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27 juin 1905

     * Communication d’une demande d’interpellation de M. Louis Martin sur les réformes judiciaires et sur la nécessité d’éviter tout arbitraire dans la nomination et l’avancement des magistrats.
    * Dépôt, par M. Louis Mill, d’un rapport fait au nom de la commission de l’enseignement sur le projet de résolution de M. Engerand, relatif à la date des grandes vacances scolaires.

suite de la discussion du projet et des diverses propositions de loi
concernant la séparation des Églises et de l'État.
(42° journée ; réduite et annotée)

M. le président : ... la chambre a pris en considération sur l’article 25 un amendement de M. Noulens, repris par M. Ribot. La commission est-elle prête à faire son rapport sur cet amendement ?
.....
M. le rapporteur : ... la commission avait proposé un texte qui devait avoir pour effet de substituer, dans l‘intérêt de la paix publique, la responsabilité générale de la loi aux initiatives particulières des maires et des conseils municipaux.
     La Chambre n’a pas adopté cette proposition. Elle a pris en considération l’amendement de MM. Noulens et Ribot qui tend à respecter, au point de vue des manifestations extérieures du culte, la législation actuelle. La commission en a délibéré et elle a décidé de se rallier à cet amendement. (Très bien ! très bien ! au centre et sur divers bancs à gauche.)
(L’amendement mis aux voix est adopté)

M. le président : En conséquence, ce texte formera le 1er paragraphe de l’article 25 de la commission.
     Après ce paragraphe, M. François Fournier avait proposé une disposition additionnelle (Qui n’est pas maintenu)
...
M. Eugène Réveillaud: Je propose un paragraphe additionnel ainsi conçu :
     « Toutefois les dispositions de l’article 45 de la loi de germinal an X sont maintenues. »
     Je rappelle que cet article 45 stipule l’interdiction des cérémonies religieuses extérieures, telles que les processions hors des édifices consacrés au culte catholique dans les villes et localités où il existe des temples destinés à différents cultes.
(Le paragraphe additionnel, mis aux voix, n’est pas pris en considération.)

M. le président :  je donne lecture du second paragraphe de l’article 25 ;
     « Les cérémonies funèbres sont réglées dans toutes les communes par arrêté municipal dans les conditions de la loi du 15 novembre 1887. »
...
M. le rapporteur : Par suite de l’adoption de l’amendement de MM. Noulens et Ribot, cette disposition doit disparaître, car elle n’offre plus aucun intérêt.

M. le président : ... Nous arrivons au troisième et dernier paragraphe. Il est ainsi conçu :
     « Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal. »
     Sur ce paragraphe, un certain nombre d’amendements ont été proposés.
     Le premier, signé de M. Ollivier, est ainsi conçu :
     « Les sonneries des cloches pourront faire l’objet de règlements municipaux ; mais, en ce cas, les usages suivis continueront d’être observés, pourvu que l’arrêté de police ait été déféré au conseil d’État dans le délai d’un mois et jusqu’il en ait été statué sur les nécessités invoquées. »
(Amendement repoussé par 344 voix contre 131)
    Nous arrivons à l’amendement de M. Albert-Le-Roy, qui tend à modifier ainsi le dernier paragraphe de l’article 25.
     « Les sonneries de cloches continueront à être réglées en conformité des articles 100 et 101 de la loi municipale du 5 avril 1884 .»
......
M. le ministre des cultes : Je n’ai que quelques mots à dire pour monter à la Chambre qu’il est impossible d’accepter l’amendement de M. Albert-le-Roy.
     Notre honorable collègue demande que la sonnerie des cloches soit réglées conformément aux articles 100 et 101 de la loi du 5 avril 1884.
     Or, je ne crois pas que l’on puisse faire cadre les dispositions de ces articles avec le régime de séparation.
     En effet, l’article 100 ... prévoit qu’il interviendra pour l’usage des cloches un règlement concerté entre l’évêque et le préfet.
    L’évêque est aujourd’hui une autorité qui, pour certaines matières, est considérée comme jouissant d’attributions indépendantes de celles du préfet.
     Si le préfet et l’évêque ne sont pas d’accord, on s’adresse à leur supérieur commun, c’est à dire le ministre des cultes.
     Mais le jour où cette organisation disparaîtra, l’évêque et le préfet ne seront plus deux autorités mises sur la même ligne ; l’évêque n’aura plus un chef en la personne du ministre des cultes, de telle sorte que les dispositions de l’article 100 seront forcément inapplicables le lendemain de la séparation ...
...
(L’amendement de M. Albert-Le-Roy est pris en considération par 283 voix contre 276 et la commission obtient une suspension de séance pour délibérer)

M. le rapporteur : La commission, ... a arrêté a l’unanimité de ses membres, d’accord avec l’auteur de l’amendement, et aussi avec le Gouvernement, un texte nouveau .... qui est ainsi rédigé :
     « Les sonneries de cloches seront réglées par arrêté municipal et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou le directeur de l’association cultuelle, par arrêté préfectoral.
     « Le règlement d’administration publique prévu par l’article 36 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles pourront avoir lieu. »
...
M. le président : .... M. Lemire retire son amendement.
     M. Augagneur a déposé un amendement ainsi conçu :
     Remplacer le dernier paragraphe de l’article 25 par les dispositions suivantes :
     « Les sonneries de cloches seront réglées par arrêté municipal dans les agglomérations de moins de 5 000 habitants.
     L’usage des cloches est absolument interdit dans les agglomérations de plus de 5 000 habitants. »

M. Victor Augagneur :  Je retire mon amendement. Je ne me fais aucune illusion sur le sort qui lui serait réservé. Je n’ai d’ailleurs été mû par aucune intention d’empêcher les amateurs de cloches d’entendre les cloches. Mais, contrairement à M. Allard qui semblait craindre que la propriété des cloches nous soit en levée et que nous ne puissions plus en jouir, j’éprouve la crainte que nous ne jouissions encore trop de cette propriété que nous avons abandonnée.( Il y eu, à cette séance, un débat sur la propriété des cloches des églises). Dans certaine grandes villes, on est assailli de protestations des habitants contre l’abus de sonneries; ... je n’ai pas l’intention de supprimer les sonneries dans les petites agglomérations ; je reconnais leur utilité et, pour les âmes tout imbues de poésie conventionnelles (Réclamations au centre), il peut être agréable d’entendre le soir le son argentin des cloches campagnardes.
     Par contre, les sonneries de cloches n’ont aucune poésie dans les grandes villes. Lorsqu’on habite à deux pas d’un clocher, au cinquième étage d’une maison, sur une rue étroite et qu’on reçoit pendant des minutes et des minutes le glas cadencé d’une grosse cloche, on est en droit de trouver la situation intolérable ...

M. de Grandmaison :  Et les trompes des tramways de Lyon ?

M. le général Jacquey : Et les sirènes des usines ?
.....
M. Victor Augagneur : ... Messieurs, ..., mon amendement n’était inspiré par aucune raison d’ordre religieux ni par aucun souci de libre pensée. J’étais guidé uniquement par le désir de soustraire les habitants des grandes villes à de véritables ...

M. Maurice Allard : Tortures ! Exclamations au centre et à droite)

M. Victor Augagneur :  Parfaitement, tortures.

M. le comte de Lanjuinais : Alors supprimez les orgues de Barbarie.
....
M. Albert-Le-Roy : Je donne mon assentiment complet au texte de la commission qui traduit exactement ma pensée, mais en stipulant bien que, d’une part, les cloches sont la propriété des communes, étant immeubles par destination ... d’autre part, qu’il devra y avoir deux clefs de clocher, l’une remise au maire représentant de la commune propriétaire, l’autre à l’association qui est locataire. Je ne veux pas les communes soient dépossédées au profit des associations cultuelles.(Très bien ! très bien ! à gauche.)
...
M. le président : Je mets aux voix le nouveau texte proposé par la commission, à la suite de la prise en considération de l’amendement de M. Albert-Le-Roy.....
(Ce texte, formant le deuxième et dernier paragraphe de l’article 25, mis aux voix, est adopté.)
     Je mets aux voix l’ensemble de l’article 25.
(L’ensemble de l’article 25, mis aux voix, est adopté.)
     Je donne lecture de l’article 26.
     « Art. 26.- Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture privées ainsi que des musées ou expositions. »
     Il y a sur cet article deux amendements, l’un de M. Berry, l’autre de M. Aynard, qui tendent à supprimer cet article.
(Amendement repoussé par 309 voix contre 265)
     Il y a sur l’article 26 plusieurs amendements
     Le premier .... qui est de M. l’Estourbeillon, consiste à ajouter, après les mots « emplacement public », ceux-ci :  « et dépendant du domaine public. »

M. de l’Estourbeillon : ...  Un particulier pourra-t-il être inquiété s’il dresse une croix, une statue ou un emblème, sur un terrain privé quelconque au bord d’une route ou d’un chemin exposé aux regards du public ?

M. le rapporteur : Mais non, je l’ai déjà dit.

M. de l’Estourbeillon : Dans ces conditions, et après les explications formelles de M. le rapporteur, d’après lesquelles toutes initiatives privées demeurent complètement libres dans et sur tout domaine privé, je retire mon amendement.
(Il y a eu  en 1999 dans le département de l’Essonne un homme qui a érigé une immense croix sur son terrain et ceux qui en était mécontant n'ont rien pu faire contre.)

SUITE
 

©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3