* Dépôt, par M. Lozé, d’un
rapport fait au nom de la commission des affaires extérieures sur
le projet de loi concernant la rectification de la frontière franco-belge
le long su « Ry de France »
* Dépôt, par M. François Deloncle
, d’un rapport fait au nom de la même commission sur le projet de
loi ayant pour objet d’approuver une nouvelle prorogation de la réforme
judiciaire en Égypte.(En
ces temps d e conquête s coloniales, la Grande Bretagne et la France
avaient des « visées » sur Égypte et sur le Maroc.
Dans ses « Mémoires», Joseph Caillaux écrit qu’il
a eu « troc de nos droits sur Égypte contre le désintéressement
anglais au Maroc. Bien que le contrat ne fût pas de premier ordre
puisque nous cédions des réalités contre des espérances
l’opinion publique l’accueillit avec joie. »)
* Adoption d’un projet de loi ayant pour objet l’achèvement
de l’arrière-port de l’Agha à Alger.
suite de la discussion du projet et des diverses propositions
de loi
concernant la séparation des Églises et
de l'État.
(43° journée ; réduite
et annotée)
M. le président : La Chambre s’est arrêtée
hier à l’examen de l’article
26, sur lequel il restait un certain nombre d’amendements à
examiner. Le premier est celui de M. Lefas, tendant rédiger ainsi
l’article 26 :
« Il est interdit à l’avenir
d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur
les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à
l’exception des édifices servant au culte, des cimetières,
ainsi que des musées ou exposition. »
.....
(Amendement repoussé par 307 voix contre 266)
Il y a sur l’article 26 un dernier amendement
de M. Auffray, ainsi conçu :
« A l’avenir, il ne pourra plus être
élevé ou apposé de signe ou d’emblème religieux,
sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit,
que sur les édifices servant au culte, dans les cimetières,
dans les musées ou expositions, et sur les monuments ou statues
consacrés à la mémoire des personnages célèbres.
»
.....
(Amendement repoussé par 323 voix contre 258)
...
L’article 26 est ainsi rédigé : «
Il est interdit à l’avenir d’élever ou d’apposer aucun signe
ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement
public que ce soit, à l’exception des édifices servant au
culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des
monuments funéraires, ainsi que des musées ou exposition.
»
Il n’y a pas d’opposition ?...
M. de l’Estourbeillon : Comment ? Cet article doit être mis aux voix par scrutin.
M. le marquis de La Ferronnays : ... je dépose une demande de scrutin. Il est impossible de voter une loi de cette nature sans que chacun prenne sa responsabilité. (Bruit à gauche.)
(La Chambre adopte l’article par 335 voix contre 235)
M. le président : M. Paul Constans a déposé
une disposition additionnelle ainsi conçue :
« Art. 26bis.- Conformément à
l’article 2 de la loi du 28 mars 1882, l’instruction religieuse ne pourra
être donnée, par les ministres des cultes, aux enfants des
écoles primaires publiques qu’en dehors des jours de classe. »
D’autre part, MM. Abel Lefèvre, Couyba
et Veber proposent d’insérer après l’article 27 un article
additionnel qui serait ainsi conçu :
« Conformément aux dispositions
de l’article 2 de la loi du 28 mars 1882, l’enseignement religieux ne peut
être donnée aux enfants âgés de six à
treize ans, inscrits dans les écoles publiques, qu’en dehors des
heures de classe.
« Il sera fait application aux ministres
des cultes, qui enfreindraient ces prescriptions, des dispositions de l’article
14 de la loi précitée »
M. le rapporteur : cette question devrait plutôt venir en discussion après l’article 27.
M. Paul Constans (Allier) : Si j’ai déposé mon amendement sous forme d’article 26 bis, c’est précisément parce que l’article 27 indique quelles pénalités devront être appliquées aux contraventions aux articles précédents. C’est pour faire l’économie d’un nouveau paragraphe à ajouter que j’ai adopté cette méthode.
M. le président : Enfin, M. Carnaud propose le texte
suivant sur la même question :
« Un règlement d’administration publique fixera
les heures et les jours ou pourra être donné l’enseignement
religieux, de façon à ne point nuire à la fréquentation
scolaire. »
Vous préférez, monsieur le rapporteur,
que la discussion de ces divers amendements, qui ont le même objet,
vienne après l’article 27 ?
M. le rapporteur : je ne pense pas qu’il puisse y avoir inconvénient
pour M. Constans à discuter son amendement après l’article
27.
Il y a une loi scolaire qui prévoit
un cas analogue et édicte des pénalités. L’amendement
de M. Lefèvre présente l’avantage de se référer
à cette loi.
M. Paul Constans (Allier) : A l’heure actuelle, l’entente peut
s’établir entre les membres de l’enseignement et les membres du
pouvoir civil. Au lendemain de la séparation, cela ne peut plus
exister.
Voila pourquoi je tiendrais à faire
inscrire dans la police des cultes une disposition formelle.
M. le rapporteur : Je ne fais pas d’objection au fond même de votre amendement. Il s’agit en ce moment d’une question de procédure, de méthode.
M. le président : Je crois qu’il vaut mieux faire ce que
demande la commission. (Assentiment.)
...
Nous passons à l’article
27.
J’en donne lecture :
« Art. 27. - Les contraventions aux
articles précédents sont punies des peines de simple police.
« Sont passibles de ces peines, dans
le cas des articles 23, 24 et 25 , ceux qui ont organisé la réunion
ou manifestation, ceux qui y ont participé en qualité de
ministres du culte et, dans le cas des articles 23 et 24 , ceux qui ont
fourni le local.. »
Il y a sur cet article un amendement de M.
Auffray ainsi conçu :
« Art. 27. - Les contraventions aux
articles précédents sont punies des peines de simple police.
« Sont passibles de ces peines, ceux
qui ont organisé la réunion ou manifestation et les ministres
du culte qui y ont participé, comme organisateurs ou officiants.
»
Le premier paragraphe de cet amendement est
identique au premier paragraphe du texte de la commission. Rien ne s’oppose
par conséquent à ce que la Chambre se prononce tout de suite
sur le premier paragraphe de l’article 24. (Assentiments.)
Je mets aux voix ce premier paragraphe.
(Le premier paragraphe de l’article 27, mis aux voix est adopté.)
M. Auffray : Le texte
de la commission frappe des peines de simple police veux qui ont participé
en qualité de ministres du culte à une manifestation interdite.
J’ai voulu préciser et restreindre cette disposition aux ministres
du culte qui auront participé à la manifestation comme organisateurs
ou officiants. Voici pourquoi.
Je suppose qu’à une procession prennent
part, par exemple, vingt ou trente séminaristes qui n’y sont pas
en réalité comme ministre du culte. L’intention de la commission
n’est pas de faire tomber sous le coup des contraventions les ministres
du culte qui figureraient à ces manifestations comme peuvent y figurer
des laïques. Telle est la portée de mon amendement ; je crois
que la commission peut y donner satisfaction.
M. le ministre des cultes : le texte que nous proposons est suffisamment précis ; nous disons : « comme ministre du culte ».
M. Auffray : L’explication que veut bien me donner M. le ministre me donne satisfaction.
M. le président : L’amendement est retiré.
Je mets aux voix le second paragraphe de l’article
27.
(Le second paragraphe, puis l’ensembles de l’article 27, mis aux voix
est adopté.
Nous arrivons aux articles additionnels dont
j’ai donné lecture.
M. Abel Lefèvre : ...
ce que nous demandons pour cet objet particulier, c’est simplement le maintient,
après la séparation, de l’état de chose actuel.
Vous savez, messieurs, comment est actuellement
réglée la question : la loi de 1882 s’est particulièrement
préoccupée d’assurer d’une part la neutralité de l’école
et, d’autre part, le libre exercice de la religion des enfants.
....
Malheureusement cette loi de1882, qui donne
à chacun son rôle, est l’objet, dans un très grand
nombre de cas, d’interprétations incorrectes et abusives de la part
de certains ministres des cultes.
Dans un certain nombre de communes, les desservants
ne se contentent pas des deux jours mis à leur disposition par la
loi pour l’enseignement religieux. PLusieurs d’entre eux donnent cet enseignement
les autres jours de la semaine, les uns, il est vrai, en dehors des heures
de classe, ce qui n’est pas contraire à la loi, mais d’autres se
font un malin plaisir, pour faire une niche à l’instituteur, de
donner cet enseignement précisément à l’heure où
les enfants devraient être présents à l’école
et cela, en violation même de la loi qui dit que les heures réglementaires
de l’école doivent être consacrées intégralement
à l’enseignement fixé par les programmes.
...
Ainsi s’explique l’utilité de notre article additionnel.
Actuellement, je le reconnais, les ecclésiastiques qui essaient
de donner l’enseignement du catéchisme à des heures qui concordent
avec les heures scolaires sont l’exception.
Ils sont l’exception, parce qu’ils savent
que le cas échéant vous pourriez sévir contre
eux. Mais demain, si vous étiez entièrement désarmés
il est à craindre que ce qui n’est aujourd’hui que l’exception ne
devienne aussitôt la règle. (Très bien ! très
bien !)
....
M. le ministre des cultes : Il me parait nécessaire,
pour les raisons qui ont été indiquées tout à
l’heure par M. Abel Lefèvre, d’inscrire dans la loi de séparation
une disposition permettant d’éviter que l’enseignement religieux
vienne contrarier l’application de la loi de 1882
sur l’instruction obligatoire. Nous ne commettons aucun excès de
pouvoir en réglementant cette matière.
....
Si nous adoptions l’amendement de M. Constans,
nous modifierions la loi de 1882 qui est le véritable terrain sur
lequel il faut se placer et, en même temps, nous risquerions de contrarier
les habitudes locales et les convenances des familles ...
....
M. le rapporteur : La commission, à l’unanimité
de ses membres, a adopté l’amendement de M. Abel Lefèvre
; mais elle demande que cet amendement forme un article 27 bis.
.......
(L’amendement que M. Constant a maintenu est repoussé par 378
voix contre 142 ; l’amendement de M. Abel Lefèvre, mis aux voix
est adopté et devient l’article
27 bis.)
M. le président : Je donne lecture de l’article
28 :
« Art. 28. - Sont punis d'une peine
d'amende de 16 fr. à 200 fr. et d'un emprisonnement de six jours
à deux mois ou de l'une de ces deux peines seulement, ceux qui,
soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en
lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage
sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé
à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à contribuer
ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte. »
(M. Lemire dépose un amendement pour pouvoir demander des précisions. Étant satisfait des réponses, il le retire.)
M. Ribot :... Je trouve excellent
que l’on protège efficacement la liberté religieuse. Je ferais
remarquer seulement, en vue d’une discussion qui viendra à son heure,
que l’on n’a pas cessé de faire campagne pour l’abrogation de l’article
414 du code pénal qui protège la liberté du travail
par une formule identique à celle que l’on nous propose en ce moment.
Il y a, si je ne me trompe, un rapport de l’honorable M. Barthou, dans
lequel il est dit que le droit commun doit suffire ; que le mot «
menaces » est infiniment trop élastique, et qu’un texte qui
est la reproduction exacte de celui qu’on vous soumet en ce moment-ci doit
disparaître de nos codes.
On ne pourra plus, je crois, combattre l’article
414. Mais la liberté du travail, ..., ne mérite-t-elle pas
d’être autant protégée que la liberté religieuse
? Du jour où vous aurez pensé que le droit commun ne suffit
pas et qu’il faut un texte spécial, je crois que vous aurez détruit
tous les arguments en faveur de l’abrogation de l’article 414.
M. Paul Constans (Allier) : Mais la liberté du travail n’existe pas pour les travailleurs ! (Exclamations à droite.) Vous le savez très bien, monsieur Ribot. Le travailleur n’a la liberté de travailler que dans la mesure où on veut bien l’occuper. (Très bien ! à l’extrême gauche.)
M. Ribot : Je suis un peu inquiet, monsieur le rapporteur, de
la formule très élastique, que vous ajoutez aux mots «
voies de fait, violences ou menaces », qui ont un sens précisé
par la jurisprudence.
Vous dites qu’il suffit de faire craindre
à une personne de perdre son emploi ou de souffrir dans sa fortune
d’une façon quelconque, sans menace, sans manœuvres, sans même
rien de défini. Avec de pareilles formules nous pouvons aller extrêmement
loin ! Si un commerçant se figure qu’il ne pourra plus vendre à
une personne pieuse parce qu’il ne va pas à la messe, un procès
sera-t-il possible ?
M. le rapporteur : Mais non !
M. Ribot : Pourtant il pourra craindre d’être atteint dans sa fortune ?
M. le rapporteur : Encore faudra-t-il prouver, par exemple, que le président de l’association cultuelle ou le prêtre a menacé ce commerçant de l’atteindre dans ses intérêts s’il ne consent pas à faire partie de l’association.
M. Ribot : C’est une menace. Alors, vous exigez qu’il y ait une menace ?
à gauche. C’est évident
M. le rapporteur : L’article dit : « soit en lui faisant craindre ... » C’est clair.
M. Ribot : Eh bien ! l’inverse pourra également se présenter. Si des associations de libres penseurs décident qu’on ne s’approvisionnera plus chez ceux qui vont à la messe, il y a donc un délit ?
M. Ferdinand Buisson, président de la commission : Toutes les intolérances se valent.
M. Ribot : Et si des personnes dénoncent des fonctionnaires publics comme allant à la messe, elles tomberont également directement sous le coup de l’article 28. C’est bien là votre pensée ? (Applaudissements et rires au centre et à droite.)
M. le président : Il y a un amendement de M. Gourd qui
a reçu satisfaction par le nouveau texte de la commission.
.....
Personne ne demande plus la parole sur l’article
28 ?....
Je le mets aux voix (Il est adopté)
Nous arrivons à un amendement additionnel
présenté par M. Paul Constans (Allier), Vaillant, Dejeante,
Allard, Bouveri, Dufour, Delory, Chauvière, Marcel Sembat, Thivrier,
Walter, Bénézech, Piger, Ferrero, Octave Vigne, Meslier,
Jules Coutant (Seine), et dont voici le texte :
" Sera puni d’une amende de 100 à 2 000 francs
et d’un emprisonnement de quinze jours à trois mois, ou de l’une
de ces deux peines seulement, tout chef d’industrie ou patron quelconque,
qui aura tenté d’exercer une pression religieuse sur ses ouvriers
ou employés par la menace d’un renvoi ou qui les aura privé
de leur travail pour refus, soit de participer à une cérémonie
religieuse, soit de faire partie d’une association cultuelle, soit de contribuer
aux frais d’un culte ou pour une cause quelconque d’ordre religieux. »
M. le rapporteur : C’est ce que nous venons de voter !
...
M. Paul Constans : ... J’ai entendu défendre très
longuement durant cette discussion, la liberté des catholiques ou
des différentes confessions religieuses ; on s’est beaucoup moins
préoccupé de la liberté de ceux qui n’appartiennent
à aucune confession religieuse. Nous vous demandons tout simplement
de prendre quelques précautions pour que demain on n’oblige pas
les travailleurs des usines, des ateliers ou des champs à entrer
dans les associations cultuelles où vraisemblablement on leur demandera
une cotisation, sous la menace de perdre leur travail et par conséquent,
d’être réduit à la misère.
Je tiens à la souligner, M. Ribot, tout à l’heure
encore, en faveur de sa thèse invoquait la liberté du travail.
Mais la Chambre n’ignore pas que le salarié ne peut travailler qu’autant
que ceux qui possèdent tous les moyens de production veulent l’occuper
et à condition qu’ils veuillent l’occuper.
Voilà qui est bien établi :
nous demandons par notre article qu’il y ait des pénalités
particulières pour les patrons, chefs d’industrie, directeurs de
maison de commerce qui voudraient abuser de leur situation de dispensateurs
de salaires pour obliger des salariés à faire adhésion
à un culte quelconque, qu’il s’agisse du culte catholique, du culte
protestant ou du culte israélite.
(Et rien pour la religion musulmane qui était déjà
à cette époque la deuxième religion en France (puisque
l’Algérie c’était la France !)
.....
M. Gayraud : Pour bien marquer
que nous ne désirons pas que personne soit obligé, forcé,
contraint de pratiquer notre culte, pour bien prouver à la Chambre
que ce que nous voulons, c’est la liberté de conscience religieuse,
je la prie de voter l’amendement de M. Constans.(Mouvements divers)
.....
(Amendement repoussé par 437 voix contre 77)
M. Lasies : Beaucoup de nos collègues n’ont pas voté l’amendement de M. Constans parce que, comme l’a fait remarquer M. Le rapporteur, il faisait double emploi avec l’article 28. M. le rapporteur ne peut invoquer la même raison contre l’amendement que j’ai déposé comme paragraphe additionnel à l’article 28.
M. le président : L’article 28 est voté, monsieur
Lasies; votre amendement constituerait donc un article 28 bis qui serait
ainsi conçu :
« La peine prévue à l’article précédent
sera doublée si le délit est commis par un ministre ou un
fonctionnaire public. »
.....
(Amendement repoussé par 336 voix contre 219)
Nous passons à l’article
29.
« Art. 29. - Seront punis des mêmes
peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu
les exercices d'un culte par des troubles ou désordres causés
dans le local servant à ces exercices. »
...
(Article adopté par 536 voix contre 43
« Art. 30.- Les dispositions des deux
articles précédents ne s'appliquent qu'aux troubles, outrages
ou voies de fait, dont la nature ou les circonstances ne donneront pas
lieu à de plus fortes peines d'après les dispositions du
Code pénal. »
(L’article 30, mis aux voix,
est adopté)
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3