Ministère de l'instruction publique, des beaux-arts et des
cultes.
Circulaire relative à l'attribution de la jouissance des
édifices affectés à l'exercice du culte. (Loi du 2
janvier 1907.)
Paris, le 3 février 1907.
Il résulte de la loi du 2 janvier 1907 que,
si, avant l'expiration du délai fixé par l'article 4 de la
loi du 9 décembre 1905, les établissements publics du culte
n'ont pas été remplacés par des associations cultuelles
aptes à recevoir leurs biens et, par voie de conséquence,
à réclamer la propriété ou la jouissance des
édifices affectés à l'exercice du culte, néanmoins
ces édifices, ainsi que les meubles les garnissant, "continueront,
sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre
1905, à être laissés à la disposition des fidèles
et au ministres du culte pour la pratique de leur religion ".
Cette disposition fondamentale a été
Inscrite dans le premier paragraphe de l'article 5 en vue d'assurer même
à défaut d'associations cultuelles, le libre exercice des
cultes, que la République, par la loi de séparation des Églises
et de l'État, s'est engagée à garantir.
Mais les ministres du culte, comme les fidèles,
seront de simples occupants sans titre juridique et ils n'auront qu'une
possession de fait tant qu'il n'aura. pas été procédé
à une attribution de la jouissance des édifices religieux
dans les conditions et suivant les formes déterminées par
les paragraphes 2 et 3 du même article.
Aux termes du, second paragraphe la jouissance de
ces édifices peut être accordée soit à des associations
constituées conformément aux prescriptions spéciales
de la loi du 9 décembre 1905, soit à des associations de
droit commun formées en vertu de la loi du 1er juillet 1901 pour
assurer la continuation de l'exercice public du culte, soit même
aux ministres du culte pris à titre individuel.
La jouissance ainsi attribuée est nécessairement
gratuite, d'après le second paragraphe de l'article 5 de la loi
du 2 janvier 1907, pour les associations ou les ministres du culte, auxquels
elle est accordée; mais, suivant le troisième paragraphe,
cette gratuité a pour contrepartie l'obligation pour les attributaires
de supporter les charges énoncées par l'article 13 de la
loi du 9 décembre 1905, c'est-à-dire " les réparations
de toute nature, ainsi que les frais d'assurance et autres charges afférentes
aux édifices et aux meubles les garnissant ".
C'est au moyen d'un acte administratif dressé
par le préfet ou le maire, suivant les cas, que la jouissance des
édifices du culte sera attribuée.
Il ne s'agit pas, bien entendu, d'un simple procès
verbal administratif d'entrée en jouissance comparable à
celui qui a été prévu par l'article 27 du décret
du 16 mars 1906.
Il ne. s'agit pas davantage d'un acte unilatéral
de puissance publique, tel que les permissions délivrées
par les préfets et les maires pour l'occupation temporaire de dépendances
du domaine publie, car si les églises et chapelles faisaient partie
du domaine public avant la loi du 9 décembre 1905, elles ont, par
l'effet même de cette loi qui a enlevé aux cultes antérieurement
reconnus leur caractère de service public, passé dans le
domaine privé de l'État et des communes. Dès lors
c'est un contrat synallagmatique qui doit être conclu entre le maire
ou le préfet, agissant au nom de la commune ou de l'État,
et l'association ou le ministre du culte; mais le législateur a
voulu que les parties contractantes ne fussent ni obligées de recourir
au ministère d'un notaire, ni réduites à un simple
acte sous seings privés, et c'est pourquoi il a décidé
que l'acte d'attribution serait passé en la forme administrative.
L'acte administratif qui sera ainsi dressé aura tous les avantages
comme toute la valeur d'un acte authentique.
Les maires ne sont légalement aptes, d'après
les principes généraux de notre législation municipale,
à passer de tels actes au nom des communes qu'après y avoir
été habilités par les conseils municipaux; en d'autres
termes, ils ne peuvent procéder valablement que comme agents d'exécution
des décisions des assemblés communales. C'est ce qui résulte
de la nature des actes à intervenir et c'est d'ailleurs ce qui a
été formellement déclaré au cours des travaux
préparatoires de la loi du 2 janvier 1907. Tout acte portant attribution
de la jouissance d'une église ou chapelle communale sans délibération
préalable du conseil municipal serait destitué de toute valeur
juridique.
Faut-il, en outre, que l'administration supérieure
approuve les délibérations prises par les conseils municipaux
en cette matière?
Les travaux préparatoires de la loi du 2
janvier 1907 établissent que le législateur a entendu assimiler,
en principe, à des baux les actes ayant pour objet l'attribution
de la jouissance des églises et chapelles. Il convient, par conséquent,
d'appliquer les dispositions combinées des articles 6l et 68 de
la loi du 5 avril 1884, selon lesquelles les délibérations
fixant les conditions des baux de biens communaux ne sont exécutoires
par elles-mêmes que si la durée du contrat n'est pas supérieure
à dix-huit ans; pour les baux de plus de dix-huit ans les délibérations
doivent être soumises à l'approbation de l'autorité
supérieure et cette approbation, d'après l'article 69 de
la même loi, est donnée par le préfet statuant en conseil
de préfecture.
Investis par les conseils municipaux des pouvoirs
nécessaires, et sous réserve, dans le cas où la durée
du contrat excéderait dix-huit ans de l'approbation préfectorale,
les maires sont entièrement libres d'arrêter, d'accord avec
les associations ou les ministres du culte, les termes des actes portant
attribution de la jouissance d'une église ou d'une chapelle, pourvu
que dans ces contrats il ne soit introduit, soit dans l'intérêt
des associations ou des ministres du culte, soit dans celui des communes,
aucune clause contraire à la légalité. Seraient nulles
de plein droit, aux termes de l'article 63 de la loi du 5 avril 1884 les
délibérations qui autoriseraient les maires à traiter
dans des conditions illégales et les actes d'attribution passés
en vertu de ces délibérations seraient eux-mêmes frappés
de nullité.
Or, il est essentiel de noter que, si ces actes
sont, en principe, assimilables aux baux, la loi du 2 janvier 1907 déroge
formellement, sur plusieurs points, à la législation générale
en matière de louage.
D'après le droit commun, le preneur a la
faculté, à moins de stipulation contraire, de céder
son bail à un tiers. Si ce droit de cession peut être admis
en ce qui touche la jouissance des églises et chapelles communales,
c'est à la condition d'en subordonner l'exercice à l'adhésion
du maire, qui, d'après l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907,
ne saurait traiter qu'avec un ministre du culte, dont le nom a fait l'objet
d'une déclaration préalable.
Au surplus, il est légalement possible d'assurer
par avance la jouissance d une église ou d'une chapelle, pendant
une durée déterminée, à la série des
curés ou desservants qui se succéderont pendant cette période;
il suffit, à cet effet, que le contrat soit passé au nom
d'une association qui, depuis la loi du 2 janvier 1907, n'est plus obligée
de satisfaire aux prescriptions spéciales de la loi du 9 décembre
1905 et peut se créer, s'organiser et fonctionner conformément
au droit commun, tel qu'il est formulé par la loi du 1er juillet
1901.
Le preneur, d'après les principes généraux
du louage, a un loyer à payer et il n'est tenu, en revanche, que
des réparations dites locatives. Conformément à ce
qui a été expliqué plus haut, l'attribution de la
jouissance des édifices religieux, suivant la loi du 2 janvier 1907,
ne peul être accordée qu'à titre purement gratuit et
elle entraîne nécessairement pour l'attributaire, qu'il s'agisse
d'une association ou d'un ministre du culte, l'obligation de supporter
les réparations de toute nature. Tout bail qui imposerait un loyer
à l'attributaire ou qui, au contraire, l'exonérerait explicitement
ou implicitement d'une des charges prévues par ladite loi, serait
entaché d'illégalité.
Il n'y a aucun obstacle à ce que les parties
contractantes, usant de leur droit de rédiger comme il leur convient
le contrat d'attribution pourvu qu'elles ne sortent pas de la légalité,
constatent et précisent la situation au point de vue ecclésiastique,
du ministre du culte, qui est destiné à jouir de l'église,
ainsi que les pouvoirs qu'il tient de ses supérieurs hiérarchiques.
De telles indications, loin d'avoir un caractère illégal,
concordent avec le vœu de la loi. attendu que, jusqu'à désaffectation
régulière, les édifices doivent rester affectés
non pas à un culte quelconque, mais au culte auquel ils étaient
consacrés avant la séparation. Par conséquent, lorsqu'un
acte sera passé par un maire avec un ministre du culte, rien ne
s'opposera à ce qu'il y soit mentionné que ce dernier agit
avec l'autorisation de ses supérieurs hiérarchiques et, par
exemple, s'il s'agit d'un curé ou desservant, qu'il a été
habilité par l'évêque diocésain à traiter
en ladite qualité.
Mais dès lors que l'évêque diocésain
n'est pas partie à l'acte, il ne saurait être appelé
à donner après coup un consentement qui aurait le caractère
d'une homologation; un tel rôle ne peul être rempli que par
les dépositaires de l'autorité publique. Il est inadmissible,
d'ailleurs, que le maire soit lié par la signature sans que le curé
le soit par la sienne. Si le curé ou desservant, après s'être
entendu avec le maire sur les termes de l'acte, veut avant s'engager définitivement
en référer à son supérieur, il n'aura qu'à
demander à cet effet un délai, à l'expiration duquel
les signatures seront échangées.
La jouissance, résultant de l'acte d'attribution,
est soumise aux causes de résiliation indiquées dans l'article
13 de la loi du 9 décembre 1905 ; mais il va de soi que le Gouvernement
n'a pas à intervenir pour prononcer le retrait de jouissance comme
s'il s'agissait d'un édifice laissé par application du même
article et sans contrat, à la disposition d'une association cultuelle.
Si les circonstances susceptibles d'après l'article 13, de faire
cesser la jouissance viennent à se produire, le contrat se trouvera
résolu de plein droit, sauf aux parties, si elles sont en désaccord,
à faire trancher leur différend par les tribunaux.
L'article 13 porte notamment que la jouissance prendra
fin si "l'association cesse de remplir son objet ", Cette disposition sera
sans application, dans les termes mêmes on elle est conçue,
au cas où la jouissance d'une église ou chapelle aura été
attribuée à un ministre du culte agissant à titre
individuel. Mais par analogie on pourra. inscrire dans le contrat une clause
spécifiant que si le ministre du culte, par suite de la. perte de
sa qualité, cesse de pouvoir exercer son ministère dans des
conditions conformes à la destination de l'édifice dont il
obtient la. jouissance, le contrat sera résolu. D'ailleurs si une
telle clause de résiliation n'était pas expressément
formulée dans l'acte, elle serait nécessairement sous-entendue;
l'une des conditions essentielles de l'attribution de jouissance ne saurait,
on effet, cesser d'être remplie sans que la rupture du contrat s'ensuive.
Les difficultés, auxquelles pourra donner
lieu l'application de ce motif particulier de résiliation, seront,
conformément à l'indication générale donnée
ci-dessus, du ressort des tribunaux. Les observations, qui viennent d'être
présentées au sujet des clauses qui peuvent ou non être
introduites dans les actes portant attribution par les maires de la jouissance
des églises et chapelles communales, s'appliquent aux actes que
vous aurez à passer soit pour les édifices qui appartiennent
à l'État, soit pour ceux qui, ayant appartenu aux établissements
ecclésiastiques supprimés, sont placés sous séquestre.
Vous devrez, d'ailleurs, pour la conclusion de ces
contrats, procéder avec l'assistance de l'administration des domaines,
à laquelle M. le ministre des finances adressera les instructions
nécessaires.
Je vous prie de m'accuser réception de la
présente circulaire et de la. porter de toute urgence à la
connaIssance do MM. les maires.
ARISTIDE BRIAND