précédent
22 juin 1905

     * Suite de la délibération sur la proposition de loi concernant la fraude sur les vins et le régime des spiritueux.
    * Suite de la délibération sur la proposition de loi présentée par la commission des boissons et relative à l’amnistie pour les contraventions commises par les bouilleurs de cru
    * Délibération sur le projet de loi concernant la création d’une école nationale d’arts et métiers à Paris.
    * Délibération sur les diverses propositions de loi relatives aux caisses de retraites ouvrières et portant création de retraites de vieillesse et d’invalidité.
    * Adoption d’une proposition de loi concernant la vente d’îles ou de forts déclassés du littoral
    *Dépôt, par MM. Argeliès, Berthoulat et Rudelle, d'une proposition de loi tendant à ouvrir au ministre de l'agriculture un crédit extraordinaire de 200 000 fr., pour venir en aide aux cultivateurs et habitants des cantons d'Arpajon, Longjumeau et Palaiseau (Seine-et-Oise), éprouvés par de récents orages.

suite de la discussion du projet et des diverses propositions de loi
concernant la séparation des Églises et de l'État.
(40° journée ; réduite et annotée)

M. le président : .... Nous nous sommes arrêtés à l'article 21
....
     Sur cet article il y a un certain nombre d'amendements
     Le 1er, de MM. Georges Grosjean et Rudelle, est ainsi conçu :
     « Rédiger cet article ainsi qu'il suit :
     "Seront punis d'une amende de 16 à 200 fr. et, en cas de récidive, d'une amende double les directeurs ou administrateurs d'une association ou d'une union qui auront contrevenus aux articles 16, 17, 18, 19 et 20. »
...
M. Rudelle : Messieurs, nous nous sommes demandé, mon ami M. Grosjean et moi, quelle avait pu être la raison de la commission pour aggraver comme elle l'a fait les pénalités portées dans son article 21.
...
M. le rapporteur :... Il était tout à fait naturel qu'après leur avoir permis de se constituer des ressources exceptionnelles, la loi prit contre les abus possibles des garanties d'ordre public.

M. le comte de Lanjuinais : L'ordre public n'a rien à voir là-dedans.

M. le rapporteur : Les prohibitions inscrites dans le titre IV appelaient forcément des sanctions sur la portée desquelles il faut s'expliquer.
     Elles sont de trois ordres : la première consiste en la peine d'emprisonnement ou de l'amende contre les directeurs ou administrateurs d'associations qui auront enfreint les prescriptions des articles 16, 17, 18, 19 et 20.

M. le comte de Lanjuinais : Vous auriez pu ajouter la mort ! (Exclamations)

M. le rapporteur : La deuxième punit l'association quand elle a dépassé les limites permises pour la réserve ...
     Une troisième sanction permet au tribunal de prononcer la dissolution de l'association.
.....
M. le comte de Lanjuinais : Si vous avez tellement peur des conséquences de la loi, demandez le retour au Concordat.

M. le président : Je suis saisi par MM. Rouanet et Cazeneuve d'un nouvel amendement. Il consiste à intercaler avant les mots ";... d'un emprisonnement de six jours à trois mois"; les mots "et, en cas de récidive ..."

M. Paul Lerolle : Vous verrez l'effet produit le jour où vous aurez mis des paysans en prison pour de pareilles infractions !
..........
(La Chambre des députés adopte l'amendement de MM. Grosjean et Rudelle par 308 voix contre 275)

M. le président :... je rappelle les termes du second paragraphe de l'article 21, le premier étant constitué par le texte de l'amendement de MM. Grosjean et Rudelle. ...
     "Les tribunaux pourront, dans le cas d'infraction au paragraphe 1er de l'article 20, condamner l'association ou l'union à verser à l'État l'excédent constaté par le contrôle financier."
    M.Grousseau a déposé un amendement tendant à remplacer les mots "verser à État l'excédent constaté par le contrôle financier" par les mots suivants : "verser l'excédent à la réserve spéciale prévue par le deuxième paragraphe dudit article 20 ou a une association similaire."
........
M. le rapporteur : Je dois dire à la Chambre que la commission est disposé à modifier son texte sur un point. Au lieu d'ordonner le versement de l'excédent constaté, - et ici pour donner satisfaction à M. Grousseau, nous ferions disparaître les mots "par le contrôle financier" - dans les caisses de État, le tribunal l'attribuerait aux établissement communaux d'assistance et de bienfaisance. (Très bien ! très bien ! À gauche)

M. Grousseau : Les dernières paroles de M. Le rapporteur démontrent le bien fondé de mes observations et de mes critiques contre la confiscation au profit de État
 Il semble maintenant se contenter de la confiscation au profit des établissements d'assistance et de bienfaisance.
 Cette concession constitue peut-être un certain progrès, mais elle est insuffisante, ...
(L'amendement de M. Grousseau est repoussé par 325 voix contre 242.)

M. le président : Voici comment serait rédigé le deuxième paragraphe de l'article 21 :
     "Les tribunaux pourront, dans le cas d'infraction sur le 1er paragraphe de l'article 20, condamner l'association ou l'union à verser l'excédent aux établissements communaux d'assistance et de bienfaisance."
....
(Ce deuxième paragraphe, mis aux voix est adopté)
     Je donne lecture du troisième paragraphe :
     « Ils pourront, en outre, dans tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent article, prononcer la dissolution de l’association ou de l’union. »
     Il y a, sur ce paragraphe, plusieurs amendements.
     Le premier est celui de M. Henry Boucher, qui tend à la suppression du paragraphe.
(Amendement repoussé par 334 voix contre 246)
     Nous arrivons à l’amendement de MM. Lefas et Grosjean qui est ainsi conçu :
     « Rédiger ainsi le troisième paragraphe de l’article 21 :
     Ils pourront en outre, dans le cas d’infraction aux dispositions de l’article 16 et des trois premiers paragraphes de l’article 17, prononcer la dissolution de l’association et de l’union. »
(Amendement repoussé par 341 voix contre 233)
     Nous arrivons à un amendement de M. Paul Coutant, tendant à introduire dans le troisième paragraphe de l’article 21 ces mots : « mais seulement en cas de récidive ».
     Le paragraphe serait ainsi libellé :
     « Ils pourront, en outre, dans tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent article, mais seulement en cas de récidive, prononcer la dissolution de l’association ou de l’union. »
...
(Amendement repoussé par la Chambre par 318 voix contre 251)
     Je mets aux voix le troisième et dernier paragraphe de l’article 21 ...
(paragraphe mis aux voix et adopté. L’ensemble de l’article 21 est adopté par la Chambre des députés par 363 voix contre 182.)
     Nous arrivons à l’article 22 dont je donne lecture :
     « Art. 22 - Les biens meubles et immeubles, propriété des associations et unions, sont soumis aux mêmes impôts que ceux des particuliers.
     « Ils ne sont pas assujettis à la taxe d'abonnement ni à celle imposée aux cercles par l'article 33 de la loi du 8 août 1890.
     « Les immeubles appartenant aux associations et unions sont soumis à la taxe de mainmorte.
     « L'impôt de 4 p. 100 sur le revenu établi par les lois du 28 décembre 1880 et du 29 décembre 1884 ne frappe pas les biens des associations déclarées pour l'exercice et l'entretien du culte. Il est transformé en une taxe de statistique de 1 centime p. 100 fr., perçue sur le revenu des titres et valeurs mobilières desdites associations. »
    MM. Caillaux, Georges Leygues, Noulens, Maurice Colin, Chaigne, Pierre Dupuy, Larquier, Le Bail, Siegfried, Babaud-Lacroze, Bichon, Cazaeaux-Cazalet, Chaumet, Catalogne, Chastenet, Cloarec, Corderoy, Disleau, Dormoy, Dussel, Grosdidier, Jumel, de la Batut, Modeste Leroy, Malizard, Antoine Maure, Jean Morel, Mulac, Nicolle, Germain Périer, Pourteyron, Rey, Roch, Robert Surcouf et Videau proposent de substituer au texte de la commission la rédaction suivante :
     « Art. 22. - Les édifices affectés à l’exercice du culte appartenant à l’État, aux départements ou aux communes continueront à être exemptés de l’impôt foncier et de l’impôt des portes et fenêtres (C’est à cause de cet impôt que M. Caillaux à fait disparaître, que vous pouvez rencontrer des maisons avec des fenêtres et des portes murées)
     « Les édifices servant au logement des ministres des cultes, les séminaires, les facultés de théologie protestante qui appartiennent à État, aux département et aux communes, les biens qui sont la propriété des associations et unions sont soumis aux mêmes impôts que ceux des particuliers.
     « Les associations et unions ne sont en aucun cas assujetties à la taxe d’abonnement ni à celle imposée aux cercles par l’article 33 de la loi du 8 août 1890, pas plus qu’à l’impôt de 4 p. 100 sur le revenu établi par les lois du 28 décembre 1880 et du 29 décembre 1884. »

M. le rapporteur : La commission accepte d’autant plus facilement le texte proposé par M. Caillaux et ses collègues, qu’en ce qui concerne les édifices appartenant à État, aux département et aux communes nous étions déjà d’accord avec eux. Pour nous l’exemption résultait implicitement de notre texte. Nous demandons seulement que l’on maintienne la dernière partie de l’article 22 : «  Il ( l’impôt) est transformé en une taxe de statistique de 1 centime p. 100 fr., perçue sur le revenu des titres et valeurs mobilières desdites associations. »
...
M. Joseph Caillaux : ... je ne puis que demander à la Chambre ... de rejeter la disposition en question, car le seul argument présenté par M. le ministre des cultes consiste à dire que la taxe de statistique facilitera le contrôle.
 Je voudrais bien qu’on m’expliquât comment un contrôle peut être facilité par la perception d’un impôt sur un titre nominatif ;car du moment où ce titre est nominatif, il est forcément connu . (M. Caillaux, ancien et futur ministre des finances est un expert en la matière !)
...
(L’article 22, constitué uniquement de l’amendement de M. Caillaux est adopté)

M. le président : Nous passons à des amendements additionnels qui prendraient place entre les articles 22 et 23.
     Le premier de ces articles additionnels est signé de MM. Lepez et Castiau. Il est ainsi conçu :
     « Aussi longtemps que État, le département ou la commune interviendront dans les dépenses du culte, soit pour le service de retraite aux anciens membres du clergé, soit pour l’entretien des édifices religieux, soit de toute autre façon, les tarifs des cérémonies relatives aux baptêmes, aux mariages, aux enterrements seront uniformes pour tous les habitants de la commune, qu’ils appartiennent ou non aux associations cultuelles. »
     MM. Bepmale, Braud et Euzière ont déposé un amendement analogue.

M. Bepmale :  mais ils ne se confondent pas, monsieur le président. Nous soutiendrons le nôtre à son heure.
...
M. le président : L’article additionnel de MM. Lepez et Castiau est retiré.
     Le second article additionnel est de MM. Bepmale, Braud et Euzière . Il est ainsi conçu :
     « Les tarifs des cérémonies relatives aux baptêmes, aux mariages et aux enterrements, établis par les associations cultuelles, seront portées à la connaissance du public par voie d’affiches, à l’intérieur et à l’extérieur des édifices du culte. »
     Cet amendement est soumis à la prise en considération.
...
M. Maurice Allard :  C’est l’affaire des catholiques, cela ne nous regarde pas ! (Applaudissements et rires à droite.)

M. Gayraud : Il n’y a pas de tarifs pour les baptêmes.
....
(L’amendement n’est pas pris en considération par 519 voix contre 34)

M. de Boury : C’est un enterrement de première classe non tarifé. (Rires à droite.)

M. le président : Nous arrivons à l’article 23. J’en donne lecture :
     TITRE V
     Police des cultes
     « Art. 23. - Les réunions pour la célébration d'une culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l'article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre public. Elles ne peuvent avoir lieu qu'après une déclaration faite dans les formes de l'article 2 de la même loi et indiquant le local dans lequel elles seront tenues
     « Une seule déclaration suffit pour l'ensemble des réunions permanentes, périodiques ou accidentelles qui auront lieu dans l'année. »
     Il y a, sur cet article, un amendement de M. du Roscoat tendant à rédiger comme suit le premier paragraphe :
     « Les réunions pour la célébration d’un culte, tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition, peuvent être privées ou publiques. Elles sont dans ce cas ....(la suite comme au texte de la commission) »

M. le vicomte du Roscoat : Messieurs, vous inaugurez le titre V : De la police des cultes, en inscrivant dans la loi un délit qui,..., n’a encore été inscrit dans aucune législation et qui peut se définir ainsi : la prière clandestine en commun. J’espère que la France, seule de toutes les nations civilisées, n’introduira pas ce délit dans son code. Du moment que vous proclamez la liberté des cultes, vous n’avez pas à vous préoccuper de la manière dont les fidèles organisent leurs réunions. Contrairement à l’avis de la commission, je demande que les cultes puissent organiser des réunions privées si bon leur semble, qu’ils en organisent de publiques s’ils le préfèrent ; qu’en un mot ils aient la liberté.
...
M. le marquis de Rosambo : C’est évident.
...
M. le vicomte du Roscoat : Dans nos colonies, qui sont un prolongement de la France, dans nos colonies où il y a des musulmans, imposerez vous la publicité du culte dans les mosquées ? Vous savez très bien que non et l’on aura alors ce spectacle attristant de voir des catholiques, des protestants et des juifs moins bien traités en France que les musulmans.

M. Gayraud : Il y a longtemps qu’il en est ainsi (A cette époque,  la religion musulmane était déjà la deuxième religion de la « France prolongée », mais elle était ignorée des autorités)
...
M. le rapporteur : La commission repousse l’amendement de M. du Roscoat.
     J’ai déjà expliqué à la Chambre que la loi actuelle avait pour but de réglementer l’exercice du culte public et non privé. je ne comprends pas qu’après avoir demandé et obtenu la jouissance gratuite et illimitée des églises, on puisse avoir maintenant la préoccupation d’en faire des lieux de réunion privés. (Très bien ! très bien !)
...
(L’amendement, mis aux voix, n’est pas pris en considération)

M. le président : Nous passons à un amendement présenté par M. Gayraud, tendant à rédiger l’article comme suit :
 « Les réunions pour la célébration d’un culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont libres. Elles sont dispensées des formalités prescrites pour les réunions publiques, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l’intérêt de l’ordre public. »
...
M. le rapporteur :  L’intérêt de la déclaration porte surtout sur le local ; les termes mêmes du deuxième paragraphe l’indiquent suffisamment.

M. Gayraud :  Le local sera indiqué par le fait même que ce sera l’ancien édifice où auront lieu les réunion du culte ?

M. le rapporteur : Oui

M. Gayraud :  Je remercie M. le ministre et M. le rapporteur de leurs déclarations ; je tenais à faire préciser ces points, et c’est pourquoi je suis monté à la tribune.
     Je retire mon amendement.

M. le président : ...  Nous arrivons à un amendement de M. Jules Auffray, tendant à rédiger l’article 23 comme suit :
     « L’accès aux réunions pour la célébration du culte, tenue dans les édifices de ce culte, est libre.
     « Toutefois, les ministres du culte peuvent en interdire l’entrée soit dans le cas où les exercices du culte s’adresseraient à une catégorie spéciale de fidèles, soit dans l’intérêt de la tranquillité publique.
     « De son côté, l’autorité publique est tenu de déférer à la réquisition qui lui serait régulièrement adressée par les ministres du culte de pénétrer dans l’intérieur de l’édifice, pour y maintenir ou pour y rétablir l’ordre, sans préjudice du droit pour ladite autorité, de pénétrer dans tous les édifices ou locaux appartenant aux associations cultuelles, selon les termes du droit commun. »
...
(L’amendement, mis aux voix, n’est pas adopté)
     Il y avait un amendement de MM. Amédée Reille et de Castelnau ... qui n’est pas maintenu
(Le paragraphe 1er, mis aux voix est adopté et la suite de la discussion renvoyée à une prochaine séance)

©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3