"Archives Israélites"
Jeudi 3 février 1905
ACTUALITÉS
LE PROJET DE SÉPARATION ET LE NOUVEAU MINISTÈRE -
LE FLIRT DU PRINCE HÉRITIER D'ALLEMAGNE AVEC LES ANTISÉMITES
    La question de la séparation ne disparaît pas avec le ministère Combes. Seulement cette réforme qui a déjà fait couler tant d'encre, ne parait pas aussi imminente avec le nouveau cabinet qu'avec l'ancien. M. Combes, ferme partisan à ses débuts au pouvoir du Concordat, avait trouvé, dans ses tournées ministérielles, en province, son chemin de Damas et il avait épousé la cause de la Séparation avec l'ardeur d'un néophyte, cette ardeur qui ne recule devant aucun obstacle et fait table rase même des droits acquis, même de certains principes de liberté et de tolérance qui sont la raison d'être de la République.
    Avec M. Rouvier, la Séparation est entrée dans une phase moins bruyante, moins violente, moins agitée, et la réalisation  de cette réforme, bien que maintenue au programme du nouveau ministère, apparaît reléguée dans un avenir moins prochain.
    Avec M. Combes, elle pendait au nez de toutes les Églises, leur réservant une existence non exempte de tracas et d'embarras, et ne ne ressemblant en rien à celle des confessions religieuses vivant de l'Étranger sous le régime de la Séparation.
    Avec M. Rouvier, la rupture des liens séculaires qui unissent les Églises à l'État, si elle se fait, s'opérera certainement plus en douceur, et la liberté religieuse, l'exercice du culte n'y seront pas aussi rudement traités que dans le projet du précédent cabinet.
    Dans le discours explicatif de la déclaration ministérielle qu'il a prononcé à la séance de la Chambre de jeudi dernier, M. le président du Conseil s'est associé à l'opinion de M. le député radical Albert Le Roy, que la séparation devait se faite dans le sens de la liberté, ajoutant qu'elle devait assurer le respect absolu de la liberté de conscience religieuse, tout en sacrifiant, bien entendu, rien des droits de l'État, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.
    On nous dira que M. Combes dans son discours d'Auxerre où il prenait à son compte le projet de séparation des Églises et de l'État, avait aussi affirmé ce désir de faire preuve de largeur d'idées et de bienveillance et promettait "une séparation garantissant aux confessions religieuses une liberté réelle sous la souveraineté incontestable de l'État."
    Mais M. Combes, dans l'acharnement de la lutte qu'il avait à soutenir contre la puissance cléricale, attaqué comme il l'était sans relâche par ses adversaires qui employaient contre lui toutes les armes et les moins respectables, se trouvait fatalement entraîné à forcer la note de sa politique de laïcisation et à traiter l'Église en suspecte. Les autres cultes rivés à la même destinée, bien qu'ils n'eussent en rien encouru les foudres de l'État, étaient condamnés à partager par répercussion son sort, et à pâtir pour autrui.
    Les passions qui ont assailli M. Combes, épargnent jusqu'à présent M. Rouvier à qui, à qui, même la réaction nationaliste, dans un but facile à deviner, fait risette.
    Il aura pour résoudre ce grave problème, plus de liberté, plus de tranquillité d'esprit. Il l'étudiera avec plus de loisir et de maturité, et la Séparation, si elle se fait, ou plutôt si elle s'amorce sous son ministère, n'aura pas les allures tracassières du projet que nous avons dû critiquer ici et qui menaçait la vie de nos communautés, l'avenir du Judaïsme français.
    Les israélites français savent infiniment gré à M. Combes d'avoir, poursuivant la politique d'égalité absolue de tous les citoyens devant la loi restaurée, après une éclipse de plusieurs années par son éminent prédécesseur M. Waldeck-Rousseau, mis fin à cette ère d'agitation morale et sociale exploitée avec une habileté sans scrupule par les pêcheurs en eau trouble qui s'appellent antisémites.
    Mais tout en reconnaissant les services rendus à cette cause par M. Combes, la vérité nous a obligés de dire que son projet de Séparation, hâtivement conçu, improvisé en pleine bataille contre l'Église ne pouvait, avec le tour soupçonneux et belliqueux de la plupart de ses articles, amener cette ère de pacification religieuse, établir ce régime de support mutuel qui doit être la résultante de cette grand réforme.
    Le nouveau Président du Conseil, qui comme son prédécesseur d'ailleurs, est un converti de fraîche date à l'idée de la Séparation, mais qui est moins militant, moins engagé dans la lutte contre le cléricalisme et qui a plus de doigté, est à même de résoudre ce gros problème politique dans des conditions plus honorables, à la fois pour la République et les confessions religieuses.
    Reste à savoir si le temps matériel avec deux budgets à boucler et à voter et d'autres questions importantes, sans compter le flot toujours grossissant des interpellations, ne fera pas défaut à la Chambre pour entamer et surtout mener à bonne fin la discussion de ce projet !
    Mais à moins d'imprévu, la question reste posée, et il importe que les représentants autorisés du culte israélite en particulier, se préoccupent de défendre, comme il convient, les intérêts spirituels du Judaïsme et ne s'endorment pas sur la tâche qui s'impose à leur sollicitude.

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    On s'est ému dans les cercles israélites et libéraux de l'Allemagne de la présence du prince héritier d'Allemagne à un Kommers, réunion amicale d'une Association d'Étudiants connue pour son antisémitisme farouche. Ces messieurs ne se sont pas gênés devant leur princier invité, et ils ont tenu des discours où le nom Juif était, par ces juvéniles bouches, voué à l'exécration.
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    On aurait tort, à notre sens, d'en tirer des conséquences pour l'avenir. Le prince impérial, comme tout héritier présomptif qui se respecte, est un peu frondeur.
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    D'ailleurs Guillaume II, quand il était prince héritier, se livra, ..., à pareille équipée. ...
    Guillaume II est monté sur le trône et il a bien vite jeté sa gourme antisémite, ....
    Aux prises avec les redoutables responsabilités du pouvoir, il a senti qu'on ne gouvernait pas contre tout une classe de citoyens ....
    Non seulement il n'a pas croqué les Juifs, ..., mais au contraire, il n'a laissé échapper aucune circonstance pour montrer qu'il considérait l'élément Juif comme utile à la prospérité du pays .....
    L'antisémitisme peut être un jeu de prince, il ne saurait être un formule, un système de gouvernement
            H. Prague
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