* Discussion des interpellations
1° de M. Jules-Louis Breton sur le fonctionnement
des établissements congréganistes d'assistance;
2° de M. Leferre sur les mesures que le Gouvernement
compte prendre pour mettre fin à l'exploitation de l'enfance dans
certains établissements de bienfaisance privés;
3° de M. Jules Coutant sur les mesures que le
Gouvernement compte prendre pour faire cesser:
- les faits scandaleux qui
se commettent envers les enfants des enfants mineurs dans les établissements
de bienfaisance privés;
- le préjudice que
cause au commerce, à l'industrie et à la main d'œuvre ouvrière
l'exploitation desdits établissements;
4° de MM. Steeg et Guleysse sur l'application
de la loi du 24 juillet 1889 et de la loi du 2 novembre 1892 aux établissements
de bienfaisance privés.
* Communication d'une demande d'interpellation de M. Paul Vigné sur les abus de notre politique coloniale à Madagascar. - Jonction aux interpellations relatives au Congo.
suite de la discussion du projet et des propositions de
loi
concernant la séparation des Églises et
de l'État.
(13° journée ; réduite
et annotée)
M. le président : Il y a un amendement
de M. Paul Beauregard, tendant à rédiger ainsi le premier
alinéa [de l'article 2]:
"La République ne reconnaît
aucun culte. Toutefois, les conditions dans lesquelles l'État devra
accorder son concours aux cultes pour assurer leur fonctionnement seront
déterminés ci après." ...
M. Paul Beauregard
: ...
... Mon amendement
porte seulement sur le concours éventuel que l'État aurait
à donner à l'entretien des cultes.
...
... Puisque vous faites
la séparation, je voudrais que celle-ci fût faite loyalement,
de manière à ce que l'on n'eût rien à reprocher
à l'État. Vous voulez supprimer le budget des cultes, cela
m'est égal ; il n'est pas difficile de trouver une autre compensation.
Séparez l'Église de l'État si vous voulez, mais faites
cette séparation en soldant intégralement notre compte. Agissez
de telle sorte que notre conscience soit tranquille et que nous soyons
sûrs qu'ayant fait acte politique, nous l'avons fait en toute honnêteté.
(Applaudissements
au centre et à droite)
...
M. le rapporteur : Nous ne pouvons pas
laisser dire, nous, républicains ... (Exclamations au centre
et à droite. - Applaudissements à l'extrême gauche
et à gauche.)
M. Georges Berger : Nous aussi, nous sommes républicains.
M. le rapporteur : ... que l'opération réalisé par la Constituante, poursuivie et complétée par la Convention, que la consécration, en un mot, de la doctrine révolutionnaire constitue une spoliation et un vol. .....
(L'amendement de M. Beauregard sera repoussé
par 350 voix voix contre 230)
...
M. le président : Nous arrivons
à l'amendement de MM. Gailhard-Bancel, Savary de Beauregard, Dèche,
de Saint-Pol, Théodore Denis, Pichat, de Chambrun, Flayelle, Paul
Lerolle, Prache, Gervaize, qui tend à ajouter, après les
mots : "ne subventionne aucun culte", un paragraphe ainsi conçu
:
" Toutefois, le budget des
cultes sera maintenu jusqu'à ce que le règlement relatif
aux biens de l'Église, arrêté dans la convention du
26 mesidor an IX, ait été revisé d'un commun accord
entre les contractants et qu'une entente soit intervenue entre l'État
et les représentants des autres cultes", et, d'autre part, à
supprimer les autres dispositions de l'article 2.
...
(Amendement repoussé par 345 voix contre
124)
M. Grousseau
: Messieurs, avant le vote sur le 1er
paragraphe de l'article 2, je désire poser trois questions pour
lesquelles je demande des réponses aussi précises que possible,
...
Le texte proposé
ordonne que toutes les dépenses relatives à l'exercice des
cultes seront supprimées des budget de l'État, des départements
et des communes, toutes les dépenses "inscrites à un titre
quelconque", déclare le rapport.
Or, pour parler d'abord du
budget de l'État, j'y trouve actuellement une dépense ainsi
libellée :
"Arrérages de cartelles
appartenant à des établissements ecclésiastiques de
la Savoie"
Ce chapitre du budget des
dépenses de l'État, est-il destiné à disparaître
? Telle est ma première question. Le rapport de M. Briand ne l'examine
point et cependant il conviendrait de savoir quelle est la pensée
des auteurs du projet de loi. (Très bien ! très bien !
à droite.)
...
Lorsque la Savoie et
le comté de Nice ont été réunis à la
France, le clergé et les établissements ecclésiastiques
y jouissaient d'une dotation spéciale qui avait le caractère
d'une propriété. Des titres de rente nommé "cartelles",
leur avaient été remis par le gouvernement sarde en représentation
de leurs biens sécularisés. Peu après l'annexion,
ces cartelles sont passés entre les mains du gouvernement français
qui s'est chargé des traitements du clergé et de certaines
dépenses du culte. Mais elle n'ont pas cessé de constituer,
au profit du clergé et des établissements ecclésiastiques,
une propriété véritable, à laquelle le ministre
des cultes, depuis bientôt vingt ans, à cherché, mais
en vain, à porter atteinte. Le conseil d'État s'y est toujours
opposé.
...
... je passe à
ma seconde question.
L'article 2 qui va être
soumis au vote porte que toutes les dépenses concernant les cultes
seront supprimés des budgets des communes. Ce texte entraînera-t-il
la suppression des charges de services religieux afférents aux dons
et legs faits aux communes ?
...
M. Le rapporteur : Il est évident
qu'elles subsistent. Si la commune a reçu un don avec charges, elle
est bien obligée de les subir, mais ainsi elle ne subventionnera
pas le culte : elle ne fera que remplir une obligation.
...
M. Grousseau : Reste la troisième
et dernière question que je voulais poser. Quelle est votre intention
au sujet de l'indemnité de logement allouée aux ministres
des cultes ?
Je me permets de vous faire
remarquer que vous proposez, par l'article 10, de laisser aux prêtres
la jouissance gratuite des presbytères communaux pendant un certain
temps.
Ne vous paraît-il pas
absolument logique et équitable que l'indemnité de logement
qui, dans les communes où il n'y a pas de presbytère est
accordée, soit maintenue pendant le même laps de temps ?
...
M. le rapporteur : C'est une question
qui se posera plus utilement à l'article 10, sur lequel il y a un
certain nombre d'amendements visant ce point particulier.
...
M. Gayraud :
Je
désire demander un éclaircissement à M. le rapporteur.
Le texte de l'article 2 indique
que toutes les dépenses relatives à l'exercice des cultes
seront supprimés du budget de l'État, des départements
et de communes.
J'ai reçu un certain
nombre de lettres émanant d'aumôniers attachés à
des établissements publics dont les traitements sont faits par les
communes, les départements ou l'État. Je demande si ces traitements
pourront encore être servis, malgré le texte de l'article
2.
M. le rapporteur : Il y a deux amendements au premier paragraphe de l'article 2. La question que vous posez viendra mieux à sa place quand on discutera ces amendements.
(Le premier paragraphe de l'article 2 est adopté 337 voix contre 233)
M. le président : A la suite de
ce premier paragraphe, viennent un certain nombre d'amendements ayant le
caractère de disposition additionnelles. Le premier, déposé
par M. Dansette, consiste à ajouter un paragraphe ainsi conçu
:
"Pourront néanmoins,
les départements et les communes, voter aux associations prévues
aux articles 12 et suivants, des subventions destinées à
faciliter l'exercice d'un culte."
M. Jules
Dansette : Messieurs, l'article 2
que je vous demande de modifier, prouve dans quel esprit a été
conçu le projet de loi de séparation des Églises et
de L'État que nous discutons. Non seulement on proclame que le budget
des cultes est supprimé, mais on interdit aux communes et au département
de subventionner aucun culte.
...
C'est l'intrusion brutale
de l'État dans la vie locale ; c'est, une fois de plus, l'application
de ce principe d'universelle domination, de ce besoin d'uniformité,
de cette tyrannie des pouvoirs publics qui nous vient de la Révolution
et qui, depuis plus d'un siècle, éteint tout foyer local
d'énergie et, suivant une parole célèbre, fait de
ce pays, qui devrait être un peuple de citoyens, un troupeau d'administrés
(Applaudissements
à droite. - Réclamations à l'extrême gauche.)
De loin en loin, nous
votons une loi destinée à donner à la France un peu
d'initiative et de liberté : La loi organique de 1871 sur les conseils
généraux, la loi municipale de 1884 sont de ce nombre ; mais
dès qu'une question touchant la question religieuse est soulevée,
l'esprit jacobin reparaît dominateur, centralisateur et despotique
et, pour tout dire, haineux et sectaire. ( Très bien ! très
bien ! à droite.)
...
Au point de vue des intérêts
matériels de l'Église, votre projet se résume en trois
dispositions principales : suppression du budget des cultes ; mainmise
de l'État, ..., sur tous les édifices du cultes
qui ne sont pas exclusivement construits par les ressources des particuliers,
..., contrôle administratif et surveillance étroite des
associations cultuelles ...
...
(L'amendement est repoussé par 323
voix contre 254)
M. le président : Nous passons
à un paragraphe additionnel présenté par M. Edmond
Lepelletier.
Il tend à ajouter au
premier paragraphe de l'article 2 la disposition suivante :
"Toutefois, en cas d'insuffisance
des ressources des associations cultuelles, les conseils municipaux pourront,
à titre exceptionnel et comme allocation individuelle, accorder
des subventions spéciales aux familles nécessiteuses ou momentanément
gênées, pour leur faciliter l'accomplissement des cérémonies
religieuses qui accompagnent le baptême, la première communion,
le mariage et les funérailles.
"Ces allocations n'auront
que le caractère de secours occasionnel et personnel."
La parole est à M.
Edmond Lepelletier.
M. Lamendin : C'est un ancien communard qui vient prendre la parole en faveur des congrégations !
M.
Edmond Lepelletier : Je vous remercie, mais l'épithète
d'ancien communard que vous me lancez pourrait se changer tout à
l'heure, car je vais soutenir les droits de toutes les communes. (Mouvements.)
Messieurs, la disposition
additionnelle que j'ai l'honneur de soutenir devant vous n'a pas un caractère
d'obstruction.
D'abord, j'ai voté
l'article 2. ...
...
M. le rapporteur : J'ai de l'Église
une meilleure opinion que l'honorable M. Lepelletier : je ne lui fais pas
l'injure de croire qu'elle pourra jamais refuser les secours de la religion
aux nécessiteux et aux indigents.
M. Gayraud
: Et vous ne vous trompez pas, monsieur
Briand. (Exclamations à l'extrême gauche.)
...
(L'amendement, mis aux voix, n'est pas adopté
par main levée)
M. le président : Nous arrivons
à trois dispositions additionnelles d'un même caractère.
L'une, de M. Cazeneuve, est
ainsi conçue :
"Ajouter à la fin du
premier paragraphe de l'article 2 la disposition suivante:
"Toutefois seront exceptées
de cette prohibition les dépenses du culte occasionnées pour
assurer la liberté de conscience aux indigents enfermés dans
les établissements publics dépendant de l'État, des
départements ou des communes, tels que les asiles d'aliénés,
les prisons et maisons de force, les maisons de retraites et dépôts
de mendicité, les hôpitaux et hospices."
M. Cazeneuve
:...
... Nous avons trouvé,
la commission et moi, un terrain d'entente. L'honorable rapporteur a écrit
....
"Lorsqu'un de ces établissements
fera appel, dans l'intérêt privé d'un pensionnaire
ou d'un membre du personnel, aux offices d'un ministre du culte, celui-ci
pourra être légitimement rémunéré, mais
comme le serait un fournisseur ordinaire, par exemple un médecin
occasionnel."
...
Trois autre de mes collègues
ont déposé des additions qui gravitent en quelque sorte autour
de la mienne ...
La première est
signée de M. Auffray auquel l'honorable rapporteur vient de répondre;
...
La disposition additionnelle
de MM. Sibille et Jules Legrand ... [élargit] ma disposition
... en y faisant entrer les lycées et collèges et leurs
pensionnaires. ...
Dans tous les cas devant les
déclarations que j'attends de l'honorable rapporteur et de M. le
ministre des cultes, je retire ma disposition additionnelle.
...
M. le président : MM. Sibille et
Jules Legrand présentent un paragraphe additionnel ainsi conçu
:
"Ajouter à la fin du
premier paragraphe la disposition suivante :
"
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses
relatives à des services d'aumônerie et destinées à
assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics
tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles
et prisons.."
...
M. Maurice Sibille
: ...
Suivant moi, l'article
2 a une portée plus grande, des conséquences encore
plus graves que celles qui ont été énoncées
et précisées par M. le rapporteur.
Quand aux approches de la
mort un détenu gravement malade ou un condamné à la
peine capitale réclamera les secours de la religion, le directeur
de l'établissement pénitentiaire aura le droit, je le reconnais,
de faire appeler un ministre du culte. Mais il n'aura pas les moyens de
donner à ce ministre du culte la rémunération qui
d'après le rapporteur est légitime et qui sera bien due.
...
Aucune ressource, en effet,
ne sera jamais mise à la disposition de l'administration en vue
des éventualités que je viens d'indiquer, aucun mandat ne
pourra être délivré par un maire, un préfet
ou un ministre.
...
... Tous les Gouvernements
sans exception ont affirmé qu'une administration publique obligée
de faire fréquemment appel aux ministres d'un culte avait intérêt,
à lui donner le titre d'aumônier (Interruptions à
l'extrême gauche.) intérêt à lui servir un
traitement régulier, intérêt à acquérir
ainsi sur lui une certaine autorité. (Applaudissement au centre
et à droite.)
....
(L'amendement sera adopté
par 287 voix contre 281 et la suite de la discussion repoussée
au surlendemain à cause de la suite des discussions sur les
interpellations)
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3