23 novembre 1905
Suite de la discussion du projet de loi
concernant la séparation des Églises
et de l'État
(11° journée, réduite
et annotée)
M. le président :
: .... Nous reprenons, ..., l’examen de l’article
4. Nous en sommes restés à l’examen de l’amendement présenté
et soutenu par M. Brager de la Ville-Moysan.
...
M. Vallé, président
de la commission : .... je vous demande de repousser l’amendement ...
Il me sera permis tout d’abord de manifester mon étonnement
de voir qu’à l’occasion de cet article 4, les amendements viennent
du côté de la droite, alors qu’on aurait pu supposer qu’ils
viendraient plutôt du côté de la gauche. (réclamations
ironiques à droite)
...
Je croyais que l’article 4 avait été
la victoire des antiséparatistes. (Très bien ! très
bien ! à gauche)
...
En tout cas il a été célébré
comme tel, et il faut reconnaître qu’il donne aux partisans de l’Église
d’importantes satisfactions.
à gauche : Trop !
...
(Amendement repoussé par 193 voix contre 31)
M. le président : Nous passons, ..., à l’amendement
de MM. Dominique Delahaye, le vice-amiral de Cuverville, Bodinier, le général
de Saint-Germain, le marquis de Carné, de Béjarry, le comte
de Goulaine, de Lamarzelle et Charles Riou, ainsi conçu :
« Après les mots :
« qui seront légalement formées
»
« Ajouter les mots :
« et qui seront désignées
par les évêques ou les consistoires. »
...
M. Dominique Delahaye :
Messieurs, l’article 4, discuté pendant six séances à
la Chambre des députés, a été considéré
comme le « nœud vital » de la loi, si bien que M. Jaurès,
après son adoption, s’est écrié triomphant : «
La séparation est faite ! »
J’ai lu et relu très attentivement
les comptes rendus de ces six séances, me demandant si l’accord
intervenu entre le Gouvernement, la commission et les 509 votants favorables
assurait aux associations cultuelles que leur formation sera toujours conforme
aux intentions du législateur, et qu’elles recevront une attribution
régulière des biens des menses, fabriques et consistoires.
Le débat m’est apparu si touffu, les
déclarations auxquelles il a donné lieu si variées,
que je n’ai pu m’empêcher de penser que le juge tirerait des décisions
tellement diverses que les associations cultuelles pouvaient bien se considérer,
d’ores et déjà, comme livrées à son bon plaisir.
...
L’amendement que j’ai repris avait été
déposé par MM. Thierry, Ribot et nombre de leurs collègues
dès le 21 mars.
...
(Amendement repoussé par 190 voix contre 34)
...
M. Clemenceau : ...
La discussion de l’article 4 au fond vient de s’ouvrir par un intéressant
dialogue entre l’honorable M. de Lamarzelle et l’honorable ministre de
cultes. J’ai écouté la réponse de M. le ministre des
cultes avec la plus grande attention. Je suis trop franc pour dire que
je l’ai comprise. (Rires.) Et s’il m’était permis, amicalement,
d’aller au bout de ma pensée, j’ajouterais que je ne suis pas bien
sûr que M. le ministre se soit bien compris lui-même. (Nouveaux
rires à droite.)
C’est qu’en effet la question est à
peu près insoluble, à mon avis. Ce n’est pas M. le ministre
que j’en rend responsable. L’article 4, que vous le vouliez ou non, que
vous trouviez plus ou moins heureusement des feintes de langage pour dissimuler
la réalité, l’article 4 met la société cultuelle
dans les mains de l’évêque, dans les mains du pays.
...
Par un abus de langage, vous avez apporté
ici une longue discussion dans laquelle vous avez sans cesse parlé
des biens de l’Église. Il n’y a jamais eu de biens de l’Église
sous la monarchie ; il y a eu les biens d’une cure, les biens d’un couvent,
les biens d’un évêché : il n’y a jamais eu les biens
de l’Église, au sens où vous l’avez entendu, c’est à
dire des biens dont on peut disposer pour l’ensemble du culte.
Les biens cultuels ne sont ni la propriété
de l’État ni la propriété de l’Église ; ils
seraient la propriété d’une masse flottante, plus ou moins
indéterminée, de fidèles .... si la Chambre des députés
et sa commission avaient réussi à trouver ce qu’elles ont
si curieusement et si vainement cherché : la pierre de touche du
fidèle.
La vérité, c'est que ces biens
sont affectés à un but, et que pour les maintenir dans cette
affectation, la loi a institué des organes spéciaux d’administration.
...
A l’heure où il s’agit de transférer
les biens cultuels, la question se présente de savoir comment dans
le régime nouveau, par des procédés nouveaux, vous
pourrez faire nettement et loyalement ... cette dévolution.
...
Le Concordat ne connaît pas les fidèles
dans leur liberté, dans leur conscience individuelle ; il ne les
connaît que dans l’autorité de l’Église concordataire.
Voulant rompre avec le Concordat, la Chambre
des députés est demeurée dans l’esprit du Concordat.
Elle s’est occupée uniquement, par un souci qui, d’ailleurs, l’honore,
de donner à l’Église catholique les mêmes garanties
d’autorité que lui conférait le Concordat. Elle a cru qu’elle
devait ces mêmes garanties à l’Église romaine dans
le régime de la liberté et dans ce Concordat de deux autorités
contre la liberté, au lieu de comprendre qu’elle aurait pour premier
devoir d’assurer la liberté de tous les fidèles, sans exception.
Voilà, si j’ai bien réussi à
me faire comprendre, quel est, pour moi, le point qui me divise profondément
d’avec la commission, d’avec la Chambre des députés : c‘est
que les commissaires de la Chambre, comme ceux du Sénat, se sont
montrés préoccupés de deux périls : le péril
de l’État et le péril de l’Église. Le péril
de l’État, si l’État renonçait à ses traditions
laïques, à ses droits acquis ; le péril de l’Église,
si la dévolution n’était pas royale.
Ils n’ont pas vu le troisième péril, celui qui
aurait dû frapper les yeux de tout le monde : le péril des
consciences individuelles, dont je parlais tout à l’heure ; ils
n’ont pas vu le grand péril, qui est maintenant un système
de privilège pour l’autorité romaine dans un régime
de liberté. (Très bien ! très bien ! sur plusieurs
bancs à gauche.)
M. Combes s’était préoccupé
d’abord du péril de l’État et avait institué un système
de concession décennale que vous connaissez.
...
En ce temps-là, M. le ministre des
cultes, M. Bienvenu Martin, se contentait simplement, pour la dévolution,
d’une approbation des préfets ; la commission hésitante entre
la tyrannie de l’État et la tyrannie de l’Église finissait
par choir dans le système actuel qui obtint ces trois résultats
: d’abord consacrer légalement une orthodoxie -... (C’est vrai
! sur divers bancs); en second lieu, de donner, de fragmenter le privilège
total du Concordat en une poussière de sous privilège agglomérés
au profit de l’Église romaine ; et en troisième lieu, de
donner une garantie à l’organisation politique d’autorité
romaine contre notre régime de liberté.
...
Qui donc est responsable de l’article 4 ?
Qui l’a fait ? D’où vient-il ?......
L’article 4 nous vient de M. Grosjean, de
M. de Pressensé, de M. Deschanel, de M. Barthou, de M. Ribot ; il
nous vient surtout du clergé. (Rires approbatifs sur plusieurs
bancs à gauche.)
...
Il y a eu une assez amusante querelle entre
M. Briand et M. Fuzet, archevêque de Rouen, sur la question de la
paternité de l’article 4. J’ai découvert que, même
avant eu M. Fuzet, M. Lecot, archevêque de Bordeaux, avait peut-être
contribué à désigner au législateur la formule
que je condamne. ....
....
Il est donc entendu que si nous voulons faire
une loi qui ne soit pas en contradiction avec les règles générales
de l’Église romaine, où le pouvoir vient de haut en bas,
il faut que nous fassions une loi qui soit nécessairement en contradiction
avec les règles générales de la démocratie
française où le pouvoir vient de bas en haut (Marques
d’approbation sur plusieurs bancs à gauche), et comme les deux
principes s’opposent, vous voyez les conséquences du choix.
Messieurs, personne n’a posé cette
question d’une façon plus claire que M. Ribot Je vous demande la
permission de vous lire quelques lignes extraites de son discours.
Le libéralisme spécial de M.
Ribot reprochait à la commission d’avoir « suscité
au sein du catholicisme le renversement de son principe traditionnel qui
est l’autorité des évêques ... »
Vous comprenez bien, n’est-ce pas ? qu’on
demandait au régime démocratique qui allait se séparer
de Rome, de maintenir, par un moyen légal, suivant le droit français,
l’autorité des évêques. Et c’est ce qu’on a fait.
« ... en donnant à tout catholique,
continuait M. Ribot, le droit de former une association susceptible de
recueillir les biens du culte catholique, sans préciser à
quoi se reconnaissait qu’on est bien catholique. »
ce qu’il fallait éviter, c’était de donner à
tout catholique, quel que fût son catholicisme, sa part de propriété
dans les biens cultuels.
« Car, disait M. Ribot, est catholique
quiconque a été baptisé et n’a pas abjuré.
Mais c’est là être catholique au sens administratif seulement,
et on n’est vraiment catholique que si on l’est au sens de l’évêque.
»
La question est bien posé. Il faut
que nous ayons le courage de dire si nous voulons légiférer
au sens de l’évêque ou bien légiférer au sens
de la démocratie, au sens de la liberté. Il faut que nous
prenions parti entre les droits de Dieu dont le parti catholique s’est
fait le champion, et les droits de l’homme qui constituent le principe
fondamental de notre organisation politique.
...
On ne voulait pas faire rétrospectivement
échec à ceux qui avaient eu la majorité la veille,
et on chercha à annihiler l’article 4 tout en le maintenant.
C’est précisément ce qu’on a
fait.
On disait : « Nous voulons à
la tête de la société cultuelle un prêtre qui
soit en communion avec Rome », et la question se posait de savoir
si la communion de croyance n’impliquait pas la communion politique.
Et, pour parer à ce mal, on inventa
le système qui consistait à recourir au conseil d’État
; on fit l’article 8, au sujet duquel M. de Lamarzelle a posé une
interrogation qui, je peux bien le dire, est restée sans réponse.
L’article 8, au fond, maintien l’article 4
dans son intégralité, et M. Maxime Lecomte, l’honorable rapporteur,
l’a reconnu quand il a déclaré qu’il n’existait, quoi qu’on
en ait dit, aucune antinomie entre l’article 4 et l’article 8.
...
En d’autres termes, le conseil d’État
est chargé de débrouillé les volontés contradictoires
du législateur. (Mouvements divers.)
Je suis certain qu’il s’efforcera de le faire
sans déplaire au Gouvernement. (Très bien ! et rires au
centre et à droite.)
...
C’est une majorité de socialistes et
d’ennemis de la séparation, les membres de la droite, qui votent
l’article 4 ; et nous voyons la conception dogmatique d’une Église
de foi et la conception dogmatique d’une Église d’intérêts,
au sens légitime du mot, se rencontrer pour nous imposer un système
d’autorité privilégiée dans une loi de liberté
: guérite de gauche, guérite de droite, M. Jaurès
et M. le comte de Mun montent la garde à la porte du Vatican pour
empêcher la Révolution d’y introduire la liberté. (Rires
et applaudissements à gauche.)
Et nous avons alors une minorité de
200 républicains qui essayent de prendre, avec l’article 8, leur
revanche sur l’article 4 et qui se déclarent satisfaits -...- parce
qu’avec le conseil d’État ils croient mettre les arrêts de
justice dans la main du Gouvernement. (Très bien ! très
bien ! au centre et à droite. - Protestation à gauche.)
...
Messieurs, dans un pays libre, il ne doit
y avoir qu’une justice (Très bien ! très bien ! à
droite) et les deux mots de justice administrative hurlent de se voir
accouplés. (Vifs applaudissements au centre et à droite.)
Si l’on a transféré la décision du tribunal
civil au conseil d’État, ce n’est pas sans raison.
...
Le texte de l’article 4, que M. le ministre
n’a pas pu parvenir à interpréter, est très clair.
Qu’il soit soumis au conseil d’État ou à la justice civile,
le résultat sera le même. Il faut évidemment la ratification
de l’évêque pour la société cultuelles,
elle est nécessaire ; et, puisque l’évêque est libre
de ne pas la donner, il est manifeste que l’association cultuelle est entre
ses mains.
C’est singulièrement inaugurer un régime
de liberté que de commencer par créer un corps d’état
privilégié, un corps d’autorité romaine dans l’organisation
civile française. (Mouvements divers.)
...
Dans tout cela, où voyez-vous que quelqu’un,
Chambre des députés, commission de la Chambre ou commission
du Sénat, se soit préoccupé de la liberté des
consciences individuelles ? Nous avons vu les théoriciens
de l’État à gauche ; nous avons vu les théoriciens
de l’Église à droite ; nous n’avons vu nulle part les théoriciens
de la liberté. Les uns ont cherché à faire contre-poids
à la tyrannie de l’Église au moyen de la tyrannie de l’État
; les autres ont cherché à faire contre-poids à la
tyrannie de l’État par la tyrannie de l’Église - je parle,
moi, pour la liberté.
Ce qu’il y a de plus difficile à voir
dans le monde, c’est la réalité, c’est ce qui est trop près
de nous, ce que nous voyons tous les jours et ce que l’habitude nous enlève,
pour une part d’analyser.
Vous parlez toujours de 36 millions ou de
34 millions de catholiques. ...
...
Ces 36 millions de catholiques représentent
une incroyable diversité d’opinions, de sentiments, de croyances,
de traditions, dérivant de la foi, de l’atavisme, de l’intérêt,
des habitudes de la vie, des convenances sociales. Il y a les catholiques,
au véritable sens du mot. Il y a surtout les catholisants. C’est
une foule bigarrée qui va de la foi la plus sincère à
l’indifférence, au doute, à l’ incrédulité
pratiquante, qui va du confessionnal à la franc-maçonnerie.
Il faut vous y résigner. (Rires sur un grand nombre de bancs.)
...
Eh bien, par votre loi, que faites-vous ?
Cette masse d’indifférents, cette masse de septiques, cette masse
de douleurs, cette masse d’incrédules pratiquants, vous l’enfermez
dans les serres de l’article 4 pour la refouler sous l’autorité
romaine. Vous la livrez à Rome.
...
Et vous avez si bien voulu organiser le pouvoir
absolu de corps privilégié que vous avez négligé
de chercher, dans les statuts de ces sociétés, une garantie
quelconque pour la liberté des citoyens et M. d’Haussonville, dans
le Figaro, récemment, nous disait qu’on n’entrerait pas dans les
sociétés cultuelles comme dans une grange, qu’on accepterait
certaines personnes, qu’on en excluerait d’autres. Et rien, dans votre
loi, ne s’oppose à cette exclusion.
...
Ces sociétés cultuelles, elles
auront un pivot, un point fixe autour duquel tout le monde vient se rallier,
ce sont les fameuses règles du culte. Qui est-ce qui les connaît,
ces règles générales du culte ?
Qui est-ce qui les a vues ? Où se trouvent-elles
? Qui en est le détenteur ?
Nous remarquons d’abord que c’est une formule
qui ne peut être d’aucun usage pour le culte protestant et pour le
culte israélite. Le culte protestant n’admet pas de règles
générales, non plus que le culte israélite, et il
est impossible de prononcer la déchéance d’une société
cultuelle parcequ’elle ne se conforme pas à des règles générales
qui n’existent pas.
Comment ferez-vous ? puisque cette garantie était supérieure
pour les catholiques, comment pouvez-vous y attacher une importance pour
les protestants, pour les israélites ?
La vérité, c’est que l’article
4 a été fait uniquement avec la préoccupation de satisfaire
aux demandes de Rome. Vous auriez dû savoir par une longue expérience
-...- que Rome on ne la satisfait jamais. (Très bien ! très
bien ! à gauche.) (Et Rome refusera
toute la loi !)
...
Je disais que l’Église catholique est
la plus grande construction de gouvernement absolu que le monde ait jamais
connue. Elle veut l’homme tout entier pour l’autorité, comme nous
le voulons tout entier pour la liberté.
M. Dominique Delahaye : Lisez le cathéchisme, monsieur Clemenceau. (Exclamations à gauche.)
M. Clemenceau : Et
vous, lisez l’histoire. (Très bien ! très bien ! à
gauche.)
...
C’est Gratry qui, à la veille de la
définition du dogme de l’infaillibilité, dénonçait
« l’école d’erreur qui asservit l’Église ».
Allez donc voir si l’évêque lui aurait donné
l’autorisation d’entrer dans une église cultuelle ! (Très
bien ! et rires à gauche.)
Et Montalembert qui répudie «
comme outrageante pour le bon sens comme pour l’honneur du genre humain,
les doctrines de dictatures de l’Église et l’absolutisme de Rome
! » A la porte des sociétés cultuelles ! à la
porte des églises !
...
Et maintenant, quelle contradiction, messieurs,
dans cette contradiction : vous avez commencé par inscrire au frontispice
de votre loi ces mots : « La République ne reconnaît
aucun culte, n’en salarie aucun », et puis, l’article 4 reconnaît
si bien le culte catholique, qu’il invoque sa décision dans une
constatation et qu’il entraîne, par une conséquence
toute naturelle, cette forme de salaire qui consiste dans l’abandon des
édifices cultuels, à titre gratuit.
C’est là un mode de salaire incontestable.
...
Je constate simplement que vous leur faites
une pension quand leur traitement n’a subi aucune retenue. La séparation
leur accorde ce que le Concordat ne leur accorde pas ; .... ce dont je
ne me plaindrais pas si vous vous borniez à secourir les infortunes,
selon le programme primitif de M. Briand. Mais vous faites une loi incohérente
...
Vous me permettrez pourtant de constater que,
lorsque vous donnez, par exemple, une pension de 1 500 Fr., à M.
le curé de la Madeleine, qui a un casuel de 100 000 fr., vous faites
vraiment une chose dérisoire, puisqu’en même temps vous ne
venez pas au secours des prêtres attachés aux communes pauvres,
qui ne rempliront pas les conditions d’exercice et d’âge que vous
imposez ... de sorte que, prétendant remplir un devoir d’humanité,
vous ne le remplissez pas et que vous donnez le superflu à ceux
à qui l’État ne doit rien.
... je suis pour le principe des allocations,
je suis pour le principe des pensions, je voudrais seulement qu’il fût
appliqué de façon à venir au secours des infortunes
véritables, et non pas ajouter de ridicules suppléments de
traitement à des hommes qui n’en ont pas besoin. (Marques nombreuses
d’approbation.)
Et puis, je souhaite surtout que votre système
de transitions ..... fût intelligent. Je voudrais, étant donné
que votre loi doit être une loi de liberté, vous voir préoccupés
de créer des forces de libération, au lieu de la contenir
par des forces de privilège.
...
L’honorable M. Béranger veut bien me
dire : « Si cette loi fait tout le mal que vous avez dit, pourquoi
la votez-vous ? » je la vote parce que je suis pris dans un étau
dont il m’est impossible de me dégager, parce que je suis prisonnier
de mon parti. (Exclamations à droite.) Mais ne triomphez
pas ! Nous sommes tous prisonniers de notre parti, vous comme nous. (Très
bien ! très bien ! à gauche.)
...
Je veux un certain résultat et j’accepte
la partie du résultat qui m’est aujourd’hui donnée. (Marques
d’assentiment à gauche.)
Il s’est produit à la Chambre des députés
des retards injustifiables qui nous obligent à nous presser aujourd’hui
au delà de toute mesure ; je n’en suis pas responsable.
...
Je me contente de ce qui m'est donné.
Je crois que le pays, si la loi n'est pas votée, en éprouverait
une grande déception. (Très bien ! très bien à
gauche. - Interruptions à droite.) Mais, je ne sais quand elle
aura été votée, il en éprouvera une déconvenue....
Une voix à gauche : On l'améliorera
Je l'avertis et je lui dis que les républicains
qui lui avaient promis la liberté de conscience intégrale,
n'abandonnent pas leurs revendications (applaudissement sur divers banc)
et que vous avez mis trop de théocratie dans votre loi pour que
la lutte contre le cléricalisme ne recommence pas dès demain
.
...
Nous ne sommes délivrés de Rome
que pour une part ; nous continuerons donc à lutter pour achever
cette délivrance. (Applaudissements à gauche).
Nous lutterons pour la liberté de conscience
intégrale que vos papes ont condamnée et que nous réalisons
malgré vous (Très bien ! Très bien ! à gauche),
parce qu'elle est dans notre droit, dans le droit de tous les citoyens,
à quelques croyance qu'ils appartiennent, parce que c'est la formule
supérieure de toutes les revendications de la Révolution
française, parce que c'est la condition nécessaire du rétablissement
de l'homme dans sa personnalité, dans sa dignité (Très
bien ! très bien ! et applaudissement à gauche. - L‘orateur,
en regagnant sa place, reçoit les félicitations d‘un grand
nombre de ses collègues).
.....
(L’article 4 est adopté par 254 voix contre 6)
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -3 - 1