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9 juin 1905
suite de la discussion du projet et des propositions de
loi
concernant la séparation des Églises et
de l'État.
(33° journée ; réduite
et annotée)
M. le président : ... Dans la séance d’hier, la
Chambre a pris en considération et renvoyé à la commission
l’amendement présenté par M. Etienne Flandin à l’article
10. La commission propose sur cet amendement une rédaction
nouvelle. Je suis informé que cette rédaction qui est actuellement
à l’impression, pourra être distribuée à la
Chambre dans quelques instants. Si la commission est de cet avis, nous
suspendons la séance jusqu’à ce que le document soit entre
les mains de MM. les députés. (Assentiments.)
....
M. Aristide Briand, rapporteur : .... Des explications
échangées hier à la tribune, il nous a paru résulter
que la Chambre désirait à la fois éviter aux conseils
municipaux les difficultés de négociations délicates
avec les associations cultuelles pour la location des églises appartenant
aux communes et en même temps assurer à ces associations une
possession des édifices assez prolongée et assez stable.
C’est en s’inspirant de ces considérations
que la commission a adopté le texte qui vous est soumis et qui combine
les dispositions générales des articles 10 et 11, préalablement
proposés par la commission, avec celles de plusieurs amendements
signés par un certain nombre de nos collègues.
Il ne nous a pas paru possible de retenir
le système emphytéotique de l’honorable M. Flandin.
Il présente, en effet, des inconvénients
graves ...; il ne résout pas en tout cas la difficulté que
la Chambre semblait surtout vouloir éviter, celle qui résulterait
pour les conseils municipaux de la nécessité de négocier
avec les associations cultuelles pour la location des édifices.
... de débattre ... les termes du bail, qui devraient être
discutés avec d’autant plus d’attention et dans des conditions d’autant
plus difficiles que le genre de location proposée est susceptible
d’entraîner des conséquences plus étendues et plus
graves. (Très bien très bien à gauche.)
...
Le système que nous ... proposons consiste
à laisser aux associations cultuelles la jouissance illimitée
et gratuite des édifices dont la propriété est affirmée
par l’article 10 au profit, selon le cas, de l’État, des départements
ou des communes.
Mais nous avons cru comprendre que la grande
majorité des membres de la Chambre était d’accord avec nous
pour prendre certaines garanties pour la défenses des intérêts
de État et des institutions républicaines contre les dangers
qui résulteraient d’une attitude hostile de l’Église ; il
nous a paru aussi que le désir quasi unanime de nos collègues
était que les édifices religieux ne fussent pas détournés
de leur véritable destination. La commission ne croit donc pas être
en contradiction avec le vote indicatif d’hier en prescrivant dans le texte
qu’elle vous propose, un certain nombre de clauses résolutoires.
Elles visent les cas dans lesquels il deviendrait
possible de retirer par décret, à une association cultuelle
l’usage de l’édifice dont elle aurait fait abus. par ce texte qui
... combine les indications contenues dans les amendements de M. Flandin
avec les amendements de MM. Codet, Vigouroux, Réveillaud, Leygues
et Caillaux, nous donnons à la Chambre pleine et entière
satisfaction et j’espère que rien ne s’opposera plus à l’adoption
du texte actuel. (Applaudissements à gauche et sur divers bancs.)
...
M. le président : Nous arrivons au nouveau texte de
l’article 10, dont je donne lecture :
« Art. 10. -Les édifices antérieurs
au Concordat, qui ont été mis à la disposition
de la nation et qui, en vertu de la loi du 18 germinal an X,
servent à l'exercice public des cultes ou au logement de leurs
ministres - cathédrales, églises, chapelles, temples,
synagogues, archevêchés, évêchés,
presbytères, séminaires - ainsi que leur dépendances
immobilières, et les objets mobiliers qui les garnissaient
au moment où lesdits édifices ont été
remis aux cultes, sont et demeurent propriétés
de l'État, des départements, des communes.
« Pour ces édifices, comme
pour ceux postérieurs à la loi du 18 germinal an X,
dont l'État, les départements et les communes seraient
propriétaires, y compris les facultés de théologie
protestante, il sera procédé conformément aux dispositions
des articles suivants. »
....
Je donne lecture du premier paragraphe ...
(Adopté par 447 voix contre 91)
...
Je donne lecture du paragraphe 2 ...(Adopté
par 495 voix contre 48)
(L’ensemble de l’article 10, mis aux voix, est adopté.)
...
Nous arrivons à l’article
11, dont je donne lecture :
« Art. 11. - Les édifices servant
à l'exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les
garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition
des établissements publics du culte, puis des associations appelées
à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements
auront été attribués par application des dispositions
du titre II.
« La cessation de cette jouissance,
et, s'il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret,
sauf recours au Conseil d'État statuant au contentieux :
« 1° Si l'association bénéficiaire
est dissoute :
« 2° Si, le culte cesse d'être
célébré pendant plus de six mois consécutifs
:
« 3° Si la conservation de l'édifice
ou celle des objets mobiliers ci dessus énoncés est compromise
par insuffisance d'entretien, et après mise en demeure dûment
notifiée du conseil municipal ou, à son défaut du
préfet :
« 4° Si l'association cesse de remplir
son objet ou si les édifices sont employés à un usage
étranger au culte.
« 5° Si elle ne satisfait pas soit
aux obligations de l'article 4 ter ou du dernier paragraphe du présent
article, soit aux prescriptions relatives aux monuments historiques.
« La désaffectation et ces immeubles
pourra, dans les cas ci-dessus prévus être prononcée
par décret rendu en Conseil d'État.
« Les établissements publics
du culte, puis les associations bénéficiaires, seront tenus
des réparations de toute nature, ainsi que des frais d'assurance
et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles
les garnissant. »
Il y d’abord un amendement de M. Lemire, tendant à remplacer
les premiers mots de l’article : « Les édifices servant à
l’exercice public du culte », par ceux-ci : « Les édifices
mentionnés à l’article précédent. »
...
M. Lemire : ... Vous reconnaîtrez
comme moi, ..., que bon nombre des édifices servant au logement
des ministres du culte sont tellement attenants aux
églises qu’ils font pour ainsi dire corps avec elles. Il y a
des palais épiscopaux qui ne sont que le prolongement de la sacristie
de la cathédrale. (Très bien très bien
à droite.)
Il y a également nombre de presbytères
qui sont unis, reliés aux églises au point qu’il est matériellement
impossible de les en séparer, de les distinguer.
...
On a dit avec raison qu’il faut éviter
que notre loi soit le point de départ de discussions irritantes
et de divisions regrettables dans les conseils municipaux. Or il faudra
régler la question du logement des évêques et des simples
prêtres.
...
La Chambre admet que les églises ne
soient pas l’enjeu des partis, eh bien qu’elle aille jusqu’au bout
et qu’elle empêche que les presbytères le soient à
leur tour.
...
(Amendement repoussé par 321 voix contre 243.)
...
M. le président :... Je mets au voix le premier paragraphe
(Adopté par 526 voix contre 38)
Je donne lecture du paragraphe suivant :
« La cessation de cette jouissance,
et, s'il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret,
sauf recours au Conseil d'État statuant au contentieux :
« 1° Si l'association bénéficiaire
est dissoute : »
Il n’y a ni opposition ni amendement sur cette
partie du paragraphe.
Je la mets aux voix (Cette partie, mise aux
voix est adoptée.)
« 2° Si, le culte cesse d'être
célébré pendant plus de six mois consécutifs
; »
M. Ribot propose de dire :
« Si, en dehors des cas de force majeure,
le culte cesse d’y être célébré pendant plus
de six mois consécutifs; »
M. le rapporteur : Nous sommes d’accord pour accepter cette rédaction.
M. le président : Je mets aux voix le 2°, avec l’addition
proposée par M. Ribot. (Adopté)
« 3° Si la conservation de l'édifice
ou celle des objets mobiliers ci dessus énoncés est compromise
par insuffisance d'entretien, et après mise en demeure dûment
notifiée du conseil municipal ou, à son défaut du
préfet ;»
M. Ribot propose de dire :
« Si la conservation de l’édifice
ou celle des objets mobiliers classés en vertu de la loi de 1887
et de l’article 15 de la présente loi ... »
M. rapporteur : Monsieur le président, nous serions d’accord
pour modifier ainsi le texte :
« Si la conservation de l'édifice
ou celle des objets mobiliers classés en vertu de la loi de 1887
et de l'article 15 de la présente loi ... »
Cet article contient des dispositions spéciales.
...
M. le président : Le 3° serait ainsi rédigé:
« 3° Si la conservation de l'édifice
ou celle des objets mobiliers classés en vertu de la loi de 1887
et de l'article 15 de la présente loi est compromise par insuffisance
d'entretien, et après mise en demeure dûment notifiée
du conseil municipal ou, à son défaut du préfet ;
»
M. Ribot : J’accepte cette rédaction.
M. le président : Je mets aux voix le 3° ainsi modifié
(Adopté)
« 4° Si l'association cesse de remplir
son objet ou si les édifices sont employés à un usage
étranger au culte ; »
M. Ribot propose de remplacer ces derniers
mots par la rédaction suivante : « ... ou si les édifices
sont détournés de la leur destination. »
La commission accepte cette rédaction.
Le texte serait ainsi modifié :
« 4° Si l'association cesse de remplir
son objet ou si les édifices s ont détournés de leur
destination ; »
Je le mets aux voix (Adopté.)
« 5° Si elle ne satisfait pas soit
aux obligations de l'article 4 ter ou du dernier paragraphe du présent
article, soit aux prescriptions relatives aux monuments historiques. »
Je mets aux voix ce texte. (Adopté)
Le troisième paragraphe de l’article
11 est ainsi conçu :
« La désaffectation et ces immeubles
pourra, dans les cas ci-dessus prévus être prononcée
par décret rendu en Conseil d'État. »
...
M. le rapporteur : D’accord avec le Gouvernement, la commission
propose de rédiger ainsi ce paragraphe :
« La désaffectation et ces immeubles
pourra, dans les cas ci-dessus prévus être prononcée
par décret rendu en Conseil d'État. En dehors de ces cas,
elle ne pourra l'être que par une loi. »
...
Les passions politiques pourraient peut-être
influencer les décisions du parlement s’il devait se saisir de nouveau
de la question des églises dans son ensemble, si, sous l’influence
de luttes électorales ardentes, acharnées, il avait à
envisager la situation faite à État par l’attitude menaçante
de Église Dans ce cas, je le répète, peut-être
pourriez-vous redouter une loi de répression. Mais ici, il s’agira
d’apprécier des cas particuliers analogues à ceux qu’est
appelée fréquemment à apprécier la Chambre
quand il s’agit, par exemple, d’ériger une section de commune en
commune distincte. Le législateur s’inspirera alors de considérations
purement locales. Où la passion politique pourrait-elle trouver
place ici ? (Applaudissements à gauche.)
Je supplie mes collègues de ce côté
de la Chambre (le centre.) de ne pas exagérer
les choses au risque de détruire ainsi le bon effet produit par
l’accord quasi unanime qui s’est fait entre nous sur le plus grand nombre
de points visés par l’article 11. Vous savez, monsieur Ribot, personnellement,
que je n’ai jamais cru que la loi pût être affaiblie, dans
sa portée républicaine, parce que vous l’aurez, dans plusieurs
de ses dispositions, marquée de votre empreinte.
Je me félicite plutôt que tous
nos collègues de tous les partis soient intervenus loyalement dans
cette discussion pour essayer de faire triompher leurs vues, et je m’honore
d’avoir accepté certaines modifications sous l’influence de leurs
arguments, quand ils étaient décisifs. J’ajoute que je serais
heureux, lorsque la loi sera votée, qu’elle portât la signature
non seulement de ceux qui, dès le début, se sont montrés
favorables au principe de la séparation, mais aussi de ceux qui,
après l’avoir combattue, s’être efforcé ensuite de
l’améliorer, auront compris finalement, en se plaçant au
point de vue de l’intérêt supérieur de la République,
que la réforme acceptée par eux n’en sera que plus facilement
applicable et qu’ainsi pourrait être évitée au pays
une agitation funeste.(Applaudissements.)
...
Si vous êtes aujourd’hui, messieurs,
à douter de la loi, c’est à dire du pays lui-même (Oui
! oui! à droite. - Applaudissements à gauche et à
l’extrême gauche.) c’est qu’alors, quoi que nous fassions pour
vous rassurer, votre méfiance est incurable.
Elle est injustifiée, car, quelle que
soit la composition du Parlement, les débats publics nécessités
par une loi sont une puissante garantie ; vous voyez vous-même, monsieur
Ribot, que vous avez des prises sur cette Assemblée et pourtant
vous avez souvent depuis le début de cette législation, taxé
la majorité de jacobinisme étroit et irréductible.
.....
M. le président : Voici le texte de l’amendement de M.
Ribot :
« La désaffectation de ces immeubles
ne peut être prononcée que dans énumérés
ci-dessus et dans le cas d’expropriation pour cause d’utilité publique.
»
...
Je consulte la Chambre sur la prise en considération.
...
(Amendement repoussé par 315 voix contre 256)
Je mets aux voix le troisième paragraphe
de l’article 11 ...... (Adopté)
Il y a deux paragraphes additionnels, l’un
proposé par M. Bepmale, l’autre par M. Augagneur.
Celui de M. Bepmale est ainsi conçu
:
« Les immeubles autrefois affectés
aux cultes et dans lesquels les cérémonies du culte n'auront
pas été célébrées pendant le délai
d'un an antérieurement à la présente loi, ainsi que
ceux qui ne seront pas réclamés par une association cultuelle
dans le délai d’un ans après sa promulgation, seront
désaffectés de plein droit . »
....
M. le rapporteur : La commission accepte cette rédaction
: « ...ne seront pas réclamés par une association
cultuelle dans le délai de deux ans après sa promulgation,
pourront être désaffectés par décret. »
M. le président : Le paragraphe serait ainsi conçu
: « Les immeubles autrefois affectés aux cultes et dans lesquels
les cérémonies du culte n'auront pas été célébrées
pendant le délai d'un an antérieurement à la présente
loi, ainsi que ceux qui ne seront pas réclamés par une association
cultuelle dans le délai de deux ans après sa promulgation,
pourront être désaffectés par décret. »
(Le paragraphe, mis aux voix est adopté)
Nous arrivons à la disposition additionnelle
proposée par M. Augagneur. Elle est ainsi conçue : «
Les édifices consacrés au culte pour lesquels une procédure
de désaffectation aura été engagée antérieurement
au 1er juin 1905 ne seront pas compris dans les stipulations du paragraphe
1er du présent article. »
M. le rapporteur : La commission accepte l’amendement,
mais je demanderai à M. Augagneur de vouloir bien modifier son texte
in fine de la manière suivante : « sont exemptés des
dispositions du paragraphe 1er du présent article. »
....
M. le président : Je relis le texte: «
Les édifices consacrés au culte pour lesquels une procédure
de désaffectation aura été engagée antérieurement
au 1er juin 1905 sont exemptés des dispositions du paragraphe 1er
du présent article. »
....
Le dernier paragraphe de l’article 11 est
ainsi conçu :
« Les établissements publics
du culte, puis les associations bénéficiaires, seront tenus
des réparations de toute nature, ainsi que des frais d'assurance
et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles
les garnissant. »
(Le paragraphe, mis aux voix, est adopté.)
(L’ensemble de l’article 11 est adopté par 310 voix contre 70)
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3