* Délibération sur le projet de loi
concernant la création d’une école nationale d’arts et métiers
à Paris.
* Délibération sur les diverses propositions
de loi relatives aux caisses de retraites ouvrières et portant création
de retraites de vieillesse et d’invalidité.
* Adoption d’une proposition de loi concernant la
vente d’îles ou de forts déclassés du littoral
*Dépôt, par MM. Argeliès, Berthoulat
et Rudelle, d'une proposition de loi tendant à ouvrir au ministre
de l'agriculture un crédit extraordinaire de 200 000 fr., pour venir
en aide aux cultivateurs et habitants des cantons d'Arpajon, Longjumeau
et Palaiseau (Seine-et-Oise), éprouvés par de récents
orages
* Suite de la délibération sur la proposition de loi
concernant la fraude sur les vins et le régime des spiritueux.
* Suite de la délibération sur la proposition de loi
présentée par la commission des boissons et relative à
l’amnistie pour les contraventions commises par les bouilleurs de cru
* Discussion des interpellations
1° de M. Jules-Louis Breton sur le fonctionnement
des établissements congréganistes d'assistance;
2° de M. Leferre sur les mesures que le Gouvernement
compte prendre pour mettre fin à l'exploitation de l'enfance dans
certains établissements de bienfaisance privés;
3° de M. Jules Coutant sur les mesures que le
Gouvernement compte prendre pour faire cesser:
- les faits scandaleux qui
se commettent envers les enfants des enfants mineurs dans les établissements
de bienfaisance privés
- le préjudice que cause au commerce, à l'industrie et
à la main d'œuvre ouvrière l'exploitation desdits établissements;
4° de MM. Steeg et Guleysse sur l'application
de la loi du 24 juillet 1889 et de la loi du 2 novembre 1892 aux établissements
de bienfaisance privés.
* Communication d'une demande d'interpellation
de M. Paul Vigné sur les abus de notre politique coloniale à
Madagascar.
- Jonction aux interpellations relatives au Congo.
* Communication d’un décret désignant un commissaire
du Gouvernement pour assister le ministre des finances dans la discussion
des projets de loi portant fixation du taux de taxe de fabrication sur
les alcools d’origine industrielle pour les années 1904, 1905, 1906.
* Dépôt, par M. le ministre de l’instruction publique
et des beaux arts, d’un projet de loi ayant pour objet l’exécution
de travaux d’agrandissement à l’observatoire météorologique
du Puy de Dôme ...
(Comme ce n’est pas mon propos,
je ne connais pas les résultats des débats à
propos de la fraude sur le vin, mais comme ce sera une des causes
de s révoltes des vignerons du Languedoc qui auront lieu deux ans
plus tard .... Quant à l’exploitation des enfants dans les établissements
de bienfaisance privés, c’était déjà un sujet
de discussion lors des débats
sur la loi de 1901 ... Mais tout cela dure depuis quelque temps déjà
; non ?)
suite de la discussion du projet et des diverses propositions
de loi
concernant la séparation des Églises et
de l'État.
(41° journée ; réduite
et annotée)
M. le président : ... La Chambre s’est arrêté
à l’article 23 dont elle a adopté le premier paragraphe.
Le deuxième paragraphe est ainsi conçu:
“Une seule déclaration suffit pour
l'ensemble des réunions permanentes, périodiques ou accidentelles
qui auront lieu dans l'année. »
......
Je mets aux voix le second paragraphe de l’article
23.
(Le second paragraphe, mis aux voix est adopté)
Je mets aux voix l’ensemble de l’article 23
(L’ensemble de l’article 23 est adopté.)
......
« Art. 24.- Il est interdit de tenir
des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à
l'exercice d'un culte. »
Personne ne demande la parole sur cet article?...
Je le mets aux voix.
(L’article 24, mis aux voix, est adopté.)
Ici s’insérait comme article additionnel
une disposition proposée par M. Charles Chabert (Drôme), et
ainsi conçue :
« Les ministres des différents
cultes ne pourront porter un costume ecclésiastique que pendant
l’exercice de leurs fonctions. »
.....
M. Albert Congy : Qu’est-ce qu’un costume ecclésiastique
?
M. Charles Chabert (Drôme) : Il est étrange, il est véritablement incompréhensible qu’un projet de loi si longuement et si mûrement étudiés et à tous égards si remarquable, ne dise pas un mot d’une question qui a une importance extrême, capitale, le porte du costume ecclésiastique.
M. Lasies : ironiquement. En effet, à l’époque où nous sommes c’est d’une importance capitale ! (Rires à droite.)
M. Charles Chabert (Drôme) : cette omission est-elle
voulue ? Est-elle, au contraire, involontaire ? Je ne sais. En tout cas
elle a surpris bien des gens dans tous les camps. (Très bien
! très bien ! à gauche )
...
M. Aristide Briand, rapporteur : Messieurs, au risque
d’étonner l’honorable M. Chabert, je lui dirait que le silence du
projet de loi au sujet du costume ecclésiastique, qui paraît
le préoccuper si fort, n’a pas été le résultat
d’une omission mais bien au contraire d’une délibération
mûrement réfléchie. Il a paru à la commission
que ce serait encourir, pour un résultat plus que problématique,
le reproche d’intolérance et même s’exposer à un danger
plus grave encore, le ridicule (Applaudissements et rires au centre
et à droite), que de vouloir, par une loi qui se donne pour
but d’instaurer dans ce pays un régime de liberté au point
de vue confessionnel, imposer aux ministres des cultes l’obligation de
modifier la coupe de leurs vêtements.
... Ce que notre collègue voudrait atteindre dans la soutane,
c’est le moyen qu’elle procure de se distinguer facilement des autres citoyens.
Mais la soutane une fois supprimée
M. Chabert peut être sûr que, si l’Eglise devait y trouver
son intérêt, l’ingéniosité combinée des
prêtres et des tailleurs aurait tôt fait de créer un
vêtement nouveau, qui ne serait plus la soutane, mais se différencierait
encore assez du veston et de la redingote pour permettre au passant de
distinguer au premier coup d’oeil un prêtre de tout autre citoyen.
...
Quant au prestige dont jouit la religion dans
nos campagnes, je crois qu’il serait téméraire de l’attribuer
uniquement à la forme du vêtement que portent les prêtres.
L’influence de l’Eglise tient à d’autres causes, moins faciles à
détruire ; sinon, il y a longtemps que la libre pensée aurait
déjà triomphé du dogme. (Très bien ! très
bien ! à droite.)
Votre commission, messieurs, a pensé
qu’en régime de séparation la question du costume ecclésiastique
ne pouvait se poser. Ce costume n’existe plus pour nous avec son caractère
officiel, c’est à dire en tant qu’uniforme protégé
par l’article 259 du code pénal. La soutane devient, dès
le lendemain de la séparation, un vêtement comme les autres,
accessible à tous les citoyens, prêtres ou non.......
....
M. Dejeante : ... Depuis longtemps déjà j’avais
moi-même présenté des propositions tendant à
demander pour les prêtres de tous les cultes le rétablissement
du droit commun.
M. Gayraud : Le droit commun, c’est la liberté du costume.
M. Rudelle : C’est de s’habiller comme bon vous semble.
.....
M. Gayraud : venez donc ici demain avec une soutane.
M. Tournade : Pour être logique, M. Dejeante devra venir
habillé en curé à la prochaine séance.
......
(Amendement repoussé par 391 voix contre 184)
M. le président : Nous passons à l’article 25.
Il est ainsi conçu :
« Art. 25. - Les cérémonies,
processions et autres manifestations extérieures d'un culte ne peuvent
avoir lieu sur la voie publique.
« Les cérémonies funèbres
seront réglées dans toutes les communes par arrêté
municipal dans les conditions de la loi du 15 novembre 1887.
« Les sonneries des cloches seront réglées
par arrêté municipal. »
Il y a sur le premier paragraphe un certain
nombres d’amendements mais M. Grousseau en demande la suppression.
....
M. Gousseau : ... Vous [M.
le rapporteur] venez de reconnaître que le principe de la liberté
de conscience et du libre exercice du culte domine même l’article
25. ... Il domine toute la loi. Donc il faut modifier l’article 25 qui
le contredire, en établissant une prohibition absolue que vous ne
pouvez pas maintenir....
... Le respect de la liberté de conscience
conduit au respect mutuel des croyances, mais non à la prohibition
des manifestations extérieures du culte. (Très bien, très
bien ! à droite)
[Vous dites] : « Les manifestations
religieuses sur la voie publique seraient susceptibles de troubler l’ordre
public .»
Que de fois nous avons entendu ce mot ! Que
de fois M. le rapporteur, M. le président du conseil, se levant
pour répondre à tel ou tel amendement, se sont contentés
de dire : l’ordre public !
Nous n’avons pas la prétention d’avoir
un souci plus complet de l’ordre public que les socialistes de nos jours.
( Rires.)
...
M. Paul Constans (Allier) : Demandez la liberté pour
le drapeau rouge et les manifestations de notre parti et nous subirons
vos manifestations religieuses.
M. Le lieutenant-colonel Rousset : Le drapeau rouge n’est pas le drapeau de la France.
M. Gayraud : Je serai avec M. Constans.
M. Grousseau : ... dans le discours que vous avez prononcé,
monsieur le rapporteur, lors de la discussion générale, j’ai
relevé cette phrase : « le projet de loi sauvegarde toutes
les libertés, dans la mesure où les libertés des citoyens
et des groupements peuvent être respectées ou élargies
dans un pays qui a le souci de l’ordre public »
Pouvez-vous maintenir cette affirmation en
présence de l’article que nous discutons ? Evidemment non, à
moins que vous n’ayez de l’ordre public une conception fort dangereuse
pour la liberté.
Remarquez qu’il ne s’agit pas d’une interdiction
spéciale et motivée, mais d’une prohibition générale
et absolue, alors même qu’il n’y aurait aucune crainte pour la tranquillité
publique. N’est-ce pas un régime véritablement odieux ? L’appliquerait-on
en dehors des cérémonies extérieures du culte ?
N’y a-t-il pas d’autres cérémonies,
d’autres fêtes, en tous genres, avec leur rassemblements, leurs cortèges,
leurs cavalcades ? Avez-vous jamais eu l’idée de défendre
tout cela d’avance en bloc par une mesure générale ?
La manifestation publique des sentiments apparaît
de plus en plus comme une nécessité dans un pays démocratique.
(Très
bien ! très bien ! à droite et au centre.)
Vous ne pouvez pas faire abstraction de cette
considération ; .....
Mais alors, pourquoi pas l’égalité
pour tous ; sous les mêmes réserves que pour imposer l’ordre
public ....
Votre troisième et dernier argument,
monsieur le rapporteur, est tiré des avantages que peut présenter
une disposition générale.
« Il est sage, dites-vous, d’enlever
aux conseils municipaux la responsabilité d’autoriser ou d’interdire
les manifestations religieuses sur la voie publique .... La loi, par cette
disposition, sera pacificatrice. »
Vraiment on croirait entendre le ministre
de l’intérieur de je ne sais quel gouvernement autocratique ! le
ministre d’un monarque absolu n’emploierait pas une formule plus heureuse
que celle-ci : Il ne faut pas laisser discuter les conseils municipaux,
il faut prohiber une fois pour toute et comme cela nous aurons la paix
! Mais en vérité c’est la paix dont parlait tacite :
ubi solitudinem factunt, pacem appellani. (Nouveaux applaudissements à
droite et au centre.)
....
Je retire mon amendement.
J’ajoute toutefois un mot...... j’appartiens
au groupe de l’action libérale dont la devise est : «
Liberté pour tous. » . (Très bien ! très bien
! à droite .)
M. le président :Nous arrivons à l’amendement de
M. Henry Boucher, qui consiste à remplacer le 1er paragraphe de
l’article 25 par la disposition suivante :
« Les processions et autres manifestations
externes d’un culte ne peuvent avoir lieu qu’en vertu d’une autorisation
du maire de la commune »
....
M. Noulens a déposé un amendement ainsi conçu
:
« Les cérémonies, processions
et autres manifestations extérieures d’un culte continueront à
être réglées en conformité des articles 95 à
97 de la loi municipale du 5 avril 1884 »
M. Henry Boucher : Ainsi que
je l’ai exposé à la Chambre, mon amendement n’a qu’un caractère
subsidiaire. Je ne le maintiens que pour le cas où, contrairement
à mes vœux, on refuserait aux catholiques le droit commun, la liberté
dont ils jouissent aujourd’hui. J’affirme encore que la véritable
solution consiste dans le maintien du statu quo et je voterai pour l’amendement
de M. Noulens, qu’il soit ou non abandonné par lui.
...
M. le ministre des cultes : L’amendement de M. Noulens
va bien au delà du texte primitivement proposé par la commission
; il va au delà également de la législation
actuelle.
(Interruption à droite.) S’il était adopté,
il accorderait une liberté qui n’existe pas aujourd’hui.
M. Boucher demande que la loi de séparation
ne se traduise pas par une diminution des libertés dont jouissent
les catholiques. ...
...
M. Noulens : Je retire mon amendement. (Mouvements
divers)
...
M. Victor Augagneur : J’avoue
que tout d’abord j’avais été ému par les arguments
de M. Grousseau, nous disant que si nous interdisions les processions,
nous serions amenés à interdire les manifestations autres
que les manifestations religieuses.
...
De plus, quand nous parlons de manifestations, de quoi s’agit-il
? Il s’agit, à la suite d’une réunion, à la suite
de je ne sait quel mouvement populaire, d’une protestation contre ou en
faveur d’une loi, par un certain nombre de citoyens réunis sur la
voie publique. Ces manifestations se passent d’une façon irrégulière
; cela n’a rien de commun avec les cérémonies qui se tiennent
à jour et à heure fixe dans un même point.
M. Henry Maret : Et la manifestation du 1er mai ? Elle est périodique celle-là ! (Applaudissements au centre et à droite.)
M. Victor Augagneur : M. Henry Maret me dit : « Et la manifestation
du 1er mai ? » Quand donc a-t-elle été acceptée,
légalisée par l’autorité ? Les manifestations du 1er
mai ont été le plus souvent brutalement arrêtées.
(Applaudissements
à l’extrême gauche. - Mouvements divers.)
(Le 1er mai sera légalisé
par le gouvernement de Vichy ; officiellement pour célébrer
le « travail » qui était avec la famille et la
Patrie la nouvelle devise de l’Etat. Ne serait-ce pas pour éviter
de dangereuses frictions avec l’occupant nazi ?)
Je n’apprécie pas ; je constate un
fait. ce n’est pas en vous appuyant sur le précédent des
manifestations ouvrières que vous pouvez réclamer le droit
de faire des processions. Ce n’est pas en invoquant ces manifestations
encadrées par les troupes, par la police, non pas pour les protéger
contre les adversaires, mais pour arrêter la liberté de leurs
évolutions, que vous serez fondés à réclamer
un traitement de faveur pour les manifestations religieuses. (Très
bien ! très bien ! à l’extrême gauche)
...
M. Ribot : ...Il s’agit en ce
moment de savoir si on permettra aux catholiques ce que l’on permet, ce
que nous voulons tous qu’on permette à tous les citoyens.
M. Alexandre Zévaès : Même aux ouvriers ?
M. Ribot : Pourquoi dites-vous : « Même aux ouvrier ! » ... les ouvriers sont des citoyens comme nous.
M. Paul Constans (Allier) : C’est pour cela qu’on les fusille quand ils font une manifestation pacifique. (Exclamations.)
M. Ribot : Il serait vraiment affligeant de voir subsister toutes
ces distinctions et tous ces souvenirs des plus mauvais temps de ce pays
et de l’éducation déplorable que nous nous sommes donnée
. (Très bien ! très bien ! au centre.)
....
(L’amendement de M. Noulens, repris par M. Ribot est adopté
par la Chambre, sous ses applaudissements, par 294 voix contre 255)
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3