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Projet du Gouvernement
(Je rajoute l'exposé des motif qui
ne figurait pas dans le rapport de M. Briand)
présenté au nom de de M. Émile
Loubet, Président de la République française,
par M. Rouvier, président du conseil,
ministre des finances ;
par M. Bienvenu Martin, ministre de l' instruction
publique des beaux-arts et des cultes ;
par M. Delcassé, ministre des affaires
étrangères, et par M. Étienne, ministre de l'intérieur.
EXPOSE DES MOTIFS
Messieurs, le séparation
des Églises et de l'État est une des réformes essentielles
à la réalisation desquelles le Gouvernement, par sa déclaration
du 27 janvier dernier, s'est engagé à consacrer ses efforts.
Fidèle à ses promesses, il vous apporte aujourd'hui un projet
de loi qui détermine les conditions dans lesquelles la séparation
lui parait devoir être opérée.
Dans la rédaction de
ce projet, nous nous sommes rapprochés, autant que possible, des
dispositions qui avaient été adoptées par la commission
de la Chambre chargée d'examiner diverses propositions portant sur
le même objet.
Comme la commission, nous
voulons garantir le libre exercice des cultes et cette liberté ne
doit avoir d'autres limites que celles imposées par l'ordre public.
Le texte que nous vous présentons
est la consécration de ce double principe.
En même temps il édicte
un certain nombre de mesure qui sont destinées à assurer
sans secousse le passage du régime ancien au régime nouveau.
Tel est l'objet des articles
qui règlent la dévolution des biens des établissements
ecclésiastiques supprimés, la mise des édifices religieux
à la disposition des associations cultuelles, les pensions aux ministres
du culte.
Dans ces conditions, nous
espérons que le Parlement n'hésitera pas à nous donner
son concours pour l'accomplissement d'une réforme qui ne saurait
être différée et que le Gouvernement désire
fermement voir aboutir.
Titre Ier
Principes
Article 1er
L'État ne reconnaît,
ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
Les établissements
publics des cultes actuellement reconnus sont supprimés, sous réserve
des dispositions énoncées à l'article 3.
Seront également
supprimés des budgets de l'État, des département et
des communes, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation
de la présente loi, toute dépense relative à l'exercice
des cultes
Art. 2
L'exercice des cultes
est libre sous les seules restrictions édictées ci-après
dans l'intérêt de l'ordre public.
Titre II
Dévolution des biens appartenant
aux établissements publics des cultes -, pensions
Article 3
Les établissements
dont la suppression est ordonnée par l'article 1er continueront
provisoirement de fonctionner, conformément aux dispositions qui
les régissent actuellement, jusqu'à la dévolution
de leurs biens aux associations prévues par le titre IV et au plus
tard jusqu'à l'expiration du délai ci-après.
Article 4
Dans le délai d'un
an, à partir de la promulgation de la présente loi, les biens
mobiliers et immobiliers appartenant aux menses, fabriques, conseils presbytéraux,
consistoires et autres établissements ecclésiastiques seront
attribués par les représentants légaux de ces établissements
aux associations qui se seront légalement formées pour l'exercice
du culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements.
Toutefois, les mobiliers
et immobiliers provenant de la dotation de l'État feront retour
à l'État.
Les mobiliers
et immobiliers grevés d'une affectation charitable ou de toute autre
affectation étrangère à l'exercice du culte seront
attribués par les représentants légaux des établissements
ecclésiastiques, dans la limite de leurs circonscription respectives,
aux services ou établissements publics dont la destination est conforme
à celle desdits biens. Cette attribution devra être approuvée
par le préfet du département où siège l'établissement
ecclésiastique. En cas de non-approbation, il sera statué
en conseil d'État.
Article 5
Faute par un établissement
ecclésiastique d'avoir, dans le délai fixé par l'article
précédent, procédé aux attributions ci-dessus
prescrites, il y sera pourvu par le préfet
Article 6
En cas de dissolution
d'une association, les biens qui lui auront été dévolus
en exécution des articles 4 et 5 seront attribués par elle
à une association analogue existant soit dans la même circonscription
soit dans les circonscriptions limitrophes.
A défaut
d'accord, cette attribution est faite, à la requête de la
partie la plus diligente, par le tribunal de l'arrondissement où
l'association à son siège.
Article 7
Les attributions
prévues par les articles précédents ne donnent lieu
à aucune perception au profit du Trésor.
Article 8
Les ministres des cultes actuellement
salariés par l'État, recevront, à partir de la cessation
de leur traitement, une pension viagère annuelle qui sera égale
à la moitié ou aux deux tiers de leur traitement, suivant
qu'ils compteront au moins vingt ou trente ans de service rétribué
par l'État, sans toutefois que cette pension puisse être inférieur
à 400 fr. ni supérieur à 1200 fr.
Les ministres
des cultes, qui compteront moins de vingt années de services rétribués
par l'État, recevront une allocation annuelle de 400 fr. pendant
un temps égal à la moitié de leurs services.
Les pensions
et allocations seront incessibles et insaisissables dans les mêmes
conditions que les pensions civiles. Elles cesseront de plein droit en
cas de condamnation à une peine afflictive ou infamante. Elles seront
suspendues pendant un délai de deux ans en cas de condamnation pour
l'un des délits prévus aux articles 26 et 27 de la présente
loi.
Titre III
Des édifices des cultes
Article 9
Les édifices antérieurs
au Concordat, qui ont été affectés à l'exercice
des cultes ou au logement de leurs ministres, cathédrales, églises,
chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés,
presbytères, séminaires, ainsi que leurs dépendances
immobilière et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment
où lesdits édifices ont été mis à la
disposition des cultes, sont et demeurent propriétés de l'État
ou des communes, qui devront en laisser la jouissance gratuite, pendant
deux années à partir de la promulgation de la présente
loi, aux établissements ecclésiastiques ou aux associations
formées pour l'exercice du culte dans les anciennes circonscriptions
des établissements ecclésiastiques supprimés.
L'État
et les communes seront soumis à la même obligation en ce qui
concerne les édifices postérieurs au Concordat, dont ils
seraient propriétaires.
A l'expiration
du délai ci-dessus fixé, l'État et les communes devront
consentir aux associations, pour une durée n'excédant pas
dix ans, la location de ces édifices.
Le loyer ne
pourra être supérieur à 10 p. 100 du revenu annuel
moyen des établissements supprimés, ledit revenu calculé
d'après les résultats des cinq dernières années
antérieures à la promulgation de la présente loi.
La location
pourra être renouvelée au profit des associations par périodes
successives de dix ans au maximum. Chaque renouvellement ne pourra avoir
lieu que dans les deux dernières années du bail en cours.
Les réparations
locatives et d'entretien seront à la charge des établissements
ou des associations qui seront tenus, en outre, de contracter une assurance
contre les risques de l'incendie et de la foudre.
En cas d'inexécution
de ces prescriptions, la location sera résiliée de plein
droit.
Les associations
locataires ne pourront se prévaloir contre l'État et les
communes des dispositions de l'article 1720 du code civil.
Article 10
Les édifices du
culte, dont les établissements ecclésiastiques seraient propriétaires,
seront, avec les objets mobiliers les garnissant, attribués aux
associations dans les conditions déterminées par le titre
II
Art. 11
Les objets mobiliers
mentionnés au paragraphe 1er de l'article 9, qui n'auraient pas
encore été inscrits sur la liste de classement dressée
en vertu de la loi du 30 mars 1887, sont, par l'effet de la présente
loi, ajoutés à ladite liste. Toutefois, il sera procédé
par le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts, dans le délai
de trois ans, au déclassement de ceux de ces objets dont la conservation
ne présenterait, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt
suffisant.
En outre, les immeubles
et les objets mobiliers, attribués en vertu de la présente
loi aux associations, pourront être classés dans les mêmes
conditions que s'ils appartenaient à des établissements publics.
Il n'est pas dérogé,
pour le surplus, aux dispositions de la loi du 30 mars 1887.
Titre IV
Des associations pour l'exercice
des cultes
Article 12
Les associations
formées pour l'exercice d'un culte devront être constituées
conformément aux articles 5 et suivants de la loi du 1er juillet
1901 ; elles seront soumises aux autres prescriptions de cette loi, sous
réserve des dispositions ci-après.
Article 13
Elles devront avoir
exclusivement pour objet l'exercice d'un culte.
Elles pourront
recevoir, en outre, des cotisations prévues par l'article 6 de la
loi du 1er juillet 1901, le produit des quêtes et collectes pour
les frais du culte, percevoir des rétributions même par fondation
pour les cérémonies et services religieux ; pour la
location des bancs et sièges ; pour la fourniture des objets destinés
au service des funérailles dans les édifices religieux et
à la décoration de ces édifices.
Elles ne pourront,
sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'État,
des départements et des communes. Ne sont pas considérées
comme subventions les sommes que l'État, les départements
ou les communes jugeront convenables d'employer aux grosses réparations
des édifices du culte loués aux associations.
Article 14
Ces
associations peuvent, dans les formes déterminées par l'article
7 du décret du 16 août 1901,
constituer des unions ayant une administration ou une direction centrale
; ces unions seront réglées par les article 12 et 13 de la
présente loi ; toutefois les unions qui s'étendent sur plus
de dix départements sont dépourvues de toute capacité
juridique.
Article 15
Les valeurs mobilières
disponibles des associations et unions seront placées en titres
nominatifs. Leur revenu total ne pourra dépasser la moyenne annuelle
des sommes dépensées pensant les cinq derniers exercices
pour les frais d'entretien du culte.
Toutefois, ce
capital pourra être augmenté de sommes qui, placées
en titre nominatifs déposés à la caisse des dépôts
et consignations, seront exclusivement affectés, y compris les intérêts,
à l'achat, à la construction ou à la réparation
d'immeubles ou meubles destinés aux besoins de l'association ou
de l'union.
Article 16
Seront passibles
d'une amende de 16 à 200 fr. et d'un emprisonnement de six jours
à trois mois, ou de l'une de ces deux peines seulement, les directeurs
ou administrateurs d'une association ou d'une union qui auront contrevenu
aux articles 12, 13, 14 et 15.
Les tribunaux pourront,
en outre, à la requête de tout intéressé ou
du ministère public, prononcer la dissolution de l'association ou
de l'union.
Article 17
Les immeubles appartenant
aux associations et unions seront soumis à la taxe de mainmorte.
Titre V
Police des cultes
Article 18
Les réunions pour la célébration
d'une culte ne peuvent avoir lieu qu'après une déclaration
faite dans les formes de l'article 2 de la loi du 8 juin 1881 et
indiquant le local dans lequel elles seront tenues.
Une seule déclaration
suffit pour l'ensemble des réunions permanentes, périodiques
ou accidentelles qui auront lieu dans l'année.
Article 19
Il est interdit
de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement
à l'exercice d'un culte.
Article 20
Les processions et autres manifestations
extérieures d'un culte ne peuvent avoir lieu qu'en vertu d'une autorisation
du maire de la commune.
Les sonneries des
cloches seront réglées par arrêté municipal.
Article 21
Il est interdit, à l'avenir,
d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur
les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à
l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture
privée ainsi que des musées ou expositions.
Article 22
Les contraventions aux
articles précédents sont punies des peines de simple police.
Sont passibles de
ces peines, dans le cas des articles 18, 19 et 20, ceux qui ont organisé
la réunion ou manifestation, ceux qui y ont participé en
qualité de ministres du culte et, dans le cas des articles 18 et
19, ceux qui ont fourni le local.
Article 23
Sont punis d'une peine d'amende
de 16 fr. à 200 fr. et d'un emprisonnement de six jours à
deux mois ou de l'une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies
de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre
de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille
ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer ou à
s'abstenir d'exercer un culte, à contribuer ou à s'abstenir
de contribuer aux frais d'un culte, à ouvrir ou fermer ses ateliers,
boutiques ou magasins et à faire ou quitter certains travaux.
Article 24
Seront punis des mêmes
peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu
les exercices d'un culte par des troubles ou désordres causés
dans le local servant à ces exercices.
Article 25
Les dispositions des deux
articles précédents ne s'appliquent qu'aux troubles, outrages
ou voies de fait, dont la nature ou les circonstances ne donneront pas
lieu à de plus fortes peines d'après les dispositions du
Code pénal.
Article 26
Tout ministre d'un culte
qui, dans les lieux où s'exerce ce culte, aura par des discours
prononcés, des lectures faites, des écrits distribués
ou des affiches apposées en public, soit outragé ou diffamé
un citoyen chargé d'un service public, soit cherché à
influencer le vote des électeurs ou à les déterminer
à s'abstenir de voter, sera puni d'une amende de 500 francs à
3 000 francs et d'un emprisonnement de un mois à un an, ou de l'une
de ces deux peines seulement.
Article 27
Si un discours prononcé
ou un écrit affiché, ou distribué publiquement dans
les lieux où s'exerce le culte, contient une provocation directe
à résister à l'exécution des lois ou aux actes
légaux de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever
ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre
du culte qui s'en sera rendu coupable sera puni d'un emprisonnement de
trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité,
dans le cas où la provocation aurait été suivie d'une
sédition, révolte ou guerre civile.
Article 28
Dans le cas de poursuites
intentées devant les tribunaux de simple police ou de simple
police correctionnelle par application des articles 18 et 19, 26 et 27,
l'association constituée pour l'exercice du culte dans l'immeuble
où l'infraction a été commise et se directeurs et
administrateurs seront civilement et solidairement responsables.
Si l'immeuble
a été loué à l'association par l'État
ou les communes en vert de la présente loi, la résiliation
du bail pourra être demandée.
Titre VI
Dispositions générales
Article 29
L'article 463 du Code
pénal et la loi du 26 mars 1891 sont applicables à tous les
cas dans lesquels la présente loi édicte des pénalités.
Article 30
Les congrégations
religieuses demeurent soumises aux lois des 1er juillet 1901, 4 décembre
1902 et 7 juillet 1904.
Article 31
Un règlement d'administration
publique rendu dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente
loi déterminera les mesures propres à assurer son application.
Article 32
Sont et demeurent abrogées
toutes les dispositions relatives à l'organisation publique des
cultes antérieurement reconnus par l'État, ainsi que toutes
dispositions contraires à la présente loi et notamment :
1° La
loi du 18 germinal an X ; portant que la convention passée
le 26 messidor an IX entre le pape et le Gouvernement français,
ensemble les articles organiques de ladite convention et des cultes protestants,
seront exécutés comme des lois de la République ;
2° Le décret
du 26 mars 1852 et la loi du 1er août 1879 sur les cultes protestants
;
3° Les décrets
du 18 mars 1808, la loi du 8 février 1831 et l'ordonnance du 25
mars 1844 sur le culte israélite ;
4° Les décrets
des 22 septembre 1812 et 19 mars 1859 ;
5° Les articles 201
à 208, 260 à 264, 294 du code pénal
6° Les articles 100
et 101, les paragraphes 11 et 17 de l'article 137 et l'article 166 de la
loi du 5 avril 1884 ;
Il pouvait être
procédé d'autant plus vite et plus facilement à l'examen
de ce projet que la plupart des dispositions essentielles reproduisaient
celles qu'avaient elle-même adoptées la commission antérieurement
au dépôt du projet Combes. Quelques différences existaient
bien entre les deux textes, notamment pour les pensions, pour la disposition
des archevêchés, évêchés, presbytères,
séminaires ; mais ces différences d'ordre secondaires n'apparaissaient
pas irréductibles. En effet, dès sa première entrevue
avec la commission, l'honorable M. Bienvenu Martin, ministre de l'instruction
publique et des cultes, avait fait connaître que le désir
du Gouvernement était de collaborer étroitement avec elle
à la rédaction d'un texte commun.
Dans ces conditions,
l'entente devenait facile. Elle fut réalisée dans la séance
du 4 mars dernier, au cours de laquelle fut adopté le projet de
loi ci dessous, que nous avons l'honneur de vous présenter au nom
de la commission. Toutefois, nous devons vous faire remarquer qu'au moment
du vote les membres de la minorité et plusieurs membres de la majorité
réservèrent expressément leur droit de soutenir devant
la Chambre par le moyen d'amendements ou de contre-projets, leur opinion
personnelle sur la question.
(D' ailleurs, bien que le rapport fut déposé
le 4 mars, la commission a émis, jusqu'au 14 juin, des modifications
dans la rédaction de certains articles ... qui furent votés
tels quels, ou avec peu de changements)
VI
Discussion
des articles
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