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28 mars 1905
    *Adoption :
            1° Du projet de loi autorisant la prorogation d'une surtaxe sur l'alcool à l'octroi de Pont-l'Abbé (Finistère)
            2° Du projet de loi autorisant la prorogation d'une surtaxe sur l'alcool à l'octroi de Saint-Sevran ( Ille-et-Vilaine)
    *Dépôt, par M. le ministre des travaux publics, d'un projet de loi ayant pour objet de modifier l'article 6 du cahier des charges annexé à la loi du 6 août 1897, qui a déclaré d'utilité publique l'établissement du chemin de fer à crémaillère de Chamonix au Montenvers.
suite de la discussion du projet et des propositions de loi
concernant la séparation des Églises et de l'État.
(4° journée ; réduite et annotée)

M. Plichon : ...
    Vous vous rappelez la lutte, violente, persévérante, que le ministère Combe déclara aux congrégations religieuses. Ces congrégations une fois condamnées, dissoutes, exilées, il ne restait place que pour les réformes qu'on avait promises et dont l'échéance approchait. La difficulté de les réaliser engagea le Gouvernement de M. Combes à une nouvelle diversion qu'il chercha et qu'il trouva dans la séparation des Églises et de l'État.
    Tel est le but qu'on s'est proposé, et je dois le reconnaître qu'on a cherché de la façon la plus persévérante à l'atteindre. Les phases successives en ont été exposées dans la presse par nombre d'entre vous messieurs. L'honorable M. Briand disait à ce propos : " A chaque jour suffit sa tâche. Aujourd'hui le rappel ; demain la suppression du crédit ; après demain, c'est-à-dire à très brève échéance, la dénonciation du Concordat, et la séparation de l'Église et de l'État."
    Puis M. de Pressensé : " Voilà qui est fait. Le rideau tombe sur le second acte de la tragi-comédie du Concordat. Le troisième et le dernier, ce sera, avec la dénonciation du Concordat, et la suppression du budget des cultes, le vote de la loi organique nouvelle."  Et M. Clemenceau, avec sa verve coutumière et l'habitude de proclamer franchement ce qu'il pense, disait : "La rupture des relations diplomatique avec le Vatican, n'est qu'une indigne comédie, si ce n'est la préface de la dénonciation du Concordat."
    La méthode a donc été suivie avec un soin méticuleux ; j'ajoute même qu'on y a mis peu de formes, et que si on s'était adressé à un souverain ayant quelque pouvoir temporel, on aurait usé de manières plus courtoises.
...
(Puis il donnera sa vison catastrophique de la précédente expérience française de séparation des Églises et de l'État entre 1794 et 1801 - de la Convention au Concordat - qui aurait été la violation de la liberté des cultes.)

M. Louis Barthou: ...
    Nous avons, [mes amis et moi], ...,voté chaque année, sur la demande des différents ministères qui se sont succédés au pouvoir, les crédits afférents aux dépenses des cultes. Nous sommes décidés aujourd'hui à accepter leur suppression, parce qu'elle nous apparaît, en même temps que la dénonciation du Concordat, comme la solution inéluctable qui découle logiquement d'événements désormais historiques et aussi parce que, seule, elle peut assurer la dignité intérieure et la dignité extérieur de l'État français. (Applaudissements à gauche et à l'extrême gauche.)
    Le principe de la séparation envisagé à un point de vue abstrait et comme solution théorique, a rencontré peu de contradicteurs dans l'ensemble du parti républicain. La séparation a toujours été un des articles du programme radical ; mais elle a aussi trouvé des adhésions significatives de la part d'hommes qui ne siègent pas sur les bancs extrêmes des Assemblées.
    C'était,..., mon ami Raymond Poincaré.... Vous avez entendu M. Paul Deschannel.... Et c'est M. Ribot ...
   ... On ne manque pas d'opposer à ces opinions les témoignages de Gambetta, de Paul Bert et de Jules Ferry. Il me serait facile de démonter par des textes décisifs que ces trois grands républicains, ..., n'ont jamais renié le principe même de la séparation. (Applaudissements à gauche.)
....
    On n'a pas manqué non plus de faire allusion à certaines notes trouvées au lendemain de sa mort dans les papiers de Waldeck-Rousseau.... Waldeck Rousseau attendait la séparation des Églises et de l'État de l'action lente et presque invisible du temps.... (Il fallait la préparer, et c'est ce que M. Lemire rappelle  lors des débats sur la loi de 1901.)
....
    Selon qu'elle ménagera ou qu'elle brusquera les transitions, selon qu'elle respectera ou qu'elle paraîtra froisser les croyances, selon qu'elle s'inspirera de l'esprit de liberté ou qu'elle cédera à l'esprit de secte, la séparation sera une solution bienfaisante ou le plus redoutable des aventures. Son avenir, son sort, son succès sont presque uniquement liés, messieurs à votre prévoyance et à votre sagesse. (Applaudissements à gauche.)
    La séparation des Églises et de l'État devaient fatalement, à une heure que les événements ont précipitée peut-être, suivre la séparation de l'Église et de l'école. Ces deux grandes réformes, dont on peut dire que la première  a annoncé, préparé et commandé la seconde, auront assuré dans la République libérée de toute domination et de toute tutelle confessionnelle, l'œuvre de sécularisation entreprise, vous savez au milieu de quels périls tragiques, par les trois grandes Assemblées de la Révolution.
    Elles ne suffiront pas pourtant à épuiser l'activité et à remplir la tâche du parti républicain. D'autres efforts et d'autres réformes tenteront sa volonté et son courage. Il dépend de vous, messieurs, de lui rendre la liberté qui lui est nécessaire pour s'absorber tout entier dans l'étude des vastes problèmes dont la solution apportera à la démocratie confiante moins d'inégalité, une justice meilleure et une plus large humanité. ( Vifs applaudissements à gauche, à l'extrême gauche et sur divers bancs au centre. - L'orateur, en regagnant son banc, reçoit les félicitations de ses amis.)

    Voix nombreuses, A jeudi !
 
 

©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3
Dépôt légal 2ème trimestre 1999