* Dépôt, par M. Rouland, d'un rapport fait au nom de la commission du budget sur la proposition de loi de M. Lamy et plusieurs de ses collègues, tendant à unifier les pensions de demi-solde des veuves d'inscrits maritimes.
M. Le président :... La Chambre
s'est arrêtée aux dispositions additionnelles à
l'article 9
La première
de ces dispositions est celle de M. Joseph Brisson. Elle est ainsi conçue
:
"Dans le cas où, pour
une même fonction, un ministre des cultes recevrait un traitement
de l'État, du département et de la commune, le calcul de
la pension serait basé sur la somme des traitements."
(Amendement repoussé par 323 voix contre
230)
Nous arrivons à un
paragraphe additionnel de M. Chavoix, ainsi conçu :
"Les demande de pension devront
être, sous peine de forclusion, formées dans un délai
d'un an après la promulgation de la présente loi"
M. Chavoix : Je crois savoir que la commission ne fait pas d'opposition à l'adoption de mon amendement.
M. Aristide Briand, rapporteur : Parfaitement
M. Chavoix : dans ces conditions, je n'insiste pas autrement pour le soutenir.
M. le ministre de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes : Le Gouvernement accepte l'amendement. La disposition proposée par M. Chavoix aurait pu être insérée dans un règlement d'administration publique ; mais il n'y a pas d'inconvénient à ce qu'elle figure dans la loi.
M. le président : Je mets aux voix
le paragraphe additionnel de M. Chavoix. (le paragraphe additionnel est
adopté)
MM. Louis Lacombe et Balitrand
ont déposé un paragraphe additionnel ainsi conçu :
"Les sommes rendues disponibles
sur le budget des cultes supprimé et après payement des pensions
susvisées, seront employées à l'attribution aux communes,
à due concurrence, du principal de l'impôt foncier sur la
propriété non bâtie."
Mais, d'accord avec les auteurs
de l'amendement, nous pourrions renvoyer ce texte, s'il n'y a pas d'opposition,
à la discussion ultérieure des dispositions analogues ? (Assentiment.)
Il en est ainsi décidé.
Je mets aux voix l'ensemble
de l'article 9
(L'ensemble de l'article 9,
mis aux voix est adopté.)
Nous arrivons à l'article
10.
TITRE III
DES ÉDIFICES
DES CULTES
"Les
édifices antérieurs au Concordat, servant à
l'exercice des cultes ou au logement de leurs ministres , cathédrales,
églises, chapelles de secours, temples, synagogues, archevêchés,
évêchés, presbytères, séminaires, ainsi
que leur dépendances immobilières, et les objets mobiliers
qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été
remis aux cultes, sont et demeurent propriétés de l'État,
des départements, des communes. qui devront en laisser la jouissance
gratuite, pendant deux années à partir de la présente
loi, aux établissements ecclésiastiques puis aux associations
formées pour l'exercice du culte dans les anciennes circonscriptions
des établissements ecclésiastiques supprimés et aux
quelles les biens de ces établissements auront été
attribués.
L'État, les départements
et les communes seront soumis à la même obligation en ce qui
concerne les édifices postérieurs au Concordat dont ils seraient
propriétaire, y compris les faculté de théologie protestante."
Il
y a sur cet article, un certain nombre d'amendements.
Le premier est présenté
par MM. Allard, Vaillant, Dejeante, Bouvert, Chavière, Paul Constans
(Allier), Jules Coutant (Seine), Delory, Jacques Dufour, Piger, Marcel
sembat, Thivrier et Walter. Il tend à remplacer les articles 10
à 15 par l'article suivant :
"A partir de la promulgation
de la présente loi, les édifices et immeubles appartenant
à l'État, aux département ou aux communes et servant
actuellement au service des cultes ou au logement de leurs ministres, sont
désaffectés de plein droit.
"L'État, les départements
ou les communes rentrent en pleine possession et jouissance de ces biens,
ainsi que des objets mobiliers qui les garnissent.
"Il leur est interdit de les
vendre ou de les concéder à titre gratuit aux associations
formées pour l'exercice du culte. Mais ils peuvent les louer en
tout ou en partie, séparément ou simultanément, aux
associations formées pour l'exercice d'un culte ou à tout
individu exerçant un culte. (Mouvements divers.)
"Toute location dans
un but religieux ne pourra être faite que pour une durée maximum
de cinq ans. Le prix de cette location ne pourra être inférieur
à 5 p. 100 de la valeur de l'immeuble. Le minimum du prix de toute
location partielle sera calculée sur le même taux."
M. Le comte de Lanjuinais : Qu'est-ce que
vaut Notre-Dame ? (Rires à droite et au centre)
...
M. le président : Je mets aux voix
l'amendement de M. Allard et ses collègues, réduit à
ses trois premiers paragraphes ; il est repoussé par le Gouvernement
et la commission.
...
(Il est également repoussé par
la Chambre par 475 voix contre 98 ; MM. Vaillant et quelques uns de ses
amis ayant déposé un autre amendement semblable, ne croient
pas utile de le soumettre à une discussion et a un vote ; ils le
retirent.)
Il y a sur le même article,
un amendement de M. Dansette, ainsi conçu:
"Les édifices antérieurs
ou postérieurs au Concordat, servant à l'exercice des cultes
ou au logement de leurs ministres : cathédrales, églises,
chapelles de secours, temples, synagogues, archevêchés, évêchés,
presbytères, séminaires, ainsi que leurs dépendances
immobilières et les objets mobiliers qui les garnissent au moment
où lesdits édifices ont été mis à la
disposition des cultes, sont par la présente loi transférés
en toute propriété aux associations cultuelles dont la formation
est prévue au chapitre IV, les droits de l'État demeurant
réservés en ce qui concerne ceux de ces monuments qui sont
ou seront classés par la suite monuments historiques."
M. Jules Dansette
:
...
Si vous étiez
vraiment des libéraux, si vous vouliez des solutions d'apaisement,
vous ne perdiez pas votre temps en longues discussions juridiques ; vous
reconnaîtriez que pour résoudre ce grave problème que
vous avez imprudemment soulevé, il suffit d'un peu de libéralisme,
de bon sens et d'équité.
M. Paul Constans : Il faudrait définir ce qu'est le libéralisme.
M. Jules Dansette : Le libéralisme,
c'est le respect du droit, de l'équité et du sentiment public.
(Applaudissements
à droite) Les églises ont été bâties
dans un but déterminé, exclusif, qu'il s'agisse des églises
romanes, construites par des artistes anonymes, hantés par les terreurs
de l'an mil, que l'on soit en présence des cathédrales gothiques
... qu'il s'agisse des églises modernes où s'affirment
l'esprit compliqué et l'impuissance de nos architectes modernes,
elles résument dans leurs murs la mentalité des âges
disparus, elles sont un lambeau de notre histoire nationale ; ...
Un gouvernement se grandit lui-même à respecter ces choses
nobles. La politique n'est pas une science de formules et de vérité
mathématiques ; elle est faite par des hommes et pour des hommes,
elle a le devoir de tenir compte du sentiment public même lorsque,
comme c'est le cas aujourd'hui, les gouvernants estiment que ce sentiment
ne repose que sur des erreurs et des préjugés.
...
(Amendement repoussé par 335 voix contre
186)
M. le président: Nous arrivons à
l'amendement de M. Augagneur, qui tend à remplacer les articles
10, 11 et 12 par un nouveau texte.
Je donne lecture de l'article
10 proposé par M. Augagneur :
"Il est fait donation par
l'État, les départements et les communes, aux établissements
ecclésiastiques et aux associations à eux substituées,
telles qu'elles sont désignées et instituées par le
titre IV de la présente loi, des établissements servant exclusivement
à l'exercice des cultes : cathédrales, églises, chapelles
de secours, temples et synagogues, propriétés de l'État,
des départements et des communes, soit antérieurement à
la promulgation du concordat, soit postérieurement à cette
promulgation.
"Les archevêchés,
évêchés, presbytères, séminaires et leurs
dépendances immobilières sont remis en possession de l'État,
des départements ou des communes dont ils sont la propriété.
"Les dépendances mobilières
des établissements religieux consacrés ou non aux cultes
sont attribuées, en toute propriété, aux associations
susnommées."
M. Victor
Augagneur : ...
Mon amendement tendait
à un double but : supprimer toute dépense pour les communes
; la donation y pourvoyait ; empêcher l'éclosion des questions
politiques communales relatives à la location ou à l'aliénation
des édifices du culte.
...
Je veux rester avec
la minorité qui a voté contre certaines dispositions de l'article
4, avec la majorité républicaine qui, hier, m'a fait l'honneur
de me suivre sur la question des pensions ; c'est pour cela, messieurs,
que je retire mon amendement. je ne veux pas aller contre l'opinion générale
de mes amis et de mon parti, parce que je crois que déjà,
dans trop de circonstances, la droite de cette Assemblée a joué
un rôle trop prépondérant dans la question de la séparation
des Églises et de l'État. (Applaudissements à l'extrême
gauche)
M. le rapporteur : ...
Ce que je retiens des explications
de l'honorable M. Augagneur, c'est qu'il n'admet pas le système
de la commission, c'est-à-dire la location limitée des édifices
religieux.
En l'adoptant la commission
avait cru pourtant se faire l'interprète des désirs de la
majorité républicaine. M. Augagneur a critiqué ce
système avec une telle véhémence qu'il n'en reste
presque plus rien. De sorte que, tout en retirant son amendement, il n'en
a pas moins conclu, au profit des associations cultuelles, pour la jouissance
illimitée et gratuite des édifices religieux. (Très
bien ! très bien ! sur divers bancs.)
...
M. Lasies : Je reprends l'amendement de
M. Augagneur. (Exclamations ironiques à l'extrême gauche.)
Entre bonapartistes on peut bien se permettre ces procédé-là.
(On
rit.)
...
(L'amendement est repoussé par 307
voix contre 13)
...
M. le président : Nous en arrivons
à un amendement présenté par M. Étienne Flandin
et ainsi conçu :
"L'État, les départements
et les communes, propriétaires des édifices servant à
l'exercice des cultes, en concéderont la jouissance aux associations
cultuelles par baux emphytéotiques consentis pour une durée
de quatre-vingt-dix-neuf ans, moyennant un loyer annuel de 1 franc.
"Ces baux soumettront les
associations au payement des charges, contributions et réparations
de toute nature prévues par la loi du 25 juin 1902, sous réserve
des droits et obligations résultant pour l'État de la loi
du 30 mars 1887 sur la protection des monuments historiques."
M. Étienne
Flandin (Yonne) :...
Vous savez tous, messieurs,
quelle est la portée du bail emphytéotique. C'est un bail
consenti pour une durée sensiblement plus longue que la durée
des baux ordinaires, jusqu'à concurrence de quatre-vingt-dix-neuf
ans, moyennant une redevance très modique, affectant le caractère
d'une quasi libéralité. Il entraîne pour l'emphytéote
ou preneur un droit de jouissance exceptionnellement étendu ; mais
s'il lui assure ce droit de jouissance, il lui impose, en retour, des charges
très lourdes, des obligations que ne supportent pas les preneurs
ordinaires ; il est tenu des grosses réparations, de toutes les
réparations et, s'il fait des travaux d'amélioration, ce
sera le propriétaire qui en bénéficiera sans indemnité,
à l'époque lointaine où le bail prendra fin..
Vous saisissez immédiatement,
messieurs, combien, en réalité, une semblable situation serait
avantageuses pour nos communes. ...
A l'heure actuelle,
messieurs, la question qui tient les plus étroitement au cœur de
ces masses religieuses, la question, qui, je puis vous le dire, les angoisse
profondément, c'est celle que vous discutez en ce moment, c'est
la question des édifices du culte. Vous pouvez demander aux croyants
tous les sacrifices, hormis un seul, hormis celui de la vieille église
qui à leurs yeux se confond avec la foi. (Applaudissements au
centre et à droite.)
Vous ne la leur arracherez
pas sans risquer de les détacher violemment de la République.
J'en sais même beaucoup, parmi ceux qui depuis longtemps ont désappris
le chemin de l'église, qui ne verraient pas sans un sentiment pénible
troubler des habitudes séculaires et profondément respectables.
La révolution a commis
la lourde faute de ne pas les respecter. C'est pour cela que le régime
de la séparation des Églises et de l'État, qui aurait
dû consacrer dans ce pays l'affermissement de la liberté religieuse,
n'a pas su se maintenir en France, alors qu'il est accepté sans
la moindre protestation dans le Nouveau-Monde. C'est qu'au-delà
de l'Atlantique, la séparation des Églises et de l'État
n'est pas l'hostilité de l'État, c'est la neutralité
bienveillante de l'État. (Très bien ! très bien
! au centre.)
C'est une mesure d'émancipation
laïque, ce n'est pas je ne sais quelle croisade anticonfessionnelle.
(Très bien ! très bien ! )
Inspirez-vous, messieurs,
de la même d'idées, de la même largeur de libéralisme,
et vous produirez dans ce pays le même résultat d'apaisement
à une heure où jamais peut-être l'union de tous les
Français n'a été plus utile et plus nécessaire.
(Vifs applaudissements sur un grand nombre de bancs.)
Est-ce donc si difficile,
mes chers collègues ?
...
M. le ministre des cultes : ... Je crois
que le vote de l'amendement de M. Flandin produirait dans les communes
un effet absolument contraire à celui qu'il attend. (Très
bien ! très bien ! à gauche.)
...
Le Gouvernement demande donc
le rejet de l'amendement (Applaudissements à gauche.)
...
(L'amendement est adopté par 295 voix
contre 276. Il est renvoyé à la commission. La suite de la
discussion est, elle, renvoyée à
une prochaine séance.)
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3