EXPOSE DES MOTIFS
Messieurs, nous avons proposé, mon honorable
collègue M. Gaulier et moi, un amendement tendant à soumettre
tous les indigènes de l’Algérie au service militaire.
Cette proposition, qui a été
prise en considération par la commission de réorganisation
de l’armée, doit amener, comme conséquence nécessaire,
la reconnaissance des droits de citoyens français à tous
les indigènes de l’Algérie.
En effet, s’ils sont soumis aux charges qui
pèsent sur tous les citoyens, il est juste et équitable de
leur conférer également les droits qui appartiennent à
tous les citoyens français.
Le décret du 21 octobre 1870, qui déclare
citoyen français les israélites indigènes de l’Algérie,
doit, selon nous, être généralisé, et la qualité
de citoyen français doit être également conférée
aux musulmans indigènes, qui actuellement sont français sans
jouir des droits de citoyen français.
Nous estimons que les liens qui existent entre
la métropole et nos département algériens seront plus
étroits encore lorsque les indigènes musulmans seront devenus
nos concitoyens.
Il est temps de cesser de considérer
les populations indigènes comme des populations conquises et il
est juste de les assimiler, au point de vue des droits politiques, aux
français d’origine, en leur conférant les mêmes droits
en même temps qu’on leur demande les mêmes sacrifices.
Nous estimons que les indigènes musulmans
doivent jouir, comme les indigènes israélites, des droits
politiques, et il n’y a aucune raison pour refuser aux uns ce que l’on
a accordé aux autres. Les israélites et les musulmans d’Algérie
appartiennent, en effet, comme peuple, à la même famille.
Les premiers ont obtenu les droits du citoyen français, il est juste
de les accorder également aux autres sous peine d’entretenir dans
notre colonie un élément de discorde et un germe de révolte.
Si les lois politiques de la France peuvent
être appliquées avec avantage aux indigènes musulmans
de l’Algérie, il n’en est pas de même des lois civiles. Les
mœurs et les coutumes des Français ne peuvent pas être imposés
aux musulmans. Les règles du code civil sur le mariage et l’organisation
de la famille notamment ne peuvent pas être imposées aux musulmans.
Nous vous proposons, en conséquence, de maintenir pour les indigènes
musulmans de l’Algérie l’application de leurs lois personnelles,
à moins qu’ils ne consentent librement à se soumettre aux
lois civiles françaises.
Il y a, en un mot, tout avantage, pensons
nous, à admettre pour les habitants de nos colonies en général
et de l’Algérie en particulier, le système de la personnalité
des civiles tout en leur concédant l’application complète
des lois politiques de la France.
Pour les motifs qui précèdent,
nous avons l’honneur de proposer à l’adoption de la Chambre des
députés la proposition suivante :
PROPOSITION DE LOI
Art. 1er. - Les musulmans indigènes des départements
de l’Algérie sont déclarés citoyens français.
Art. 2.- Toutes les lois
politiques de la France sont applicables.
Art. 3. - Au point de vue civil,
ils restent soumis à leur loi personnelles à moins qu’ils
ne déclarent, conformément
au décret du 24 octobre 1870, qu’ils entendent être régis
par les lois civiles de la France.
Art. 4.- Toute dispositions
législative, tout sénatus consulte, décret, règlement
ou ordonnance contraires, sont abolis
Le 17 juillet 1888, une commission , composée de MM. Colfavru, président ; Simyan, secrétaire; Gibet, Gustve Hubbard, Galaud, Paul de Jouvencel, Bourgeois (Jura), Binachon, Desmons, Barodet, Pressat, de Sonnier, Crémieux, henri Mathé (Seine), César Duval, Michelin, Rivière, Georges Richard (Deux-Sèvres), Proal, Gaulier, Pelisse et Remoiville, rendait un Rapport sommaire reprenant tous les arguments de l’exposé des motifs ci-dessus dans lequel elle demandait ,à l’unanimité, que cette proposition soit prise en considération.
Je pense que si cela avait
été le cas, bien des haines ne seraient pas apparues
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