Publié dans le Temps des 21 et 22 juillet 1906
Au moment où l'Église catholique se prépare à réorganiser ses fabriques et diocèses sous les formes légales d'associations cultuelles, il est particulièr-ement important de donner aux intéressés un commentaire autorisé de la loi de séparation et du règlement d'administration publique.
Nous avons pu nous procurer un document qui doit faire autorité en la matière : le rapport présenté au Conseil d'État par M. le conseiller Saisset-Schneider à l'appui du dernier règlement d'administration publique.
Le rapport de M. SAISSET-SCHNEIDER
l'Église et l'État après la séparation
Avec la loi de 1905, nous entrons dans un régime absolument nouveau. La sujétion a cessé pour l'Église en même temps que le privilège, et elle se trouve tout ensemble dépossédée et libérée. Ainsi, plus de situation protocolaire du clergé, plus de traitements ecclésiastiques, plus de fonctionnaires religieux. Les ministres du cultes sont devenus de simples citoyens, l'accomplissement de leur ministère n'a plus rien d'officiel, les temples n'abritent plus de religion d'État. La tutelle administrative sur la gestion temporelle du culte disparaît en même temps que les établissements qui en subissaient l'exercice.
Plus d'appel comme d'abus; plus de mesures disciplinaires contre le clergé, plus de liturgie obligatoire. Dans le choix des évêques, plus de participation et encore moins d'initiative du gouvernement; plus d'agrément dans la nomination des curés. Les actes et les écrits du Saint-Siège ne seront pas soumis à l'enre-gistrement du Conseil d'État. Choisis librement par l'Église, les ministres du culte sont également libre dans leurs rapports avec le chef de l'Église. Et si le gallicanisme persiste comme tradition nationale et souvenir historique, il n'est plus un principe de gouvernement.
Dans cette transformation profonde apparaît un organisme nouveau : l'association cultuelle.
Les associations cultuelles
Vous savez, messieurs, que la loi sur la liberté d'association avait été considérée comme la préface nécessaire d'une loi sur la séparation des Églises et de l'État. Aujourd'hui, l'œuvre est consommée : et ce sont les principes posés dans la loi du 1er juillet 1901 qui servent de fondement au nouveau régime des Églises, institué par la loi du 9 décembre 1905. L'association cultuelle, c'est le groupe de fidèles qui se charge dans une circonscription de la gestion des intérêts matériels et moraux de l'Église, et cette association n'est pas autre chose que l'association déclarée de la loi de 1901, soumise aux règles générales du titre 1er de cette loi, et en outre à certaines conditions spéciales de la loi de 1905 à raison de son objet particulier.
Héritière des établissements supprimés, c'est à elle qu'il appartient de continuer la mission des anciennes Églises reconnues par l'État, de faire vivre la religion dans la liberté et dans la paix. Sans elle, il n'y aura pas de culte public; car la loi n'admet l'exercice du culte que par l'association cultuelle; et en même temps, l'association cultuelle n'aura d'autre objet que d'assurer le culte public.
La naissance, le fonctionnement de ces associations sont sans doute astreints à certaines règles, celles-ci ne peuvent être que des mesures de contrôle. C'est librement qu'elles se constitueront, c'est librement qu'elles détermi-neront leur organisation intérieure, l'étendue de leur action, c'est librement qu'elles fonction-neront sous la seule réserve de la vérification de leur gestion financière.
En résumé, ce régime nouveau est celui de la liberté de conscience et de la liberté des cultes dans toute leur plénitude, ainsi que le proclame la loi de séparation dans son article 1er. La liberté de conscience est garantie par les dispositions pénales édictées dans l'article 31. La liberté des cultes est accordée sans restriction aucune pour le culte privé, avec les seules restrictions exigées par l'ordre public. Sous le Concordat, l'exercice des cultes était soumis, notamment pour l'ouverture des églises, à l'autorisation préalable. Aujourd'hui, les articles 44 et 45 de la loi du 18 germinal an X, le décret du 22 décembre 1812 et celui du 19 mars 1859, l'article 294 du Code pénal sont abrogés. Le système répressif est le seul que comporte l'exercice d'une liberté publique. Il ne comprend que des déclarations préalables en cas de forma-tion d'association cultuelle, en cas de réunion pour la célébration du culte, et des sanctions pénales visant les abus éventuels.
Il est inutile d'insister d'avantage sur les caractères généraux de la séparation, qui vous sont bien connus. Passons à l'examen des mesures d'application conformes à ces principes qui composent le projet de règlement soumis à vos délibérations.
Les deux règlements d'administr-ation publique que vous avez déjà examinés concernent : l'un, l'inventaire des biens des établissements ecclésiastiques prévu par l'article 3 de la loi de 1905, et l'autre, les pensions et allocations accordées aux ministres des cultes antérieurement reconnus, par application de l'article 11 de la loi. Le règlement aujourd'hui soumis à votre approbation a une portée beaucoup plus étendue. Il comprend quatre parties, relatives 1° à l'attribution des biens des biens des établissements ecclésiastiques supprimés et à l'acquittement de leurs dettes; 2° aux édifices religieux anciennement affectés aux cultes reconnus et mis à disposition des associations cultuelles; 3° aux associations cultuelles; 4° à la police des cultes.
D'une manière générale, et sauf quelques exceptions, les dispositions contenues dans ces quatre parties du projet correspondent respectivement à celles des quatre titres II, III, IV et V. Sur ces quatre titres, il en est deux, le deuxième et le troisième, dont on peut dire qu'ils sont consacrés à la liquidation du passé concordataire. Les deux suivants, au contraire, tracent les règles propres du régime nouveau : pour les associations cultuelles d'une part; pour l'exercice public du culte et la police des cultes d'autre part.
Attribution des biens
Les établissements publics du culte sont supprimés; telle est la formule inscrite dans l'article 2 de la loi.
Le titre II (articles 3 à 10) détermine les conséquences de cette suppres-sion. Comme il s'agit d'une très vaste et très complexe liquidation, nous devrons vous exposer les idées générales dont s'est inspiré le législateur lorsqu'il en a déterminé les formes et conditions.
Quel est le caractère de la dévolution prévue par le titre II et des biens qui en font l'objet ? Vous l'avez déjà constaté incidemment lors de l'examen du décret de l'inventaire, promulgué le 29 décembre 1905. Ces biens constituent le patrimoine d'établissements publics supprimés; ce sont des biens sans maître. L'État ne les considère pas, néanmoins, comme étant à sa libre disposition parce qu'ils sont grevés d'une affectation déterminée. « Ils ont été constitués, dit M. Briand dans son rapport, pour le culte des fidèles, et doivent rester à la disposition des fidèles. » L'État entend donc respecter l'affectation de ces biens tant que subsistent les besoins auxquels correspond cette affectation.
Le principe du maintien des affectations des biens en cas de disparition d'une personne morale, d'un établissement public, par exemple, a été souvent consacré par notre législation et par les législations étrangères. Il a ici une importance capitale; il domine toute la matière de la liquidation des établissements publics du culte. Pour être fidèle à ce principe, la loi décide qu'aucune parcelle du patrimoine de ces établissements ne sera retenue par le fisc, qu'aucune perception fiscale ne pèsera sur la dévolution.
Les attributions prévues par les articles précédents, dit l'article 10 de la loi, ne donne lieu à aucune perception au profit du Trésor.
Tous les biens ayant une desti-nation cultuelle sont attribués à ces associations privées, appelées à succéder aux établissements publics, à assurer en lieu et place l'exercice du culte public. Toit ce qui a une affectation proprement cultuelle, à savoir, les dons et legs grevés de fondations pieuses, que les établissements ont recueillis depuis le Concordat, les ressources amassées grâce à l'excédent des recettes provenant de la célébration des cérémonies religieuses, tout cela revient aux associations cultuelles. Mais il va de soi que ce patrimoine important conserve, après l'attribution ainsi faite, son caractère particulier qui le distingue à bien des égards de la propriété privée. Son affectation spéciale, que l'État a respectée, doit être maintenue à l'avenir. « Les biens mobiliers et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux, etc. seront, avec toutes les charges et obligations qui les grèvent et avec leur affectation spéciale, transférés aux associations », dit l'article 4 de la loi. Ces biens demeurent indisponibles pour tout autre emploi que celui auquel ils étaient destinés, alors que les établissements ecclésiastiques les possédaient. L'article 5, § 2, de la loi porte qu'il ne pourront être aliénés qu'à charge de remploi au titres nominatifs. Et l'article 9, § 2, prévoit qu'en cas de dissolution d'une association attributaire, celle-ci ne dispose pas des biens attribués comme de son patrimoine propre; ils font l'objet d'une nouvelle attribution effectuée par décret.
Par qui l'attribution des biens
des établissements publics des cultes
est-elle opérée ?
Le législateur a ici dérogé à la règle ordinaire d'après laquelle, en cas de suppression d'un établissement public, le sort de se biens est réglé par décret.
C'est pour des motifs d'ordre politique exposés dans le rapport de M. Briand à la Chambre des députés que la loi a enlevé au gouvernement et à ses agents le rôle de liquidateur qui leur incombe en pareil cas et qu'elle confie aux représentants légaux des établissements ecclésiastiques le soin de faire l'attribution des biens. Ces représentants légaux sont ainsi investis, par une délégation directe de la puissance publique, d'un pouvoir propre, tout différent de celui qui leur était reconnu par la législation concordataire, sous l'empire de laquelle ils n'accomplissaient, et encore sous certaines autorisations, que des actes de gestion.
Les débats parlementaires confir-mant à maintes reprises qu'en déléguant aux représentants légaux des établissements ecclé-siastiques la liquidation de ces établissements, le législateur a réellement entendu leur donner une fonction d'ordre gouvernemental. D'ailleurs, cette interprétation résulte du texte même de la loi. Quand, en effet, les représentants légaux des établissements se refusent à accomplir la mission que l'article 4 leur attribue, le gouver-nement, auquel ils étaient substitués, reprend son rôle; et il procède par décret aux attributions de biens qui devraient être normalement faites par décisions des représentants des établissements. Voici les termes de l'article 8, paragraphe 1er, et de l'article 9, paragraphe 1er, de la loi :
Art. 8. Faute par un établissement ecclésiastique d'avoir, dans le délai fixé par l'article 4, procédé aux attributions ci-dessus prescrites, il y sera pourvu par décret .A l'expiration dudit délai, les biens à attribuer seront, jusqu'à leur attribution, placés sous séquestre.
Art. 9. A défaut de toute association pour recueillir les biens d'un établissement public du culte, ces biens seront attribués par décret aux établissements communaux d'assistance ou de bienfaisance situé dans les limites territoriales de la circonscription ecclésiastique intéressée.
Les articles 7 et 11 du projet de règlement, qui forment le chapitre II du titre 1er, sont précisément consacrés à la mise en application de ces dispositions légales.
Comment à lieu la liquidation des établissements ecclésiastiques ?
Comment sont attribués leurs biens ?
La liquidation des établissements ecclésiastiques devait naturellement comprendre la répartition de l'actif et l'acquittement du passif.
Dans l'actif, le législateur a distingué plusieurs parts.
La première est de beaucoup la plus importante. Elle comprend tous les biens immobiliers ou mobiliers destinés au culte. Ces biens sont attribués à des associations cultuelles constituées conformément au titre IV de la loi et se proposant de maintenir l'affectation de ces biens, c'est à dire d'assurer, grâce à eux, l'entretien et l'exercice des cultes antérieurement reconnus, auxquels étaient préposés jusqu'ici des établissements publics. C'est ce que prescrit l'article 4 de la loi, qui prévoit à cet effet que les associations attributaires devront se conformer aux règles d'organisation générale du culte dont elles se proposent d'assurer l'exercice.
Cette disposition légale a donné lieu à de longs et ardents débats au Parlement. Elle a pour objet précis d'assurer avec sincérité le maintien de l'affectation des biens qui étaient destinés à l'exercice des cultes reconnus. Et si les associations cultuelles qui ne seront pas attributaires des biens conservent la pleine et entière liberté de leurs statuts, le droit d'adopter, notamment au point de vue du dogme et de la discipline ecclésiastique, des règles fixées à leur gré, les associations qui réclameront l'attribution des biens et, par voie de de conséquence la jouissance gratuite des églises et des temples, devront se conformer exactement aux règles générales d'organisation du culte dont elles prétendent continuer l'exercice. Ces dernières associations seront en fait de beaucoup les plus nombreuses; et ainsi, il apparaît clairement que la loi n'a point pour effet de bouleverser l'organisation religieuse.
Quelles sont ces règles d'organisation générale du culte ?
Les représentants des établis-sements ecclésiastiques ont qualité pour en décider au moment où ils feront les attributions. Et s'il y a des conflits entre diverses associations réclamant les mêmes biens, des contestations sur cette conformité aux règles d'organisation générale du culte, c'est au Conseil d'État statuant au contentieux qu'il appartiendra de trancher souverainement. Ce sont là des questions qui échappent entièrement à la compétence de l'autorité gouvernementale, et dans la réglementation administrative qui vous est soumise, on s'est gardé de les aborder.
En revanche d'autres questions fort délicates, et qui se rattachent aussi à l'article 4 de la loi, sollicitent votre attention. Si la liberté d'association a pour effet de laisser les associations cultuelles maîtresses, en général, de déterminer à leur gré, en même temps que leurs statuts, leur rayon d'action, le principe du maintien de l'affectation des biens restreint, en ce qui concerne les associations attributaires, le droit de fixer librement les limites de leurs circonscriptions.
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Ce n'était pas tout de stipuler suivant quelles règles il serait procédé à cette minutieuse répartition de tout l'actif des établissements ecclésiastiques. Il fallait encore prévoir ce qu'il adviendrait dans les cas où ces règles seraient enfreintes.
Des contestations
Le législateur a expressément indiqué certains cas et mentionné certaines voies de recours. Ainsi l'article 5, paragraphe 5 est conçu dans les termes suivants :
Les biens revendiqués par l'État, les départements ou les communes ne pourront être aliénés, transformés ni modifiés jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la revendication par les tribunaux compétents
Il est ainsi constaté que conformé-ment au droit commun, ,l'État les départements et les communes pourront revendiquer devant les tribunaux civils les biens ayant indûment fait l'objet d'attribution, ceux dont ils étaient propriétaires, les établissements ecclésiastiques n'en ayant jamais eu que la jouissance.
La même action en revendication est sans conteste ouverte en cas d'attribution indue de biens devant faire retour à l'État par application de l'article 5, paragraphe 1er, de la loi.
L'article 5, paragraphe 2, de la loi porte que les attributions ne doivent avoir lieu qu'un mois après la promulgation du présent règlement. En cas d'attribution prématurée, il prévoit une action en nullité devant le tribunal civil, intentée par le ministère public ou toute partie intéressée.
L'article 14 du projet de règlement a trait à ces diverses actions rentrant dans le contentieux judiciaire et que la loi a prévues expressément.
D'autre part, les paragraphes 3, 4 et 5 de l'article 8 de la loi admettent un recours spécial à toute association qui qui réclame soit dès la liquidation des établissements ecclésiastiques, soit ultérieurement, les biens attribués à une autre association. Voici ces textes :
Dans le cas où les biens attribués en vertu de l'article 4 et du paragraphe
1er du présent article seront, soit dès l'origine, soit dans la suite, réclamés
par plusieurs associations formées pour l'exercice du même culte, l'attribution
qui en aura été faite par les représentants de l'établissement ou par décret
pourra être contestée devant le Conseil d'État, statuant au contentieux
, lequel prononcera en tenant compte de toutes les circonstances de fait.
La demande sera introduite devant le Conseil d'État, dans le délai d'un
an à partir de la date du décret ou à partir de la notification, à l'autorité
préfectorale, par les représentants légaux des établissements publics du
culte, de l'attribution effectuée par eux. Cette notification devra être
faite dans le délai d'un mois.
L'attribution pourra être ultérieurement contestée en cas de scission
dans l'association nantie, de création d'association nouvelle par suite
d'une modification dans le territoire de la circonscription ecclésiastique
et dans le cas où l'association attributaire n'est plus en mesure de remplir
son objet.
Ainsi une association qui conteste l'attribution faite par l'établissement ecclé-siastique soit parce que l'association investie par l'établissement ne se conforme pas aux règles d'organisation générale du culte ou n'est pas apte à assurer l'exercice de ce culte, soit pour tout autre motif, peut introduire pendant une année devant le Conseil d'État un recours contentieux.
Cette catégorie de pourvois rentrera évidemment dans le contentieux de pleine juridiction. Le texte l'indique et les débats parlementaires, qui ont précédé sont adoption, le confirment. Passé ce délai d'un an, le recours contentieux ne pourra être introduit que dans les cas spécialement définis par le dernier paragraphe de l'article 8.
Le législateur a-t-il ainsi prévu explicitement toutes les voies de recours qui, d'après les principes généraux du droit, sont ouvertes contre les décisions irrégulièrement prises par les représentants légaux des établissements ecclésiastiques ? Il faut recon-naître qu'il n'en est point ainsi. Des décisions portant attribution peuvent être entachées d'irrégularité, à raison de l'incompétence de celui ou de ceux qui en sont les auteurs, des formes dans lesquelles elles sont intervenues. Elles peuvent avoir été prises en violation de la loi, par exemple si les biens ont été attribués à une association qui ne remplit pas les conditions légales pour les recueillir, ou n'est pas formée régulièrement, ou n'a pas pour objet exclusif l'exercice du culte, ou encore s'il y a attribution de biens cultuels en faveur d'un établissement de bienfaisance, ou inversement attribution en faveur d'une association cultuelle de biens grevés d'une affectation charitable.
Dans ces hypothèses, il paraissait évident que le recours pour excès de pouvoir et violation de la loi devant le Conseil d'État statuant au contentieux était ouvert à toute partie intéressée, ainsi, semblait-il, qu'au ministre des cultes, et le projet du gouvernement contenait un article ainsi conçu :
Art. 7. En cas d'irrégularité d'un acte d'attribution par suite d'incompétence, de vice de forme, de violation d'une disposition de la loi ou de règlement d'administration publique, l'annulation de l'acte peut, sous réserve de l'application de des prescriptions du second paragraphe de l'article 5 de la loi du 9 décembre 1905, être poursuivie devant le Conseil d'État statuant au contentieux, par toute partie intéressée ou par le ministre des cultes.
La rédaction de cet article n'a pas été accueillie par votre commission. Si le recours prévu, a-t-on dit d'une part, est le recours du droit commun, celui des lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872, le recours en annulation des actes administratifs, à quoi bon le rappeler par un texte spécial, puisqu'il résulte incontestablement des principes généraux ? D'autre part, on a cru trouver dans une discussion de la Chambre, le 27 mai 1905, la justification d'une opinion d'après laquelle un contentieux de pleine juridiction devrait être admis en cette matière.
On a aussi soutenu que ni le recours pour excès de pouvoir, ni le recours contentieux de pleine juridiction ne pouvaient être introduits en pareils cas. Le recours pour excès de pouvoir n'existe que contre les décisions des autorités administratives, des personnes ou des corps investis de pouvoirs administratifs. Or, plusieurs membres de votre commission n'ont pas admis que les conseils de fabrique, les conseils presbytéraux, les consistoires chargés de la liquidation prévue par le titre II de la loi fussent des autorités administratives. Quant au recours de pleine juridiction, a-t-on dit, si le législateur avait entendu l'instituer, il l'aurait dit expressément, comme dans le cas de l'article 8, et un règlement d'administration publique ne saurait sur ce point suppléer au silence de la loi.
Enfin, on a affirmé qu'il était préférable de ne point préjuger la solution, afin de laisser aux juges du contentieux leur entière liberté de décision lors de l'examen des recours.
Cette discussion a abouti au vote d'une rédaction transactionnelle; c'est l'article 15 du projet :
Les recours fondés sur l'irrégularité de l'acte d'attribution peuvent être formés devant le Conseil d'État par le ministre des cultes comme par toute partie intéressée.
Et pour ne pas définir le caractère du pourvoi, l'article s'est abstenu d'indiquer quel était le délai d'un recours et surtout le point de départ de ce délai.
Le gouvernement a très vivement insisté pour le maintien de son projet. Il a fait valoir qu'il était indispensable d'insérer, après le texte qui rappelle quelles sont les contestations rentrant dans la compétence de l'autorité judiciaire, un article délimitant, en matière de liquidation des établissements ecclésiastiques, le domaine du contentieux administratif. Il a démontré combien il était nécessaire d'indiquer expressément que les irrégularités commises au cours de la liquidation ne seraient pas dépourvues de sanction, que, non seulement dans le cas particulier visé par le paragraphe 2 de l'article 5 de la loi, et où, par exception, la compétence civile est admise, mais pour toutes les autres irrégularités, il appartenait soit aux intéressés, soit à l'autorité publique de saisir les juges compétents.
Sa proposition ne s'appuie pas seulement sur les principes consacrés par la doctrine et la jurisprudence administrative, mais aussi sur les travaux préparatoires de la loi.
Le texte de l'article qui aujourd'hui l'article 8 et que la commission présenta à la Chambre le 23 mai 1905, débutait ainsi :
Faute par un établissement ecclésiastique d'avoir, dans le délai fixé par l'article 4, régulièrement procédé aux attributions ci-dessus prescrites, il y sera pourvu par décret.
Dans sa séance du 27 mai 1905, le rapporteur, M. Briand, a consenti à la suppres-sion du mot « régulièrement », qui, aujourd'hui ne figure plus dans le texte. Des explications échangées au cours de la séance entre le rapporteur, MM. Ribot, Auffray, Noulens et le ministre des cultes, il résulte qu'on n'a point voulu que le gouvernement se fit juge de la régularité des décisions prises par les représentants légaux des établissements ecclésiastiques. On a spécifié que les contestations sur la régularité de ces décisions seraient directement portées devant un juge, le Conseil d'État statuant au contentieux, sauf renvoi de certaines questions préjudicielles aux tribunaux civils.
Ainsi, d'après les débats parlemen-taires, le contrôle juridictionnel doit être substitué au contrôle administratif.
De même, si on se rappelle que les actes d'attribution ne ressemblent en rien à des actes de gestion, que ce sont des décisions émanant de corps ou de titulaire ecclésiastiques, que la loi, par une délégation directe de la puissance publique, a investie d'un pouvoir propre, on doit admettre que le recours soit de tout point conforme aux principes.
Le gouvernement ajoute que le recours du ministre déférant au Conseil d'État, pour excès de pouvoir et violation de la loi, une décision d'une autorité administrative dont il ne lui appartient pas d'annuler l'acte en vertu de ses attributions hiérarchiques, a été reconnu par la jurisprudence, M. Laferrière le constate dans son traité (tome 2, 2° édition, p. 447-448), et bien qu'un tel recours ait eu jusqu'ici assez rarement l'occasion d'être exercé, la recevabilité n'en n'est pas moins établie. C'est ainsi que le recours du ministre de l'instruction publique contre une décision de la commission scolaire de Lavaur a été considéré comme formé par application de l'article 9 de la loi du 24 mai 1872 contre une déclaration d'une autorité administrative investie d'un pouvoir propre, et qu'il a été admis à ce titre. Et sous la décision, en date du 16 mars 1883, on lit en note les conclusions de M. Marguerie, alors commissaire du gouvernement, justifiant le recours du ministre par des motifs qui peuvent être invoqués aujourd'hui.
Mais le gouvernement estime qu'on ne saurait exclure le recours en annulation des déclarations portant attribution de biens, s'il juge que le rôle du ministère public, qui incombe au ministre des cultes en vue d'assurer l'exacte et régulière application de la loi, doit être mentionné, il n'est pas moins opposé à l'instruction en pareille matière d'un recours de plein contentieux. Le recours en annulation se fonde sur les principes de notre droit administratif et sur le texte même de l'article 4 de la loi, qui donne des pouvoirs administratifs aux représentants des établissements. Le recours de pleine juridiction, visé dans quelques passages de la discussion parlementaire, paraît contraire au texte de la loi comme au vœu du législateur. Prétend-on accorder ce recours à tout intéressé ? C'est alors faire double emploi avec l'article 8 de la loi qui ouvre un recours de pleine juridiction en faveur des associations cultuelles. Prétend-on, au contraire, élargir la portée de cet article et l'appliquer dans d'autres cas que ceux que ceux qu'il a en vue ? Veut-on reconnaître au ministre le droit d'introduire un recours de plein contentieux ? C'est dire que le ministre que le ministre devra demander aux juges non seulement la cassation d'une décision prise en violation de la loi, mais l'attribution des biens à une association désignée par lui. Solution pleine d'inconvénients, de tous points contraire au système admis dans dans le titre II de la loi. Car, d'après l'article 8, § 1er, si l'établissement ecclésiastique n'a pas dans un délai légal fait attribution ou si – ce qui revient au même – il a fait une attribution que le juge déclare nulle et irrégulière, le gouvernement opère l'attribution par décret; et contre ce décret est ouvert soit le recours de l'article 8, § 3, dont useront les associations concurrentes évincées de l'attribution, soit le recours en annulation.
Si, au contraire, le gouvernement demandait au juge non seulement de casser la déclaration irrégulière, mais de faire lui-même l'attribution, cette attribution par décision de justice, faite au profit de l'association désignée par le gouvernement, serait définitive, et tout pourvoi ultérieur se heurterait à l'exception de la chose jugée.
Ce ne sont pas les seules conséquences du système du recours du plein contentieux. On aboutirait en réalité à admettre un recours qui ne serait assujetti à aucun délai, sauf peut-être à celui de la prescription trentenaire, à même que le projet de règlement ne créé de toute pièce un délai; et si aucun délai n'est fixé, , les associations attributaires se trouveraient dans une situation précaire, exposés indéfiniment à des actions en nullité de l'attribution. C'est là ce que le législateur a manifestement voulu éviter. Les débats qui ont précédé à la Chambre le vote des articles 4 et 8 et le texte même de l'article 8 le prouvent jusqu'à l'évidence.
Enfin le recours de plein contentieux donne au ministère le droit de saisir le Conseil d'État non seulement en cas d'incompétence, de vice de forme, de violation de la loi, mais aussi pour fausse appréciation des faits. Si donc un conseil de fabrique a accordé les biens à une association qui lui a paru conforme aux règles d'organisation générale du culte, le ministre aurait le droit de discuter devant le juge la conformité ou la non-conformité à ces règles organiques. Ce droit, le gouvernement le refuse formellement en invoquant la préoccupation même du législateur, qui entend laisser les fidèles seuls, groupés en associations, porter le litige devant les juges. Déjà l'intervention dans ce cas particulier d'un tribunal administratif a été critiqué à la Chambre, bien que l'impartialité et l'indépen-dance des juges du contentieux aient été hautement reconnues par les orateurs de tous les partis. Mais à quelles critiques donnerait-on prise si l'on admettait qu'un débat portant sur des questions d'ordre spirituel autant que temporel pût s'ouvrir devant le Conseil d'État statuant au contentieux, à la requête du gouvernement ?
Vous aurez, messieurs, à vous prononcer entre le texte du gouvernement, qui mentionne exclusivement, et avec précision, le recours en annulation, et la rédaction de votre commission.
Du fonctionnement
des associations cultuelles.
Avec le titre IV de la loi, nous abordons la partie vraiment neuve de la loi de séparation.
Les Églises, reconnues sous le régime antérieur en tant qu'institutions officielles, sont désormais des collectivités de citoyens groupés dans une foi commune, pour l'exercice d'un même culte, et s'organisant, suivant les règles tracées par eux, en vertu du principe de la liberté d'association.
Le texte de l'article 18 de la loi de 1905 indique les dispositions légales applicables aux associations cultuelles : ce sont les articles 5 et suivants du titre premier de la loi de 1901, lesquels doivent être combinés avec les articles 18 et suivants de la loi du 9 décembre 1905.
Du rapprochement de ces textes, il résulte que l'association cultuelle, quant à sa constitution et à son fonctionnement, diffère sur quelques points de l'association uniquement régie par la loi de 1901.
Celle-ci peut se former librement, sans déclaration, sauf à être dépourvue, si elle n'est pas déclarée, de toute capacité juridique.
L'association cultuelle, au contraire, doit toujours être déclarée et rendue publique, conformément à l'article 5 de la loi de 1901.
L'association qui n'est pas cultuelle peut se composer d'un nombre extrêmement restreint de personnes, de deux personnes même, d'après l'article 1er de la loi d e1901.
L'association cultuelle doit comprendre au moins sept personnes, au moins quinze personnes ou au moins vingt-cinq personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription, suivant qu'elle a son siège dans une commune de moins de 1000 habitants, de 1000 à 20 000 habitants ou de plus de 20 000 habitants. Et cette règle, inscrite dans l'article 19 de la loi, s'applique à toutes les associations cultuelles, qu'elles soient ou non attributaires de biens d'un établissement ecclésiastique supprimé, qu'elles assurent le maintien d'un des cultes antérieurement reconnus, ou donnent naissance à une Église libre, non reconnue sous le régime concordataire, n'ayant reçu l'héritage d'aucun établissement public. A cet égard, le rapporteur de la loi, M. Briand, a fait devant la Chambre, dans les séances des 15 juin et 20 juin 1905, des déclarations explicites. Dès qu'il s'agit du culte public, une association déclarée et comptant un minimum de sept personnes majeures est exigée par la loi.
Mais ce n'est pas assez pour définir l'association cultuelle par différence avec les autres associations régies par la loi de 1901; on doit la considérer en elle-même. Qu'est l'association cultuelle, dans l'intention du législateur de 1905 ? C'est celle qui a pour objet – et pour objet exclusif – de pourvoir d'une manière quelconque à l'exercice public du culte, à ses frais et dépenses. Est une association cultuelle, celle qui se propose l'entretien, la réparation, la construction, la location d'un édifice destiné au culte, la célébration des cérémonies, les œuvres de propagande religieuse, le payement des traitements et pensions de retraite aux membres du clergé, le recrutement, l'instruction et l'éducation des futurs ecclésiastiques, etc.. C'est ce qu'indique nettement l'article de la loi portant que les biens des menses, des séminaires, des caisses de secours et maison de retraite diocésaines, etc., pourront être attribués à des associations formées suivant les règles tracées par le titre IV de la loi; et ce texte a été confirmé, à maintes reprises, par des déclarations faites au cours des débats parlementaires.
De là se déduisent des consé-quences fort importantes. La loi de 1905 impose à tout groupement, à toute société qui a un objet cultuel, une forme juridique spéciale : celle qui est indiquée dans les articles 18 et 19 de cette loi. Les prescriptions ainsi édictées ne peuvent être enfreintes ni directement, ni indirectement; tout groupement de personnes qui, s'associant dans un but cultuel, irait chercher ailleurs que dans les articles 18 et 19 de la loi de 1905, par exemple dans les dispositions du Code civil sur la société civile, les bases de sa constitution juridique, serait en réalité une association cultuelle illégalement formée, contrevenant aux dispositions desdits articles 18 et 19, et passible en conséquence des sanctions pénales édictées par l'article 23 de la même loi.
Nous savons, d'autre part, que la loi, qui ne soumet à aucune réglementation le culte privé, n'admet et ne garantit le libre exercice du culte public que si une association cultuelle est formée pour l'assurer. C'est également un de ses traits caractéristique de la nouvelle loi qu'il importe de retenir dans l'examen des articles du projet de règlement relatifs aux associations cultuelles et aux réunions pour la célébration d'un culte.
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Pas plus que la loi de 1901 ou celle de 1905, le projet de règlement n'intervient dans le fonctionnement intérieur des associations. Elles sont libres quant à la rédaction de leurs statuts, sauf dans les deux cas prévus par les paragraphes 2 et 3 de l'article 19 de la loi d e1905 qui autorisent tout membre de l'association à s'en retirer et exigent une fois par année au moins le contrôle de l'assemblée générale des membres de l'association sur les actes des administrateurs. Hors ces deux exceptions, le législateur n'impose aux associations aucune règle quant au fonction-nement intérieur et ne les assujettit qu'à des formalités d'ordre intrinsèque : déclaration, publicité. Les associations sont entièrement libres quant au recrutement de leurs membres, quant aux conditions à fixer pour la nomination de leurs directeurs ou administrateurs.
Il n'est pas exact de prétendre qu'elles devront nécessairement être composées de laïques, à l'exclusion des membres du clergé. Il leur est, au contraire, loisible de réserver à l'élément ecclésiastique, soit parmi leurs membres, soit parmi leurs administrateurs, telle place qu'il leur convient, puisque la loi de 1905 est absolument muette à cet égard.
Les associations cultuelles ne sont pas moins libres quant à la détermination de leur rayon d'action, sous réserve de ce que nous avons dit précédemment au sujet de l'attribution des biens des établissements supprimés.
Les articles 18 et 19 parlent des circonscriptions religieuses; mais ce ne sont point là nécessairement les anciennes circons-criptions établies sous le régime concordataire; de celles-ci, il n'y a à se préoccuper que lorsqu'il s'agit de faire l'attribution des biens des établissements ecclésiastiques supprimés. Mais d'une manière générale, les circonscription sont librement délimitées; le projet de règlement demande seulement aux associations d'en indiquer les limites lors de la déclaration par elle faite.
Est-il besoin d'ajouter que les associations sont libres a fortiori pour tout ce qui touche au domaine religieux proprement dit, aux rapports entre les fidèles et les membres du clergé ou de ceux-ci entre eux, au dogme, à la discipline ecclésiastique ?
Le spirituel est définitivement séparé du temporel, et l'État n'intervient à aucun degré dans la constitution intérieure des Églises.
Cette indépendance complète que le législateur a entendu accorder, le projet de règlement la respecte scrupuleusement, laissant chaque culte s'organiser avec ses règles et ses traditions propres. Et s'il est permis à telle Église, s'inspirant d'une conception démocratique, de poursuivre ses destinées en maintenant une égalité plus ou moins complète entre ses membres, telle autre Église, de beaucoup la plus nombreuse dans notre pays, pourra par des clauses insérées à cet effet dans ses statuts, maintenir la hiérarchie des pasteurs et leur autorité sur les fidèles.
C'est là un point capital et qu'il importait de préciser. Votre commission a, dans ce but, unanimement décidé d'insérer dans le projet de règlement le texte qui forme l'article 31 du projet.
Les formalités tout extérieures imposées par la loi sont réduites au strict nécessaire. Pour le minimum des membres (7, 15 ou 25), le projet de règlement n'exige ni la déclaration, ni la communication de la liste tout entière des membres de l'association, publicité qui pourrait porter atteinte à la liberté de conscience et à la liberté des cultes. Il se borne à imposer la déclaration d'une liste de membres en nombre égal au minimum prévu par la loi.
La capacité juridique des asso-ciations cultuelles, déterminée par les trois derniers paragraphes de l'article 19, est notable-ment plus étendue que celle des association déclarée de la loi 1901.
En revanche, les subventions de l'État, des départements et des communes sont interdites.
Pas plus que les autres associations déclarées, mais non reconnues d'utilité publique, l'association cultuelle ne peut recevoir de dons et legs. Les divers amendements qui tendaient à lui reconnaître cette capacité ont été repoussés par la Chambre des députés. Elle peut, il est vrai, recevoir par fondation des rétributions pour cérémonies et service religieux. Mais ce ne sont point là des libéralités à titre gratuit. Ces fondations sont des actes à titre onéreux : elles veulent une concordance exacte entre la charge et l'émolument. L'article 39, § 3, du projet de règlement vient à cet égard compléter l'article 19 de la loi et en préciser l'application.
Les associations déclarées, régies par la loi de 1901, ne peuvent recevoir que des cotisations annuelles. Aussi le législateur n'avait pas cru devoir limiter le fonds de réserve qui, supposait-on, n'atteindrait jamais un chiffre élevé. Il en est tout autrement dans la loi de 1905, qui permet aux associations cultuelles de percevoir, et par suite d'accumuler des ressources plus nombreuses. Aussi l'article 22 de la loi détermine les réserves de ces associations. Le premier paragraphe de cet article prévoit une première réserve dont l'emploi est libre, mais qui est limité quant à son montant : elle ne peut dépasser trois fois la moyenne des dépenses de l'association pendant les cinq dernières années, si l'association a plus de cinq mille francs de revenus, et six fois cette moyenne dans le cas contraire.
Le paragraphe suivant du même article prévoit une seconde réserve dont le montant est illimité, mais dont l'emploi doit être spécialement affecté à l'achat, à la construction, à la réparation d'immeubles destinés aux besoins de l'association.
En réalité, l'association cultuelle peut, grâce aux diverses dispositions de la loi, posséder en dehors du courant de ses revenus et recettes trois fonds distincts : le capital inaliénable constitué par les biens d'un ancien établissement ecclésiastique; le fonds de réserve limité et le fonds de réserve illimité.
Il en résulte qu'aucune autre réserve ne saurait légalement s'ajouter à celles qui viennent d'être énumérées, ni par la conservation d'un solde en caisse en fin d'exercice, ni par tout autre procédé; de là les précautions de l'article 46 du projet de règlement.
Les articles 40, 41, 42 du projet s'appliquent à résoudre les diverses questions que soulève l'application de l'article 22 de la loi, relatif aux deux fonds de réserve.
Union d'associations cultuelles
L'article 20 de la loi admet la formation d'unions d'associations cultuelles et assimile entièrement ces unions, quant à leur capacité juridique, aux associations cultuelles elles-mêmes. Le projet de règlement contient sur ces unions quatre articles, dont l'un relatif à l'obligation de la déclaration préalable.
Il est bien entendu que la consti-tution d'unions cultuelles n'est obligatoire dans aucun cas, même s'il s'agit de recueillir les biens d'un établissement ecclésiastique s'étendant à une vaste circonscription, tel qu'une mense épiscopale ou un consistoire. Un texte qui tendait à réserver exclusivement à des unions les biens de cette catégorie d'établissements a été écarté par la Chambre des députés. Mais les avantages considérables que les Églises pourront recueillir, grâce aux dispositions légales, de la formation d'union d'associations, les conduiront sans doute a user de la faculté que l'article 20 leur confère. Tandis que des associations isolées ne peuvent verser à d'autres associations sans qu'il y ait lieu à aucune perception fiscale que le surplus de leurs recettes, art. 19, § 5, de la loi, les associations unies ont la faculté de faire figurer dans leurs dépenses ordinaires une somme, même très considérable, qui à titre de cotisation à l'union paraît devoir exempte de toute perception.
La question se posera de savoir si la loi ne prévoyant que des unions d'associations, les unions d'unions peuvent avoir une capacité juridique. Mais il s'agit là en réalité d'une interprétation de texte qui est plutôt du domaine jurisprudentiel que réglementaire, et le règle-ment n'a pas à se prononcer à cet égard.
L'article 21 de la loi pose les règles générales du contrôle financier des associations et unions cultuelles que le législateur a dû prévoir pour assurer l'observation des articles 19 et 22 concernant la capacité juridique et les fonds de réserve.
Ce contrôle financier ne constitue qu'une surveillance externe et n'a, à aucun degré, le caractère d'une ingérence dans la gestion des intérêts matériels, et encore bien moins dans celle des intérêts moraux des associations.
Les mesures d'application figurent dans les articles 44 à 54 du projet de règlement.
Le titre IV de la loi se termine sur deux articles relatifs, l'un aux sanctions pénales, l'autre au régime fiscal des associations cultuelles. Le règlement d'administration publique n'a pas eu à prescrire de mesures spéciales pour l'exécution de ces deux articles. Mais il contient un chapitre relatif à la dissolution des associations cultuelles, dissolution qui a des conséquences particulière-ment importante lorsqu'il s'agit d'association attributaire de bien d'un établissement ecclésiastique supprimé. Car, en pareil cas, les biens attribués doivent faire l'objet d'une attribution nouvelle opérée par décret, ainsi que le prévoit l'article 9, § 2 de la loi, et la jouissance gratuite de l'édifice destiné au culte prend fin ou est transféré à une autre association, en vertu de l'article 13, § 2, de la loi.
Police des cultes
Le titre V de la loi relatif à la police des cultes édicte, dans sa seconde partie (art. 29 à 35), les sanctions pénales destinées soit à réprimer les atteintes à la liberté de conscience et à la liberté des cultes, soit à punir l'abus que les ministres du culte feraient de cette liberté si largement accordée sous le régime nouveau. Seule, la première partie du titre (art. 25, 26, 27 et 28), concernant les réunions pour la célébration d'un culte, les manifestations extérieures du culte, et notamment les processions, les sonneries de cloches, les signes et emblèmes religieux, peut, pour l'application, donner lieu à des mesures prises par voie réglementaire. Le titre IV d'un projet de décret, qui correspond au titre V de la loi, contient un article relatif aux réunions cultuelles et trois articles sur les sonneries de cloches. Aucune réglementation particulière n'est proposée au sujet des processions, qui désormais rentrent dans le domaine exclusif de la police municipale, l'article 45 de la loi de germinal étant abrogé. Les arrêtés municipaux pris en cette matière ne pourront désormais être attaqués que devant le juge des excès de pouvoir, chargé seul à l'avenir – la juridiction de l'abus ayant disparu - d'annuler les actes administratifs contraire au principes de la liberté des cultes ou de la liberté de conscience.
Le gouvernement n'a pas pensé que les dispositions du titre VI de la loi (art. 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43 et 44 ), dussent actuellement faire l'objet d'une réglementation par voie de décret. L'article 39 fait allusion, il est vrai, à un règlement d'administration publique destinée à fixer les justifications que devront produire à l'avenir les jeunes dispensés, à titre d'élèves ecclésiastiques, de deux années de service, par application de l'article 23 de la loi du 15 juillet 1889. Mais ce règlement spécial ne vous seras sans doute soumis qu'ultérieurement.
Quant aux règlement d'administra-tion publique concernant l'application de la loi en Algérie et aux colonies et que l'article 43, paragraphe 2, a prévus, il ne saurait être question d'en aborder l'examen avant que soit achevé la mise en exécution en France.
En terminant, permettez-moi, messieurs, de résumer le caractère général de l'œuvre de la commission. Nous nous sommes inspirés de la préoccupation scrupuleuse d'appliquer la loi nouvelle non seulement dans sa lettre, mais encore dans son esprit, c'est-à-dire dans un esprit de large et de confiante liberté. En précisant les nombreuses mesures que comporte la séparation, soit pour la liquidation du passé, soit pour l'organisation de l'avenir, le règlement n'a loyalement en vue que de rendre la réforme plus claire et mieux praticable, que d'en simplifier l'accès et en faciliter l'usage à tous les citoyens de bonne volonté et de bonne foi.