30 novembre 1905
Suite de la discussion du projet de loi
concernant la séparation des Églises
et de l'État
(17° journée, réduite
et annotée)
M. le président :
... Nous sommes arrêtés, ..., au dernier paragraphe de l’article
13 dont donne une nouvelle lecture :
« Les établissements public du
culte, puis les associations bénéficiaires seront tenues
des réparations de toute nature, ainsi que des frais d’assurance
et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles
les garnissant. »
M. Béranger demande la suppression
de ce paragraphe.
...
M. le président de la commission
: On veut nous acculer à une séparation qui laisse à
l’Église ou aux associations tous les avantages et à l’État
tous les risques.
...
(Le dernier paragraphe de l’article 13 est adopté par 178 voix
contre 102.)
M. le président : Le sénat pourrait, en ce
moment, avant de passer aux dispositions additionnelles présentées
par deux de nos collègues, se prononcer sur le 5° du paragraphe
2 que nous avons réservé et qui est ainsi conçu :
« 5° Si elle ne satisfait pas soit
aux obligations de l’article 6 ou du dernier paragraphe du présent
article, soit aux prescriptions relatives aux monuments historiques. »
Il n’y a pas d’opposition ? ...
(Le 5° est adopté)
Nous passons maintenant [a la disposition
additionnelle] présentée par M. Guillier... Elle est ainsi
conçue :
« Ajouter un paragraphe additionnel
ainsi conçu :
« Dans les cas de cessation de jouissance
ou de désaffectation ci-dessus prévus, l’État, les
départements ou les communes seront responsables des dettes régulièrement
contractées par les associations cultuelles et afférentes
aux édifices dont ils rentreront en possession, à la condition
que les achats ou travaux de toute nature, dont le prix sera encore dû,
aient été, avant leur exécution, approuvés
par le maire autorisé du conseil municipal s’il s’agit d’un édifice
communal, ou par le préfet, s’il s’agit d’un édifice appartenant
au département ou à l’État. »
...
M. Guillier : Messieurs,
l’article 13 n’intéresse pas seulement ceux qui ont le désir
de voir fonctionner convenablement les associations cultuelles ; il préoccupe
aussi très vivement tout un monde de fabricants, de commerçants,
d’ouvriers qui doivent leurs moyens d’existence aux industries d’art religieux.
C’est afin de calmer de légitimes inquiétudes,
de poignantes angoisses ; c’est en vue d’essayer d’amortir le coup terrible
qui va leur être porté que j’ai déposé l’amendement
dont le Sénat voudra bien tolérer le rapide exposé.
Vous n’ignorez pas le nombre considérable
de corps de métiers qui bénéficiaient des commandes
faites par les établissements religieux ; plus de cinquante vont
être atteints par les dispositions de la nouvelle loi (Très
bien ! très bien ! à droite.)
Je ne citerai que les principaux, ceux qui
s’occupent des vitraux, des travaux statuaires, de l’ameublement, de la
fonderie des cloches, des fleurs, des images, de l’orfèvrerie, de
la bijouterie religieuse, des bronzes, de la chasublerie, etc. , et de
tout ce qui se rattache à la construction et à l’agencement
des édifices du culte ..
(Une étude a-t-elle été
faite depuis, sur ces conséquences de la loi ?)
...
(Amendement repoussé par 222 voix contre 55)
(L’ensemble de l’article 13 est adopté par 180 voix contre 50)
M. le président : « Art.
14. - Les archevêchés, évêchés, les
presbytères et leurs dépendances, les grands séminaires
et facultés de théologie protestante seront laissés
gratuitement à la disposition des établissements publics
du culte, puis des associations prévues à l'article 13, savoir
: les archevêchés, et évêchés pendant
une période de deux années ; les presbytères dans
les communes où résidera le ministre du culte, les grands
séminaires et facultés de théologie protestante, pendant
cinq années à partir de la promulgation de la présente
loi.
« Les établissements et associations
sont soumis, en ce qui concerne ces édifices, aux obligations prévues
par le dernier paragraphe de l'article 13. Toutefois, ils ne seront pas
tenus des grosses réparations.
« La cessation de la jouissance des
établissements et associations sera prononcée dans les conditions
et suivant les formes déterminées par l'article 13. Les dispositions
des paragraphes 3 et 5 du même article sont applicables aux édifices
visés par le paragraphe 1er du présent article.
« La distraction des parties superflues
des presbytères laissés à la disposition des associations
cultuelles pourra, pendant le délai prévu au paragraphe 1er,
être prononcée pour un service public par décret rendu
en Conseil d'État.
« A l'expiration des délais de
jouissance gratuite, la libre disposition des édifices sera rendue
à l'État, aux départements ou aux communes.
« Les indemnités de logement
incombant actuellement aux communes, à défaut de presbytère,
par application de l'article 136 de la loi du 5 avril 1884, resteront à
leur charge pendant le délai de cinq ans. Elles cesseront de plein
droit en cas de dissolution de l'association. »
Sur cet article, divers amendements ont été
déposés :
...
Celui de M. Guillier consiste en ceci :
« Modifier ainsi qu’il suit le premier
paragraphe :
Après le mot : « savoir »,
mettre :
« Les archevêchés et évêchés
pendant une période de deux années ; les grands séminaires
et facultés de théologie protestante pendant cinq années
et les presbytères dans les communes où résidera le
ministre du culte ; pendant trente années, le tout à partir
de la promulgation de la présente loi. »
....
(Repoussé par 171 voix contre 96)
(Les six paragraphes sont adoptés)
...
M. le marquis de Carné
:... Permettez-moi ....., de remettre sous vos yeux le texte du paragraphe
additionnel dont je demande l’adoption :
« Les sommes versées par les
fidèles ou employées par les fabriques pour la construction,
la réfection ou les grosses réparations des édifices
affectés aux logements des ministres du culte, attribués
à l’État ou aux communes et la valeur des immeubles donnés
par des fidèles pour servir au même usage, quand ils n’auront
pas été revendiqués par les ayants droits dans un
délai d’un an, seront remises par l’État ou par les communes
aux associations cultuelles constituées conformément à
la loi. »
...
(Repoussé par 180 voix contre 48)
M. le président : Vient maintenant un second article
additionnel de M. de carné à l’article 14. Il est ainsi conçu
:
« Dans le cas où un édifice
affecté au logement des ministres du culte aura été
construit à la fois avec le concours de l’État, du département
ou de la commune et à l’aide de souscription recueillies ou de fonds
votés par l’établissement public bénéficiaire
de l’affectation, l’association substituée audit établissement,
qui n’en aura pas été reconnue propriétaire, aura
le droit de demander la restitution du montant des souscriptions remises
à l’établissement ecclésiastique supprimé et
des fonds par lui votés.
L’État, le département et les
communes auront, dans le cas contraire, droit à la restitution des
subventions par eux affectées à la construction de l’édifice.
»
...
(Repoussé par 180 voix contre 57)
(L’ensemble de l’article 14 est voté par 184 voix contre 41)
Il y a sur les deux articles suivants, ni
amendement ni inscription. ...
« Art.
15. -Dans les départements de la Savoie, de la Haute-Savoie
et des Alpes-Maritimes, la jouissance des édifices antérieurs
à la loi du 18 germinal an X, servant à l'exercice des cultes
ou au logement de leurs ministres, sera attribuée par les communes
sur le territoire desquelles ils se trouvent, aux associations cultuelles,
dans les conditions indiquées par les articles 12 et suivants de
la présente loi. En dehors de ces obligations, les communes pourront
disposer librement de la propriété de ces édifices.
« Dans ces mêmes départements,
les cimetières resteront la propriété des communes.
»
(Adopté)
« Art.
16. - Il sera procédé à un classement complémentaire
des édifices servant à l'exercice public du culte (cathédrales,
églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés,
évêchés, presbytères, séminaires), dans
lequel devront être compris tous ceux de ces édifices représentant,
dans leur ensemble ou dans leurs parties, une valeur artistique ou historique.
« Les objets mobiliers ou les immeubles
par destination mentionnés à l'article 13, qui n'auraient
pas encore été inscrits sur la liste de classement dressée
en vertu de la loi du 30 mars 1887, sont, par l'effet de la présente
loi, ajoutés à ladite liste. Il sera procédé
par le ministre compétent, dans le délai de trois ans, au
classement définitif de ceux de ces objets dont la conservation
présenterait, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt
suffisant. A l'expiration de ce délai, les autres objets seront
déclassés de plein droit.
« En outre, les immeubles et les objets
mobiliers, attribués en vertu de la présente loi aux associations,
pourront être classés dans les mêmes conditions que
s'ils appartenaient à des établissements publics.
« Il n'est pas dérogé,
pour le surplus, aux dispositions de la loi du 30 mars 1887.
« Les archives ecclésiastiques
et bibliothèques existant dans les archevêchés, évêchés,
grands séminaires, paroisses, succursales et leurs dépendances,
seront inventoriées et celles qui seront reconnues propriété
de l'État lui seront restituées. »
(Adopté)
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -3 - 1