"Archives Israélites"
Jeudi 17 février

LE NOUVEAU PROJET
de
Séparation des Églises et de l'État

    La séparation des Églises et de l'État vient de faire un pas que d'aucun jugent décisifs. D'un côté, le nouveau Cabinet, tenant la promesse contenue dans la déclaration ministérielle, a déposé un projet de loi réglant le nouveau régime des cultes et qui porte tous les sacrements, nous voulons dire toutes les signatures des ministres compétents qui brûlaient par leur absence sur le projet Combes, d'un autre côté, la Chambre, dans sa séance du 10 février, a, par 338 voix contre 185 sur 523 votants, adopté un ordre du jour "constatant que l'attitude du Vatican a rendu nécessaire la Séparation des Églises et de l'État". Elle a également décidée, à une forte majorité, que la discussion de cette réforme viendrait immédiatement après le vote de la loi militaire.
    Voilà donc la galère portant les destinées futures des cultes lancée définitivement sur l'océan parlementaire où, d'ailleurs, les récifs - et beaucoup non marqués sur la carte - ne manquent pas !
    Cependant, un bon vent paraît gonfler ses voiles, puisque le Gouvernement, par le dépôt de son projet, et la Chambre par son vote de principe, marquent leur ferme propos de la conduire à bon port.
    Certes, en France, plus que partout ailleurs, il faut compter avec l'imprévu, et on a vu d'autres projets, par exemple celui sur l'impôt sur le revenu, figurant dans les programmes ministériels et sur l'affiche du Palais-Bourbon depuis de longues années, traîner sur la scène parlementaire, incapables de se muer en lois et de devenir exécutoires.
    Mais puisque, enflammés d'un beau zèle que les maladresses de Rome ont singulièrement  échauffé, les pouvoirs publics veulent en finir avec ce problème troublant et délicat des rapports des Églises et de l'État, il faut espérer que, contre vents et marées, on aboutira.
    Le projet du Cabinet Rouvier, par le souffle de libéralisme qui l'anime, exempt de ces dispositions tatillonnes, mesquines, vexatoires, qui caractérisaient celui de M. Combes, tout bouillant de colère anticléricale, est de nature à faciliter sa solution.
    L'ancien président du Conseil traitait l'Église et, par répercussion, les autres cultes en suspects, sinon en ennemis. Aussi avait-il hérissé son projet, pour assurer à l'État une prédominance qui est incontestable, de tous les traits barbelés que sa hantise des dangers du cléricalisme pouvait faire courir à la République lui avait suggérés.
    Il avait multiplié les précautions que le Gouvernement a le devoir de prendre pour se défendre contre les empiétements traditionnels de l'Église, à un point qui rendait l'exercice du culte - plutôt pour les confessions dissidentes que pour celle-ci - précaire et instables.
    La foi religieuse a déjà suffisamment à lutter en France contre la guerre que lui fait la libre pensée sans que la loi vienne encore par ses règlements tracassiers entraver son développement et son expansion.
    Il y a avait dans le projet Combes beaucoup à faire pour le commissaire de police. L'ingérence du Gouvernement dans les moindres détails de l'organisation du culte, de son fonctionnement, s'y affirmait, y pesait de tout le poids du pouvoir séculier, à chaque article. L'État y abusait vraiment de sa puissance en limitant, par exemple, à un seul département, la fédération des associations cultuelles, en soumettant leurs comptes au contrôle permanent de ses représentants, en réduisant leur capital à une portion ultra-congrue, en leur interdisant de faire appel à leurs fidèles pour les besoins du culte autrement que par des quêtes dans les temples, etc., etc. .Et nous ne parlons pas de la mainmise brutale sur les édifices du culte, même ceux qui sont la propriétés des différentes confessions et du chiffre dérisoire des pensions de retraites accordées à des ministres du culte, chargés, comme les pasteurs et les rabbins, de famille et qui, du jour au lendemain, se retrouveraient réduits à la misère !
    Le projet du nouveau Cabinet se rapprochant de la proposition de loi de M. Briand, député, tient compte, dans une mesure à laquelle il faut rendre justice, des protestations énergiques soulevées dans les milieux protestants et israélites, contre celui de l'ancien Cabinet qui, sans hostilité préconçue et par le contre-coup d'une politique défensive ne les visant pas, les maltraitait encore plus durement que l'Église à laquelle il en voulait particulièrement.
    L'esprit du projet Rouvier se trouve parfaitement défini par cette phrase du court exposé de motifs qui le précède :
    Comme la commission, nous voulons garantir le libre exercice des cultes, et cette liberté ne doit avoir d'autres limites que celles qui sont imposées par l'ordre public.
    On ne saurait mieux déterminer la sphère dans laquelle l'action de l'État peut s'exercer, sans porter d'atteinte sérieuse à la liberté primordiale de l'exercice de la religion.
    Reste à examiner si les dispositions du projet reflètent vraiment cet esprit de liberté et de justice, si elles s'en inspirent.
    On ne doit pas méconnaître que les lignes principales trahissent un effort vers cette Séparation qui doit assurer les droits de l'État sans restreindre ceux de la conscience religieuse. Ce ne sera pas la réalisation de l'idéal des démocraties modernes, que celle des États-Unis a d'ailleurs pleinement atteint, l'Église libre dans l'État libre, mais ce sera, en somme, au milieu des complications de la politique religieuse, un compromis fort acceptable, un régime transitoire entre celui de la tutelle de l'État et celui de l'autonomie, de l'indépendance absolue qui n'est pas possible pour le moment.
    Ainsi la dévolution aux associations cultuelles de leurs biens s'opère, dans le projet Rouvier, par les soins des établissements eux-mêmes et non plus, comme dans le projet Combes, par un acte de pouvoir exécutif. Le transfert a lieu sans immixtion de l'État.
    Point particulièrement intéressant pour le culte israélite, les unions d'associations formées pour la célébration d'un culte ne seront pas limité à un seul département, ce qui aurait porté un coup mortel à tant de nos Communautés de province, incapables de se suffire à elles-mêmes ; elles pourront englober dix départements, ressort moyen des circonscriptions consistoriales actuelles. Bien plus, le projet autorise des unions embrassant un plus grand nombre de départements, mais alors que les premières jouiront de la capacité juridique, les secondes en seront dépourvues.
    D'une façon générale, l'organisation actuelle du culte israélite ne sera pas sensiblement modifiée.
    Toutes les restrictions des nationalité de domicile, imposées par le projet Combes aux fonctionnaires des cultes disparaissent. Les quêtes et collectes, pour subvenir aux frais du culte, ne sont pas limitées à l'enceinte même des temples. Leur comptabilité n'est plus soumise, comme dans le précédent projet, au contrôle inquisitorial des représentants de l'État.
    La disposition de leur capital est réglée dans un esprit beaucoup plus large.
    D'ailleurs, par la publication que nous ferons du projet ministériel, le lecteur se rendra compte que l'équité et le sentiment de justice y ont plus de place que dans celui qu'avait conçu, dans la fièvre de la bataille, le précédent président du Conseil.
    On y remarque un souci visible, tout en sauvegardant les droits de l'État, de ménager les susceptibilités légitimes des différentes confessions, de leur rendre, sinon la vie libre, du moins la vie possible, aisée, ce dont ne semblait avoir aucunement cure M. Combes.
    Maintenant, il est évident que le projet en question n'est pas ne varietur. Il est susceptible d'améliorations et même, hélas ! il faut nous y attendre, d'aggravations.
    Mais il offre un terrain de discussion. Les mailles de son canevas ne sont pas serrées de façon à y étrangler la liberté du culte.
    Exprimons le vœu que les reprises que le Parlement sera appelé à faire à ce tissu, à ce texte législatif, ne le déformeront pas trop et n'en feront pas une camisole de force pour les confessions religieuses qui veulent, à leur tour, éprouver les bienfaits de la démocratie du XX°siècle.
                                                        H. Prague



Les passeports des israélites allemands en Russie
    On se rappelle que plusieurs orateurs libéraux du Reichtag ont attiré, à plusieurs reprises, l'attention du gouvernement allemand sur la situation irrégulière et inique faite aux négociants israélites, sujets allemands, voyageant pour leurs affaires en Russie, dont le séjour se trouvait anormalement limité, comme temps et comme localités. Ils demandent que, dans les négociations du futur traité de commerce germano-russe, le gouvernement fit tous ses efforts pour faire cesser cet ostracisme qui pèse, au mépris du droit international, sur les citoyens israélites allemands circulant en Russie.
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Le
CHÔMAGE OBLIGATOIRE DU DIMANCHE
et les Israélites en Belgique
                Bruxelles, le 10 février
    A l'instar de l'Allemagne, la Belgique veut instaurer chez elle le chômage obligatoire du dimanche, et le gouvernement et la majorité catholique travaillent, en ce moment, à introduire cette réforme dans la législation.
    La Chambre discute, actuellement, un projet de loi tendant à faire du dimanche un jour universel de repos forcé.
    Nos coreligionnaires, qui chôment déjà le samedi pour obéir aux prescriptions du Décalogue, se sont émus de l'obligation où ils se trouveraient, légalement, de chômer un second jour consécutif.
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