Le Siècle daté du 1er janvier 1905

La Séparation et les Églises
NOTRE ENQUÊTE

    L'archevêque de Cambrai a chargé un avocat du barreau de Lille, M° G. Théry, ancien bâtonnier, d'étudier le projet de loi déposé par le gouvernement en vue de la séparation des Églises et de l'État.
    M° Théry a terminé son travail et l'a remis à l'archevêque. Nous sommes en mesure de donner le texte de ce mémoire qui précise les critiques que le clergé catholique peut formuler sur le projet actuellement soumis aux délibérations de la commission.
    Nous le publions in extenso :

                                                    Monseigneur,
    Vous m'avez fait l'honneur de me demander d'étudier le projet de loi qui vient d'être déposé par le gouvernement en vue de la "séparation des Églises et de l'État" et de vous dire mon sentiment au point de vue de l'Église catholique.
    Votre Grandeur désire savoir quelle serait après la séparation la situation de l'Église de France, quels dangers la menaceraient alors, et s'il est dans notre législation quelque moyen d'y échapper.
    J'ai l'honneur, Monseigneur, de vous adresser le résultat de mon étude.

*****

    La première lecture du projet de loi provoque une singulière impression.
    On s'attendait à plus de brutalité, à la mort sans phrases. Il semble, au contraire, à celui qui se borne à examiner in surface et s'arrête à la première impression, qu'une certaine bienveillance ait présidé à l'élaboration du projet.
    Mais si on l'étudie plus attentivement, on ne tarde pas à se convaincre que ces apparences masquent des dispositions combinées avec une astuce incroyable pour détruire en France l'Église catholique.
    Si, par malheur, l'Église s'y laissait prendre, elle succomberait par le jeu même de la législation à laquelle elle se serait imprudemment soumise, et sans que le gouvernement ait autre chose à faire qu'à laisser la loi fonctionner normalement.
    Pour démontrer le véritable esprit du projet, rétablissons dans leur ordre logique ses diverses dispositions et étudions-les successivement.

RAPPORT DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE
ET DE L'ÉTAT FRANÇAIS

    Ces rapports, dans le projet de loi n'existent plus ; l'État français feint désormais, d'ignorer l'existence de l'Église catholique, le culte devient l'affaire individuelle des citoyens français.


    L'État ne connaît que des groupements de citoyens associés pour exercer un culte et ne veut avoir de rapports qu'avec ces associations. Pour l'État, il n'y a pas de hiérarchie catholique. L'évêque descend au rang d'employé des associations de son diocèse ; le curé est l'employé de l'association paroissiale.

RAPPORT DES ASSOCIATIONS
AVEC L'ÉGLISE

    Supposons, néanmoins, ces associations organisées et fonctionnant.


    Elles ont tout d'abord le grave inconvénient de constituer un pouvoir établi en face de l'autorité ecclésiastique ; or, il ne faut pas se faire illusion sur les dangers de cette situation. L'homme n'est point parfait; il est toujours homme, portant au fond de son cœur des passions prêtes à se réveiller.
    Combien n'a-t-on vu de conseils de fabrique en lutte avec leur curé ? Au moindre conflit, à la moindre contrariété, l'association, ou plutôt ceux qui la gouvernent, ne vont-ils pas faire sentir au curé qu'ils tiennent les cordons de la bourse ?
    Que deviendra alors, pour ce dernier, l'indépendance et la dignité de son ministère, obligé qu'il sera de compter avec une association qui le fait vivre, lui donne les moyens financiers de maintenir le culte dans la paroisse et peut à sa volonté lui donner congé ?
    Que l'on fasse des quêtes, des collectes, des souscriptions, la situation sera tout autre, parce que chaque paroissien alors donne directement à son curé par l'entremise de simples collecteurs ; le curé ne trouve plus devant lui un pouvoir organisé.
    L'association, telle que la loi l'entend, est au sein même de l'Église la négation pratique et le renversement de la hiérarchie.
    Il y a donc là un premier ordre de difficultés, avec lequel, l'expérience des conseils de fabrique le montre, il est nécessaire de compter.

SITUATION DES ASSOCIATIONS
AU REGARD DE L'ÉTAT

    Examinons maintenant la situation des associations dans leurs rapports avec l'État.


    Il faut, d'après le projet, une association par canton.
    Les associations peuvent former des unions; ces unions ne peuvent dépasser les limites d'un département.
    Que seront ces unions, quel sera leur but ? On ne le voit pas exactement. L'union d'associations suppose la préexistence d'associations. L'union n'est donc pas une association départementale, chaque association est forcément limitée à un canton ; chaque association a pour objet la propriété de certains biens et la collecte de certaines ressources. On ne voit donc pas bien l'objet de leur union, et on se demande à quoi tendent ceux qui voudraient dès maintenant combattre la limitation des unions à un département.
    Quelles sont les conditions de création et de fonctionnementdes association ?
    La loi du 1er juillet 1901 traite dans son premier titre des associations.
    Il y a deux espèces d'associations : les unes qui ne demandent rien à l'État et se forment librement entre citoyens ; ces associations, que la loi (art.2) appelle associations de personnes, peuvent se former sans conditions ; leurs membres jouissent de tous les droits que la loi française accorde aux citoyens.
    Les autre sont des associations déclarées (art. 5). Par la déclaration, elles se soumettent à une législation spéciale qui a la prétention de donner à l'association, érigée à l'état d'être juridique, une existence complètement indépendante des associés et une capacité limité, si on la compare à celle que les individus tirent du droit commun.
    De plus, l'association déclarée est soumise, sous des sanctions pénales, à des déclarations et à la tenue de registres, qu'elle doit communiquer aux autorités publiques.
    Or, dès qu'il s'agit de culte, l'association doit être déclarée, l'association libre est prohibée ( art. 6, §1er)
    C'est la première dérogation au droit commun.

CONDITIONS DE CRÉATION ET DE FONCTIONNEMENT
DES ASSOCIATIONS POUR LE CULTE

    Les associations pour le culte jouissent-elles au moins du droit commun des associations déclarées ?


    Elles n'ont même pas cette liberté.
    Aux termes de la loi du 1er juillet 1901, la déclaration doit être faite à la préfecture ou à la sous-préfecture; elle indique :
        Le titre et l'objet de l'association;
        Le siège de ses établissements;
        Les noms, professions et domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction.
        Deux exemplaires des statuts sont joints à la déclaration.
    Les associés sont tenus de faire connaître, dans les trois mois, tous les changements survenus dans leur administration ou direction ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts.
    Les modifications et changements et changements sont, en outre, consignés sur un registre spécial, qui devra être présenté aux autorités administratives ou judiciaires, chaque fois qu'elles en feront la demande.
    En cas d'infraction aux dispositions qui précèdent, la dissolution de l'association peut être prononcée par le tribunal civil à la requête du ministère public.
    De plus, ceux qui auront contrevenu à ces dispositions seront punis d'une amende de 16 à 200 francs et, en cas de récidive d'une amende du double.
    Toutes ces dispositions dispositions s'appliquent aux associations ayant pour but l'exercice d'un culte.
    En outre :
    Ces associations ne peuvent employer aucun étranger dans les fonctions de ministre du culte (projet, art.63)
    Leurs administrateurs, ou directeurs doivent être français, jouissant de leurs droits civils, et ayant leur domicile dans le canton où se trouve les immeubles consacrés à l'exercice du culte (§4).
    Les unions d'associations ne peuvent dépasser les limites d'un département (art. 8).
    Ces associations tiennent état de leur dépenses ; elles dressent chaque années le compte financier de l'année écoulée et l'inventaire de leurs biens meubles et immeubles (art. 9, § 1er).
    Leurs fonds de réserve ne peut dépasser le tiers de le tiers de leurs de leurs recettes annuelles (§2)
    ce fonds de réserve est placé soit à la Caisse des dépôts et consignations, soit en titres nominatifs de rentes françaises ou de valeurs garanties par l'État (§3)
    Le fonds de réserve peut être employé, par arrêté préfectoral, pour réparer les les immeubles concédés à l'association (§4).
    Les associations peuvent verser d'autres d'autres fonds à la Caisses des dépôts et consignations, mais seulement en vue de la construction ou de l'achat d'immeubles nécessaires à l'exercice du culte (§5)
    Les associations sont tenues de présenter leurs comptes et états sur toute réquisition du préfet ou de son délégué (§6).
    Les directeurs ou administrateurs d'une association, qui auront contrevenu aux dispositions ci-dessus, seront passibles d'une amende de 16 à 200 francs et d'un emprisonnement de six jours à un an (§7).
    Telles sont les dispositions qui régissent les associations formées en vue de l'exercice d'un culte.
    Nous avons déjà signalé qu'il faudra au moins une association par canton ; cela résulte implicitement de l'article 6, § 4 du projet, qui oblige les administrateurs et directeurs à avoir leur domiciles dans le canton où se trouvent les immeubles consacrés à l'exercice du culte.
    Cet exposé des conditions et obligations que le projet impose aux associations montre combien grande est l'illusion de ceux qui ont cru trouver dans dans le droit d'association le moyen de sauvegarder la religion catholique en France. Ils se sont laissé séduire par les idées qu'éveille le mot association et ont oublié d'étudier le projet de loi. Dès maintenant, on parle cependant de l'association dans les revues et les congrès catholiques comme d'un remède à tous les maux.

        G. Théry
        avocat, ancien bâtonnier
        Lille, le 30 novembre 1904


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Suite parue le 3 janvier

FONCTIONNEMENT DES ASSOCIATIONS

    Étant donné le nombre d'associations qu'il faudra créer, il sera à peu près impossible de les faire fonctionner régulièrement, on oubliera quelqu'une de ces formalités multiples et minutieuses prescrites par la loi. Ce sera un changement d'administrateur non déclaré dans le délai, un inventaire qui n'aura pas été fait en termes voulu, une omission quelconque.
    Voilà l'association tombant sous le coup de la loi pénale, par suite les administrateurs passent de l'amende à la prison, et l'association menacée de dissolution et de liquidation.
    Si l'Église entre dans l'engrenage, que l'on me permette ce mot, de l'association déclarée, elle y sera rapidement broyée, après avoir perdu toute liberté. On la tuera en détail, en multipliant contre elle les poursuites pour délits et contraventions, et le public, qui ne va pas au fond des choses, se dira simplement : Pourquoi l'Église n'observe-t-elle pas la loi ?
    L'Église trouvera-t-elle au moins dans l'association le moyen de se créer avec sécurité un patrimoine ?
    Les associations peuvent se constituer un fond de réserve, dit l'article 9, §2 du projet, mais ce fonds de réserve ne peut dépasser le tiers de l'ensemble de leurs recettes annuelles.
    Qu'est-ce que le tiers de l'ensemble de leurs recettes annuelles ? Est-ce le tiers de l'ensemble des recettes d'une année ? le mot annuelles le ferait croire. Estce le tiers des recettes réunies des années successives ? Le mot ensemble permet de le soutenir.
    Au moins cet argent sera-t-il en sécurité ? L'article 3 §3, oblige de le déposer caisse des dépôts et consignations ou à l'employer en titres nominatifs de rentes françaises ou de valeurs garanties par l'État, c'est-à-dire de le confier aux spoliateurs ou de le porter à leur connaissance.
    Les associations n'auront-elles pas quelque moyen de cacher cet argent pour se soustraire aux voleurs officiels ? Il n'y faut point songer. L'association est obligée, sous des peines correctionnelles, de tenir écriture de ses recettes et dépenses et de faire un inventaire annuel, le tout devant être communiqué à toute réquisition de l'administration.
    Voilà le régime que l'on prépare à l'Église catholique en France.

DES LIEUX OU S'EXERCERA LE CULTE

    Mais, au moins, ces associations, si précaires soient-elles, pourront-elles ouvrir librement des églises pour l'exercice du culte catholique ?
    En lisant certains articles, on serait tenté de répondre affirmativement.
    On y voit, en effet, que, pendant deux ans, les édifices du culte seront mis gratuitement à la disposition des associations (art.1) et qu'ils pourront ensuite leur être concédés à titre onéreux (art.5), moyennant un loyer qui ne pourra dépasser le dixième de leurs recettes annuelles (art. 5, §4) ; que les biens mobiliers appartenant aux menses et fabriques seront concédés pour des périodes successives de dix ans.
    Mais ces concessions se feront dans les limites des besoins des associations (art. 3, §2 ) Et qui sera juges de ces besoins ? L'État franc-maçon et persécuteur.
    L'État, propriétaire des édifices, les louera donc pour dire la messe ; l'État, propriétaire des lieux sacrés, les prêtera donc pour l'exercice, d'ailleurs à la charge des associations pour les frais d'entretien et de grosses réparations (art. 5, §2). L'État s'en remboursera, nous l'avons vu, par la saisie des réserves déposées à la caisse des dépôts et consignation (art3, §2)
    Enfin, qu'un prêtre soit poursuivi à raison des paroles prononcées par lui dans l'église, la concession peut être retirée à l'association (art. 20 § 2). Or, à moins que les prêtres n'acceptent le rôle *** ***, il sera toujours facile de les trouver en contravention. C'est l'évangile *** qui est en contravention avec la foi de la franc-maçonnerie.
    Régime honteux, car il s'agit pour l'Église de France de louer ce qui est à elle, ou de jouir, à titre de prêt de ce qui lui appartient, car les églises, pour la plupart et le mobilier qui les garni sont sa propriété.

PROPRIÉTÉ DES ÉGLISES ET DU MOBILIER

    La plupart des églises actuelles sont des constructions antérieures à 1789; celles qui ont été construites ou reconstruites depuis lors l'ont été généralement avec l'argent des catholiques.
    Les églises étaient, avant la révolution, française, la propriété incontestable de l'Église catholique, représentée par le pape et les évêques français.
    le décret du 24 novembre 1789 mit les églises, comme tous les autres biens ecclésiastiques, "à la disposition de la nation". ce fut là la formule adoptée pour masquer le vol. On dit maintenant : sécularisation, séparation de l'Église et de l'État. Il s'agit toujours de voler le bien d'autrui, les mots seuls diffèrent.
    Le Concordat, dans son article 12, dispose comme suit : "Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées nécessaires au culte seront remises à la disposition des évêques."
    Quand, après avoir pris le bien de l'Église, en disant qu'on le met à la disposition de la nation, on le remet à la disposition des évêques, cela s'appelle une restitution. C'est le rétablissement de la situation antérieure à 1789 ; l'Église est donc redevenue ce qu'elle était alors : propriétaire des églises non aliénées.
    Le conseil d'État a pu, depuis lors, déclarer par plusieurs avis que les communes étaient propriétaires des églises. Il n'était pas au pouvoir de l'État de dépouiller légitimement l'Église d'une propriété qui était sienne et qu'il lui avait conventionnellement restituée lors du Concordat.
    L'Église catholique, considérée comme société parfaite, est donc aujourd'hui propriétaire de toutes les églises antérieures à 1789 (c'est l'immense majorité), et de toutes celles qui ont été bâties depuis lors avec l'argent des catholiques.
    Quant au mobilier, le droit de l'Église est tout aussi évident. le mobilier n'existait pas lors du Concordat. L'ancien mobilier avait été détruit ou dispersé. Tout le mobilier actuel, sans exception, est le résultat d'acquisitions faites par chaque paroisse avec ses ressources ou avec l'aide de dons reçus des fidèles : ce matériel est ainsi la propriété légitime et incontestable de l'Église catholique considérée comme séculière.
    C'est donc bien, comme nous le disions, sa propriété certaine et indiscutable que l'État, après l'avoir volée, propose à l'Église de lui louer ou de lui prêter, jusqu'au jour prochain où il lui enlèvera même cette jouissance.
    Que dira alors l'Église, quel droit revendique-t-elle ? En louant son propre bien, en le recevant à titre de prêt, elle aura, par le fait même, reconnu et sanctionné le droit de spoliation, et se sera en même temps interdit toute réclamation.

DÉCLARATION D'EXERCICE DU CULTE

    Mais enfin, si, sous prétexte de plus grands maux à éviter, les catholiques, foulant aux pieds tout sentiment de dignité, se soumettent aux exigences du législateur, pourront-ils exercer librement leur culte ?
    Pas encore
    Les réunions pour la célébration d'un culte ne peuvent avoir lieu qu'après une déclaration analogue à celle exigée pour les réunions publiques ( art. 12, § 1er).
    La déclaration doit être faite et signée par deux personnes, française de nation, jouissant de leurs droits civils et politiques ( loi du 30 juin 1881, art. 2, §2). Elle indique leurs noms, qualités et domicile (projet, art. 12, §2). Elle indique aussi le nom des ministres du culte appelés à exercé leur ministère dans le lieu objet de la déclaration (§2).
    Un prédicateur extraordinaire ne pourra donc pas prêcher, un prêtre de passage dire la messe sans une nouvelle déclaration (§4)
    Enfin, les représentants et les délégués des représentants de l'autorité ont toujours accès dans les lieux de réunion pour l'exercice d'un culte (§5)
    L'Église est donc à toute heure ouverte au préfet, au procureur de la république, au commissaire de police, aux gendarmes, aux agents de police et au garde champêtre qui y pénétreront, non comme chrétiens dans la maison de Dieu, mais en vertu d'un droit que l'État prétend exercer sur toutes les réunion de citoyens.
    Comme conséquence du ren** de la loi sur les réunions publiques et du droit d'introduction, les agents de l'autorité ne prétendent-ils pas choisir leur place (loi du 30 juin 1881, art. 9, §2); en sorte que l'on pourra voir pendant les offices un commissaire de police ou un gendarme, le képi sur la tête - Ils seront de service - prendre place au banc-d'oeuvre pour mieux entendre ou monter dans la chaire pour mieux voir et exercer plus facilement leur surveillance.
    Voilà le régime auquel le gouvernement se propose de soumettre l'Église catholique en France. Cela rappelle à s'y méprendre le décret de la Convention du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795) sur l'exercice et la police extérieure des cultes.
conduite déterminée ; je laisse ce soin à ceux qui ont reçu de Dieu la mission de gouverner son Église.
    Je me suis seulement préoccupé, comme me le demandait Votre Grandeur,, de mettre en lumière le régime réservé en France à l'Église catholique, lorsque la séparation sera accomplie.
    La discussion pourra apporter quelques modifications dans les défauts du projet, le fond ne changera pas, parce que le but et le motif de la loi est la destruction de l'Église catholique.
    On est loin de l'idée que poursuivaient, il y a cinquante ans et tout récemment encore les catholiques libéraux réclamant l'Église libre dans l'État libre et l'égalité de tous les cultes.
    On voit où nous ont menés ces dangereuses rêveries condamnées par le Syllabus (I.V. LXXIX). Elles ont pour résultat de mettre aujourd'hui l'Église de France en présence de ce dilemme : servitude ou proscription.
    C'est le résumé du projet de loi.
    Veuillez agréer, Monseigneur, l'assurance de mon profond respect.

                G. Théry
        avocat, ancien bâtonnier



    Nous recevons la lettre suivante de M. Zadoc-Kahn, grand rabbin de France

    Le grand rabbin                                                                            Paris, le 2 janvier 1905
du consistoire central                                                                17, rue St-Georges
            des
israélites de France

                        Monsieur le rédacteur en chef du journal Le Siècle

    Je m'aperçois, par la citation que le Siècle du 1er janvier emprunte à la Semaine religieuse du diocèse de Cambrai, qu'on est en train, dans certains milieux, de créer une nouvelle légende sur le compte du culte israélite. On voudrait faire croire au public que lui seul, par je ne sais quel extraordinaire tour de passe-passe, échapperait aux conséquences de la récente loi réglant le monopole des inhumations.
    Il n'en est rien, hélas ! Nous partageons le sort commun de toutes les confessions religieuses en France. Il suffit d'une lecture même superficielle des termes de la loi pour s'assurer que "les fabriques,  consistoires ou autres établissements religieux" sont traités par elle de la même façon, et on à peine à s'expliquer que des esprits réfléchis ou sans parti pris aient pu s'y tromper.
    veuillez agréer, monsieur le rédacteur en chef, l'expression de mes sentiments de haute considération.

                    Zadoc-Kahn
                    grand-rabbin


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