suite de la discussion du projet et des propositions de
loi
concernant la séparation des Églises et
de l'État.
(9° journée ; réduite
et annotée)
M. le président : ...
Dans la séance de jeudi
dernier, la Chambre a prononcé la clôture de la discussion
générale.
Avant de consulter la Chambre
sur le passage à la discussion des articles, je lui fais connaître
que j'ai reçu deux motions préjudicielles.
La première, signée
de MM. Georges Berthoulat, Georges Grosjean, Argeles et Failliot est ainsi
conçue :
"La Chambre invite le Gouvernement
à procéder, pendant les vacances de Pâques, à
la consultation des conseils municipaux et des conseils généraux
sur la séparation des Églises et de l'État."
La seconde est signée
de M. Plichon. En voici la teneur :
"La Chambre décide
d'ajourner la discussion de la loi sur la séparation des Églises
et de l'État jusqu'à ce qu'aient été recueillis
les avis des conseils municipaux sur la question."
Je donne la parole à
M. Berthoulat sur sa motion.
M. Georges
Berthoulat : ... , je viens défendre devant la Chambre,
non pas une proposition d'ajournement analogue à celle de l'honorable
M. Georges Berry, contre laquelle nous avons d'ailleurs voté, mais
une simple damande d'enquête préalable ... qui nous
paraît être le complément nécessaire de la discussion
générale qui vient de se terminer devant la Chambre. (Très
bien ! très bien !)
Je voudrait convaincre mes
collègues qu'il ne s'agit là ni d'un expédient dilatoire
ni d'un déplacement quelconque du pouvoir légiférant
... mais d'un formalité supplémentaire ... qui
nous parait justifiée par la gravité d'une telle réforme,
par la répercussion profonde qu'elle doit avoir dans la plupart
des foyers des 36 000 communes françaises ...
....
(La motion fut repoussée par 335 voix
contre 239 ; M. Plichon retira la sienne. )
M. le rapporteur : je demande la parole
M. le président : La parole est à M. le rapporteur.
M. le rapporteur : D'accord avec le Gouvernement, la commission demande la déclaration d'urgence. (Exclamation à droite.)
M. Léonce de Castelnau : Je demande la parole.
M. le président : Vous avez la parole.
M. Léonce de Castelneau
:
J'ai demandé la parole pour m'opposer à la déclaration
d'urgence. Ou il faut rayer du règlement la nécessité
de la seconde lecture, ou il faut être fidèle, ...,
à ce procédé de droit ordinaire et commun de nos délibérations
législatives.
Comment ! Voilà une loi qui, d'après
vous, est la plus importante du régime moderne, qui va bouleverser
tout un état de choses existant en France depuis cinq siècles,
...,
et vous lui refusez l'honneur et la garantie d'une seconde délibération
que vous accordez aux lois sur les beurres, sur les huiles, sur les pétroles.
C'est inacceptable ! (Très bien ! très bien ! à
droite.)
...
ce n'est pas le cas de dire ici :"Monsieur le bourreau
faites, mais faites vite." Nous ne consentirons jamais à être
guillotiné avec cette précipitation ;...
M. Étienne, ministre de l'intérieur : Le Gouvernement prie instamment la chambre de déclarer l'urgence du projet de loi en discussion. Il a le sentiment très net que, si l'on veut aboutir, si l'on veut que la loi soit votée en temps utile (Interruption à droite), ..., il faut voter l'urgence, sinon ce serait se prêter à l'ajournement indéfini de la loi. Le Gouvernement ne se prêtera pas à ce jeu. (Vifs applaudissements à gauche et à l'extrême gauche)
M. Gauyraud : On pourrait proposer de voter tous les articles en bloc. (Bruit.)
(L'urgence est votée par 342 voix contre 232 ; puis, par 353
voix contre 219, la Chambre décide de passer à la discussion
des articles.
...
M. le président : Nous en arrivons aux contre-projets.
Le premier est celui de M.
Sénac, dont les deux premiers articles sont ainsi conçus
:
"Art. 1er : La convention passée à
Paris le 26 messidor an IX, entre le pape Pie VII et le Gouvernement français,
est dénoncée et sera de nul effet.
"Les lois du 18 germinal an X sont abrogées"
Art. 2 : Immédiatement après l'adoption
de la présente loi, par le seul effet de sa promulgation, les bénéfices,
biens mobiliers et immobiliers de toute nature et de toute origine ; les
droits et actions corporels ou incorporels, avec les créances et
valeurs de toute sorte, transmis ou non sous des conditions protestatives
ou résolutoires, ou bien avec clauses contenant des affectations
pieuses, charitables ou toutes autres sans distinctions, qui, toutes, seront
considérées comme non écrites ; les édifices,
soit antérieurs, soit postérieurs au Concordat, affectés
à l'exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres
; les cathédrales, églises, chapelles de secours, temples,
synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères,
séminaires et autres établissements cultuels quels qu'ils
soient, ainsi que leurs dépendances immobilières et les objets
mobiliers, vases, habits et tous autres affectés au culte public,
sans aucune exception ni réserve, y compris ceux appartenant à
l'État, aux départements, aux communes, aux menses, fabriques,
conseils presbytéraux, consistoires et tous autres établissements
publics des cultes, avec les charges et obligations légales qui
pourraient les grever, seront transmis et attribués définitivement,
en toute propriété et jouissance, aux seuls et véritables
représentants légaux de l'humanité souffrante, c'est
à dire aux bureaux de bienfaisance de la circonscription communale,
paroissiale ou cultuelle quelconque dans laquelle ils se trouveront, sous
les charges, conditions et réserves de jouissance qui résulteront
de la présente loi au profit de la continuation du service des cultes.
Tous les objets précités conserveront
cependant le caractère essentiel de biens du domaine public national,
dont ils sont grevés.
La parole est à M. Sénac.
M. Sénac : ...
Messieurs les membres de la commission, je ne vous cache pas que je ne
peux pas accepter le projet que vous avez rapporté. ce projet m'a
paru contraire à de nombreux principes, aux notions les plus inconstatables
de notre droit public, aux intérêt généraux,
aux intérêts de l'État surtout.
... parce
que je suis l'un de ceux qui, à toute époque, ont défendu
énergiquement les intérêts de l'État contre
le cléricalisme.
Je les ai défendus dans les moments les plus
tourmentés comme en 1871 et 1875 ; j'ai été constamment
sur la brèche, et c'est ma fierté. ...
(contre-projet repoussé par 580 voix contre
2 et la suite de la discussion est renvoyée
à lundi)
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3