La séparation écartée,
la commission a eu à examiner la question de savoir si la législation
actuelle est bonne et suffisante ou s'il convient de la modifier.
Tout d'abord, elle a écarté
de ses délibérations, comme entrant plus nettement dans les
attributions d'autres commissions parlementaires, la question des congrégations
religieuses, celle du service militaire des séminaristes, la réforme
de l'organisation des fabriques et des pompes funèbres, les modifications
aux décrets sur les honneurs et préséances, la suppression
proposée de nos ambassades auprès du saint-siège.
Mais faut-il toucher soit
à la loi de germinal an X, soit aux autres dispositions législatives
qui confèrent à l'Église catholique certains avantages
non prévus en 1802 ?
A cette question, quelques
membres de la commission ont répondu négativement. Ils ont
déclaré que ces avantages, s'ils n'avaient pas été
stipulés formellement dans la convention de 1801 et dans les articles
organiques, n'étaient cependant qu'une application du principe qui
avait, à cette époque, guidé le Gouvernement français.
"Le
concordat, ont-ils dits,
est une œuvre de pacification. L'Église rassurait les consciences
des détenteurs de biens ecclésiastiques ; elle reconnaissait
le gouvernement issu de la Révolution et le plaçait au même
rang que ses prédécesseurs. En retour, l'État, sans
rien abandonner à l'Église de ses droits, et même en
exigeant d'elle certains renoncements, a voulu non seulement la reconnaître
et la salarier, mais l'honorer, faciliter sa tâche moralisatrice.
Les gouvernements se sont montré fidèles à l'esprit
concordataire toutes les fois qu'ils ont pris des mesures propres à
aider au recrutement du clergé, à en instruire les membres,
à leur assurer une situation honorable, à les mettre à
l'abri d'exigences civiles peu convenables pour leur caractère.
Ainsi l'exemption du service militaire, les bourses, les logements accordés
aux grands séminaires, l'affectation des palais épiscopaux
sont des mesures inspirées par l'esprit concordataire.
"Il est vrai que, pendant
certaines périodes d'effervescence religieuse, des abus ont été
introduits dans notre législation ; la loi du sacrilège,
le monopole des inhumation, la toute-puissance dans le domaine de l'enseignement
public ne sont point dans l'esprit concordataire. Mais ces abus ont été
corrigés. S'il en reste encore quelques uns, des lois spéciales
en feront justice ; mais il serait inutile et peut-être imprudent
de les réunir toutes dans une seule loi, qui pourrait avoir l'air
d'une déclaration de guerre.
"Quant aux articles organiques
de germinal an X, pourquoi les réviser, amender les uns, supprimer
les autres, ajouter des sanctions pénales aux prescriptions conservées
? Ces articles sont ce qu'ils sont : excellents en certains points, déplorables
sur d'autres, à un tel degré que leur auteur en a lui-même
modifié quelques-uns et est allé jusqu'à s'étonner
qu'on ait obéi à d'autres. Il faut laisser dans l'obscurité
où elles ont été enfoncées depuis quatre-vingts
ans des prescriptions surannées, quelquefois odieuses ou ridicules,
que personne n'a appliquées. Et quant aux autres, il faut craindre
d'y toucher, dût-on même les modifier utilement dans l'intérêt,
soit de l'État, soit de l'Église.
Une sorte de confusion heureuse
s'est établie, qui a donné aux articles organiques une partie
de la force de convention qui appartient au Concordat. Des discussions
ne pourraient que l'affaiblir. L'État ne pourrait que perdre à
attirer l'attention et la critique sur celles mêmes des dispositions
qu'il conserverait, et les modifications même d'ordre pénal
ne pourraient lui donner une grande autorité. Quant à l'Église,
il parait évident qu'on ne peut rien faire en sa faveur en dehors
d'elle et, pour ainsi dire, malgré elle."
Ces réflexions ont eu, comme nous le verrons plus loin, pour partie
gain de cause. Mais elles n'ont pu entraîner la majorité de
la commission à vous proposer de rester tout à fait dans
le statu quo . Nous interprétons autrement que nos honorables
collègues les vœux de l'opinion publique. Pour nous, comme nous
le disions au commencement de ce rapport, il nous semble qu'il y a accord
dans ce pays sur ce point : les choses peuvent rester en l'état.
La majorité républicaine
de la nation déclare que l'autorité de l'Église catholique
est devenue trop grande par le fait des mesures législatives consenties
par les gouvernements précédents ; ces lois, ces décrets
et arrêtés interprétatifs ont donné au clergé
une influence à laquelle n'échappe ni l'administration, ni
la magistrature ; ils lui assurent en fait et parfois même en droit
l'impunité pour les actes d'ordre politique, dont le Concordat avait
précisément pour but d'empêcher le retour. Il faut,
nous dit-on de toute parts, faire quelque chose ; et les uns nous proposent
de proclamer la séparation, d'autres de négocier un nouveau
Concordat, d'autres enfin d'exiger strictement l'exécution de celui
qu'a signé le premier consul.
Il est intéressant
de faire remarquer que les partisans du statu quo sont précisément
ceux qui combattent avec le plus d'énergie - et parfois même
pour les motifs que la majorité de votre commission a déclaré
plus haut ne pouvoir accepter - la séparation de l'Église
et de l'État. Or, nous sommes persuadés que le mouvement
d'idées en faveur de cette mesure, né dans les condition
du statu quo , ira en grandissant rapidement si ces conditions sont
maintenues, tandis qu'un changement heureux peut l'ajourner aux temps où
il ne présentera plus les mêmes dangers qu'aujourd'hui.
Nous avons, en conséquence,
repoussé l'espèce de fin de non recevoir qu'on nous proposait
de vous soumettre.
Ce point résolu, nous
avons dû, en présence de polémiques soulevées
dans la presse et de livres consacrés à ce sujet
(Le budget des cultes ; Paris, 1881), nous demander s'il conviendrait
d'entamer avec le saint-siège des négociations tendant à
obtenir quelques modifications profondes et, dit-on, fort désirables,
dans la convention concordataire. La question, ayant été
expressément posée par le président de votre commission,
dans le but de passer en revue toutes les solutions possibles du problème
que vous nous avez chargés d'étudier, fut résolue
négativement à l'unanimité. Nous n'avons pas, en conséquence,
à y insister d'avantage.
Mais la décision prise
de ne point avoir recours à Rome devait nous conduire à écarter
de nos délibérations toutes les propositions qui auraient
pour conséquence de modifier en quoi que ce soit la discipline intérieure
de l'Église, de changer les relations du clergé intérieur
avec l'épiscopat, d'assigner de nouvelle conditions à la
nomination des ministres du culte ; en un mot, l'État ne peut rien
faire sans le concours et l'assentiment du pape. En vain plusieurs de nos
honorables collègues ont-ils énuméré devant
nous les griefs que nombre d'ecclésiastiques à esprit libéral
soulèvent contre la discipline actuelle ; en vain nous ont-ils montré
les prêtres d'un diocèse soumis à l'arbitraire de l'évêque,
et contraints, sous des peines parfois terribles, "d'obéir comme
un régiment" ; en vain nous ont-ils signalé certaines infractions
qui n'ont lieu qu'en France à quelques uns des canons mêmes
de l'Église ; en vain ont-ils réclamé pour les prêtres
des garanties de justice et de sécurité qui leur semblent
aujourd'hui refusées : nous n'avons pas cru devoir obtempérer
à leurs désirs.
Sans nier la valeur de leurs
critiques, nous avons dû nous considérer comme incompétents
pour leur donner satisfaction. Ce n'est pas au pouvoir civil, c'est à
l'Église qu'il appartient de porter remède à un état
de choses dont se plaignent tant de prêtres.
Aussi bien, c'est elle qui
court en ceci le principal danger. Si, comme on nous l'a affirmé,
l'esprit d'initiative et de sage indépendance s'éteint dans
le clergé, si la servilité et le fanatisme y sont des conditions
de sécurité et d'avancement, si le niveau des intelligences
s'y abaisse, si la science n'y est plus en honneur, c'est l'Église
qui doit en souffrir et c'est à elle d'aviser. Sans doute, l'État
ne peut pas ne pas en subir quelque contre-coup, et il y aurait intérêt
pour la paix publique à ce que l'obéissance du prêtre
n'exclût pas quelque indépendance, à ce qu'il ne fût
pas enrôlé par son évêque dans les rangs des
partis politiques hostiles à la République, à ce que
son zèle ne devint pas du fanatisme par ordre de ses supérieurs.
Mais l'État ne saurait être autorisé par là
à modifier de sa propre autorité la discipline de l'Église.
Le Concordat ne lui donne
qu'une arme, mais une arme puissante s'il veut s'en servir, ce qu'il n'a
presque jamais fait jusqu'ici : le choix des évêques et l'agrément
des curés. Qu'il use de ce droit que lui a reconnu le pape, rien
de mieux ; mais il ne saurait aller au delà.
Et, après avoir refusé
de faire un Concordat nouveau, nous avons dû repousser l'idée
de tenter une nouvelle constitution civile.
Ces considérations
nous ont amené à écarter une partie des propositions
que vous avaient présentées MM. Corentin-Guyho et Bernard
Lavergne. En nous reportant au texte de ces propositions, ou même
à l'analyse succincte que nous en avons donnés au commencement
ce rapport, vous verrez que nos honorables collègues s'étaient
surtout préoccupés d'instruire et de libérer le clergé
inférieur.
C'est ainsi qu'aux candidats
aux cures ils imposent tous deux l'épreuve d'un concours que M.
Bernard Lavergne fait même subir aux futurs desservants. C'est ainsi
que M. Bernard Lavergne limite le pouvoir disciplinaire de l'évêque,
en exigeant l'intervention des officialités métropolitaines
et enfin, en cas de vice de forme, au conseil d'État ; et même,
après un certain temps de séjour dans une paroisse, le vicaire
ou le desservant ne peut plus être déplacé sans l'autorisation
du Gouvernement.
Tout cela peut être
désirable, nous ne l'avons pas nié ; mais il nous a semblé
que la loi civile n'avait rien à y voir. Ce sont là de bonnes
indications, que l'Église ferait peut-être bien de suivre,
dans son propre intérêt : mais l'État n'a aucun moyen
de l'y contraindre, et il y aurait danger à l'essayer.
M. Corentin-Guyho ne va pas
jusqu'à supprimer les droits de l'évêque ; mais il
leur refuse toute conséquence d'ordre pécuniaire, lorsque
leur usage n'a pas été approuvé par le conseil supérieur
des cultes, qu'il institue.
L'idée peut être
bonne, et le ministre fera bien dans quelques cas de continuer à
payer un desservant injustement révoqué, et même de
se refuser à payer celui que l'évêque aurait nommé
à sa place ; mais il peut faire tout cela en vertu de la législation
existante, et il n'y a nul besoin de créer un conseil des cultes.
D'ailleurs, ce conseil, tel
que le compose M. Corentin-Guyho, ne pourrait certainement pas se constituer
et fonctionner. Comment penser que l'Église catholique accepterait
accepterait la juridiction d'un corps où pourraient se trouver en
majorité des hérétiques ou des incrédules ?
Il faut avouer qu'essayer de la lui imposer serait la pire des tyrannies.
D'ailleurs, ces ministres refuseraient assurément d'y siéger.
Les jury de concours et les
officialités de l'honorable M. Bernard Lavergne ne pourraient pas
d'avantage être organisés. Les évêques seraient
parfaitement en droit de s'opposer à ce que leurs prêtres
se réunissent et votassent en vertu d'une loi civile, pour constituer
un tribunal ecclésiastique dont les décisions seraient soumises
au conseil d'État ; et aucune action ne pourrait être intentée
contre ceux qui refuseraient de désigner des membres du jury.
Toutes
ces mesures dépassent non plus seulement la compétence, mais
les droits de l'État. Elles nous ont paru sortir du système
concordataire et former comme des lambeaux d'une constitution civile. Il
est même telle prescription, comme l'agrément du préfet,
exigé par M. Bernard Lavergne pour la nomination d'un desservant,
qui est une violation formelle du Concordat lui-même.
Votre commission a pris le parti de se refuser à inscrire dans la loi toutes ces dispositions, qui lui paraissent aller au delà des droits de l'État. Il lui a semblé qu'elle n'avait pas charge de rétablir la paix au sein de l'Église, si tant est qu'elle y soit troublée. D'ailleurs, les mesures qui lui ont été proposées constitueraient un nouveau Concordat si l'État les promulguait d'accord avec l'Église ; elles seraient une constitution civile s'il les imposait de sa propre autorité. Les deux systèmes nous ont par devoir être également repoussés.
Nous nous sommes donc retrouvés
en présence de la proposition de M. Paul Bert et des parties qui
lui correspondent dans les propositions de MM. Bernard Lavergne et Corentin-Guyho.
Les unes et les autres poursuivent ce double but : diminuer l'étendue
des avantages concédés à l'Église postérieurement
à la loi de germinal an X ; faire en sorte que les dispositions
impératives de cette loi soient obéies et instituer des pénalités
sérieuses à côté de l'inoffensive déclaration
d'abus.
Mais ici se pose une nouvelle
question générale.
MM. Bernard Lavergne et Corentin-Guyho
ont pensé qu'il est nécessaire de remanier de fond en comble
les articles organiques ; ils en abrogent les dispositions surannées,
inutiles, inapplicables parfois. Ils en modifient d'autre, et les mettent
plus en rapport avec les nécessités des temps actuels.
M. Bernard Lavergne va même jusqu'à intercaler au milieu des
anciens articles organiques les dispositions nouvelles qu'il a proposé
de prendre, si bien que, dans son système, la loi de germinal an
X disparaît complètement.
La majorité de la commission
n'a pas admis cette manière de procéder. Elle a été
touchée, sur ce point, par l'argumentation des partisans du statu
quo, que nous résumions tout à l'heure. Sans doute, personne
ne pense à exécuter aujourd'hui les dispositions qui ne l'ont
jamais été sérieusement, à faire examiner le
futur évêque sur sa doctrine par un jury d'État (art.
17 des Organiques), à imposer à toutes les Églises
de France un catéchisme et une liturgie unique (art. 39), à
régler le costume des ecclésiastiques (art. 42 et 43) ; personne
ne saurait avoir l'idée d'imposer à l'Église des doctrines
religieuses et de faire revivre pour l'enseignement des séminaires
la déclaration de 1682 ; et, d'autre part, les articles organiques
comprennent un certain nombre de dispositions transitoires qui sont aujourd'hui
absolument inutiles.
Mais, si l'on entre dans cette
voie, où s'arrêteront les critiques, les discussions, les
modifications législatives ? Y a-t-il un intérêt sérieux
à proclamer la déchéance de dispositions inapplicables
ou abandonnées, et ne risque-t-on pas de diminuer l'autorité
de celles qui sont utiles en les soumettant à un vote nouveau, en
leur donnant une date récente, au lieu de les laisser englobées
dans cette loi d'ensemble de germinal an X, que la Restauration elle-même
n'a pas osé abroger ?
La majorité de votre
commission a décidé qu'il ne serait pas touché au
dispositif des articles organiques, s'en rapportant à la sagesse
du Gouvernement pour les modifications de fait qu'elle n'a pas cru devoir
transformer en modification de texte. C'est donc dans une loi bien distincte
de la loi de germinal que nous vous proposons d'édicter les
sanctions aux prescriptions concordataires et de diminuer certains des
privilèges concédés à l'Église catholique.
Comparons à ces deux
points de vue les trois propositions qui nous ont été soumises.
Les sanctions et pénalité
tout d'abord.
Article
1er : Le recours pour abus, institué
par l'article 6 de la loi organique du Concordat, ne s'applique qu'aux
ecclésiastique nommés ou agréés par le Gouvernement.
Il est restreint aux cas qui, n'étant ni contraventions, ni
délits, ni crimes, échappent à l'appréciation
des tribunaux ordinaires.
Il est porté par la partie intéressée devant le conseil d'État qui statue, après instruction du ministre des cultes. A défaut de plainte particulière, il pourra être exercé d'office par les préfets. Le recours en conseil d'État ne fait pas obstacle à ce que les parties poursuivent, devant les tribunaux ordinaires, les réparations civiles auxquelles elles prétendraient avoir droit. Le recours institué par l'article 7 de la même loi, en cas d'atteinte portée à la liberté garantie aux ministres du culte, est personnel à l'ecclésiastique qui se prétend atteint dans sa liberté ; nul n'est admis à l'invoquer ni l'exercer à sa place. |
A
rt. 6 :"Il y aura
recours au conseil d'État dans tous
les cas d'abus de la part des supérieurs et autres personnes ecclésiastiques.
Les cas d'abus sont, l'usurpation ou l'excès de pouvoir, la contravention aux lois et règlements de la République, l'infraction des règles consacrées par les canons reçus en France, l'attentat aux libertés, franchises et coutumes de l'église gallicane, et toute entreprise ou tout procédé qui, dans l'exercice du culte, peut compromettre l'honneur des citoyens, troubler arbitrairement leur conscience, dégénérer contre eux en oppression, ou en injure, ou en scandale public." Art. 7 : " Il y aura pareillement recours au conseil d'état, s'il est porté atteinte à l'exercice du culte et à la liberté que les lois et les règlements garantissent à ses ministres." |
Art. 2 : Tout ecclésiastique
qui aura encouru une déclaration d'abus pourra, par mesure disciplinaire,
être privé, par arrêté du ministre des cultes,
de tout ou partie de son traitement pendant une durée qui ne dépassera
pas un an.
En ce qui concerne les desservants et vicaires, contre lesquels le recours pour abus ne peut être exercé, leur déplacement devra être demandé à l'évêque. Après deux demandes restées infructueuses, l'indemnité qui leur est allouée sur les fonds de l'État sera suspendue, sur l'avis du préfet, par décision du ministre des cultes. |
|
Art. 3 : L'ecclésiastique condamné
à des peines de droit commun pour faits commis dans l'exercice de
ses fonctions ecclésiastiques, pourra être privé de
traitement par arrêté ministériel pendant une durée
qui ne dépassera pas une année.
En cas de récidive, les avantages concédés par l'article 72 de la loi organique du Concordat, pourront lui être retirés. |
Art. 72 : Les presbytères et les jardins attenants, non aliénés, seront rendus aux curés et aux desservants des succursales. A défaut de ces presbytères, les conseils généraux des communes sont autorisés à leur procurer un logement et un jardin. |
Art. 4 : Toute infraction aux article
1er modifié par le décret* du 28 février 1810, 3,
20 de la loi organique du Concordat sera punie d'une amande de 500 à
1 000 francs
Celle à l'article 29, d'une amande de 100 à 300 francs |
Art. 1er
:
Aucune bulle, bref, rescrit, décret, mandat, provision, signature
servant de provision, ni autres expéditions de la cour de Rome,
même ne concernant que les particuliers, ne pourront être reçues,
publiées, imprimées, ni autrement mises à exécution,
sans l'autorisation du Gouvernement.
* Ce décret excepte les brefs de la pénitencerie qui n'ont pas besoin d'autorisation. Art. 3 : . Les décrets des Arts étrangers, même ceux des conciles généraux, ne pourront être publiés en France, avant que le Gouvernement en ait examiné la forme, leur conformité avec les lois, droits et franchises de la République française, et tout ce qui, dans leur publication, pourrait altérer ou intéresser la tranquillité publique. Art. 20 : Les évêques seront tenus de résider dans leurs diocèses ; ils ne pourront en sortir qu'avec la permission du premier Consul. Art. 29 : Les curés sont tenus de résider dans leur paroisse. |
Art. 5 : En cas de contravention aux articles
52 et 53 de la loi organique du Concordat, le contrevenant sera passible
d'une amende de 100 à 500 francs, sans préjudice des autres
peines qui pourraient être prononcées en conformité
des articles 201 et suivant du code pénal.
Le prédicateur, autorisé par l'évêque, suivant les prescriptions de l'article 50 de la loi susdite, sera tenu des mêmes obligations, et soumis, en cas d'infractions, aux mêmes pénalités que les curés et desservants. |
Art. 52
:
Ils
ne se permettront dans leurs instructions, aucune inculpation directe ou
indirecte, soit contre les personnes, soit contre les autres cultes autorisés
dans l'État.
Art. 53 : Ils ne feront au prône aucune publication étrangère à l'exercice du culte, si ce n'est celles qui seront ordonnées par le Gouvernement. Art. 50 : Les prédications solennelles appelées sermons , et celles connues sous le nom de stations de l'avent et du carême, ne seront faites que par des prêtres qui en auront obtenu une autorisation spéciale de l'évêque. |
Art. 6 : Tout ecclésiastique qui, par des prédications dans son église ou par tout autre moyen tiré de ses fonctions, aura cherché à influencer le vote des électeurs ou à les déterminer à s'abstenir de voter, sera passible des peines portées aux articles 39 et 40 du décret du 2 février 1852. |
PROPOSITION BERNARD LAVERGNE
Les dispositions répressives y sont ajoutées
aux articles organiques correspondants
Art. 2 : Tout individu qui contreviendrait aux dispositions du précédent article pourrait être expulsé du territoire de la République | Art. 2 : Aucun individu se disant nonce, légat, vicaire ou commissaire apostolique, ou se prévalant de toute autre dénomination, ne pourra, sans la même autorisation, exercer sur le sol français ni ailleurs, aucune fonction relative aux affaires de l'église gallicane. |
Art. 3 : Toute contravention aux dispositions du présent article sera punie d'une amende de 100 à 300 francs | |
Art. 6 : Tout ecclésiastique qui
aura encouru une déclaration d'abus pourra, par mesure disciplinaire,
être privé, par arrêté du ministre des cultes,
de tout ou partie de son traitement, pendant une durée qui ne pourra
excéder un an.
En cas de récidive, la privation du traitement sera de droit. |
|
Art. 8 : Dans aucun cas, le recours pour abus ne pourra suspendre soit l'exercice de l'action publique, soit l'exercice de l'action des particuliers, tant devant les tribunaux civils que devant les tribunaux répressifs. | |
Art. 20 : Si l'absence de l'évêque se prolonge pendant un mois sans autorisation, il sera opéré une retenue proportionnelle sur le traitement. | |
Art. 29 : Nul ecclésiastique salarié par l'État, lorsqu'il n'exercera pas de fait dans la commune qui lui aura été désignée, ne pourra toucher son traitement (loi de finance du 23 avril 1873 - art. 8), à moins d'un congé régulier. | |
Art. 21 bis (nouveau) : Tout prêtre
qui quittera la France pour aller desservir dans un pays étranger,
perdra tout droit à l'exemption du service militaire.
Tout prêtre affilié à une congrégation étrangère, ou dont le siège sera à l'étranger, perdra la qualité de Français. |
|
Art. 44 : Toute contravention aux dispositions qui précèdent sera punie d'une amende de 500 à 2 000 francs, et en cas de récidive, de cinq à vingt jours de prison. | Art. 44 : Les chapelles domestiques, les oratoires particuliers, ne pourront être établis sans une permission expresse du Gouvernement, accordée sur la demande de l'évêque. |
Art. 50 : Les prédicateurs devront
être choisis exclusivement parmi les prêtres rétribués
par l'État, le département ou les communes.
Le conseil de fabrique qui confierai ces prédications à un prêtre pris en dehors des catégories ci-dessus spécifiées tombe sous l'application des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 12 janvier 1825. |
|
Art. 52 : Le contrevenant sera puni d'une amende de 100 à 1 000 fr. ; en cas de récidive, il pourra en outre être condamné à un emprisonnement de cinq jours à un mois. | |
Art. 52 : Il est spécialement interdit
de traiter directement ou indirectement des élections législatives,
départementales ou municipales
Même sanction que pour l'article 52 |
PROPOSITION CORENTIN-GUYHO
"Art. 10 : Le fait par un prêtre
quelconque, habitué ou non, d'avoir prêché en chaire,
pendant la période électorale, en recourant à des
menaces et en excitant dans l'âme des fidèles des craintes
d'ordre religieux ou moral, et d'avoir ainsi surpris ou des suffrages,
déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir
de voter, sera passible des peines portées aux articles 39 et 40
du décret organique des 2-21 février 1852
"Art. 11 : Pourra être puni des
peines portées aux articles 479 et 480 du code pénal, tout
prêtre non incorporé à un diocèse français
qui, sans permission spéciale et écrite du ministre des cultes,
aura usé des édifices paroissiaux ou diocésains pour
y exercer un des actes du ministère paroissial (Enseignement du
catéchisme, confession, prédication, etc.). (Articles organiques
32 et 33.)
"Art. 12 : Est puni des mêmes peines,
tout ministre d'un culte reconnu qui aura fait une publication étrangère
à l'exercice du culte. (Article organique 53)
"Art. 13 : L'autorisation donnée,
conformément au décret du 22 décembre 1812, de posséder
des chapelles domestiques et des oratoires particuliers pour l'usage exclusif
des personnes de la maison ou de l'établissement, ne comprend pas
le droit d'ouvrir ces chapelles et ces oratoires au public.
Lorsque, sans autorisation
spéciale et expresse, le culte public ou un acte du culte public
aura été célébré dans ces lieux destinés
au culte privé, le propriétaire, le locataire ou la personne
ayant la disposition de ces chapelles et oratoires sera, conformément
à l'article 294 du code pénal, puni d'une amende de 16 à
200 francs par chaque contravention.
"Art. 14: Il ne peut être fait,
à domicile ou sur la voie publique, aucune quête sans l'autorisation
préalable du préfet du département ou le sous-préfet
de l'arrondissement.
Toute infraction au présent
article sera punie d'une amende équivalente au double des sommes
ou de la valeur des denrées ainsi recueillies.
Cette contravention est, en
tous cas, de la compétence du juge de paix.
"Art. 15 : L'appel comme d'abus ne peut
être exercé que contre les évêques, les curés
et les vicaires généraux.
Il peut être porté
directement devant le conseil d'État par toute partie privée,
en vertu du droit de citation directe. (Article organique 52.)
"Art. 16 : L'appel comme d'abus est limité
aux cas suivants : 1° toute entreprise ou tout procédé
qui, dans l'exercice du culte, peut compromettre l'honneur des citoyens,
troubler arbitrairement leur conscience, dégénérer
contre eux en oppression ou en injure, ou en scandale public ; 2° toute
infraction aux lois et règlements de la République, qui ne
constituera pas un délit caractérisé.
"Art. 17 : Pourra être poursuivi
dans la même juridiction disciplinaire :
1° L'évêque
ou le curé qui, après avertissement préalable et malgré
l'injonction formelle du Gouvernement, se sera absenté de son diocèse
ou de sa paroisse au point de manquer au devoir de la résidence
( articles organiques 20 et 29).
Tout évêque,
curé ou vicaire général qui aura usé de son
influence de ministre du culte, pour entraver l'effet d'une loi civile,
ou l'exécution d'une décision judiciaire.
"Art. 18 : Le conseil d'État, statuant
comme juridiction disciplinaire, peut prononcer, en même temps que
la déclaration d'abus, une amende allant de 100 à 5 000 fr.
(articles organiques 6, 7 et 8)
Si l'amende encourue n'est
pas acquittée dans un délai de trois mois, le traitement
du prêtre frappé d'abus est saisi jusqu'à concurrence
des trois cinquièmes.
"Art. 19 : Le conseil supérieur
des cultes peut être saisi, au point de vue disciplinaire, soit sur
plante du Gouvernement soit sur la citation directe d'un particulier, de
la conduite des desservants et des vicaires qui, dans leur ministères,
auront abusé de leurs fonctions pour jouer un rôle contraire
et pour exercer une influence étrangère à la nature
spéciale de leurs missions.
"Art. 20 : le conseil supérieur
des cultes après avoir entendu dans sa défense orale ou écrite
le desservant, lui prononce, s'il y a lieu, la suspension du traitement
à titre de peine disciplinaire. Cette décision est motivée
dans la forme usitée pour les jugements criminels, notifiée
à l'ecclésiastique intéressé par les soins
de son autorité administrative et affichée, dans sa teneur
intégrale, à la porte principale de l'église où
la prêtre condamné exerce son ministère.
"Art. 21 : En cas de récidive,
le conseil supérieur peut décider la suppression totale du
traitement jusqu'à ce que l'évêque ait pourvu au remplacement
du titulaire deux fois condamné.
"Art. 22 : Le ministre du culte
des cultes pourra, sur l'avis de conseil supérieur, faire opposition
à la nomination d'un desservant et d'un vicaire, si, d'après
le passé, il y a lieu de présumer que ce prêtre pourra
agir, dans son nouveau ministère, contre la loi de l'État
et les prescriptions de l'autorité.
Cette opposition, si elle
n'aboutit pas dans le délai d'un mois au changement du prêtre
ainsi signalé à l'attention de l'autorité diocésaine,
entraînera la suppression de tout traitement et de l'usage du presbytère".
Nous verrons, dans le chapitre suivant, pour quelles
raisons nous avons adopté une partie des dispositions présentées
par nos très honorables collègues, modifié ou repoussé
les autres.
Voyons maintenant les dispositions restrictives
des privilèges actuels.
PROPOSITION PAUL BERT
Des établissements ecclésiastiques.
"Art. 7 : Les établissements ecclésiastiques
actuellement existants sont maintenus, sauf les restrictions ci-après,
et avec la réserve que la capacité civile dont ils jouissent
sera strictement limitée à leurs attributions spéciales,
et qu'ils seront astreints aux règles générales de
la comptabilité publique.
"Un règlement d'administration
publique rendu en conseil d'État, les autorités diocésaines
entendues, déterminera l'application de ces règles à
chaque établissements ecclésiastique.
"Art. 8 : Les bourses actuellement accordées
par l'État, dans les grands séminaires, seront supprimées
par voie d'extinction dans un délai de trois ans.
"Art. 9 : Les écoles secondaires
ecclésiastiques seront réduites conformément à
l'ordonnance du 5 octobre 1814, à un établissement par département.
"L'évêque choisira
l'école qu'il voudra conserver.
"La fermeture des autres devra
avoir lieu dans le laps d'un an, à partir de la promulgation de
la présente loi.
"Art. 10 : Le traitement volontairement
concédé aux chanoines par l'État, en vertu des lois
de finances, sera supprimé par voie d'extinction.
"Art. 11 : Les cures et succursales, ainsi
que les vicariats rétribués par l'État, actuellement
vacants depuis deux années consécutives, ou qui le deviendront,
seront supprimés par décret rendu en conseil d'État,
après constatation de cette vacance.
"Les modifications à
apporter aux circonscriptions paroissiales, par la suite de ces suppressions,
auront lieu sur des plans arrêtés de concert entre l'évêque
et le préfet et soumis au gouvernement, conformément à
l'article 71 de la loi organique du concordat."
"Art. 12 : Tout lieu de culte dont les
propriétaires ne pourront justifier d'un titre légal ou de
l'autorisation prévue par l'article 44 de la loi organique du Concordat
et de l'article 8 du décret du 22 septembre 1812, sera fermé
à la diligence des procureurs près les cours et tribunaux
et des autres officiers de police.
Dons et legs "Art. 20 : La loi du 10 janvier 1817 est
abrogée. En conséquence, les fondations ayant pour objet
l'entretien des ministres et l'exercice du culte ne pourront plus consister
qu'en rentes sur l'État français, conformément aux
prescriptions des articles 73 et 74 de la loi organique du Concordat.
La proposition
de M. Bernard Lavergne
"Art. 73 : Les dons et legs ou fondations ayant pour objet l'entretien des ministres ou l'exercice du culte que les établissements ecclésiastiques ou religieux seraient autorisés à recevoir ne pourront consister qu'en rente de l'État. "Il est interdit à ces établissements de posséder tout autre nature de biens. "Néanmoins les immeubles destinés aux logements des titulaires ecclésiastiques et les jardins attenants ne tombent pas sous la prohibition ci-dessus." M. Corentin-Guyho ne s'est occupé,
dans cet ordre
"Art. 25 : Les bourses des séminaires sont accordées par le Gouvernement à chaque élève individuellement dans les formes usités par les bureaux des écoles de l'État. "A la fin de chaque année scolaire, le boursier devra signer à la préfecture une déclaration certifiant qu'il a effectivement joui de la bourse qui lui a été accordée. "Art. 27 : Tous ceux qui entrent dans les ordres majeurs, après avoir bénéficié au séminaire d'une bourse de l'État, sont tenu de souscrire en engagement décennal, à la fois entre les mains de l'évêque et celle du préfet du département. dans cet acte, ils s'engageront à rester pendant dix ans, à partir du jour de leur ordination, à la disposition des autorités diocésaines, pour remplir les charges du ministère paroissial proprement dit qui pourront lui être confiées, ou pour occuper les aumôneries et les situations ecclésiastiques dépendant du Gouvernement. "A défaut d'exécution intégrale de cet engagement, le bénéfice de la bourse de l'État sera perdu et les sommes avancées par le Gouvernement, pour le prix de pension au séminaire, seront recouvrées à la diligence du préfet du département." |
"Ordonnance du 3 mars 1875 : Art. 1er : A l'avenir, aucune distraction de parties superflues d'un presbytère pour un autre service ne pourra avoir lieu sans notre autorisation spéciale, notre conseil d'État entendu. Toute demande à cet effet sera revêtue de l'avis de l'évêque et du préfet, et accompagnée d'un plan qui figurera le logement à laisser au curé ou desservant, et la distribution à faire pour isoler ce logement. Toutefois, il n'est point dérogé aux emplois et dispositions régulièrement faits à ce jour. Art. 2 : Les curés ou leurs vicaires, ainsi que les desservants autorisé par leurs évêque à biner dans les succursales vacantes, ont droit à la jouissance des presbytères et dépendances de ces succursales, tant qu'ils exercent régulièrement ce double service ; ils ne peuvent en louer tout ou partie qu'avec l'autorisation de l'évêque. Art. 3 : Dans les communes qui ne sont ni paroisses, ni succursales et dans le les succursales où le binage n'a pas lieu, les presbytères et dépendances peuvent être amodiés, mais sous la condition expresse de rendre immédiatement les presbytères des succursales, s'il est nommé un desservant ou si l'évêque autorise un curé, vicaire ou desservant voisin à y exercer le binage. Art. 4 : Le produit de cette location appartient à la fabrique si le presbytère et ses dépendances lui ont été remis en exécution de la loi du 8 avril 1802, de l'arrêté du Gouvernement du 26 juillet 1803, des décrets des 30 mai et 31 juillet 1806 ; si elle en a fait l'acquisition sur ses propres ressources ou s'ils lui ont été échus par legs ou donation. Le produit appartient à la commune quand le presbytère et ses dépendances ont été acquis ou construits de ses deniers ou quand il lui en a été fait legs ou donation. "Dans les communes où le presbytère aura été légué, acheté ou construit postérieurement à la loi du 18 germinal an X, la municipalité, mise en demeure de suppléer à l'insuffisance des ressources de la fabrique, aura toujours le choix ou de fournir son presbytère ou de payer une indemnité de logement." "Loi du 10 janvier 1817 :
"Art. 73
:
Les fondations qui ont pour objet l'entretien des ministres et l'exercice
du culte, ne pourront consister qu'en rentes constituées sur l'État
: elles seront acceptées par l'évêque diocésain,
et ne pourront être exécutées qu'avec l'autorisation
du Gouvernement.
Ordonnance
du 14 janvier 1831, art. 2 :
Ordonnance
du 2 avril 1817, art. 3 :
|
PROPOSITION DE LOI
Il nous suffira maintenant de peu de mots pour expliquer les dispositions que nous soumettons au vote de la Chambre. Elles se divisent, comme nous l'avons déjà indiqué à plusieurs reprises, en deux catégories distinctes : les unes suppriment un certain nombre d'avantages non concordataires concédés à l'Église ; les autres ajoutent des sanctions pénales à diverses prescriptions du Concordat et des articles organiques.
CHAPITRE Ier
"Art. 1er :
Les bourses actuellement accordées par l'État, dans les grands
séminaires, seront supprimées par voie d'extinction dans
un délai de trois ans.
Art. 2 : Le traitement volontaire
concédé aux chanoines par l'État en vertu des lois
de finances sera supprimé par voie d'extinction."
L'article 11 du Concordat
dit, "Les évêque pourront avoir un chapitre
dans leur cathédrale, et un séminaire pour leur diocèse,
sans que le Gouvernement s'oblige à les doter." Les articles organiques
règlent les conditions que devront remplir les évêques
qui désirent établir un séminaire ou un chapitre,
mais ils n'indiquent nulle part une subvention ou allocation quelconque.
Or,
actuellement, tous les chanoines sont payés par l'État, et
une somme considérable est consacrée par le budget à
l'établissement de bourses dans les grands séminaires. Quelques-uns
de ces derniers, dont les ressources pécuniaires sont considérables,
se sont cependant vu enlever ce privilège dans les dernières
années. Mais les bourses figurent encore pour une somme de 816 000
fr. au budget de 1884.
Nous
vous proposons de revenir sur ce point aux conditions primitives de 1802.
On vous dira que le Gouvernement, en signant le Concordat, en déclarant
que " la religion catholique serait librement exercée en France",
a pris l'engagement de faciliter le recrutement de ses membres et que la
suppression des bourses aura pour conséquence, en dépeuplant
les grands séminaires, de supprimer par une voie détournée
la liberté de religion. Mais cet argumentation, qui s'est reproduite
avec bien plus d'énergie sinon avec plus de justesse quand il s'agit
du service militaire, ne saurait vous toucher.
Les
conditions d'exercice de la liberté de la religion ont été
déterminées par le pape lui-même. Il n'a exigé
ni l'exemption du service militaire, ni l'entretien gratuit des séminaristes.
Le contraire, au moins sur ce point, a même été formellement
stipulé. Donc ces conditions ne sont pas indispensables au libre
exercice de la religion. La concession de bourse a été une
mesure gracieuse, un don annuel fait par l'État à l'Église.
Celle-ci a-t-elle répondu, répond-elle aujourd'hui à
cette bienveillance par une attitude générale qui en justifie
la continuation ? La majorité de votre commission a pensé
que non, et nous espérons que vous le penserez avec elle.
Ajoutons
que les Organiques enjoignent aux professeurs des grands séminaires
de prendre pour base de leur enseignement la fameuse déclaration
gallicane. Il y avait là quelque garantie pour l'État et
ses droits. L'Église a refusé d'obéir à cette
prescription, et nous pensons qu'on ne peut l'y contraindre. Mais alors
qu'elle accepte sans murmurer la suppression de subsides non obligatoires,
qui ne pourraient se justifier que par la soumission à la loi de
germinal.
"Art.
3 : Est abrogé toute disposition législative
ou autre, affectant ou obligeant d'affecter, en dehors des prescriptions
de la loi organique du Concordat, soit à des services du culte,
soit à des établissements ecclésiastiques et religieux,
des immeubles appartenant à l'État, aux départements
ou aux communes.
"Des décrets rendus en conseil
d'État prononceront par espèce les désaffectations
totales ou partielles.
"Les départements et les communes
rentreront immédiatement en possession des immeubles qui leur appartiennent.
"Quant aux immeubles domaniaux, ils seront
mis à la disposition du ministre de l'instruction publique pour
être convertis en établissements d'enseignement, ou aliénés,
et, dans ce cas, le produit sera versé dans les caisses des écoles,
collèges et lycées."
Le Concordat remet
à la disposition des évêques, "toutes les églises
métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non
aliénées, nécessaire au culte." (Art. 12)
Les articles organiques disent
en outre :
"Art. 71 : Les conseils
généraux de département sont autorisés à
procurer aux archevêques et évêques un logement convenable.
Art. 72 :
Les presbytères et les jardins attenants, non aliénés,
seront rendus aux curés et aux desservants des succursales. A défaut
de ces presbytères, les conseils généraux des communes
sont autorisés à leur procurer un logement et un jardin.
Art. 74 :
Les immeubles, autres que les édifices destinés au logement
et les jardins attenants, ne pourront être affectés à
des titres ecclésiastiques, ni possédés par les ministres
du culte, à raison de leurs fonctions.
Art. 75 : Les édifices
anciennement destinés au culte catholique, actuellement entre les
mains de la nation, à raison d'un édifice par cure et par
succursale seront remis à la disposition des évêques.
Art. 77 : dans les
paroisses où il n'y aura pas d'édifice disponible pour le
culte, l'évêque se concertera avec le préfet pour la
désignation d'un édifice convenable."
Ainsi
les obligations de l'État se réduisent à la remise
à la disposition des évêques, dans des conditions déterminées,
des églises, cathédrales ou autres, et à l'affectation
spéciale des presbytères non aliénés. Pour
le reste, il s'en rapporte à la générosité
des conseils généraux des départements ou des communes
; il semble donc qu'il déclare ne devoir se charger jamais, ni du
logement des évêques, ni de celui des desservants. Quant aux
grands séminaires, il n'en est pas dit autre chose que ce que nous
avons rapporté plus haut.
Or,
aujourd'hui, presque tous les évêques et archevêques
et la grande majorité des grands séminaires sont logés
aux frais non des départements, mais de l'État, et la générosité
de celui-ci est allé jusqu'à fournir des édifices
à des congrégations religieuses.
Un rapport
déposé par M. Paul Bert sur le bureau de la Chambre le 20
juin 1881 donne l'énumération et l'évaluation des
biens de l'État ainsi concédés bénévolement
à l'Église catholique. La proposition de loi qui en est la
conséquence demande comme notre article 3 la désaffectation.
Il est
bon de savoir qu'un très petit nombre de ces affectations ont été
consacrées par des lois ; la plupart l'ont été par
décrets ou des ordonnances.
Les
départements ont également été entraînés,
surtout pendant la Restauration, à accorder aux évêques
la jouissance de bâtiments destinés non à les loger,
comme le permet l'article 71 des Organiques, mais à recevoir des
grands ou petits séminaires et d'autres établissements ecclésiastiques.
Semblables concessions ont été obtenues des communes.
Nous
vous proposons d'annuler en principe toutes ces affectations anticoncordataires,
et de remettre les communes, les départements et l'État en
possession des biens dont ils s'étaient dépouillés.
Mais pour les biens de l'État nous avons cru bon de les faire passer
au service de l'instruction publique.
Les
articles 73 et 74 des Organiques avaient déclaré 1°
les fondations "ayant pour objet l'entretien des ministres et l'exercice
du culte, ne pourraient consister qu'en rentes constituées sur l'État
" 2° que " les immeubles, autres que les édifices destinés
au logement et les jardins attenants, ne pourront être affectés
à des titres ecclésiastiques, ni possédés par
les ministres du culte, à raison de leurs fonctions."
Ainsi,
restriction dans les limites très étroites de la propriété
territoriale pour les services ecclésiastiques, emploi en rentes
sur l'État des valeurs mobilières relatives à ces
services, telle est la double précaution prise et sagement par le
législateur de l'an X.
Avec
une Église douée d'une incomparable puissance d'absorption
et qui, douze ans auparavant possédait un tiers du territoire, la
précaution était indispensable. Elle fut salutaire et, pendant
quinze ans qu'elle fonctionna, elle abrita la propriété immobilière
sous son couvert protecteur. Mais avec la restauration bourbonienne, la
direction générale des affaires étant passée
aux mains du clergé et de ses amis, il y eut une volte-face soudaine.
Pour que l'Église recouvrit sa puissance et que ses ministres fussent
indépendants, il fallait que le clergé redevienne propriétaire.
Dans ce but, M. de Castelbajac demanda pour les ecclésiastiques
et pour les établissements religieux la faculté de recevoir
par donation ou par testament toute espèce de biens meubles et immeubles.
Des applaudissements enthousiastes accueillirent cette proposition, et,
après un débat où tous les orateurs furent unanimes
pour déclarer que le salut de la royauté et de la France
était attaché à la splendeur de la religion et à
l'influence d'un clergé possédant des terres et des domaines,
la Chambre adopta, à une grand majorité, un projet de loi
en 11 articles, portant en substance que le clergé de chaque diocèse,
représenté par l'évêque, les séminaires
et autres établissements ecclésiastiques autorisés
par le roi pourraient recevoir par donation ou testament tous les biens
meubles te immeubles, que la nullité prononcée par l'article
909 du code civil à l'égard des donations faites aux ministres
du culte, ayant assisté le testateur dans sa dernière maladie,
ne s'appliquerait pas à celles de ces dispositions qui seraient
instituées à perpétuité en faveur de ce ministre
et de ses successeurs ; enfin, que les détenteurs d'anciens biens
du clergé qui les restituaient volontairement dans un délai
d'une année, à dater de la promulgation de la loi, jouiraient
de plein droit de la remise totale des intérêts, des fruits
et fermages perçus et seraient à l'abri de toute indemnité
ou dommages et intérêt quelconque résultant soit de
cas fortuit, soit de mauvaise gestion.
C'était
la menace même de la restitution des biens nationaux qui se dressait
dans le texte de la loi. La Chambre des pairs n'osa pas aller aussi loin.
Elle se borna à adopter le principe de la proposition et en fit
une loi en trois articles du 2 janvier 1817, loi petite de texte mais grosse
de conséquences, et dont nous vous demandons l'abrogation par notre
article 4 :
"Art.
4 : Toutes les dispositions contraires aux articles 73 et 74 de la
loi organique du Concordat édictées par la loi du 2 janvier
1817 sont abrogées."
Cette
disposition nouvelle ne vise, bien entendu que l'avenir.
CHAPITRE II
Telles
sont les dispositions restrictives que nous vous proposons d'adopter. Passons
maintenant à celles qui ont pour objet les sanctions pénales.
Les
articles 6, et 8 des organiques définissent les cas d'abus, et indiquent
comment le recours pourra être porté au conseil d'État.
Mais ces textes ont prêté à des interprétations
diverses, et il nous a semblé nécessaire de les compléter
et de les expliquer à la fois. C'est l'objet de nos articles 5 et
6, ainsi conçus :
"Art.
5 : Dans aucun cas le recours pour abus ne pourra suspendre l'exercice
soit de l'action publique, soit de l'action des particuliers, tant devant
les tribunaux civils que devant les tribunaux répressifs.
Réciproquement
l'action du ministère public ou des particuliers contre un ministre
du culte à raison des paroles prononcées ou des faits accomplis
dans l'exercice de son ministère n'est soumise à la condition
préalable d'une déclaration d'abus.
"Art.
6 : Les recours institués à l'article 7 de la loi organique
du Concordat, en cas d'atteinte portée à la liberté
garantie aux ministres des cultes, est personnel à l'ecclésiastique
qui se prétend atteint dans sa liberté : nul n'est admis
à l'invoquer ou à l'exercer à sa place."
Jusqu'à
ce jour, la déclaration d'abus a été la seule peine
encourue par le prêtre qui, dans l'exercice de ses fonctions, a manqué
aux engagements concordataires. Il en est résulté que cette
déclaration a toujours été considérée
avec une indifférence qui ressemble à du dédain par
ceux qu'elle peut menacer, et que d'autre par, l'opinion publique s'est
indignée souvent de voir des paroles et des actes répréhensibles,
n'avoir pour sanction qu'une formule dérisoire après une
mise en scène pompeuse.
Nous
avions résolu de vous proposer d'ajouter à cette pénalité
morale, qui a toujours manqué son effet, une pénalité
excessive.
Que
devrait être cette pénalité ?
La réponse
à cette question nous a paru bien facile. L'évêque
nommé, ou le curé agréé par l'État ont
manqué, la déclaration d'abus en donne la preuve, aux engagements
concordataires. Il est donc tout naturel qu'il perde en conséquence
les avantages concordataires, c'est-à-dire le traitement.
Quant
aux desservants et vicaires, il nous semblait inutile de faire aussi solennellement
constater leur violation du Concordat, puisqu'aucun traitement ne leur
est dû en vertu du Concordat, et qu'ils ne doivent qu'à la
bienveillance du Gouvernement l'allocation ( Terme introduit
dans la loi des finances du budget de 1883 sur un amendement de M. Paul
Bert.) annuelle qui leur est accordée. Les formalités
auraient donc pu être ramenées pour eux à des termes
plus simples.
Voici
du reste le texte de notre article 7 :
"Art.
7 : Tout ecclésiastique qui aura encouru une déclaration
d'abus pourra par mesure disciplinaire être privé, par arrêté
du ministre des cultes, de tout ou partie de son traitement, pendant une
durée qui ne pourra excéder un an.
"En
cas de récidive, la privation du traitement sera de droit.
"En
ce qui concerne les desservants et vicaires contre lesquels le recours
pour abus ne peut être exercé, leur déplacement devra
être demandé à l'évêque. Après
deux demandes restées infructueuses, l'allocation qui leur est faite
sur les fonds de l'État sera suspendue, sur l'avis du préfet,
par décision du ministre des cultes."
Mais
un avis tout récent du conseil d'État ayant décidé
que le Gouvernement a le droit avec ou sans déclaration d'abus,
de suspendre les traitements pour les curés et évêques
comme les allocations de vicaires et desservants, nous avons modifié
notre texte. Sans nous étonner que les gouvernements successifs
n'aient jamais jusqu'à ce jour usé de ce droit, et sans nous
demander comment il se fait que le gouvernement actuel ait attendu pour
le reconnaître le dépôt des propositions de loi que
nous étudions en ce moment, nous nous bornons à réglementer
et surtout à limiter l'exercice de ce droit dont l'existence vient
d'être enfin constaté. Et nous disons :
"Art. 7 : Les suppressions
de traitement prononcées par le ministre des cultes contre un ecclésiastique
ne peuvent s'étendre à plus s'une année."
L'article
52 des Organiques interdit aux ministres du culte de "se permettre dans
leurs instructions aucune inculpation directe ou indirecte, soit contre
les personnes, soit contre les autres cultes autorisés par l'État."
Les infractions
à cet article n'avaient été frappées jusqu'ici
que de la déclaration d'abus, laquelle était sans sanction.
Nous avons cru devoir considérer que les délits commis dans
ces conditions de publicité pourraient être assimilés
aux délits de presse. C'est la raison de notre article 8.
"Art.
8 : Les prêtres qui se sera permis, en contravention de l'article
52 de la loin organique, des inculpations contre les personnes, à
raison de faits relatifs à leur vie privée, sera puni des
peines portées à l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881
sur la liberté de la presse."
L'article
9 répond à une nécessité tellement urgente
que nous croyons inutile d'insister ; car il semble qu'il n'y a aucune
chance de convaincre ceux qui ne l'ont pas sentie.
"Art.
9 : Tout ministre du culte qui, par ses prédications ou par
tout autre moyen tiré de l'exercice de son ministère, aura
tenté d'influencer le vote des électeurs ou de les déterminer
à s'abstenir de voter, sera passible des peines portées aux
articles 39 et 40 du décret du 2 février 1852.
Art.
10 : Les évêques et les autres ecclésiastiques
salariés par l'État ne pourront toucher leur traitement que
sur la production d'un certificat de résidence qui, pour les évêques
et les membres du clergé diocésain, sera délivré
par le préfet ou le sous-préfet ; pour les curés,
les desservants et les vicaires, par le maire de la commune où ils
exercent leur ministère.
"Ce
certificat de résidence ne pourra être délivré
s'il s'est produit dans le cours du trimestre une absence d'un mois sans
congé régulier ou sans autorisation gouvernementale.
"Il
y aura lieu, dans ce cas, à retenue proportionnelle du traitement."
L'article 20 des lois organiques dit :"Les évêques seront
tenus de résider dans leurs diocèses ; ils ne pourront
en sortir qu'avec la permission du premier consul."
L'application
de cet article a toujours donné lieu à de grandes difficultés.
Les évêques ont mis en avant l'autorité du souverain
pontife qui les mandait à Rome, et la nécessité de
se réunir entre eux pour traiter des intérêts généraux
de l'Église. Ces réunions ont parfois pour but de se concerter
sur les moyens de résister aux lois édictées par le
pouvoir civil ; c'est ce qui arrive, par exemple, à propos de la
liberté de l'enseignement supérieur. Jusqu'à ces derniers
temps, aucune sanction n'avait été donnée à
cette prescription de la loi organique.
Pendant
plusieurs années, la loi de finances avait déclaré
que, pour les ecclésiastiques, les traitements ne seraient payés
que sur le vu d'un certificat de résidence délivré
par les autorités locales. Nous proposons par notre article 10 de
généraliser ce système et de l'appliquer à
tous les ecclésiastiques salariés par l'État.
L'article
11 est encore une conséquence du Concordat et il est en harmonie
complète avec les idées qui ont décidé la conclusion
de ces contrats.
Le Concordat,
en effet, met les édifices paroissiaux à la disposition du
clergé séculier, des évêques, des curés,
des desservants. A ces hommes que le Gouvernement connaît, puisque
les uns sont nommés ou agréés par lui, les autres
sont choisis par les premiers, on accorde, pour les besoins du culte auxquels
ils sont tenus de satisfaire, la jouissance d'un édifice appartenant
aux communes ou à l'État. Mais c'est à la condition
bien évidente qu'ils accomplissent eux-mêmes la mission dont
ils ont pris charge. S'ils ne sont pas assez nombreux, les vicaires, que
l'État a consenti de payer, devront venir à leur secours
et parfaire l'œuvre des chefs de paroisse.
Au lieu
de cette situation si simple, on a vu des prêtres étrangers
au clergé paroissial, membres de congrégations souvent non
admises par la législation, prendre une part de plus en plus active
au ministère religieux, et surtout à la prédication.
Et alors, au lieu d'un fonctionnaire résidant, responsable d'une
manière continue devant ses chefs ecclésiastiques, devant
ses paroissiens, devant l'État, les chaires de nos églises
voient se succéder des moines inconnus, parfois étrangers,
qu'aucun lieu ne retient, qu'aucune considération n'arrête,
et qui donnent trop souvent à leur prédications un caractère
politique plus que répréhensibles.
Aux
yeux des lois concordataires, ces prêtres n'ont pas le droit de se
servir des édifices publics. Nous vous proposons de les frapper
de peines de simple police. C'est là l'objet de notre article
11.
"Art.
11 : Pourra être puni des peines portées aux articles
479 et 480 du code pénal, tout prêtre non incorporé
à un diocèse français, qui aura usé des édifices
paroissiaux ou diocésains pour y exercer un des actes du ministère
paroissial.
"dans
ce cas, la rétribution qui aurait été allouée
au prédicateur par le conseil de fabrique n'entrera pas dans le
compte du budget de la fabrique."
CHAPITRE III
Jusqu'ici, les dispositions
dont nous vous avons sont de deux ordres : sanction pénales à
diverses prescriptions concordataires, suppression de divers avantages
et privilèges non concordataires accordés à l'Église.
Les
articles suivants résolvent un certain nombre de questions de détail
qui ont de l'importance dans la pratique, et sont l'objet de contestations
fréquentes.
Telle
est, par exemple, la question des cloches, question irritante entre toutes,
occasion de conflits fréquents, où la magistrature et l'administration
ne se mettent pas toujours d'accord. Nous lèverons toutes les difficultés
par un texte précis :
"Art.
12 : Les cloches ont le caractère d'immeubles par destination
et subissent la même règle.
"Les
clefs de l'Église restent entre les mains du desservant tant que
la cure ou la succursale est occupée. Elles peuvent toujours être
requises par la municipalité pour tout services publics consacrés
par l'usage.
"En
cas de vacance, ces clefs sont déposées chez le maire.
"Le
curé ou desservant qui s'opposerait à la sonnerie des cloches
ordonnée par l'autorité civile sera puni d'une amende de
50 à 200 fr."
D'après
le Concordat, les évêques pouvaient avoir un chapitre dans
la cathédrale et un séminaire dans le diocèse ; tous
autres établissements ecclésiastiques étaient supprimés.
Cette
disposition n'a pas été observée. Le premier empire
n'avait pas encore pris fin que déjà de nombreux établissements
ecclésiastiques étaient constitués avec attribution
de la capacité civile : menses épiscopales, menses curiales,
fabriques, petits séminaires, caisses de retraite pour les prêtres
âgés ou infirmes. D'autre part, la porte était largement
ouverte aux établissements religieux. Nous n'avons pas à
nous occuper de ces derniers dont le sort sera réglé dans
la loi sur les associations.
Quant
aux établissements ecclésiastiques, nous ne pensons pas qu'il
y ait lieu de revenir sur un état de chose existant depuis plus
d'un demi-siècle. Nous vous proposons de les maintenir, mais sous
deux réserves expresses.
La première,
c'est que, selon la jurisprudence actuelle du conseil d'État, leur
capacité civile sera strictement limitée à leurs attributions.
Depuis une trentaine d'années, en effet, il s'était introduit,
sous ce rapport, la confusion la plus singulière. Les personnes
et les droits se mêlaient de façon à rendre, sur certains
points, les intérêts indiscernables. Des fabriques établissaient
des écoles ou créaient des bureaux de bienfaisance. ici,
la mense épiscopale servait à entretenir un collège
; là, la mense curiale alimentait une ouvre de charité. Il
faut qu'à cette confusion succèdent l'ordre et la régularité,
et, pour cela, il est nécessaire que chaque établissement
s'enferme dans les limites que le législateur lui a tracées,
s'occupe des seules choses dont il a reçu mandat de s'occuper, et
pour lesquelles seulement la personnalité civile lui a été
conférée.
La seconde
réserve, c'est que la lumière soit faite dans les comptes.
Pourquoi, en effet, la comptabilité ecclésiastique échapperait-elle
aux dispositions qui règlent l'administration des deniers des autres
établissements publics, tels que les communes, les hospices, les
bureaux de bienfaisance ? Quoi de plus désirable et de plus équitable
en même temps que ce bon ordre à introduire dans les budgets
auxquels s'inscrivent différentes taxes publiques ? On peut poser
le principe dans la loi, sauf à s'en référer, pour
l'application, à un règlement d'administration publique.
De là,
notre article 13.
"Art.
13 : Les établissements ecclésiastiques actuellement
existants sont maintenus, avec la réserve que la capacité
civile dont ils jouissent sera strictement limitée à leurs
attributions spéciales, et qu'ils seront astreints aux règles
générales de la comptabilité publique.
"Un
règlement d'administration publique, rendu en conseil d'État,
les autorités diocésaines entendues, déterminera l'application
de ces règles à chaque établissement ecclésiastique."
Les écoles
secondaires ecclésiastiques, vulgairement désignées
sous le titre de petit séminaires, jouissent actuellement d'avantages
que rien ne justifie. Ils ont la personnalité civile ; ils sont
dispensés de certains impôts.
Or,
ce sont simplement, dans la pratique, des établissements libres
d'enseignement secondaire. Les futurs ecclésiastiques y sont confondus
avec des élèves ordinaires qui constituent souvent la majorité
de la population scolaire. Il n'y a donc aucune raison de conserver les
avantages qui leur avaient été concédés en
vue d'une destination spéciale qui a disparu.
De là
notre article 14 :
"Art.
14 : Les immunités accordées par les lois et ordonnances
antérieures aux écoles secondaires ecclésiastiques
sont et demeurent abrogées.
"Ces
établissements seront désormais réglés par
les lois générales sur l'enseignement secondaire privé."
Beaucoup
de notaires oublient que les établissements ecclésiastiques
sont en état de tutelle, et qu'il leur est défendu, par l'ordonnance
du 14 janvier 1831, de passer aucun acte en leur nom sans l'autorisation
préalable du Gouvernement. Actuellement, ces infractions se chiffrent
par milliers. La nullité des actes est difficile à invoquer,
quand elle n'est pas rendue impossible par la prescription, et la tutelle
administrative n'est plus qu'un vain mot.
Nous
vous proposons de frapper les notaires contrevenants d'une forte pénalité.
"Art.
15 : Tout notaire qui aura passé un acte en infraction
aux prescriptions de l'article 2 de l'ordonnance du 14 janvier 1831, sera
passible d'une amende de 500 à 2 000 fr. ; en cas de récidive,
l'amende sera la même, et le tribunal correctionnel prononcera la
révocation du notaire.
Tout
établissement, être moral, doit avoir son état civil
comme tout être réel. L'ordre public l'exige. CEpendant un
grand nombre de lieux de cultes sont ouverts sans autorisation, en infraction
de l'article 44 de la loi organique, de l'article 8 du décret de
1812 et même de l'article 294 du code pénal. Nous ne ferons
pas ressortir les dommages pécuniaires qui en résultent pour
les fabriques et subsidiairement pour les communes. L'intérêt
est plus haut : tant qu'il n'aura pas été procédé
à un recensement exact de tous les lieux du culte, à l'effet
d'arriver à la fermeture de ceux qui ne sont pas autorisés,
l'application du pacte concordataire, dans sa lettre et dans son esprit
restera difficile. A côté du culte célébré
dans les églises paroissiales, sous l'autorisation de l'évêque
et la surveillance du Gouvernement, il y aura le culte des chapelles, célébré
sans aucun contrôle des pouvoirs publics, sous l'autorité
de congrégations non autorisées ou de toutes autres individualités
irresponsables. D'où un double clergé, l'un officiel, attitré,
légal ; l'autre occulte, en quelque sorte, et échappant aux
dispositions de la loi. C'est à cette situation qu'il convient d'aviser.
La fermeture
des lieux de culte non autorisés ne sauraient, d'ailleurs, porter
atteinte au droit qui appartient à l'autorité diocésaine
de fixer le nombre de prêtres dits habitués dans les église,
en sus du clergé salarié par l'État, et, par suite,
la liberté d'action de cette autorité n'est pas en question.
Art.
16 : L'autorisation donnée, conformément au décret
du 22 décembre 1812 de posséder des chapelles domestiques
et des oratoires particuliers pour l'usage exclusif des personnes de la
maison ou de l'établissement, ne comprend pas le droit d'ouvrir
ces chapelles et ces oratoires au public.
"Lorsque,
sans autorisation spéciale et expresse, le culte public ou un acte
du culte public aura été célébré dans
ces lieux destinés au culte privé, le propriétaire,
le locataire ou la personne ayant la disposition de ces chapelles et oratoires
sera puni d'une amende de 15 à 200 fr. , pour chaque contravention."
La proposition
de M. Paul Bert préconisait en outre l'abrogation d'un grand nombre
de décrets et d'ordonnances qui constituent des concessions excessives
ou des dérogations aux principes concordataires. Nous n'avons pas
cru devoir faire figurer ces dispositions dans un texte législatif.
Nous nous contentons, dans la loi, de modifier ou d'abroger des lois. Il
appartiendra au pouvoir exécutif de prendre ensuite la série
de décrets nécessaires pour mettre en harmonie la pratique
des choses avec la législation nouvelle. Nous en avons assez dit
pour lui indiquer dans quel esprit il doit agir.
©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3
Dépôt légal 2ème trimestre
1999