Proposition de loi
ayant pour objet de conférer
les droits de citoyens français
aux musulmans indigènes
des départements algériens,
présentée par MM. Michelin et Gaulier
à la séance du 16 juin 1887

EXPOSE DES MOTIFS

     Messieurs, nous avons proposé, mon honorable collègue M. Gaulier et moi, un amendement tendant à soumettre tous les indigènes de l’Algérie au service militaire.
     Cette proposition, qui a été prise en considération par la commission de réorganisation de l’armée, doit amener, comme conséquence nécessaire, la reconnaissance des droits de citoyens français à tous les indigènes de l’Algérie.
     En effet, s’ils sont soumis aux charges qui pèsent sur tous les citoyens, il est juste et équitable de leur conférer également les droits qui appartiennent à tous les citoyens français.
     Le décret du 21 octobre 1870, qui déclare citoyen français les israélites indigènes de l’Algérie, doit, selon nous, être généralisé, et la qualité de citoyen français doit être également conférée aux musulmans indigènes, qui actuellement sont français sans jouir des droits de citoyen français.
     Nous estimons que les liens qui existent entre la métropole et nos département algériens seront plus étroits encore lorsque les indigènes musulmans seront devenus nos concitoyens.
     Il est temps de cesser de considérer les populations indigènes comme des populations conquises et il est juste de les assimiler, au point de vue des droits politiques, aux français d’origine, en leur conférant les mêmes droits en même temps qu’on leur demande les mêmes sacrifices.
     Nous estimons que les indigènes musulmans doivent jouir, comme les indigènes israélites, des droits politiques, et il n’y a aucune raison pour refuser aux uns ce que l’on a accordé aux autres. Les israélites et les musulmans d’Algérie appartiennent, en effet, comme peuple, à la même famille. Les premiers ont obtenu les droits du citoyen français, il est juste de les accorder également aux autres sous peine d’entretenir dans notre colonie un élément de discorde et un germe de révolte.
     Si les lois politiques de la France peuvent être appliquées avec avantage aux indigènes musulmans de l’Algérie, il n’en est pas de même des lois civiles. Les mœurs et les coutumes des Français ne peuvent pas être imposés aux musulmans. Les règles du code civil sur le mariage et l’organisation de la famille notamment ne peuvent pas être imposées aux musulmans. Nous vous proposons, en conséquence, de maintenir pour les indigènes musulmans de l’Algérie l’application de leurs lois personnelles, à moins qu’ils ne consentent librement à se soumettre aux lois civiles françaises.
     Il y a, en un mot, tout avantage, pensons nous, à admettre pour les habitants de nos colonies en général et de l’Algérie en particulier, le système de la personnalité des civiles tout en leur concédant l’application complète des lois politiques de la France.
     Pour les motifs qui précèdent, nous avons l’honneur de proposer à l’adoption de la Chambre des députés la proposition suivante :

PROPOSITION DE LOI

    Art. 1er. - Les musulmans indigènes des départements de l’Algérie sont déclarés citoyens français.
    Art. 2.-     Toutes les lois politiques de la France sont applicables.
    Art. 3. -    Au point de vue civil, ils restent soumis à leur loi personnelles à moins qu’ils ne déclarent, conformément
                    au décret du 24 octobre 1870, qu’ils entendent être régis par les lois civiles de la France.
    Art. 4.-     Toute dispositions législative, tout sénatus consulte, décret, règlement ou ordonnance contraires, sont abolis
 

    Le 17 juillet 1888, une commission , composée de MM. Colfavru, président ; Simyan, secrétaire; Gibet, Gustve Hubbard, Galaud, Paul de Jouvencel, Bourgeois (Jura), Binachon, Desmons, Barodet, Pressat, de Sonnier, Crémieux, henri Mathé (Seine), César Duval, Michelin, Rivière, Georges Richard (Deux-Sèvres), Proal, Gaulier, Pelisse et Remoiville, rendait un Rapport sommaire reprenant tous les arguments de l’exposé des motifs ci-dessus dans lequel elle demandait ,à l’unanimité, que cette proposition soit prise en considération.

    Je pense que si cela avait été le cas,  bien des haines ne seraient pas apparues …..