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Sénat
Session extraordinaire de 1905

4 décembre 1905
Suite de la discussion du  projet de loi
concernant la séparation des Églises et de l'État
(19° journée, réduite et annotée)



M. le président :... Nous en sommes arrivés au Titre V : Police des cultes : ...
        « Art. 25. - Les réunions pour la célébration d'une culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l'article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre public. Elles ne peuvent avoir lieu qu'après une déclaration faite dans les formes de l'article 2 de la même loi et indiquant le local dans lequel elles seront tenues .
        « Une seule déclaration suffit pour l'ensemble des réunions permanentes, périodiques ou accidentelles qui auront lieu dans l'année. »
        Sur cet article, il y a un amendement de MM. Bodinier, le marquis de Carné, ... (Et leurs amis) ... , ainsi conçu :
        « Les réunions pour la d’un culte, tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition, sont publiques, à moins que ces réunions ne s’adressent à une catégorie spéciale de fidèles.
        « Elles sont dispensées des formalités, etc. (la suite comme le texte de la commission). »
...
M. Bodinier : ... Il y a, par exemple, les exercices du catéchisme, les retraites de première communion et de confirmation, les réunions de jeunes filles, de mères chrétiennes, etc. .....
...
M. le président de la commission, de sa place : La commission ne s’oppose nullement à ce que l’article 25 soit interprété dans le sens de l’amendement de l’honorable M. Bodinier ; mais elle considère comme inutile l’insertion de cet amendement dans le texte. ... si des troubles sont apportés à ce genre d’exercices, ils tomberont sous le coup de l’article 32 de la loi, c’est à dire qu’ils seront réprimés.
...
M. Bodinier :  Dans ces conditions, je retire mon amendement.
...
(L’article 25 est adopté)

M. le président : « Art. 26. -Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l'exercice d'un culte. »
(Adopté)
        « Art. 27.- Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d'un culte continueront à être réglées en conformité des articles 95 et 97 de la loi municipale du 5 avril 1884.
        « Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l'association cultuelle, par arrêté préfectoral.
        « Le règlement d'administration publique prévu par l'article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels le sonneries civiles pourront avoir lieu. »
        Il y a un amendement de M. Ollivier :
        « Les sonneries des cloches peuvent faire l’objet de règlement municipaux, mais dans ce cas les usages suivis antérieurement doivent être observés pourvu que l’arrêté de police ait été déféré au conseil d’État et qu’il ait été statué sur les nécessités invoquées. »

M. Ollivier : ... l’amendement ... a pour but de faire obstacle à l’arbitraire municipal pour les sonneries destinées au culte et aux cérémonies religieuses. La loi de 1884 a établi nettement le droit des maires sur les sonneries pour le service public et pour les fêtes civiles. Elle a donné aux maires une clef du clocher et laissé au clergé le soin de régler les sonneries pour les cérémonies religieuses.
...
(Amendement repoussé par 186 voix contre 32)
...
M. Le président : ... « Art. 28.- Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires , ainsi que des musées ou expositions. »
...
M. l’amiral de Cuverville :  Alors vous acceptez qu’un particulier puisse acheter un terrain dans un cimetière et y ériger une croix ?

M. le ministre : Évidemment
...
M. l’amiral de Cuverville :  Alors, tous les ossements des morts dont  on vous parlait pourront être réunis un jour sous ce monument et cette croix sera à l’abri des mutilations ?

M. le président de la commission :  Oui.

M. Charles Riou : Un particulier pourra faire ce qu’une commune n’aura pas le droit de faire ?

M. le ministre : Parce que la commune doit rester neutre en matière religieuse ; c’est la conséquence de la séparation.

M. le président de la commission :  Si un conseil municipal pouvait élever de semblables monuments, celui qui viendrait pourrait pourrait les faire enlever.

M. l’amiral de Cuverville :  Mais vous garantissez, d’après le droit commun, la conservation des monuments qui existent déjà contre toute mutilation ?

M. le ministre :  Incontestablement.

M. l’amiral de Cuverville :  A qui appartient le cimetière aujourd’hui ?

M. le ministre :  A la commune.

M. l’amiral de Cuverville :  Vous avez déclaré que les monuments actuels seraient conservés.

M. le ministre :  Oui ; mais il est interdit d’en élever de nouveaux.

M. l’amiral de Cuverville :  Reconnaissez-vous aux municipalités le droit de supprimer les monuments existants sur leurs terrains antérieurement à la loi ?

M. le ministre : Sur des terrains dont elles sont propriétaires elles ont déjà ce droit ; la loi ne peut pas le leur enlever.

M. l’amiral de Cuverville :  Alors, demain, elles pourront abattre les croix des cimetières ?

M. le ministre : Sauf sur les sépultures privées. (Exclamations à droite.)

M. l’amiral de Cuverville :  je vous parle des croix des cimetières.
        Vous avez déclaré que les monuments existant actuellement seront maintenus. Les municipalités pourront-elles, demain, détruire les monuments actuellement existants ?

M. le ministre :  Elles pouvaient le faire hier, quand il s’agissait de monuments élevés sur leur terrains ; elles pourront le faire demain.

M. l’amiral de Cuverville :  C’est monstrueux !
...
(L’article 28 est adopté par 172 voix contre 99)

M. le président : « Art. 29.- Les contraventions aux articles précédents sont punies des peines de simple police.
        « Sont passibles de ces peines, dans le cas des articles 25, 26 et 27 , ceux qui ont organisé la réunion ou manifestation, ceux qui y ont participé en qualité de ministres du culte et, dans le cas des articles 25 et 26 , ceux qui ont fourni le local. »
(Adopté)

        « Art. 30. -Conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 28 mars 1882, l'enseignement religieux ne peut être donné aux enfants âgés de six à treize ans, inscrits dans les écoles publiques, qu'en dehors des heures de classe.
        « Il sera fait application aux ministres des cultes qui enfreindront ces prescriptions, des dispositions de l'article 14 de la loi précitée. »
...
(Adopté par 176 voix contre 40)

        « Art. 31. -Sont punis d'une peine d'amende de 16 fr. à 200 fr. et d'un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l'une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d'une association cultuelle, à contribuer ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte. »
        Il y a sur cet article un amendement de MM. Dominique Delahaye, le général de Saint Germain, ... (Et leurs amis) ..., ainsi conçu :
        « Art. 31.- Après les mots :
        « Ou de l’une de ces deux peines seulement »,
        « Ajouter la rédaction suivante :
        « Ceux qui par des voies de faits ou des menaces auront contraint ou empêché une ou plusieurs personnes d’exercer un culte ou de contribuer aux frais d’un culte. »
...
(Amendement repoussé par 183 voix contre 31)
(L’article 31, mis aux voix, est adopté.)

        "Art. 32.- Seront punis des mêmes peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d'un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices. »
        MM. Dominique Delahaye, le vice-amirale de Cuverville, ... (Et leurs amis) ..., demandent la suppression de ces derniers mots : « causés dans le local servant à ces exercices ».

M. Dominique Delahaye : ... Supposez une troupe d’énergumènes se formant sur la place de l’église et rendant impossible l’accès du « local servant aux exercices religieux », l’office aura de la peine à commencer à l’heure. Mais, en vertu de votre article tel qu’il est rédigé, comment poursuivre ces « empêcheurs » ?
...
(Morceaux par morceau, l’article est adopté, le litigieux l’est par 185 voix contre 35 ; puis l’ensemble de l’article, mis aux voix, est adopté.)

M. le président : « Art. 33.- Les dispositions des deux articles précédents ne s'appliquent qu'aux troubles, outrages ou voies de fait, dont la nature ou les circonstances ne donneront pas lieu à de plus fortes peines d'après les dispositions du Code pénal. »
(Adopté)
        « Art. 34.- Tout ministre d'un culte qui, dans les lieux où s'exerce ce culte, aura publiquement par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé d'un service public, sera puni d'une amende de cinq cents francs à trois mille francs (500 à 3 000 fr.) et d'un emprisonnement de un mois à un an, ou de l'une de ces deux peines seulement.
        « La vérité du fait diffamatoire, mais seulement s'il est relatif aux fonctions, pourra être établi devant le tribunal correctionnel dans les formes prévues par l'article 52 de la loi du 29 juillet 1881. Les prescriptions édictées par l'article 65 de la même loi s'appliquent aux délits du présent article et de l'article qui suit. »
...
        Je consulte, en conséquence, le Sénat sur l’amendement de M. Vidal de Saint-Urbain, ainsi conçu :
        « La poursuite aura lieu devant la cour d’assises conformément aux articles 47 à 59 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse. »
(Amendement repoussé par 173 voix contre 95
(L’article 34 est adopté par 168 voix contre 91)

        « Art. 35. - Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s'exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s'en sera rendu coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d'une sédition, révolte ou guerre civile. »
(Adopté)
        « Art. 36.- Dans le cas de condamnation par les tribunaux de police ou de police correctionnelle en application des articles 25 et 26, 34 et 35 , l'association constituée pour l'exercice du culte dans l'immeuble où l'infraction a été commise sera civilement responsable. »
(Adopté)
 

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©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -3 - 1