La Séparation et les Églises
NOTRE ENQUÊTE
A L'ÉVÊCHÉ DE NANTES
Nantes, 12 février
Nantes s'éveille dans un brouillard froid
et perçant; ......
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D'une belle stature, les cheveux grisonnants, l'oeil
brun, la bouche un peu dédaigneuse, Mgr Rouard est un homme aimable,
mais réservé et froid ; il m'invite à prendre un siège
dans son somptueux cabinet de travail et, s'attablant devant son large
bureau, encombré de brochures et de papiers, les jambes croisées,
il répond à mes questions en ces termes :
- "Vous comprenez, monsieur, combien la question
est délicate et doit occuper les esprits les plus graves ; elle
est complexe et présente plusieurs côtés ; on ne peut
l'envisager dans son ensemble. Par exemple, la séparation de l'Église
et de l'État ne peut être traitée de même façon
dans les départements de l'Est et dans ceux de l'Ouest par la raison
bien simple qu'ici, il y aura des ressources, et que là-bas, il
n'y en a pas. Il me serait donc impossible de vous donner une réponse
sur la question en général ; la séparation de l'Église
et de l'État variera selon les latitudes et selon les diocèses.
Pour ce qui est de moi, j'estime qu'actuellement, c'est une question qui
relève exclusivement du Saint-Siège ; lui seul a la sagesse
et l'autorité pour la résoudre et peut en penser quelque
chose. Je vais incessamment partir pour Rome où, éclairé
par chaque évêque sur la situation respective de chaque diocèse,
le Saint-Père, qui, je crois le savoir, est très inquiet
des conséquences que peut avoir cet événement, donnera
à chacun de nous des instructions particulières pour la région
placée sous sa tutelle ; il ordonnera en même temps sur la
location ou l'abandon des immeubles consacrés au culte.
"Certains journaux ont cru devoir, à ce propos,
faire un référendum : "Doit-on louer, ne doit-on pas louer
les églises ?" Tout cela, élaboré par la presse, ne
signifie pas grand-chose et n'aboutit à rien. Ce qu'il faut, c'est
attendre les instructions du pape et s'y conformer.
"L'Église a vu bien d'autre épreuves
elle les a subies et en a triomphé ; s'il plaît à Dieu,
elle subira celle-ci, et, assurément, elle en triomphera. Voilà,
Monsieur, tout ce que je puis vous dire".
Éric Besnard