21
mars : Loi autorisant les syndicats professionnels, sauf pour les femmes.
31
mars : Loi municipale. Le maire sera désormais élu par les
conseillers municipaux. Paris conservera un régime d'exception jusqu'en
1977.
6
juin : Loi autorisant le divorce
4-15
août : Révision constitutionnelle. La forme républicaine
du régime est déclarée intangible.
-
Les prières publiques sont supprimées à l'ouverture
des sessions parlementaires.
Chambre des députés
9 décembre 1884
.....................
M. Lepère. Messieurs,
depuis plusieurs années un grand nombre de nos collègues
ont demandé la suppression du budget des caltes, et l'ont votée.
La question s'est donc très souvent présentée, chaque
année, nécessairement, lors de la discussion da budget des
cultes.
A chaque fois nos collègues se sont heurtés
à la même objection qui a motivé de la part de la majorité
un vote contraire à celui qu'ils avaient émis : on leur a
posé une question préjudicielle. Vous demandez, leur a-t-on
dit et répété, la suppression du budget des cultes,
mais le budget des cultes est la conséquence du Concordat qui est
une loi, qui est une sorte de traité international ; et dès
lors comment voter la suppression d'un budget, qui est la conséquence
même d'une loi, qui est la conséquence même d'un traité,
sans avoir au préalable abrogé la loi, dénoncé
le traité ?
Chaque année, la majorité s'est inclinée
devant cette question préjudicielle si souvent objectée,
jamais posée, et qui dès lors, a pu et peut être aujourd'hui
justement qualifiée d'exception dilatoire.
Quoi qu'il en soit, messieurs, et pour répondre
à cette objection sans cesse renouvelée, notre honorable
collègue, M. Boysset, en 1881, au moment même où cette
Chambre se rassemblait, présentait une proposition de loi, qu'avaient
également signée un grand nombre de nos collègues,
et aux termes de laquelle le Concordat devait être dénoncé.
Cette proposition de loi, suivie de quelques autres propositions sur les
rapports de l'Église et de l'État, fut prise en considération
à une immense majorité. On y joignit les autres propositions
qui avaient trait aux rapports de l'Église et de l'État.
et une commission fut nommée pour en faire l'examen
Cette commission, messieurs, a dû prendre
quelque temps pour préparer son rapport; il s'agissait d'une question
ou plutôt d'une série de questions très importantes
qu'elle a dû étudier, qu'elle a étudiées à
fonds.
Son rapport a été
déposé en mai 1883. Il y a, par conséquent, plus
de dix-huit mois que la Chambre, que le Gouvernement auraient pu...
Voix à l'extrême gauche. Auraient
dû!
. ...provoquer la solution de la. question préjudicielle
qu'on oppose chaque année à ceux qui demandent la suppressIon
du budget des cultes. Oui, depuis plus de dix-huit mois la. question de
la séparation de l'Église et de l'État attend qu'on
la discute, et depuis puis de dix-huit mois est posée devant vous,
sans qu'elle ait été abordée, la question de la dénonciation
du Concordat. (Très bien! très bien! à l'extrême
gauche.)
" Grave question ! " ai- je entendu, à diverses
reprises, s'écrier M. le président d u conseil : " Grave
question, et qu'il faudra quelque jour traiter avec l'ampleur qu'elle comporte
! Pour nous, notre parti est pris, nous sommes prêts, et nous vous
donnons rendez. vous à prochaine échéance. "
Voix à l'extrême gauche. Oui
! mais sans fixer une date!
M. le président du conseil, ni ses collaborateurs
ne se sont guère empressés de donner suite à ces paroles
un peu provocantes. (Approbation sur divers bancs à gauche.)
Quant à nous, nous pouvons dire aussi: Nous sommes prêts.
Il n'a pas dépendu de nous que la discussion de la question ne précédât
celle du budget; l'honorable M. Boysset et l'honorable M. Paul Bert, rapporteurs
de la commission, l'avaient demandé après en avoir prévenu
le Gouvernement, qui n'a pas paru mettre beaucoup d'empressement à
donner à la discussion de cette question un rang de faveur, et la.
Chambre s'est bornée à la mettre à l'ordre du jour,
mais dans un rang tel que la discussion du budget des cultes doit encore
en précéder l'examen. Mais enfin elle est à votre
ordre du jour.
...........
Si, par suite de circonstances auxquelles le Gouvernement
n'est point étranger; si, par suite d'une convocation un peu tardive
de cette Chambre; (Très bien ! très bien! à l'extrême
gauche. -Interruptions au centre); si, grâce à d'autres
discussions qui avaient moins d'importance que celles-là et qui
nous ont pris quelques séances, nous nous trouvons, pressés
par le temps, acculés en ce moment à une discussion du budget
qu'il faut forcément hâter parce qu'elle a trop tardé,
la faute n'en est point à nous. Mais il n'en est pas moins vrai
que la proposition relative à la dénonciation da Concordat,
que le rapport où cette question est traitée sont à
l'ordre du jour, et que vous seriez libres de la discuter aujourd'hui.
Je comprends néanmoins qu'au moment où
l'année va finir, vous ayez hâte de voir le budget voté
par les deux Chambres, et que par conséquent il soit difficile d'aborder
actuellement un très long débat sur la question de Ia séparation
de l'Église et de l'État. Nous en laissons la. responsabilité
à qui de droit. (Réclamations au centre et sur divers
bancs à gauche. -Très bien ! très bien ! à
l'extrême gauche ).
Mais quant à nous, dont l'opinion est parfaitement
faite, et qui croyons que la. meilleure dénonciation du Concordat
est précisément la. suppression da budget des cultes, nous
voterons cette suppression. (Très bien à très bien
! à l'extrême gauche.)
J'ai été chargé par un grand
nombre de mes amis de le déclarer en leur nom comme au mien. Nous
la voterons et nous ne croyons pas encourir le reproche d'une bien grande
témérité financière en procédant à
ce vote sans que le Concordat soit légalement dénoncé,
car nous voyons que la commission du budget elle-même n'a. pas hésité
à se saisir de cette question, ainsi qu'il résulte des termes
mêmes du rapport de l'honorable M. de Douville-Maillefeu.
"Votre commission du budget", dit-il dans son rapport,
"dans les premiers jours de mai avait sur notre proposition et sur celle
de l'un de nos collègues, discuté le principe de la suppression
complète du budget des cultes.
" A trois voix de majorité seulement, et
en l'absence de plusieurs de nos collègues qui partagent nos convictions,
la commission a refusé de nous suivre sur ce terrain et nous avons
alors discuté, article par article, le rapport qui nous a été
présenté au nom de notre 2° sous-commission par le rapporteur,
M. Lelièvre. "
Donc dans la commission du budget, il s'en est fallu
de trois voix que la suppression du budget des cultes ne fût votée,
et peut-être eût-elle été votée si un
certain nombre de membres de cette commission qui partageaient l'opinion
de son rapporteur eussent été présents.
Vous le voyez donc, messieurs, en portant cette
question à la tribune, je ne fais que suivre la voie qui nous a
été tracée par la minorité, sans doute, des
membres de la commission du budget, mais par une minorité qui paraît
avoir approché beaucoup de la majorité. Nous voterons donc
la suppression du budget des cultes.
Comment pourrons-nous réglementairement procéder
pour émettre ce vote, puisque, d'après les précédents
il n'y a pas lieu de voter sur le passage à la discussion des articles
? Nous vous proposerons de suivre la procédure qui, je crois, a
été suivie l'année dernière, c'est-à-dire
de donner au vote sur le premier article du budget des cultes la signification
d'un vote sur l'ensemble de ce budget. Nous nous prononcerons ainsi contre
le maintien du budget des cultes en votant contre l'article 1er du budget
des cultes ; c'est ainsi qu'il a été procédé
lors de la discussion des budgets antérieurs, sur l'avis, je crois,
de M. le président et du consentement de la Chambre.
C'est sur la question ainsi posée que nous
voterons pour la suppression du budget des cultes. Et, dût notre
vote, grâce à un appui que ne refusera pas M. le garde des
sceaux, grâce à l'appui des membres de la droite (Très
bien ! sur divers bancs à gauche. -Interruptions à droite),
dont je comprends parfaitement le vote et dont je m'explique très
bien le concours, dût, grâce à cette alliance...
(Réclamations à droite,)
M. le baron Dufour. Ce n'est pas une alliance ! Il n'y a pas
plus d'alliance aujourd'hui de notre part avec le ministre qu'il n'y en
avait avec vous l'autre jour !
.
M. Pieyre et d'autres membres de la droite. Nous votons
selon nos consciences et selon nos convictions!
M. Lepère. Vous avez parfaitement raison! Mais quiconque
est monté à cette tribune sait qu'il peut arriver quelquefois
que la parole trahisse la pensée et que ce ne soit pas le mot juste
qu'on rencontre tout d'abord...
.......
Grâce, si vous voulez, à ce que
les bulletins des ministres et du centre se seront trouvés de la
même couleur que les bulletins do la droite, dût notre vote
rester un vote platonique. nous aurons eu du moins la satisfaction de l'émettre
comme un vote non pas de persécution, ainsi qu'on se plaît
souvent à le dire, mais comme un vote commandé par la liberté
de conscience. ..(Très bien! très bien ! et applaudissements
à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche),
un vote que réclame la dignité de l'État aussi bien
que celle de l'Église; et avant tout comme un vote de logique, car
à ceux qui veulent que la suppression du budget des cultes soit
précédée de la dénonciation du Concordat, en
fait il serait facile de démontrer que le contrat n'existe plus
et qu'il est bien inutile de le dénoncer.
Votez donc avec nous, messieurs, la. suppression
du budget des cultes. En le faisant, vous aurez pris votre part d'une œuvre
de liberté, de dignité et de logique. (Vifs applaudissements
sur les mêmes bancs.)
...............
M.Freppel. Messieurs, j'ai
peine à comprendre que l'honorable M. Lepère et ses collègues
de la gauche veuillent en ce moment provoquer une résolution tendant
à la. suppression du budget des cultes, et je leur demande la permission
d'exposer, en très peu de mots, les motifs pour lesquels ils devraient
revenir sur cette détermination.
Le premier motif, c'est qu'il est manifeste, qu'il est de toute évidence
que la suppression du budget des cultes équivaut à la dénonciation
du Concordat.
Plusieurs membres à l'extrême gauche.
Très bien ! - C'est cela ! - certainement !
C'est la une conséquence qui saute
aux yeux. Or, dénoncer un traité, une convention par la voie
budgétaire, c'est là une procédure tellement irrégulière,
tellement anormale, tellement étrange, qu'elle n'est jamais venue
à la pensée d'une Assemblée quelconque. (Très
bien ! très bien ! à droite.)
Un deuxième motif pour lequel je demande
à nos honorables collègues de l'extrême gauche et de
la gauche radicale de vouloir bien revenir sur la résolution qu'ils
viennent d'annoncer, c'est que la Chambre est saisie d'une proposition
tendant à la dénonciation du concordat. Cette proposition
est à votre ordre du jour.
Un membre à droite. A tort !
Elle viendra tout naturellement en discussion après
le vote du budget, au mois de janvier ou de février, dans notre
session ordinaire. C'est alors, et alors seulement, que vous pourrez la
discuter avec toute l'ampleur et tous les développements qu'elle
comporte ; et c'est ce qui m'amène à développer la
troisième motif pour lequel je prie nos honorables collègues
de ne pas persister dans leur résolution.
Comment ! vous êtes au 8 décembre,
ayant encore à discuter les budgets de dix ministères, sans
parler de la loi de finances proprement dite que vous n'avez même
pas abordée. Ces budgets devront aller au sénat au moins
avant le jour de l'an. Ils vous reviendront, cela est possible, cela est
même probable, et l'on vient vous proposer de discuter la plus grosse
de toutes les questions (Oh ! oh ! à l'extrême gauche),
une question qui, pour être convenablement traitée, demanderait
au moins quinze jours.
.........................................
Car, pour des hommes sérieux, il ne s'agit
pas de poser un principe sans se préoccuper des conséquences;
il ne s'agit pas seulement pour vous du maintien ou de la suppression du
budget des cultes: il s'agit, par voie de conséquence, de déterminer
sous quel régime vous placerez l'Église catholique...
Une voix a gauche. Sous le régime
de la liberté.
...ce que deviendront les cathédrales,
les églises paroissiales, les presbytères, tout le personnel
ecclésiastique, etc. En vérité, messieurs, permettez-moi
de vous dire qu'à l'heure présente, convier la Chambre à
discuter une pareille proposition, c'est à peine sérieux.
Et voilà pourquoi j'estime que nos collègues
de l'extrême gauche et de la gauche radicale feraient preuve d'esprit
parlementaire et de sagesse politique en renonçant à une
résolution sur le sort de laquelle ils ne sauraient d'ailleurs se
faire la moindre illusion.
(Applaudissements à droite.)
.......................
M. René Goblet. Messieurs,
je m'associe, dans une large mesure, aux paroles qui ont été
prononcées tout à l'heure par l'honorable M. Lepère.
Je crois, moi aussi, qu'il est indispensable que
le Gouvernement républicain arrive à déterminer, d'une
façon définitive, les rapports de l'Église avec l'État.
Mais je diffère d'avec M. Lepère sur les conclusions qu'il
a tirées de ces prémisses, et en présence de la. discussion
qui vient de se produire, je sais obligé de renouveler ici les réserves
que je faisais l'année dernière. Messieurs, la suppression
du budget des cultes n'est pas seulement impossible suivant moi, tant que
n'aura pas été dénoncé le Concordat, il y a
une autre raison qui, à mon sens, ne permet pas de supprimer, dès
à présent, ce budget.
Je souhaite, moi aussi, que l'examen de la grave
question que la Chambre n'a pas encore abordée, aboutisse à
la séparation de l'Église et de l'État; mais le jour
où, comme conséquence de cette séparation, la dénonciation
du Concordat sera. prononcée, je ne crois pas que la suppression
pure et simple du budget des cultes puisse s'en suivre. Il ma parait qu'il
y aura nécessairement, au point de vue des situations existantes,
des dispositions transitaires à prendre.
C'est là la raison pour laquelle, quand à
moi, je voterai, cette année encore, au moins dans la mesure où
il nous est proposé par la commission, le budget des cultes, mais,
en même temps que j'émettrai ce vote, je suis obligé
de répéter qu'il est véritablement regrettable qu'une
question de cette gravité, qui a un caractère aussi aigu,
qui se reproduit chaque année devant vous, n'aie pas encore pu aboutir
à un résultat.
M. Gustave Rivet. C'est pour
cela que nous voulons la hâter, cette séparation, en supprimant
le budget des cultes.
M. René Goblet. Nous ne voterons donc, aujourd'hui, un
certain nombre de nos amis et moi, le budget des cultes que sous les réserves
que je viens de formuler. (Marques d'approbation sur divers bancs à
gauche.)
......................
Le chapitre 1er du budget sera adopté
par 367 voix contre 133