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8 avril 1905
    * Adoption d'un projet de loi autorisant la perception d'une surtaxe sur l'alcool à l'octroi de d'Aniche (Nord)

suite de la discussion du projet et des propositions de loi
concernant la séparation des Églises et de l'État.
(9° journée ; réduite et annotée)

M. le président : ...
    Dans la séance de jeudi dernier, la Chambre a prononcé la clôture de la discussion générale.
    Avant de consulter la Chambre sur le passage à la discussion des articles, je lui fais connaître que j'ai reçu deux motions préjudicielles.
    La première, signée de MM. Georges Berthoulat, Georges Grosjean, Argeles et Failliot est ainsi conçue :
    "La Chambre invite le Gouvernement à procéder, pendant les vacances de Pâques, à la consultation des conseils municipaux et des conseils généraux sur la séparation des Églises et de l'État."
    La seconde est signée de M. Plichon. En voici la teneur :
    "La Chambre décide d'ajourner la discussion de la loi sur la séparation des Églises et de l'État jusqu'à ce qu'aient été recueillis les avis des conseils municipaux sur la question."
    Je donne la parole à M. Berthoulat sur sa motion.

M. Georges Berthoulat : ... , je viens défendre devant la Chambre, non pas une proposition d'ajournement analogue à celle de l'honorable M. Georges Berry, contre laquelle nous avons d'ailleurs voté, mais une simple damande d'enquête préalable ... qui nous paraît être le complément nécessaire de la discussion générale qui vient de se terminer devant la Chambre. (Très bien ! très bien !)
    Je voudrait convaincre mes collègues qu'il ne s'agit là ni d'un expédient dilatoire ni d'un déplacement quelconque du pouvoir légiférant ... mais d'un formalité supplémentaire ... qui nous parait justifiée par la gravité d'une telle réforme, par la répercussion profonde qu'elle doit avoir dans la plupart des foyers des 36 000 communes françaises ...
....
(La motion fut repoussée par 335 voix contre 239 ; M. Plichon retira la sienne. )

M. le rapporteur : je demande la parole

M. le président : La parole est à M. le rapporteur.

M. le rapporteur : D'accord avec le Gouvernement, la commission demande la déclaration d'urgence. (Exclamation à droite.)

M. Léonce de Castelnau : Je demande la parole.

M. le président : Vous avez la parole.

M. Léonce de Castelneau : J'ai demandé la parole pour m'opposer à la déclaration d'urgence. Ou il faut rayer du règlement la nécessité de la seconde lecture, ou il faut être fidèle, ..., à ce procédé de droit ordinaire et commun de nos délibérations législatives.
    Comment ! Voilà une loi qui, d'après vous, est la plus importante du régime moderne, qui va bouleverser tout un  état de choses existant en France depuis cinq siècles, ..., et vous lui refusez l'honneur et la garantie d'une seconde délibération que vous accordez aux lois sur les beurres, sur les huiles, sur les pétroles. C'est inacceptable ! (Très bien ! très bien ! à droite.)
...
    ce n'est pas le cas de dire ici :"Monsieur le bourreau faites, mais faites vite." Nous ne consentirons jamais à être guillotiné avec cette précipitation ;...

M. Étienne, ministre de l'intérieur  : Le Gouvernement prie instamment la chambre de déclarer l'urgence du projet de loi en discussion. Il a le sentiment très net que, si l'on veut aboutir, si l'on veut que la loi soit votée en temps utile (Interruption à droite), ...,  il faut voter l'urgence, sinon ce serait se prêter à l'ajournement indéfini de la loi. Le Gouvernement ne se prêtera pas à ce jeu. (Vifs applaudissements à gauche et à l'extrême gauche)

M. Gauyraud : On pourrait proposer de voter tous les articles en bloc. (Bruit.)

(L'urgence est votée par 342 voix contre 232 ; puis, par 353 voix contre 219, la Chambre décide de passer à la discussion des articles.
...
M. le président : Nous en arrivons aux contre-projets.
    Le premier est celui de M. Sénac, dont les deux premiers articles sont ainsi conçus :
    "Art. 1er : La convention passée à Paris le 26 messidor an IX, entre le pape Pie VII et le Gouvernement français, est dénoncée et sera de nul effet.
    "Les lois du 18 germinal an X sont abrogées"
    Art. 2 : Immédiatement après l'adoption de la présente loi, par le seul effet de sa promulgation, les bénéfices, biens mobiliers et immobiliers de toute nature et de toute origine ; les droits et actions corporels ou incorporels, avec les créances et valeurs de toute sorte, transmis ou non sous des conditions protestatives ou résolutoires, ou bien avec clauses contenant des affectations pieuses, charitables ou toutes autres sans distinctions, qui, toutes, seront considérées comme non écrites ; les édifices, soit antérieurs, soit postérieurs au Concordat, affectés à l'exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres ; les cathédrales, églises, chapelles de secours, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires et autres établissements cultuels quels qu'ils soient, ainsi que leurs dépendances immobilières et les objets mobiliers, vases, habits et tous autres affectés au culte public, sans aucune exception ni réserve, y compris ceux appartenant à l'État, aux départements, aux communes, aux menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires et tous autres établissements publics des cultes, avec les charges et obligations légales qui pourraient les grever, seront transmis et attribués définitivement, en toute propriété et jouissance, aux seuls et véritables représentants légaux de l'humanité souffrante, c'est à dire aux bureaux de bienfaisance de la circonscription communale, paroissiale ou cultuelle quelconque dans laquelle ils se trouveront, sous les charges, conditions et réserves de jouissance qui résulteront de la présente loi au profit de la continuation du service des cultes.
    Tous les objets précités conserveront cependant le caractère essentiel de biens du domaine public national, dont ils sont grevés.
    La parole est à M. Sénac.

M. Sénac : ... Messieurs les membres de la commission, je ne vous cache pas que je ne peux pas accepter le projet que vous avez rapporté. ce projet m'a paru contraire à de nombreux principes, aux notions les plus inconstatables de notre droit public, aux intérêt généraux, aux intérêts de l'État surtout. ...  parce que je suis l'un de ceux qui, à toute époque, ont défendu énergiquement les intérêts de l'État contre le cléricalisme.
    Je les ai défendus dans les moments les plus tourmentés comme en 1871 et 1875 ; j'ai été constamment sur la brèche, et c'est ma fierté. ...
    (contre-projet repoussé par 580 voix contre 2 et la suite de la discussion est renvoyée à lundi)

©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3