23 juin : Waldeck-Rousseau forme un ministère de défense républicaine.

19 septembre : Grâce présidentielle pour Dreyfus

Chambre des députés
5 décembre 1899

Budget des cultes

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M. Gayraud. Je ne viens pas discuter les chapitres, je présente des observations générales sur 1e budget des cultes.

M. Maurice Berteaux. C'est un sermon que vous allez faire.

M. Gayraud. Vous n'en entendez pas trop, monsieur Berteaux! (On rit.) Messieurs la commission du budget supprime les crédits affectés à trente-sept évêchés ou archevêchés qu'elle qualifie de "non concordataires". Les suppressions atteignent une somme de 370,000 Ir.
    La commission supprime ensuite les traitements de tous les vicaires généraux sans exception (Très bien ! à gauche), en tout 482.500 fr.; enfin elle supprime les indemnités accordées à 7.000 vicaires des paroisses rurales, ce qui donne 3.150.000 francs.
    Je suis persuadé que le Gouvernement voudra bien accorder une fois de plus l'appui de sa parole (Mouvements div'e'rs). et c'est pourquoi je n'insiste pas du tout pour le maintien de ces crédits. (Très bien! très bien ! à gauche.) Du reste, ni les raisons d'équité, ni les raisons de bon sens, ni les raisons de sagesse politique ne manqueront à M. le ministre de l'intérieur et des cultes pour amener la majorité de cette Chambre à maintenir ces crédits.
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    Tout  d'abord, permettez-moi do vous faire observer qu'il est étrange de voir la dotation du clergé diminuer sans cesse dans notre pays de France, alors qu'elle va sans cesse en augmentant dans tous les pays étrangers.
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    Une seconde remarque que je désire présenter à la Chambre, c'est que la commission du budget s'est préoccupée de réduire les traitements des ministres du culte catholique et de les ramener, si je puis employer cette expression, à la pauvreté concordataire; mais elle ne s'est nullement mise en peine de réduire les traitements des ministres protestants ou israélites.
    Messieurs, je ne viens pas demander ici qu'on réduise les traitements des ministres de ces deux cultes.
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M. Jourde. Les pasteurs sont mariés, ils ont des enfants, et ils n'ont pas de casuel.

M. Paul Gouzy. El ils n'ont pas le produit des quêtes !

M. Gayraud. Donnez un traitement suffisant au clergé, et il ne fera plus de quêtes, il n'y tient pas du tout, je vous l'assure.
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    Dans la séance du 1er décembre 1894, Mgr d'Hulst répondant à des interruptions de MM. Jaurès et de Douville­Maillefeu, s'exprimait ainsi :
    " Je continue de voir dans la rente servie par l'État à l'Église catholique en France le rachat du capital qui a été incorporé à la nation; mais, dans l'avenir, je considère la liberté vraie et pleine d'association pour tous, pour nous comme pour les autres et au même titre, comme un bien si grand qu'il me consolerait amplement de la perte, même injustement subie, des ressources assurées par le budget des cultes. "
    Vous voyez bien, messieurs, que le budget des cultes n'est pas pour nous un bien supérieur à tout; vous voyez bien que nous préférerions au budget des cultes la liberté vraie et pleine d'association pour tous. Tout à l'heure, le rapporteur des services pénitentiaires, l'honorable M. Goujat, demandait au côté droit de la Chambre si nous serions disposés à voter la liberté d'association. Mais certainement, messieurs, nous voterons la liberté d'association. Nous sommes de ceux qui, depuis plus de cinquante ans, qui depuis quatre­vingts ans, demandent la liberté d'association. Mais nous voulons une liberté d'association pleine et entière. (Ah! ah ! à l'extrême gauche.)
    Oui, nous la voulons pour nous comme pour les autres; et si vous nous apportez un projet de loi sur la liberté d'association qui nous fasse, à nous catholiques, une place égale à celle qu'elle fera à tous les autres citoyens, oui, nous voterons avec vous cette loi sur la liberté d'association. Mais si vous nous apportez ici des projets de loi sur la liberté d'association qui n'aient qu'un but, celui d'étrangler les associations religieuses, eh bien, non ! nous ne voterons pas ce projet de loi. (Très bien ! très bien ! à droite.)
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    Sans doute, nous reconnaissons les avantages que fait le Concordat à l'Église catholique. Non seulement le Concordat a permis la réorganisation du culte catholique en France, non seulement il a permis la rénovation et le développement de la vie catholique dans notre pays, mais il fait à l'Église catholique, chez nous, une situation légale, officielle, que je n'hésiterai pas à qualifier de privilégiée. En outre, il accorde au clergé catholique une dotation à titre d'indemnité ............
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    Croyez-vous qu'il n'y ai que des avantages dans ce contrat passé entre l'État et le Saint-Siège ? Croyez-vous que ce n'est pas un inconvénient pour l'Église catholique que d'être fonctionnarisée et réduite à l'État de de rouage administratif ? Croyez-vous que ce que ce ne soit pas un inconvénient pour l'Église catholique que d'être privée de ses conciles, privée de son autonomie, de son indépendance, même en matière spirituelle et religieuse ? Croyez-vous qu'il n'y ait que des avantages à ce que les chefs de l'Église catholique, les évêques et les curés, soient nommés par le Gouvernement ? Ne pensez-vous pas que ce soit là - ... - une servitude dure à porter ? .... (Vives interruptions à gauche et à l'extrême gauche. - Très bien ! très bien ! à droite.)
    Un membre à gauche. Vous l'avez acceptée !
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    Croyez-vous que ce ne soit pas une servitude dure à porter, alors que pendant tant de siècles l'Église a vécu sous le régime du libre suffrage pour l'élection de ses chefs ?
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    Enfin, messieurs, croyez­vous que ce ne soit pas un inconvénient que les articles organiques ajoutés au Concordat et contre lesquels le Saint-Siège n'a cessé de protester ?
    Que sont-ils ces articles organiques? Ils sont tout simplement l'ancien régime maintenu et aggravé pour l'Église catholique. J'aurai l'honneur de vous le dire tout à l'heure: je ne veux d'ancien régime ni comme catholique ni comme Français.

M. Chenavaz. Vous voulez être le maître !

M. Gayraud. Non, monsieur; je veux être libre, ni plus ni moins. (Très bien! très bien ! à droite. )

M. Chauvière. On ne peut être libre avec vous
.
M. le président. Je voudrais bien que l'orateur fût libre de parler. (Très bien! très bien!)

M. Gayraud. Vous voyez par ma discussion que je suis sans enthousiasme  pour le Concordat. et, si je n'en demande pas la dénonciation, je vais dire pourquoi très simplement : c'est parce que je redoute une servitude plus étroite et une oppression plus intolérable. Voilà, m'essieurs, toute ma pensée sur la politique anticoncordataire. (Bruit à gauche)
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     ...  la suppression de ces traitements ecclésiastiques serait une cause de troubles non seulement dans trente-sept archevêchés et évêchés, mais dans la France tout entière.
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    Je suis convaincu que votre politique anticoncordataire aboutirait sans tarder à des persécutions violentes. Pourquoi ? Mais ,
tout simplement parce que vous nous refuseriez les libertés nécessaires, les libertés essentielles. Il faut la liberté à l'Église catholique pour vivre, et nous l'exigerions de vous, nous  citoyens catholiques, non pas précisément à titre de catholiques, ce titre vous laisserait indifférents, mais à titre de citoyens français, en vertu  du respect des consciences  qui  est  l'une des bases  de notre démocratie. En vertu de ce droit, nous vous demanderions une mesure de liberté que vous nous  refuseriez: la liberté d'association complète pour former des paroisses, pour former des diocèses, pour former enfin des congrégations religieuses; la liberté entière de réunion afin de pouvoir nous assembler pour les cérémonies du culte ; la liberté des relations internationales, puisque l'Église est catholique et qu'elle doit avoir des rapports suivis, constants avec l'Église romaine et toutes les autres églises de l'univers. (Bruit à gauche.) Nous réclamons enfin pour l'Église et pour les diverses associations ou congrégations religieuses le droit de propriété.
    Eh bien, messieurs, je le sais, ces libertés, vous nous les refuseriez.; et par conséquent vous seriez vous-mêmes amenés, comme l'ont été vos pères de l791, de 1792 et de 1793, à la persécution. violente.
    Qu'on résulterait-il? Un trouble profond dans le pays, et peut-être le renversement de nos institutions. (Bruit.) C'est parce que je suis ami de la paix de mon pays, ami de l'ordre public et de la prospérité de la France, que je repousse une politique qui doit aboutir fatalement à des conséquences aussi épouvantables. (interruptions et gauche.)
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    On dit, messieurs, que la séparation des Églises et de l'État est dans la logique du principe de la Révolution. Quel est ce principe? la neutralité en matière de croyances religieuses et de culte. Je ne fais aucune difficulté d'avouer qu'en effet je considère qu'étant posé ce principe, on doit aboutir à la séparation des Églises et de l'État. Mais, messieurs, permettez-moi de vous faire remarquer que ce principe n'est pas si sacré que l'État y manque très souvent. Ce que nous reprochons, nous, à l'État, c'est précisément de violer à notre détriment cette neutralité que vous prétendez être un des principes de la Révolution française. Dailleurs, l'on ne gouverne pas les peuples avec des théories abstraites ; il faut que l'homme politique tienne compte des faits. Je ne suis pas de ceux qui nient la nécessité d'avoir des principes en politiques et des principes très élevés.
    Mais j'ajoute que ces principes ne doivent pas être considérés dans l'absolu comme le philosophe les considère dans son cabinet ; ils doivent être appliqués dans les faits contingents. Quels sont les faits qui dominent la question que vous me permettez d'agiter devant en ce moment devant vous ? Les voici : La religion n'est pas un phénomène de conscience intime ; la religion est un phénomène social ; elle amène l'individu à produire des actes et comme particulier et comme citoyen ; elle amène l'individu à se créer des intérêts spéciaux dans la société dont il fait partie. Voilà pourquoi la religion n'est pas un simple phénomène de conscience intime, mais un phénomène social.
    C'est le premier fait. Voici le second: l'Église catholique n'est pas une société religieuse qui lie les consciences des hommes dans un domaine surnaturel sans rapports avec la vie sociale; elle agit sur l'homme tout entier, individu, père de famille et citoyen; elle préside à tous ses devoirs. Et voilà pourquoi elle est une puissance publique, une puissance fortement organisée et, comme ou l'a dit à cette tribune, une puissance morale de premier ordre.
    C'est le second fait qui domine la politique des États à légard de l'Église catholique. Il y en a un troisième: le catholicisme, quoi que vous en pensiez, que ce soit conforme ou non à vos désirs, que vous l'approuviez ou le désapprouviez, l'Église catholique est la religion traditionnelle de la France, et il n'est pas possible que le gouvernement français fasse abstraction de quatorze siècles de notre histoire.
    Ces trois faits : le phénomène social de la religion, la puissance publique et organisée de l'Église, le caractère traditionnel du catholicisme en France, dominent toute la question des rapports de l'Église et de l'État. Et voilà pourquoi je conclus que, quelles que soient les conséquences théologiques qu'on puise tirer de la neutralité de l'État en matière de religion, en fait il n'est pas possible en France d'organiser un État neutre à l'égard de l'Église catholique ; voilà pourquoi je conclus qu'il faut, entre l'Église catholique et l'État français, un Concordat. J'ajouterai maintenant que si vous voulez croire qu'il y a lieu de réviser le Concordat existant aujourd'hui entre la France et le Saint-Siège, je n'y vois pour ma part aucune difficulté. Le Concordat actuel est un Concordat napoléonien, ce n'est pas un Concordat démocratique ; et si vous voulez le réviser sur des bases démocratiques, je crois que ce changement paraîtrait désirable à beaucoup de gens.
    Oui, on pourrait, par exemple, se demander si l'article 1er du Concordat, où il est dit que la religion catholique doit être exercée librement en France, on pourrait, dis-je, se demander si, dans cet article n'est pas implicitement contenue la liberté des congrégations religieuses. On pourrait se demander encore si, dans l'article 15 où il est parlé de mesures à  prendre pour autoriser les fondations en faveur des Églises, il n'y aurait pas moyen de trouver là le point de départ de l'acheminement vers l'abolition du budget des cultes.
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    M. le président du conseil, dans son discours du 16 novembre dernier, a manifesté tout d'abord son profond respect pour le Concordat. Sur ce point, j'estime que nous sommes pleinement d'accord à condition que, par respect du Concordat, on entende non seulement le respect de la lettre, mais l'esprit dans lequel le Concordat a été fait.
    En second lieu, M. le président du conseil s'est déclaré, jusqu'à un certain point, l'adversaire des congrégations religieuses.
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    Certaines associations, a dit M. le président du conseil, certaines milices, chaque jour plus grandissantes, chaque jour plus menaçantes, par un paradoxe singulier, entendent revendiquer de la République des privilèges qu'elles n'auraient jamais obtenus de la monarchie. (Très bien! très bien! à gauche.)
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    Mais monsieur le président du conseil, le régime républicain serait-il tellement identique au régime de l'absolutisme royal qu'on ne puisse réclamer à la république ce qu'on ne pouvait réclamer à la monarchie ? Monsieur le président du conseil, n'avons-nous pas, nous aussi, le droit de réclamer de la déclaration des droits de l'homme ? Les représentants du clergé à l'Assemblée constituante de 1789 ne se sont-ils pas joints au tiers-état ......

M. Paul Gouzy. Depuis ce temps-là, le Syllabus a dit : "Anathème à ceux qui croient aux droits de l'homme". (Applaudissements à gauche)

M. le président. Oh ! si nous discutons le Syllabus à six heures et demi ! (On rit) Revenons au budget, je vous prie.
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7 décembre 1899
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M. Tourgnol, rapporteur. M. l'abbé Gayraud me permettra tout d'abord de lui dire que ma surprise a été très grande de l'entendre s'élever contre 1a séparation de l'Église et de l'État.
    Sur divers bancs à droite, Dites : Des Églises ...
    ... et de demander le maintien du Concordat, alors qu'il me disait avant-hier, dans les couloirs de la Chambre (Mouvements divers) qu'il était partisan au moins autant que moi de la séparation de l'Église et de  l'État.  Et M. l'abbé Gayraud ajoutait : Soyez assuré que nous trouverons plus d'argent que nous n'en voudrons pour assurer la rétribution du clergé catholique.
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    Mais je ne reviens pas, messieurs, sur la question de la séparation des Églises et de l'État, puisque votre commission du budget l'a écartée deux fois, que cette Chambre a refusé de la voter et que d'ailleurs le Gouvernement nous a promis une loi sur les associations qui donnera , je l'espère, toutes satisfactions aux républicains  .
    Je consens donc à vivre avec vous, monsieur l'abbé, sous le régime concordataire ....

M. Lasies. Il n'y a pas d'abbé ici.

M. le marquis de La Ferronnays. Il n'y a que des citoyens, des représentants du peuple
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M. le rapporteur. ..Il est un article de la Déclaration des droits de l'homme me qui dit que chaque citoyen doit contribuer pour sa part aux besoins du pays. Il doit participer notamment aux impôts. Eh bien! monsieur l'abbé, montrez-nous votre façon de contribuer aux charges publiques? Vos couvents payent-ils les impôts?

M. Gayraud. Mais certainement !

M. le rapporteur. C'est pour cela sans doute que le Gouvernement est forcé d'intenter des centaines de procès à vos congrégations sur toute la surface du territoire pour les obliger à payer les droits d'accroissement.
    Vous dissimulez toujours votre fortune mobilière et immobilière.
    Les actes que vous passez avec des civils pour tromper le fisc, comment les qualifiez­vous? Observez-vous sur ce point la déclaration des Droits de l'homme ?
    Un membre à gauche. Et la déclaration des droits de succession. (On rit.)
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    Ah ! vous prétendez que nous vous persécuterions ... Vous savez très bien que nous n'avons jamais persécuté personne.
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    Vous savez très bien que s'il y a des persécutés, ce sont les civils qui sont exploités et persécutés par vos congrégations. (Exclamations à droite.) Et vous le savez aussi bien que moi. (Bruit.)......
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    Je dois cependant reconnaître avec vous que notre clergé séculier est parfois persécuté, et souvent même; mais, par qui ? Par vos congrégations?

M. Gayraud. Voilà qui est nouveau !

M. le rapporteur. C est un fait nouveau, dites-vous? C'est ce que vous avouera tout membre du clergé, depuis le dernier curé de campagne jusqu'au plus haut placé des archevêques : ils vous diront que les évêques ne sont pas maîtres chez eux; que les lazaristes les tiennent prisonniers et aussi les jésuites et les assomptionnistes.

M. Gayraud. Vraiment!

M. le rapporteur. On vous dira que le clergé français est élevé, instruit, formé, depuis la Révolution, par les lazaristes qui ont mis la main sur au moins 60 ou 70 départements et sur plusieurs paroisses.

M. Gayraud. Vous forcez un peu les chiffres.

M. le rapporteur. Mes renseignements sont officiels. Les lazaristes ont même fait mieux. Ils ont fondé une foule de collèges libres très populeux et même de petits séminaires. La loi dit que dans les petits séminaires on n'admettra que des jeunes gens qui se destinent à la prêtrise. Eh bien, est-ce que les petits séminaires tenus par les lazaristes, notamment à Lyon et à Nice, est-ce que les établissements libres des jésuites qui couvrent le sol de la France n'ont que des élèves destinés à la prêtrise, ainsi que l'exige la loi ?

M. Gayraud. Cet enseignement ne regarde pas les jésuites.

M. le rapporteur. Les jésuites n'ont même pas le droit d'être en France. (Très bien! très bien! à gauche. - Interruptions à droite) .........
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M. le président : ...J'ai reçu de MM. Charles Bernard, Cluseret, Stanislas-Ferrand, Castelin, Morinaud, Firmin Faure, Drumont, Marchal, Pierre Richard, Goussot, Girou, Ernest Roche, Paulin-Méry, Paul Bernard et Vacher une motion ainsi conçue :
    "La Chambre invite le Gouvernement à lui présenter un projet de loi, à bref délai, de séparation des Églises et de l'État"

M. Charles Bernard : ...  Après avoir entendu les discours prononcé ici par M. l'abbé Lemire et par M. l'abbé Gayraud, nous restons partisans de la séparation des Églises et de l'État ; mais nous voulons pour ce pays la liberté absolue d'association ainsi que le demandait M. Goblet, qui n'était pas suspect de cléricalisme. Nous voulons la liberté pour tous ; le Gouvernement qui est sur ces bancs se réclame de cette formule et peut nous apporter un projet sur la liberté d'association. Nous serons partisans de la séparation des Églises et de l'État lorsque la liberté sera égale pour tous les citoyens français et non le privilège de quelque- uns comme vous le voulez. (Applaudissements sur quelques bancs à l'extrême gauche.)
    Voilà pourquoi nous avons l'honneur avec quelques camarades de cette Chambre d'inviter le Gouvernement de défense républicaine à reprendre l'ancien programme républicain et à le faire aboutir ...
    Voix à droite : L'avis du Gouvernement !
    ... ou sinon, nous serions obligé de retourner devant le pays et lui dire que vous avez menti à vos promesses et qu'au lieu d'être un ministère de défense républicaine, vous n'êtes qu'un ministère de Tartufes. (Vives protestations sur de nombreux bancs. - Applaudissements sur plusieurs bancs à l'extrême gauche. - Bruits)
    A gauche : A l'ordre !

M. le président :Je rappelle M. Charles Bernard à l'ordre avec inscription au procès-verbal. (Interruptions à l'extrême gauche et à gauche.)
    La parole est à M. le président du conseil.

M. Waldeck-Rousseau, président du conseil,  ministre de l'intérieur et des cultes :  Messieurs, en répondant à M. Charles Bernard, je défère au désir qui a été exprimé par un de nos collègues qui demandait l'avis du Gouvernement sur la motion dont la Chambre a été saisie.
    Cet avis est aisé à formuler, et M. Charles Bernard, il me semble, l'a laissé prévoir. Il a invoqué ici l'autorité d'un homme politique, l'honorable M. Goblet. C'est avec les paroles de M. Goblet  et avec sa politique que je vais lui répondre.
    M. Goblet était partisan de la séparation de l'Église et de l'État. Il a dit à plusieurs reprises, notamment en 1887, qu'aussi bien dans l'intérêt des droits de l'État que dans l'intérêt des droits de la conscience, la séparation ne pourrait être accomplie qu'après que le Parlement  aurait voté une loi sur les associations. J'ai d'autant mieux le droit de rappeler cette formule que le projet dont nous avons saisi la chambre (3 semaines plus tôt) - j'éprouve quelque regret à le dire - je l'avais déjà déposé après le ministère Gambetta en 1882. je l'ai déposé de nouveau au moment du ministère Ferry. (On rit.)
    Je considère en effet que le vote de cette loi sur les associations est une préface nécessaire ; j'en indique un motif de plus : c'est que depuis ce dépôt, certains faits  se sont produits, certains événements se sont accomplis, et ma conviction entière est à l'heure actuelle que la séparation de l'Église et de l'État, sans nulle préparation, ne se ferait ni au profit de l'État, ni au profit de l'Église, mais au profit des congrégations. (Applaudissements à gauche.)

M. le président. Je vais mettre aux voix le projet de résolution de M. Charles Bernard.

M. Bondenoot
et plusieurs de ses collègues .Nous en demandons une nouvelle lecture, monsieur le président.

M. le président.
Plusieurs de nos collègues demandent une nouvelle lecture du projet de résolution.
    Il est ainsi conçu :
    « La Chambre invite le Gouvernement à lui présenter un projet de loi, à bref délai, de séparation des Eglises et de l'Etat.»
    Je mets aux voix cette motion.
    Il y a une demande de scrutin, signée de MM. Borie, Stanislas-Ferrand, Paul Bernard, Turigny, Chiché, Girou, Cluseret, Firmin Faure, Argeliès, Millevoye, Castelin, Ernest Roche, Ferrette, Drumont, etc.
Le scrutin est ouvert.
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(La motion ne recueille que 128 voix contre 328)

M. Firmin Faure : 128 anticléricaux seulement ! Encore une faillite des radicaux ! (Bruits.)

M. lé président. Nous arrivons à l'amendement de M.. Chauvière, tendant à supprimer les chapitres 1 à 25, relatifs au budget des cultes.
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M. Chauvière. Ce que nous demandons et continuons à demander, malgré ce qui vient de se dire et malgré le vote acquis, c'est la suppression du budget des cultes. C'est d'accord ..... avec les républicains, bien que depuis longtemps nous soyons habitués à être battus surtout par un certain nombre de nos amis partisans de la république et, par la suite, partisans de la liberté de penser.
    Les catholiques espèrent que plus d'indépendance leur  donnera plus de puissance. Nous, c'est simplement la liberté de penser qui nous anime et nous inspire. Nous ne réclamons que le droit de penser comme il nous plaît sans que le Gouvernement puisse rétribuer les membres d'un culte ou d'une opinion quelle qu'elle soit.
    Une objection  qui nous est toujours présentée c'est qu'il faut d'abord établir la liberté d'association par le dépôt d'un projet de loi sur les associations, comme on l'a fait récemment, comme on l'a fait il y a dix ans et comme on le fera peut-être encore bien longtemps.
    Depuis que je suis dans cette Assemblée, j'ai pu, comme beaucoup d'autres l'ont constaté de même avant moi, me convaincre que les projets analogues avaient tous subi le même sort : l'enfouissement dans les cartons des commissions. Nous ne savons quand viendra cet heureux instant qui nous permettra du même coup d'obtenir la séparation des Églises et de l'État.

amendement repoussé par 336 voix contre 189 ( il y avait plus de députés présents que lors du précédent vote ?)
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