Journal officiel du 29 mars 1907
Loi relative aux réunions
publiques.
Le Sénat et la Chambre des députés
ont adopté,
Le président de la République promulgue
la loi dont la teneur suit :
Art. 1er. - Les réunions publiques,
quel qu'en soit l'objet, pourront être tenues sans déclaration
préalable.
Art. 2. - Sont abrogées, en ce qu'elles
ont de contraire à la présente loi, les dispositions des
loi des 30 juin 1881, 9 décembre 1905 et 2 janvier 1907.
Art. 3. - Des règlements d'administration
publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente
loi et celle du 2 janvier 1907 seront applicables à l'Algérie
et aux colonies.
La présente loi, délibérée
et adoptée par la Sénat et par la Chambre des députés,
sera exécutée comme loi de l'État.
Fait à Paris, le 28 mars 1907.
A. FALLIERES.
Par le Président de la République
:
Le président du conseil, ministre de l'intérieur
G.
CLEMENCEAU
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
ED. GUYOT-DESSAIGNE
Le ministre de l'instruction publique, des beaux-arts
et des cultes,
ARISTIDE
BRIAND
22 janvier 1907
Projet de loi relatif aux réunions publiques présentée
au nom de M. Armand Fallières, Président de la République
française, par M. Clemenceau, président du conseil, ministre
de l'intérieur; par M. Guyot-Dessaigne, garde des sceaux, ministre
de la justice, et par M. Aristide Briand, ministre de l'instruction publique,
des beaux arts et des cultes. - (Renvoyée à la commission
relative à la liberté individuelle.)
EXPOSE DES MOTIFS
Messieurs, la loi du 30 juin 1881, en proclamant
la liberté des réunions publiques, a subordonné l'exercice
de ce droit nouveau à une déclaration préalable.
Cette formalité avait un double objet : elle
était destinée à mettre l'autorité publique
à même de surveiller les réunions dans l'intérêt
de l'ordre public (art. 8) et, en outre, elle devait servir à déterminer
par avance les organisateurs responsables pénalement et civilement
des infractions commises (art. 7).
Mais cette double considération aurait peut-être
été impuissante à faire attribuer à la déclaration
un caractère obligatoire si le législateur n'avait pas poursuivi
un autre but, essentiel à ses yeux, celui d'empêcher les clubs,
dont l'interdiction était maintenue (art. 7), de se reconstituer
clandestinement à la faveur de la nouvelle législation.
La prohibition des clubs ayant été
levée formellement par l'article 21 de la loi du 1er juillet 1901
sur les associations, la nécessité de la déclaration
a perdu sa principale raison d'être.
Nous devons dailleurs constater que, dans la pratique,
l'autorité publique est loin d'avoir tenu rigoureusement la main
à l'observation de cette formalité qui qui se conciliait
mal avec les mœurs de la liberté; elle a apporté dans l'application
des prescriptions légales la plus large tolérance et elle
a même été parfois jusqu'à les laisser sommeiller,
notamment en matière de réunion électorale.
C'est pourquoi les auteurs de la loi du 9 décembre
1905 sur la séparation des Églises et de l'État, ayant
à étendre aux réunions pour l'exercice du culte le
régime des réunions publiques, se sont bien gardés
d'imposer telle quelle aux fidèles et aux membres du clergé
la formalité de la déclaration; ne pouvant l'abolir, alors
qu'elle demeurait obligatoire pour la généralité des
réunions publiques, ils l'ont, du moins, réduite à
sa plus simple expression au profit des "réunions pour la célébration
d'un culte tenues dans les locaux appartenant à une association
cultuelle ou mis à sa disposition". L'article 4 de la loi du 2 janvier
1907 a fait bénéficier de ce régime de faveur toutes
autres réunions cultuelles, même celles qui se tiennent sur
initiatives individuelles.
Le Gouvernement n'a pas hésité à
faire savoir, à propos de la discussion de cette loi, qu'il n'attachait
à la formalité de la déclaration, considérée
en elle-même et indépendamment de la révolte injustifiée
qu'elle avait provoquée de la part de l'Église catholique,
qu'une importance secondaire et qu'il se prêterait volontiers il
la suppression d'une obligation, qui n'avait pas grande utilité,
à la condition que cette abolition eût le caractère
d'une réforme générale, bénéficiant
à toutes les réunions publiques, et qu'elle n'apparût
pas comme une faveur spécialement réservée aux réunions
cultuelles.
C'est pour tenir l'engagement virtuel pris ainsi
par le Gouvernement que nous vous soumettons le présent projet de
loi qui enlève à la déclaration préalable le
caractère obligatoire que lui avait imprimé la loi du 30
juin l881.
La déclaration subsistera à titre
purement facultatif; au lieu de constituer une sujétion, elle ne
sera plus qu'un avantage conféré aux organisateurs de réunions
publiques: elle leur permettra, s'ils le désirent, de former d'avance
le bureau qui, si la formalité de la déclaration avait été
abolie purement et simplement, aurait dû être, dans tous les
cas, élu par l'assemblée elle-même.
Les réunions cultuelles ont été
dispensées par l'article 25 de la loi du 9 décembre 1905
et l'article 4 de la loi du 2 janvier 1907, de la nécessité
de la formation d'un bureau; mais la déclaration conserve pour les
adeptes des différents cultes un intérêt primordial
puisque, d'après l'article 5, les ministres du culte, dont les noms
seuls sont indiqués dans les déclarations, peuvent obtenir
la jouissance gratuite des édifices affectés à l'exercice
du culte.
La suppression du caractère obligatoire de
la déclaration de la déclaration aura-t-elle pour conséquence
de rendre caduque les dispositions de l'article 3 de la loi du 2 janvier
1907 d'après lesquelles "à l'expiration du délai d'un
mois à partir de la promulgation de la présente loi seront
de plein droit supprimées les allocations concédées,
par application de l'article 11 de la loi du 9 décembre 1905, aux
ministres du culte qui continueront à exercer leurs fonctions dans
les circonscriptions ecclésiastiques où n'auront pas été
remplies les conditions prévues, soit par la présente loi,
pour l'exercice public du culte, après infraction dûment constatée
?" En aucune façon.
D'après l'article 11 de la loi du 9 décembre
1905 les allocations comme les pensions, ne devraient être supprimées,
en dehors du cas de condamnation à une peine afflictive ou infamante,
qu'à la suite d'une condamnation pour l'un des délits prévus
aux articles 34 et 35.
L'article 3 de la loi du 2 janvier 1907 a généralisé
l'éventualité de la suppression des allocations en attachant
cette sanction à toute condamnation pour une infraction quelconque
aux prescriptions des lois de 1905 et de 1907.
Le projet de loi qui vous est présenté
a pour conséquence de faire disparaître une des hypothèses
où les allocations auraient cessé, celle où il n'y
aurait pas été fait de déclaration préalable
pour l'exercice public du culte. Mais l'obligation de déclaration
n'est pas la seule prescription dont la méconnaissance puisse entraîner
d'après la loi du 2 janvier 1907 la suppression des allocations;
d'autres dispositions impératives comportent la même sanction
qui sera applicable notamment : si des réunions politiques sont
tenues dans les locaux servant habituellement à l'exercice d'un
culte (loi du 9 décembre 1905, art. 26); si les règlements
municipaux concernant soit les cérémonies, processions et
autres manifestations extérieures du culte, soit les sonneries des
cloches ne sont pas observées (art. 27); si, contrairement à
l'article 31, des ministres du culte, "soit par voie de fait, violences
ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son
emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune,
l'ont déterminé à exercer ou à s'abstenir d'exercer
un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d'une
association cultuelle, à contribuer ou à s'abstenir de contribuer
aux frais d'un culte"; si, profitant de la loi du 2 janvier 1907, qui permet
d'assurer l'exercice public du culte au moyen d'association de droit commun,
régies par la loi du 1er juillet 1901, des ministres du culte établissent
des associations de cette nature sans cependant respecter les prescriptions
de ladite loi.
Le projet de loi quo nous vous soumettons ne tend
pas seulement à enlever à la formalité de la déclaration
son caractère obligatoire; il porte, de plus, que les réunions
publiques pourront se tenir à toute heure, et par là il abroge
la disposition de l'article 6 de la loi du 30 juin 1881 aux termes de laquelle
les réunions ne peuvent se prolonger au delà de onze heures
du soir, sauf dans les localités où la fermeture des établissements
publics a lieu plus tard.
Par celle double innovation nous aurons éliminé
de la loi du 30 juin 1881 tout ce qui pouvait être considéré
comme une entrave à l'exercice du droit de réunion; les réunions
publiques jouiront désormais de la liberté la plus entière,
sans aucune des restrictions dont elle était entourée jusqu'ici
et sous la seule réserve de l'usage du pouvoir de police municipale
en vue du maintien de l'ordre public dans les conditions fixées
par l'article 9 de la loi de 1881, qui ne fait que se référer
au droit commun, tel qu'il était formulé dans les dispositions
de l'article 3 de la loi des 16-24 juillet 1790, de l'article 9 de la loi
des 19-22 juillet 1791 et des articles 9 à 11 de la loi du 18 juillet
1837 remplacées aujourd'hui, sauf pour Paris, par la loi du 5 avril
1884.
D'ailleurs, la sauvegarde de l'ordre public, loin
de porter atteinte à la liberté de réunion, est une
condition essentielle de son exercice, sans laquelle cette liberté
ne serait pas une réalité pratique.
Notre projet répond aux mêmes préoccupations
que la proposition déposée par M. Étienne Flandin;
mais elle s'en distingue par certains traits essentiels.
La proposition de M. Flandin se substitue à
peu près intégralement à la loi du 30 juin 1881, dont
elle reprend certaines dispositions fondamentales, tandis que notre projet,
beaucoup plus simple, se superpose à la législation existante;
il se borne aux innovations destinées à faire progresser
le régime des réunions publiques dans le sens de la liberté.
A quoi bon affirmer que les réunions publiques
sont libres et qu'elles peuvent avoir lieu sans autorisation ? La loi du
30 juin 1881 l'a déjà dit (art. 1er). A quoi bon proscrire
les réunions sur la voie publique ? La loi du 30 juin 1881 interdit
déjà. A quoi bon prévoir que les réunions publique
pourront être dissoutes par les représentants de l'autorité
" en cas de tumulte dégénérant ou menaçant
de dégénérer en violences ou voie de fait"? La loi
du 30 juin 1881, dans son article 9, n'a-t-elle pas stipulé en termes
plus précis et prêtant moins à l'arbitraire que "le
droit de dissolution ne devra être exercé par le représentant
de l'autorité que s'il en est requis par le bureau ou s'il se produit
des collisions et voies de fait"? A quoi bon abroger l'article 7 de la
loi du 30 juin 1881 qui interdisait les clubs, puisque cet article a déjà
été rapporté par la loi du 1er juillet 1901 ?
Quant à l'abrogation de l'article 8 de la
loi de 1881, la proposition de M. Flandin, en la prononçant, accomplit
une réforme qui n'est libérale qu'en apparence et qui, en
réalité, tournerait au détriment de la liberté.
Supprimer l'obligation pour les réunions publiques d'avoir un bureau,
n'est-ce pas livrer ces réunions au bon plaisir de la police ? C'est
bien à ce résultat qu'aboutit, sans le vouloir, la proposition
de l'honorable député, puisque la suppression du bureau est
compensée par un renforcement des pouvoirs de police, l'article
2 de ce projet portant dans son second paragraphe que "le refus d'obtempérer
aux réquisitions de l'autorité prononçant la dissolution
d'une réunion au cas prévu par le paragraphe précédent
est puni d'une amende de 16 à à 200 fr. sans préjudice
de toutes poursuites pour crimes ou délits de droit commun".
C'est le retour à la loi du 6 juin 1868 (art.
10). L'une des réformes capitales opérées par la loi
du 30 juin 1881 a consisté à ne plus laisser subsister, en
matière de réunion publique, que des peines de simple police;
la proposition de M. Flandin, si elle était adoptée, nous
ramènerait aux peines correctionnelles.
Il nous a semblé que les droits de l'autorité
publique devaient rester ce qu'ils sont d'après la loi du 30 juin
1881 et qu'il y avait d'autant moins lieu de les affermir par une aggravation
de pénalités que, si la désignation d'un bureau à
laquelle on voudrait suppléer, est de nature à garantir l'ordre,
elle n'est pas une formalité attentatoire au droit de réunion.
C'est au, contraire, le propre des assemblées
délibérantes de confier la direction de leurs débats
et le maintien de l'ordre dans leurs rangs à un bureau de leur choix
qui, par l'autorité dont il dispose, est le signe extérieur
et apparent de leur liberté.
La nécessité d'un bureau a été
supprimée pour les réunions cultuelles car les lois de 1905
et de 1907, mais c'est parce que la contradiction n'y est pas admise et
qu'en se produisant elle susciterait un trouble et un désordre
dont les auteurs tomberaient sous le coup des dispositions de l'article
32 de la loi de 1905.
Les réunions ordinaires comportent le plus
généralement une discussion et par là même elles
appellent la nomination d'un bureau.
Tels sont les motifs pour lesquels, tout en nous
ralliant au principe de la proposition de M. Flandin. nous croyons devoir
vous apporter un texte différant qui nous parait mieux traduire
la pensée même de l'honorable député et des
membres de la Chambre qui se sont associés à son initiative.
Le projet dont nous avons l'honneur de vous saisir
est une nouvelle et significative affirmation de la politique libérale
du Gouvernement.
PROJET DE LOI
Art. 1er. - Les réunions publiques,
quel qu'en soit l'objet, peuvent être tenues sans déclaration
préalable et à toute heure.
Art. 2. - Sont abrogées on ce qu'elles
ont de contraire à la présente loi, les dispositions des
lois des 30 juin 1881, 9 décembre 1905 et 2 janvier 1907.
24 janvier 1907
Rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner
1° le projet de loi relatif aux réunions publiques; 2° la
proposition de loi de M. Étienne Flandin (Yonne) et de plusieurs
de ses collègues, sur la liberté de réunion, par M.
Étienne Flandin (Yonne), député. (Urgence déclarée.)
Messieurs, dans sa séance du 15 janvier 1907,
la Chambre a prononcé l'urgence en faveur d'une proposition de loi
de M. Étienne Flandin et de plusieurs de ses collègues relative
à la liberté de réunion. dans leur court exposé
des motifs, les auteurs de cette proposition de loi déclaraient
: "Nous estimons que l'heure est venue pour la République de compléter
l'œuvre du législateur de 1881, de mettre fin à des défenses
injustifiées, de s'inspirer du large exemple de libéralisme
que nous donnent des nations voisines, de reconnaître à un
peuple maître de ses droits la liberté complète de
réunion pour ses citoyens, pour les adhérents de tous les
partis, pour les adeptes de toutes les doctrines, pour les croyants de
toutes les confessions, sous la seule condition de ne pas troubler l'ordre
public."
S'inspirant de la même pensée, le Gouvernement
a déposé, dans la séance du 22 janvier, un projet
de loi ayant également pour but de faire disparaître les restrictions
dont la loi du 30 juin 1881 avait entouré l'exercice du droit de
réunion.
Mais, tandis que la proposition de loi de M. Étienne
Flandin et de ses collègues se substituait à peu près
intégralement au texte de la loi du 30 juin 1881, le projet plus
simple du Gouvernement se superpose à la législation existante
en se bornant "aux innovations destinées à faire progresser
le régime des réunions publiques dans le sens de la liberté".
M. Étienne Flandin a retiré son texte
pour se rallier à celui du Gouvernement. Votre commission vous propose
d'adopter le projet de loi. Elle a pris cette résolution à
l'unanimité moins deux voix de collègues qui ont d'ailleurs,
déclaré n'être point opposé au principe de la
réforme.
Le projet de loi se réduit à deux
articles.
Le premier décide que "les réunions
publiques, quel qu'en soit l'objet, peuvent être tenues sans déclaration
préalable et à toute heure".
Le second article abroge, en ce qu'elles ont de
contraire à la législation nouvelle, les dispositions des
lois des 30 juin 1881, 9 décembre 1905 et 2 janvier 1907.
La loi est donc une loi d'ordre général,
réglant le droit commun de toutes les réunions.
Au profit de toutes, elle consacre le même
principe de liberté.
Dorénavant, l'obligation d'une déclaration
préalable, faite dans un délai déterminé, par
deux citoyens jouissant de leurs droits civils et politiques, dont l'un
au moins est domicilié dans la commune où doit avoir lieu
la réunion, disparaît.
Disparaît également l'interdiction
de prolonger les réunions au delà de onze heures du soir.
Mais, tout en supprimant les entraves que la nécessité
de la déclaration préalable apportait au libre exercice du
droit de réunion, le projet de loi réserve aux citoyens les
avantages que leur assurait la déclaration aux termes de la législation
existante.
La déclaration cesse d'être obligatoire.
Elle reste facultative.
Qu'il s'agisse, en effet, des réunions publiques
électorales ou autres que prévoit la loi du 30 juin 1881,
ou des réunions cultuelles autorisées par la loi du 2 janvier
1907, la déclaration ouvre à ceux qui jugent utile de la
faire des droits dont il importait de ne point les déposséder.
En ce qui concerne les réunions publiques
électorales ou autres, où des débats contradictoires
appellent une direction nécessaire, votre commission, d'accord avec
le Gouvernement, a pensé que l'on ne saurait, sans risquer de
compromettre l'exercice régulier du droit de réunion,
supprimer la formalité de la nomination d'un bureau. La suppression
du bureau, chargé par la loi de 1881 de maintenir l'ordre et d'empêcher
toute infraction aux lois, aurait comme corollaire fatal le renforcement
obligé des pouvoirs de police pour dissoudre la réunion en
cas de tumulte dégénérant en violences ou voies de
fait.
Ce serait aller à l'encontre des dispositions
libérales de la loi que nous voulons édicter.
Mais, le bureau étant maintenu pour les réunions
publiques, devait-on faire abstraction de la faculté que le deuxième
paragraphe de l'article 8 de la loi du 30 juin 1881 réserve aux
organisateurs d'une réunion de désigner par avance dans leur
déclaration les membres du bureau? Telles circonstances peuvent
surgir où ce droit présente pour les organisateurs un réel
intérêt.
Il se trouve sauvegardé par le maintien de
la déclaration facultative.
Le maintien de la déclaration à titre
purement facultatif ne présente pas moins d'utilité ce qui
concerne les réunions cultuelles.
Sans doute les réunions pour la célébration
du culte ont été affranchies par l'article 25 de la loi du
9 décembre 1905 et par l'article 4 de la loi du 2 janvier 1907 de
la formalité d'un bureau.
Mais la loi de 1907 a créé au profit
du ministre du culte, dont le nom se trouve mentionné dans la déclaration
générale annuelle, faite au termes de l'article 25 de la
loi du 9 décembre 1905, une situation plus favorables que celle
résultant de la simple application du droit commun.
D'accord avec le Gouvernement, votre commission
a entendu maintenir aux ministres du culte le bénéfice des
dispositions législatives que vous avez précédemment
votées.
Les fidèles, voulant user pour la célébration
du culte du droit de réunion, auront le choix entre deux alternatives
:
Ou la réunion cultuelle sans aucune déclaration;
Ou la réunion cultuelle en vertu de la déclaration
générale faite une fois par an en conformité de l'article
25 de la loi du 9 décembre 1905.
Dans le premier cas, le ministre du culte sera dans
l'église, édifice national, départemental ou communal
affecté à perpétuité au culte aux termes de
l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905, un simple occupant; il
aura la jouissance gratuite, mais précaire, de l'église et
du mobilier qui s'y trouve, sans aucun pouvoir d'administration ou de gestion.
Dans le second cas, il aura un titre juridique,
la qualité légale d'usager, avec tous les droits, tous les
pouvoirs d'administration et de gestion qui en dérivent, tant pour
l'église que pour le mobilier affecté au culte.
L'Église catholique, qui seule n'a pas jugé
devoir accepter les avantages réservés aux associations cultuelles
par la loi de 1905, aura l'option entre l'un ou l'autre de ces deux modes
d'exercice du droit de réunion pour la célébration
du culte.
Il demeure entendu que, pour assurer au prêtre
l'usage gratuit de l'église et du mobilier qui s'y trouve avec des
droits légaux dérivant de la qualité d'usager dans
les formes prévues par la loi du 2 janvier 1907, la déclaration
ne devra pas nécessairement être faite par le ministre du
culte. Pour satisfaire au texte et à l'esprit de la loi, il suffira,
dans la déclaration signée de deux citoyens, dont l'un au
moins domicilié dans la commune, il y ait eu l'indication du nom
du desservant.
Mais qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas déclaration,
les fidèles pratiqueront librement leur religion sous la protection
des articles 31, 32 et 33 de laloi du 9 décembre 1905 réprimant
les atteintes, les entraves ou les troubles au libre exercice du culte.
Au cours de l'élaboration de la loi du 2
janvier 1907, M. le ministre des cultes s'expliquait ainsi sur les conséquences
pouvant résulter du défaut de déclaration pour les
réunions cultuelles :
"Pour préciser ma pensée, si l'Église
catholique persiste à ne point faire la déclaration de réunion
prescrite par la loi, voici ce qui se passera :
1° Une contravention sera relevée contre
le ministre du culte à chaque contravention;
2° L'allocation sera supprimée;
3° L'église pourra être désaffectée
au bout de six mois, conformément à l'article 13 de la loi
de 1905"
Le droit commun que nous vous proposons de consacrer
aura pour effet d'écarter ces éventualités.
La déclaration cessant, d'une manière
générale, d'être obligatoire pour toutes les réunions
publiques, quel qu'en soit l'objet, il n'y aura pas à mobiliser,
dans toutes nos communes, les agents de la force publique pour dresser
des procès-verbaux, en encombrer les prétoires et prêter
main-forte au fisc afin d'assurer le recouvrement d'amendes dérisoires.
Les allocations que, dans un sentiment d'humanité
et de justice, vous aviez tenu à accorder à d'anciens desservants,
dont beaucoup sont pauvres, pourront être maintenues sans désarmer
la République. Le projet de loi énumère toutes les
infractions qui continueront à entraîner la suppression de
l'allocation. La liste en est longue; mais la suppression alors résultera
de la faute personnelle du ministre du culte, non de l'obéissance
à laquelle sa soumission religieuse le condamne. Vous aurez d'autant
plus le droit de vous montrer sévères vis-à-vis des
membres du clergé qui, méconnaissant leur mission, voudraient
transformer l'Église en un foyer d'agitation politiques, que vous
n'aurez pas placé entre leur foi et leur pain des hommes qui souffrent
de ne pouvoir concilier ce qu'ils jugent leur obligation de prêtre
catholique avec leur devoir de citoyens français, tenus d'obéir
aux lois de la France.
Enfin, messieurs, vous aurez rendu impossibles le
danger dont s'alarment les consciences, le danger de la fermeture des églises.
Toute la tactique des adversaires de la République tend à
vous acculer à cette mesure comme à la sanction nécessaire
à la loi. Vous aurez ainsi ruiné d'avance par avance l'espoir
de ceux qui voient dans la cessation du culte public le suprême moyen
de détacher les masses du Gouvernement républicain. Dût-elle
persister dans son refus d'accepter la loi de séparation, l'Église
catholique restera, malgré elle, dans la légalité,
et, la République tiendra sa promesse "d'assurer la liberté
de conscience et de respecter le libre exercice des cultes".
Tels sont, messieurs, les avantages que nous attendons
de la loi nouvelle. Elle devra vous apporter la solution de difficultés
passagères, mais elle devra être, avant tout, une loi de droit
commun, ne créant de privilège pour personne, profitant indistinctement
à tous les Français et venant accroître notre patrimoine
de libertés.
Nous croyons que les modifications proposées
peuvent être votées par vous sans constituer le moindre péril
pour l'ordre public.
Vainement, on voudrait prétendre que l'autorité
sera désarmée, qu'elle ignorera les réunions publiques,
qu'elle sera dans l'impuissance pour prendre des mesures de surveillance
nécessaires.
Par cela même que la réunion devra
être publique, ne faudra-t-il pas qu'elle soit annoncée, affichée,
publiée ? Comment l'autorité, dont la mission est de s'enquérir
de ce qui se passe, ne serait-elle pas avertie comme seront avertis tous
les citoyens ?
Soyons moins défiants vis-à-vis de
la liberté, faisons lui plus généreusement crédit.
Si la France a peut-être, à un moindre degré que d'autres
peuples, profité des idées d'émancipation dont elle
avait elle-même apporté l'enseignement, c'est que trop souvent
chez elle la manie de la réglementation et la mise en tutelle a
découragé les initiatives et paralysé le progrès.
Il nous reste, messieurs, à nous expliquer
sur le contre-projet de M. Ghesquière et de ses collègues,
que vous avez bien voulu nous renvoyer.
Le contre-projet de M. Ghesquière se différencie
du projet de loi du Gouvernement en ce que, proclamant la liberté
de réunion, il entend que les réunions puissent avoir lieu
même sur la voie publique.
Sans méconnaître l'appui qu'apporterait
à la thèse des auteurs du contre-projet l'exemple de législations
étrangères, même monarchiques, nous estimons qu'en
l'état de nos mœurs la liberté de réunion sur la voie
publique pourrait entraîner, à des heures données,
de sérieux inconvénients, peut-être de regrettables
désordres.
La rue appartient surtout aux passants qui vaquent
à leurs affaires; ils seraient médiocrement satisfaits de
la trouver obstruée par des meetings plus ou moins tumultueux, si
intéressant que puissent être les problèmes politiques,
religieux ou sociaux qui seraient mis en discussion.
M. Ghesquière et ses collègues réclament
en outre que "dans chaque commune le maire soit tenu de mettre à
la disposition des citoyens un local ou un emplacement quelconque, afin
de leur assurer le libre exercice du droit de réunion".
Il est assurément à désirer
que ce vœu soit libéralement accueilli par les municipalités,
mais nous ne croyons pas qu'il appartienne à l'État de se
substituer à leur initiative.
Votre commission a écarté le contre-projet
de M. Ghesquière et a décidé de soumettre à
vos délibération le projet de loi dont la teneur suit :
PROJET DE LOI
Art. 1er. - Les réunions publiques,
quel qu'en soit l'objet, peuvent être tenues sans déclaration
préalable et à toute heure.
Art. 2. - Sont abrogées on ce qu'elles
ont de contraire à la présente loi, les dispositions des
lois des 30 juin 1881, 9 décembre 1905 et 2 janvier 1907.
21 février 1905
RAPPORT SUPPLÉMENTAIRE fait au nom
de la commission chargée d'examiner le projet de loi, adopté
par la Chambre des députés, relatif aux réunions publiques,
par M. Eugène Lintilhac, sénateur. - (Urgence déclarée)
.
Messieurs, dans la séance du 14 février,
le Sénat, après avoir voté la première partie
de l'article 1er du projet de loi relatif ,aux réunions publiques,
ainsi conçu :
"Les réunions publiques, quel qu'en soit
l'objet, pourront être tenues sans déclaration préalable
", a renvoyé le texte du projet à la commission.
Les critiques de ce texte qui ont motivé
le renvoi et ont été portées par divers orateurs à
la tribune du Sénat, ne différaient pas au fond de celles
que votre rapporteur avait formulées au nom de la majorité
de votre commission.
Mais celle-ci avait passé outre à
ces défectuosités du projet de loi. pour mettre au plus vite
entre les mains du Gouvernement l'instrument de pacification religieuse
qu'il vous demandait. Se plaçant à ce point de vue, elle
considérait que maintenir l'intégralité du texte,
c'était risquer un petit mal pour assurer un grand bien.
Or votre vote du 14 février signifie évidemment
que vous êtes très préoccupés de faire disparaître
ce mal. sans craindre de perdre le bien. en renvoyant le projet modifie
à la Chambre.
Le Gouvernement, entendu par votre commission, s'est
rangé à votre opinion. Cette adhésion entraîne
logiquement la
notre.
En effet. la commission est ainsi mise à
l'aise pour corriger des défectuosités qu'elle-même
avait loyalement signalées, qui avaient fait l'objet d'amendements
de la part de plusieurs de ses membres et dont le maintien quand même
n'a plus de contre-partie dans le temps à gagner, puisque le retour
du projet de loi à la Chambre des députés est désormais
inévitable.
En conséquence, et à l'unanimité
moins la voix d'un de ses membres qui demandait le maintien des anciens
articles 3 et 4, elle vous propose le texte suivant:
Projet de loi
Art. 1er. - Les réunions publiques,
quel qu'en soit l'objet, pourront être tenues sans déclaration
préalable.
Art. 2. - Sont abrogées, en ce qu'elles
ont de contraire à la présente loi, les dispositions des
loi des 30 juin 1881, 9 décembre 1905 et 2 janvier 1907.
Art. 3. - Des règlements d'administration
publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente
loi et celle du 2 janvier 1907 seront applicables à l'Algérie
et aux colonies.
7 mars 1907
Rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner
le projet de loi, adopté par la Chambre des députés,
adopté avec modifications par le Sénat, relatif aux
réunions publiques, par M. Étienne Flandin (Yonne) , député.
(Urgence déclarée.)
Messieurs, le sénat a modifié sur
trois points le projet de loi relatif aux réunions publiques que
vous aviez voté, à l'unanimité moins une voix, dans
votre séance du 30 janvier.
Il a décidé, avec vous, que "les réunions
publiques, quel qu'en soit l'objet, pourront être tenues sans déclaration
préalable"; mais il a supprimé du texte de l'article 1er
les mots " à toute heure".
Il a supprimé de même les 3 et 4 du
texte sorti de vos délibérations.
L'article 3 spécifiait que "dans chaque commune
où il existe un local ou un emplacement communal habituellement
utilisé pour les réunions publiques" le maire serait tenu
de "le mettre à la disposition des citoyens pour assurer le libre
exercice du droit de réunion".
Larticle 4 ajoutait que "les organisateurs de la
réunion seraient solidairement responsables des dégâts".
Votre commission a l'honneur de vous proposer d'accepter
la rédaction du Sénat.
En maintenant l'interdiction prononcée par
l'article 6 de la loi du 30 juin 1881 de prolonger les réunions
au delà de onze heures du soir ou de l'heure fixée pour la
fermeture des établissements publics, la haute Assemblée
a été guidée par la préoccupation d'empêcher
que la tenue de prétendues réunions ne vint paralyser l'exécution
des arrêtés de police protégeant le bon ordre et la
tranquillité publique.
Les mots" à toute heure" ont été
supprimés sur la double affirmation du rapporteur de la commission
et de M, le président du conseil, ministre de l'intérieur,
que l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905, aux termes duquel
" la République garantit le libre exercice des cultes , pouvait
suffire à assurer la parfaite légalité de la célébration
des offices religieux de Noël et de toute autre cérémonie
rituelle qui se prolongerait au delà de l'heure fixée par
l'article 6 de la loi du 30 juin 1881.
Quant aux dispositions des articles 3 et 4 du texte
de la Chambre, dispositions improvisées en séance à
titre d'amendement an projet de loi, elles ont paru au Sénat présenter
le triple inconvénient d'être difficilement conciliables avec
les prorogatives légales des municipalités, d'être
dénuées de toute sanction pratique et de créer une
antinomie avec les dispositions de l'article 1er de la loi nouvelle supprimant
la formalité de la déclaration.
Devant ces critiques non dénuées de
fondement, votre commission vous demande de renoncer aux dispositions que
vous aviez votées à l'initiative de l'honorable M. Willm.
La pensée qui avait inspiré son amendement pourra, au surplus,
recevoir satisfaction dans une large mesure avec l'engagement pris par
le Gouvernement d'inviter. par voie de circulaire, les maires à
mettre les locaux dont ils ont la jouissance à la disposition des
citoyens désireux d'organiser des réunions, sous la garantie
que l'ordre public ne sera pas troublé, ce sera un devoir pour les
municipalités d'assurer, de la façon la plus impartiale et
la plus libérale, l'exercice du droit de réunion. Un pays
ne progresse qu'en s'accoutumant aux mœurs de la liberté.
Votre commission. messieurs, soumet à votre
approbation le texte adopté par le Sénat et dont la teneur
suit:
Projet de loi
Art. 1er. - Les réunions publiques,
quel qu'en soit l'objet, pourront être tenues sans déclaration
préalable.
Art. 2. - Sont abrogées, en ce qu'elles
ont de contraire à la présente loi, les dispositions des
loi des 30 juin 1881, 9 décembre 1905 et 2 janvier 1907.
Art. 3. - Des règlements d'administration
publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente
loi et celle du 2 janvier 1907 seront applicables à l'Algérie
et aux colonies.
Le texte repassera à
la Chambre le 27 mars 1907 où il sera adopté
après une courte discussion; M. Paul Constans proposant un amendement
similaire à celui du sénateur Willm.