La Séparation et les Églises
NOTRE ENQUÊTE
Le consistoire de l'Église réformée
de France a pris une délibération au sujet des projets de
séparation des Églises et de l'État.
Cette délibération
proposée par M. le pasteur E. Lacheret et par M. le baron F. de
Schikler a été adoptée à l'unanimité
par le Consistoire dans sa séance du 9 décembre courant.
Voici le texte :
Le Consistoire de Paris
Vu les propositions de loi sur la séparation
des Églises et de l'État et, en particulier, le projet élaboré
par la commission et le projet déposé par le gouvernement.
Estime qu'il a le devoir de faire connaître
aux pouvoirs publics quelles seraient à son avis, les conditions
essentielles d'une séparation juste et équitable.
En conséquence, confirmant sa délibération
du 18 décembre 1903, le consistoire demande, en premier lieu et
avant toutes choses, avec la neutralité religieuse de l'État,
une entière liberté de conscience et de culte dans les limites
exigées par l'ordre public et, par suite, le respect du régime
traditionnel des Églises réformées de France, le
régime presbytérien synodial.
Fondé dès l'origine de la réforme,
en 1559, supprimé par Louis XIV, rétabli par la troisième
république, ce régime vraiment parlementaire et démocratique
- dont le gouvernement de la République n'a jamais mis en doute
la légalité proclamé par un avis du Conseil d'État
en date des 13 15 novembre 1873, et qui est aujourd'hui le régime
des autres Églises protestantes de France - est absolument nécessaire
à nos Églises réformées. Le budget des cultes
étant supprimé, une organisation nationale est seule capable
d'assurer l'existence de ces Églises en établissant entre
leurs membres dispersés à travers toute la France les liens
de la solidarité fraternelle.
Ce but ne peut être atteint que si la loi
autorise l'union générale des associations.
En ce qui concerne les biens ecclésiastiques,
le consistoire demande que la loi sauvegarde, conformément à
l'article 7 du projet de la commission, le droit de propriété,
reconnu aux Églises par les Articles organiques (art. 7)
et par tous les décrets rendus en Conseil d'État, les autorisant
à posséder, à titre perpétuel, en vertu de
la loi du 2 janvier 1817, les biens acquis ou reçus par elles.
Pour les biens charitables, il estime que les corps
ecclésiastiques qui les détiennent devraient être autorisés
à les transmettre, non seulement aux établissements publics,
mais encore aux établissements reconnus d'utilité publique
ou à telle association déclarée qui se créerait,
conformément à la loi, pour remplir les intentions des donateurs.
Le Consistoire demande, en troisième lieu,
que la propriété des édifices religieux, temples et
presbytères, soit déterminée d'après le droit
commun, en tenant compte des droits des constructeurs et des donateurs
et que les édifices appartenant aux Consistoires et aux Conseil
presbytéraux soient transmis par eux aux associations créées,
en vertu de la loi, pour assurer en leurs lieu et place l'exercice du culte.
Enfin, le Consistoire demande qu'il soit alloué
aux ministres du culte, conformément aux précédents,
des indemnités et des pensions, calculées d'après
leurs années de service et suffisantes pour assurer équitablement
leur existence et leur avenir.
Copie de la présente délibération
sera adressée à M. le président du Conseil, ministre
de l'intérieur et des cultes, et à la commission de séparation
des Églises et de l'État.
Pour
copie conforme :
Le secrétaire : David BEIGBEDER
Le président : Benjamin COUVE