Louis Méjan (1874-1955)

    Dès la publication, en octobre 1904, du projet de loi sur la Séparation du Président Combes, il provoqua, inaugura et soutint, avec son frère, le Pasteur Méjan, la campagne du "Siècle" pour un régime de liberté religieuse; il s'intéressa également à la campagne parallèle des Cahiers de la Quinzaine,    

    Il est l'auteur de la partie juridique du rapport de Briand sur le projet de la Commission de Séparation qui servit de bases aux délibérations de la Chambre (mars 1905)

    Il fut le collaborateur quotidien de Briand pendant les débats.
    C'est lui qui corrigeait, de nuit, au Journal Officiel, les discours et interventions du rapporteur.

    Nommé le 11 décembre 1905 secrétaire-adjoint de la Commission extraparlementaire, il sera chargée d'élaborer les règlements d'administration publique.

    Dès la constitution du ministère Sarrien, il fut nommé, le 14 mars 1906, chef de Cabinet de Briand pour les Cultes, fonctions qu'il partagea alors avec Théodore Tissier.  Ce dernier avait été choisi comme Chef de Cabinet par Bienvenu-Martin, dans le précédent ministère Rouvier et Briand le garda à son poste jusqu'au départ de Dumay de la Direction des Cultes. Tissier occupa durant quelques mois, le poste plus important qui lui revenait de directeur des Cultes avant d'être nommé, en mars 1907, directeur du Contentieux au Ministère de la Guerre. Grunebaum-Ballin entra dans le cabinet Briand au départ de Louis Méjan lorsque celui-ci fut nommé directeur te  des Cultes.

    Il est l'auteur de la circulaire fondamentale aux préfets du 1er décembre 1906 et de plusieurs autres (3 février 1907, 2 juillet 1908 ... )

    Il sera en contacts secrets et continus avec des évêques pour une entente pratique officieuse. Exemple pittoresque: la manifestation triomphale en faveur du cardinal Richard, lors de son installation chez Denys Cochin qui fut organisée dans tous ses détails après accord.

    Chargé le 12 mars 1907 de la direction des Services de l'administration autonome des Cultes dont il assura la liquidation jusqu'en 1911 Louis Méjan continua, dans l'exercice de ces fonctions, l'œuvre de pacification religieuse à laquelle il s'était attelé par patriotisme,

    Il voulu l'apaisement au sujet des "inventaires". Dès son installation à la rue de Bellechasse, Louis Méjan donna des instructions précises pour que tout se fasse en accord avec le clergé; l'agitation cessa alors rapidement et il en fut félicité par le président  Fallières  notamment .

    Il fit de multiples interventions auprès du Garde des Sceaux pour faire hâter et surveiller les opérations de liquidations des congrégations religieuses, en application des lois de 1901 et 1904. Il est l'auteur du apport du 29 mai 1907 pour la réforme de la procédure de liquidation qui aboutit au projet de loi renvoyé le 18 février 1908 â la Commission de la réforme judiciaire et de la législation.

 Il favorisa, par tous les moyens possibles la constitution d'association diocésaines (tentative du cardinal Lécot à Bordeaux, etc ... ) et s'efforça de les faire agréer tant par notre législation (projets de modifications de la loi) que par le Vatican. Il collabora à l'élaboration de la "loi de 1907" d'inspiration libérale.

    Il repoussa les suggestions (émanant pourtant d'ecclésiastique) d'associations cultuelles entièrement laïques. Refusa de collaborer à l'entreprise des Houx (Durand-Morimbeau) de la "Ligue des catholiques de France", appuyée pourtant par d'autres proches conseillers de Briand et encouragée par le ministère. Il insista auprès de Briand hésitant pour qu'aucune attribution de biens ne fût faite à ces associations schismatiques; il refusa de donner aux préfets des instructions qui leur fussent favorables. En cette période où Briand était assiégé par les requêtes anticléricales et anticatholiques et déçu d'autre part de la politique pontificale, l'action de Louis Méjan fut décisive, découragea les schismes et suscita, par un retournement du Conseil d'État, une jurisprudence dont les successeurs de Pie X firent état pour justifier leur attitude.

    Il s'opposa, victorieusement à un projet prévoyant la déchéance de la qualité de Français pour les ministres des Cultes "investis par une autorité ecclésiastique établie à l'étranger qui auraient contrevenu aux lois françaises relatives au régime des Cultes ou déterminé d'autres personne à contrevenir à ces lois".

    Ils'opposa, entre autres, à la suppression des églises et institutions de Saint-Louis-des-Français de Rome, de Madrid et de Moscou. La situation administrative de ces trois établissements d'importance diplomatique  fut régularise à la suite de tractations secrètes avec le Vatican.

    Il veilla, à faire identifier une à une toutes les fondations de messes, si petites fussent-elles, afin de pouvoir un jour leur restituer avec précision leur véritable objet. De même, dans les avis qu'il donna aux préfets, il s'efforça de faire attribuer les grands immeubles (évêchés, séminaires, etc...) selon une affectation qui permettrait à  une loi nouvelle de les rendre disponibles sans difficulté. Il en  parla à Denys Cochin pour le séminaire de  Saint-Sulpice et, pendant longtemps, l'immeuble demeura sans occupation utile.

    Il encouragea, par tous les moyens, la création de caisses de secours mutuels pour le prêtres âgés et infirmes. L'amendement Lemire fut proposé après  entente.

    Il obtint du Conseil d'État l'établissement de rapports juridiques entre les associations cultuelles, celles de droit commun et celles reconnues d'utilité publique. Cette jurisprudence permettait aux associations cultuelles de contenir des dispositions relatives à une organisation de bienfaisance. Louis Méjan désapprouvait l'étroitesse du néologisme "cultuelles" Dès 1904 (enquête du "Siècle") il réclama avec son frère le droit pour les Églises de s'occuper d'oeuvres et notamment d'exercer la charité. Il établit par la suite un projet de reconnaissance d'utilité publique des associations cultuelles.

    A la date du 9 août  1911, l'état des décrets d'attribution de biens signés du Ministre portait 24 191 attributions. Au contraire de la liquidation scandaleuse des biens des congrégations religieuses dont il ne put réformer en temps voulu la procédure, il est à noter que Louis Méjan réussit à appliquer la législation nouvelle sans abus, sans conflits, sans qu'aucun pourvoi eût été formé devant le Conseil d'État au sujet de cette gestion exceptionnelle. L'exécution de la loi fut un travail sans précédent puisqu'il fallut dévoluer rapidement, et dans une opération administrative effectuée tout entière à la Direction des Cultes des milliers de biens. Pour diminuer le nombre de signatures du Président de République, des décrets "collectifs" furent, pour la première fois, institués.

    Cette redoutable tâche fut accomplie en silence et dans l'ombre (Louis Méjan, contrairement à d'autres personnalités, a toujours évité les manifestations personnelles de son oeuvre ),.En 1911, refusant de collaborer à la politique anticléricale agressive de Malvy, Louis Méjan proposa à Caillaux  de supprimer la Direction indépendante, encore dotée d'un budget autonome et dont les Services ne correspondaient plus aux réalités administratives. Il fut nommé "Directeur honoraire des Cultes" - le dernier.  La  Direction fut supprimée et remplacée par un seul Service;  c'est la situation actuelle.

    Louis Méjan accepta alors de Poincaré, pour une opération administrative  et politique limitée, la préfecture d'Albi. Par son échange de visites avec Mgr  Mignot, à titre officiel, il manifesta sa conception des rapports de l'État avec  les Églises dont on devait, à ses yeux, reconnaître l'importance sociale  prépondérante. En 1912, il fut nommé directeur de l'imprimerie Nationale.

    Le tome II de l'ouvrage  du Chanoine Cordonnier sur "Mgr Fuzet"  (Beauchesne, 1950)  indique à la  page 298 le désir exprimé en août 1911 à Mgr Mignot (qui  en fit part à Mgr Fuzet ) par Louis Méjan d'un rapprochement avec le Vatican.   Engagé volontaire en 1914 il reçut sur l'Yser une lettre de Mgr Fuzet l'engageant, s' il revenait du combat, à prendre personnellement en main la réalisation d'un "Concordat de la Séparation" ; c'est là, semble-t-il, l'origine  de cette formule souvent reprise par la suite.

    L'étude du Chanoine de Lacger sur "Monseigneur Mignot" (Blond et Gay, 1933) relate, aux pages 131 et 132  les négociations de 1916 opérées à Rome même par Briand, Mgr Mignot et Louis Méjan; ce dernier eut alors une entrevue à ce sujet avec le Cardinal Secrétaire d'État.  Elle avait été préparée par Noblemaire et aboutit à la nomination de Charles Loiseau  comme agent de liaison officieux. En contacts avec Loiseau et Noblemaire, Louis Méjan travailla dès lors activement au rétablissement de l'ambassade, à l'élaboration du rapport à la Chambre (22 juillet 1920) de son ami Noblemaire et à son adoption.

    De 1920 à 1922, il eut une correspondance suivie avec Mgr Chapon et Briand pour la reprise des relations diplomatiques et pour un accord avec le Saint-Siège en vue de la constitution d'associations canonico-légales. En janvier 1922, Mgr Chapon lui écrit avoir dit à Mgr Ceretti "ce que devait (à L.M,) l'Église de France et ce qu'il avait fait pour maintenir ses libertés et les défendre,"

    Le 29 mars 1925, Louis Méjan écrit au sénateur A. de Monzie, au sujet des relations avec le Vatican : "Ensuite viendrait l'exécution d'un plan que je vous soumettrai et qui tendrait  vers un régime judicieux et stable de laïcité vraie pour une législation des Cultes améliorée et complétée, conforme au principe de liberté  ..."  Il y pensait constamment et se préparait en secret pour cette oeuvre qu'il aurait voulu accomplir la refonte générale dans un sens libéral de toutes nos lois sur les associations, les congrégations et les cultes. Cette action aurait permis, dans sa pensée de "mettre  la France à sa place de conductrice en ces matières qui touchent au domaine de la conscience et de la foi, comme elle l'a été par les lois civiles avec le Code de Napoléon." Cette action eut placé définitivement les Églises à l'abri des menées sectaires et des incertitudes politiques tout en élargissant le cadre de leurs activités. 

    Il fit des interventions au Sénat et  dans la  presse, en 1926, pour  le patrimoine des associations diocésaines. C'est ainsi qu'un un agent de change notera, dans son commentaire  sur la situation financière : "La Bourse a  été a suspendue cette semaine au sort des articles 70 et 71 de la loi des Finances. La réalisation de ces dispositions donnant satisfaction à de grands courants d'opinions différentes n'auraient pas été possible sans la prévoyance et la ténacité d'un homme: n'appartenant pas à la religion catholique mais qui, avec une grande indépendance d'esprit et une profonde psychologie, s'était rendu compte, au mornent de la loi de Séparation, qu'un terrain d'entente serait aménagé un jour entre les pouvoirs publics et les représentants du culte catholique.  Aussi, chargé à cette époque de la dévolution des biens des fondations, ce personnage a tenu à ce que les origines des deniers fussent  mentionnés sur les inscriptions de rentes. Sans cette précaution , il serait impossible d'assurer aujourd'hui des restitutions qui, en étouffant des ressentiments , rétabliront peut-être la paix religieuse entre les Français ..." Louis Méjan qui est nommé dans cette note trop longue pour être copiée en entier obtint l'exonération  d'impôts pour la dévolution aux associations cultuelles des biens irréguliers conservés par  dévers des personnes privées (question écrite du sénateur Méjan,   J.O., du 28 mai 1926).