mettre aux voix, par scrutin, cette première
partie......
......
(Adoptée par 435 voix contre 70)
.....
La seconde partie de l’amendement de MM. Balitrand
et Caillaux devient ... un sous-amendement à l’amendement de Cazeneuve.
Elle est ainsi conçue :
« ... au prorata du contingent de la contribution
foncière des propriétés non bâties qui leur
aura été assigné pendant l’exercice qui précèdera
la promulgation de la présente loi. »
(Adoptée par 386 voix contre 39, et l’ensemble de l’amendement,
mis aux voix, est adopté.
La Chambre était maintenant appelée
à voter sur l’ensemble de l’article 35 quater dont le deuxième
paragraphe a été adopté. je lui demande de vouloir
bien fondre ces deux paragraphes en un seul ... texte... ainsi rédigé
:
« Pendant huit années à partir
de la promulgation de la présente loi, les ministres du culte seront
inéligibles au conseil municipal dans les communes où ils
exerceront leur ministère ecclésiastique. »
(L’article est adopté.)
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3