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14 juin 1905

     * Dépôt, par M. Audiger, d'une disposition de loi tendant à modifier l'article 102 de la loi municipale du 5 avril 1884 et à donner aux maires le droit de révocation des gardes champêtres.

suite de la discussion du projet et des diverses propositions de loi
concernant la séparation des Églises et de l'État.
(35° journée ; réduite et annotée)

M. le président : ... La Chambre s'est arrêtée à un article nouveau qui prendrait place après l'article 12, et qui est proposé par MM. Fernand david, Chambon, Émile Chautemps (Haute-Savoie), Empereur, Deléglise, Dussuel et Jules Mercier (Haute-Savoie).
    Cet article additionnel est ainsi conçu :
    "Dans les départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et des Alpes-Maritimes, la jouissance des édifices antérieurs à la loi du 18 germinal an X, servant à l'exercice des cultes ou au logement de leurs ministres, sera attribuée par les communes sur le territoire desquelles ils se trouvent, aux associations cultuelles, dans les conditions indiquées par les articles 10 et suivants de la présente loi. En dehors de ces obligations, les communes pourront disposer librement de la propriété de ces édifices.
   "Dans ces mêmes départements, les cimetières resteront la propriété des communes."

M. Fernand David :... Ces départements ... se sont annexés volontairement une première fois à la France en 1792 ; ...  . Au moment où les troupes du général de Montesquiou approchaient de la province de Savoie, les habitants se soulevèrent ; les troupes du duc de savoie repassèrent les monts. On institua une assemblée nationale des Allobroges dont l'un des premiers actes fut, à la date du 26 octobre 1792, de proclamer la nationalisation des biens du clergé. Vous savez aussi dans quelles conditions, après s'être libérée elle-même, la Savoie demanda son annexion à sa libératrice, la France. Vous savez comment la Convention, qui répugnait pourtant aux annexions de territoire, accueillit la démarche faite auprès d'elle par un peuple libre qui, librement, voulait se donner. (Très bien ! très bien !)
    C'est à la suite de cette réunion à notre pays de territoires qui en avaient toujours fait partie par le cœur que, le 27 novembre 1792, un décret de la Constituante intervint, prononçant pour ainsi dire une nouvelle nationalisation des mêmes biens du clergé nationalisés par l'assemblée nationale de Allobroges.
    Vous n'avez pas oublié non plus comment, à la suite des revers essuyés par le premier empire en 1814, le duc de Savoie reprit ses anciens États. Il est intervenu à la date du 28 octobre 1814 un édit qui abrogeait en Savoie les lois françaises. mais cet édit, nous allons le voir, pas plus que toute la législation sarde qui suivit, ne paraît pas avoir modifié la question de propriété des édifices du culte ; en effet il se bornait, en ce qui les concernait, à supprimer les administrateurs des fabriques sans indiquer aucune disposition quant au régime des biens que ces établissements avaient à administrer. Plus tard des circulaires du 25 octobre 1815 et du 30 juillet 1816 furent publiées, mais elles ne parlent pas non plus de la question de propriété des édifices paroissiaux ; et lorsque des lettre patentes du 5 avril 1825 du duc Charles-Félix légifèrent pour le duché de savoie seul, c'est pour attribuer aux communes la charge d'entretenir les presbytères lorsque des ressources différentes ne pourront pas pourvoir à cet entretien.
...
    Lors de la seconde annexion en 1860, le traité du 24 mars 1860 indique les conditions dans lesquelles la réunion se fait... Mais nous ne voyons rien dans le traité... qui règle la question des édifices paroissiaux...
...
M. le rapporteur :  La commission, d'accord avec le Gouvernement, accepte l'amendement de M. David et ses collègues ; elle agit ainsi d'autant plus volontiers que cet amendement ne fait que consacrer un principe déjà affirmé par l'article 10.
(Amendement adopté par 348 voix contre 242)

M. le président : ... En conséquence, cet article nouveau portera le n° 13
    La commission, vous le savez, messieurs, a supprimé les anciens articles 13 et 14. Nous arrivons donc à l'article 15, dont je donne lecture :
     "Art. 15. - Les objets mobiliers ou les immeubles par destination mentionnés à l'article 11, qui n'auraient pas encore été inscrits sur la liste de classement dressée en vertu de la loi du 30 mars 1887, sont, par l'effet de la présente loi, ajoutés à ladite liste. Il sera procédé par le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts , dans le délai de trois ans,  au classement définitif de ceux de ces objets dont la conservation présenterait, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt suffisant. A l'expiration de ce délai, les autres objets seront déclassés de plein droit.
   "En outre, les immeubles et les objets mobiliers, attribués en vertu de la présente loi aux associations, pourront être classés dans les mêmes conditions que s'ils appartenaient à des établissements publics.
   "Il n'est pas dérogé, pour le surplus, aux dispositions de la loi du 30 mars 1887."
    Nous trouvons d'abord un amendement de M. Aynard, ainsi conçu :
    "Mettre en tête de l'article 15 et comme premier paragraphe la disposition suivante :
    "Il sera procédé à un nouveau classement des édifices servant à l'exercice public du culte - cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires - dans lequel devront être compris tous ceux de ces édifices représentant, dans leur ensemble ou dans leurs parties, une valeur artistique ou historique."
...
M. le ministre : Que l'on classe de nouveaux édifices, je l'admet volontiers, mais que le classement antérieur soit provisoirement suspendu dans ses effet, ce serait inadmissible.
    Ce n'est certainement pas la pensée de notre honorable collègue.
...
    La rédaction de l'amendement peut prêter à équivoque : je demanderai donc à l'honorable M. Aynard s'il ne consentirait pas à y apporter une légère modification.
    L'amendement dit : "Il sera procédé à un nouveau classement ..." Cela semblerait indiquer que le classement actuel ne vaut plus rien. On pourrait mettre "classement complémentaire"

M. Aynard : J'accepte cette modification.

M. le président : L'amendement serait donc ainsi rédigé :
    "Il sera procédé à un classement complémentaire des édifices servant à l'exercice public du culte (cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), dans lequel devront être compris tous ceux de ces édifices représentant, dans leur ensemble ou dans leurs parties, une valeur artistique ou historique."

M. Lucien Cornet : Je m'y oppose, car ce que veut en réalité M. Aynard - et il aurait dû le déclarer avec franchise (Réclamations au centre et à droite) - c'est, sous prétexte d'art, mettre à la charge de l'État l'entretien en tout ou partie d'un plus grand nombre d'édifices du culte. (Approbation à gauche.)

M. le ministre des cultes :  C'est une erreur, le classement n'a pas pour effet de mettre l'entretien des édifices à la charge de l'État.

M. Lucien Cornet : Si, dans bien des cas.

M. le président : (Après que l'amendement de M. Aynard, mis aux voix, ait été adopté) Nous passons au 1er paragraphe de l'article 15 qui deviendra le paragraphe 2.
    Sur ce paragraphe, deux amendements ; l'un de M. Charles Bos, l'autre de M. Aynard, tendent à réduire, le premier à deux ans, le deuxième à un an, le délai imparti au ministre des beaux-arts pour le classement.
(Les amendements ne sont pas adoptés)
    Je mets aux voix le paragraphe 1er de l'article 15 qui devient le paragraphe 2,...
    J'en rappelle les termes :
     "Les objets mobiliers ou les immeubles par destination mentionnés à l'article 11, qui n'auraient pas encore été inscrits sur la liste de classement dressée en vertu de la loi du 30 mars 1887, sont, par l'effet de la présente loi, ajoutés à ladite liste. Il sera procédé par le ministre de l'instruction publique et des beaux arts, dans le délai de trois ans, au classement définitif de ceux de ces objets dont la conservation présenterait, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt suffisant. A l'expiration de ce délai, les autres objets seront déclassés de plein droit."
    (Le paragraphe, mis aux voix, est adopté)
    Nous passons au paragraphe 3 :
     "En outre, les immeubles et les objets mobiliers, attribués en vertu de la présente loi aux associations, pourront être classés dans les mêmes conditions que s'ils appartenaient à des établissements publics."
    Personne ne demande la parole ?...
    Je mets aux voix lc paragraphe (Le paragraphe 3 est adopté)
    Paragraphe 4 :
     "Il n'est pas dérogé, pour le surplus, aux dispositions de la loi du 30 mars 1887."
     Personne ne demande la parole ?...
    Je mets aux voix lc paragraphe (Le paragraphe 4 est adopté)
    Nous arrivons aux dispositions additionnelles.
    La première est celle de MM. Augagneur et Pascal Grousset ; elle est ainsi conçue :
    "Les archives ecclésiastiques et bibliothèques existant dans les archevêchés, évêchés, paroisses, succursales, etc., seront inventoriées et celles pouvant être considérées comme propriété de l'État lui seront restituées."

M. Victor Augagneur : Je ne développe pas cet amendement qui est d'ailleurs accepté par la commission, et je ne crois pas que quelqu'un dans la Chambre puisse s'opposer à son adoption.
...
M. Gayraud : je viens demander un renseignement au sujet des expressions contenues dans le texte de M. Augagneur. Le mot "bibliothèques" est assez clair ... Mais qu'entend-on par les mots "archives ecclésiastiques" ?
    Il y a dans les évêchés notamment des dossiers qui intéressent le plus souvent l'administration ecclésiastique. Entendez-vous par là que l'on pourra fouiller dans ces dossiers et les porter aux archives départementales ?
...
    Le texte porte : "Les archives ecclésiastiques, etc., seront inventoriées ..." Que va-t-on inventorier ? Voilà ce que j'ai le droit de demander. Évidemment le vote de ce texte suscitera les préoccupations de l'administration ecclésiastique.
    Je demande une explication.

M. Victor Augagneur : Je déclare que lorsque nous avons déposé notre amendement, nous n'avons nullement eu l'intention de faire commettre des indiscrétions à l'égard des notes secrètes du clergé.
...
M. Alexandre Zévaès : Dans les fiches ! (Bruit à droite.)

M. Victor Augagneur : ce que nous voulions, c'était assurer le retour dans les archives départementales de documents qui leur appartiennent et qui n'y ont pas été versés malgré la loi de 1792. (Très bien ! très bien !)
    M. de l'Estoubeillon vient de dire qu'il existe dans les paroisses des registres sur lesquels sont consignés les baptêmes et les mariages. Ceux de ces registres qui sont postérieurs à 1792 doivent rester la propriété des paroisses  (Très bien ! très bien !), mais ceux qui sont antérieurs doivent rentrer dans les archives... je connais certaines paroisses dans lesquelles j'ai moi-même consulté des registres de cette nature qui étaient laissés à l'abandon dans les dépendances de vieux presbytères....

M. Gayraud : Seulement il ne faudrait pas se méprendre ! Vous semblez croire qu'il s'agit de notes concernant le clergé. C'est une erreur. Ce sont quelquefois des dossiers concernant les familles ...

M. Bepmale : Ce sont des fiches alors !

M. Alexandre Zévaès : Ce sont des dossiers secrets ! Ce sont les fiches des délateurs de l'Église ! (Bruit à droite.)
....
M. le président :  Je mets aux voix l'addition proposée par MM. Augagneur et Pascal Grousset qui serait ainsi rédigé :
    "Les archives ecclésiastiques et bibliothèques existant dans les archevêchés, évêchés, grands séminaires, paroisses, succursales et leurs dépendances, seront inventoriées et celles qui seront reconnues propriété de l'État lui seront restituées."
(L'amendement, mis aux voix est adopté ainsi que l'ensemble de l'article 15. Une disposition additionnelle déposée par MM. Grosjean et Berger est lue puis les débats sont rapidement reportés au lendemain))

©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3