Un nouveau régime pour les Églises
paraît être la préoccupation dominante de nos présentes
législations, stimulée par l'attitude qu'a dû devoir
prendre le gouvernement pour réprimer les empiétements cléricaux.
Le propositions de loi abondent, dues à l'initiative
de nos députés, pour doter la France de cette paix religieuse
dont elle sent plus que jamais le besoin. La dénonciation du Concordat,
la rupture du lien qui unit les diverses confessions reconnues à
l'État apparaissent comme des nécessités d'ordre prochain.
Mais quel sera le régime qui sera appliqué aux Cultes !
Ici, les avis et les propositions diffèrent.
Nous avons déjà le
projet de M. de Pressensé, qui, par sa solution radicale, par
les mesures de rigueur avec lesquelles il essaie de circonscrire le ministère
pastoral paraît à beaucoup attentatoire à cette liberté
religieuse qu'il proclame mais ne réalise guère ; il y le
projet Hubbard, un peu dans la même note.
Voici deux députés d'opinion républicaine
modérée, teintée de nationalisme qui, à leur
tour, ont légiféré sur la matière. Ce sont
MM.
Grosjean et Berthoulat. Leur proposition conçue dans un autre
esprit, a la prétention de respecter, avec un égal souci,
les droits de l'État, et ceux de la conscience, de maintenir les
diverses Églises dans les limites nécessaires sans gêner
le libre exercice du culte.
Comme pour la proposition de Pressensé, dont
nous avons reproduit les dispositions principales qui intéressent
notre culte, nous allons donner le texte des articles essentiels de la
proposition Grosjean-Berthoulat, nous réservant, quand elles viendront
les unes et les autres en discussion, d'examiner leurs avantages et leurs
inconvénients :
Article premier. -
La liberté de conscience et de croyance et le libre exercice des
cultes sont garantis à tous les citoyens
français, sous la
seule restriction ci-après relatives à la police des cultes.
L'article
294 du code pénal, les décrets du 22 décembre 1812
et 19 mars 1859 sont abrogés.
Art. 2 - Nul ne peut être
empêché d'exercer le culte qui est le sien. Nul ne peut être
contraint à participer à un
culte quelconque.
Art.13 - L'État et
les communes restent propriétaires des cathédrales, archevêchés,
évêchés, bâtiment des
séminaires diocésains,
églises paroissiales, temples et presbytères. Toutefois les
conseils de fabrique
actuellement existants pourront
faire la preuve contre l'État et les communes, suivant le cas, que
ces
édifices ont été
construits depuis le Concordat, avec les fonds provenant de collectes,
quêtes et libéralités
des particuliers, sans subvention
de l'État ni des communes. En ce cas, la propriété
des édifices sera
dévolue à
l'association déclarée ou reconnue d'utilité publique,
diocésaine ou paroissiale dont il est
ci-dessus parlé.
Cette
dévolution ne donnera lieu à la perception d'aucun droit
au profit du Trésor.
En cas
de difficulté, les tribunaux civils seront seuls compétents.
Art. 14 - L'État,
les départements et les communes devront mettre gratuitement à
la disposition des associations
formées pour la célébration
du culte les édifices dont jouissent actuellement les établissements
publics du
culte.
Les difficultés
ou conflits entre plusieurs associations déclarées pour le
même culte dans une même
paroisse ou un même
diocèse seront tranchées par une commission mixte composée
de l'évêque, ou du
président du consistoire,
ou du rabbin, du préfet et de trois membres du conseil général
désignés par cette
assemblée.
Art. 15 - Ceux des
édifices ci-dessus désignés qui ont été
ou qui seront rangés dans la catégorie des monuments
historiques seront soumis
aux dispositions législatives spéciales en la matière.
Art. 16 - L'ouverture
des églises, temples, chapelles, oratoires, synagogues, destinés
à l'exercice des cultes, ainsi
que que les réunions
ayant pour objet la célébration d'un culte, sont dispensés
de toute formalité, hormis
d'une simple déclaration
faite à la municipalité.
La déclaration
devra être remise vingt-quatre heures avant la première réunion.
Elle
devra être faite t signée par deux citoyens habitant la commune
et contiendra l'indication du local,
des jours et heures et de
l'objet général des réunions.
Il en
sera donné immédiatement récépissé.
En cas de refus du maire, il sera procédé conformément
à
l'article 2 de la loi du
30 juin 1881.
Art. 28 - Les ministres
des cultes actuellement reconnus, qui ont dix années de ministère,
jouiront, leur vie
durant, du traitement qui
leur était servi d'après les lois concordataires et la loi
du budget, s'ils continuent
leur ministère ecclésiastique.
Les traitements
seront payés par trimestre. Ils seront incessibles et insaisissables.
Art. 29 - Les comptes des
fabriques et consistoires seront arrêtés et clos au jour de
la mise à exécution de la
présente loi.
Art. 30 - Les bien
mobiliers et immobiliers appartenant aux menses épiscopales, aux
fabriques, consistoires et
conseils presbytéraux,
seront dans un délai d'un an, à compter de la mise exécution
de la présente loi,
attribués à
une association ou réparties entre plusieurs associations déclarés
pour la célébration du culte
par les établissements
ecclésiastiques précités.