La Levée en Masse du 17 mai 1903
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L'anticléricalisme est un sentiment très
ancien, mais, quand l'Église, après avoir béni les
arbres de la Liberté planté par la Révolution de 1848,
a trahi la République en célébrant par un Te Deum
le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte, il a été
clair, pour des Républicains, qu'il fallait séparer l'Église
de l'État. Mais il a fallu attendre 1869 pour que Gambetta formalise
ce
sentiment dans le Programme de Belleville.
La Chambre qui fut élue à la chute de l'empire fut majoritairement monarchiste, mais celle qui lui succéda en mars 1876 fut majoritairement républicaine, et dès le mois de novembre, au moment du vote du budget des cultes, sa suppression fut demandée. Il en sera ainsi pendant 30 ans, et les présidents du conseil devaient soutenir ce budget parce qu'il était dû par le Concordat. En 1887, cela fut fut reproché à René Goblet qui avait mis la Séparation dans son programme électoral de député. Il répondit qu'il doutait que ce sentiment fut partagé par la majorité du pays "...Faites cette propagande dans le pays comme je l'ai faite moi-même, et le jour où vous aurez la majorité dans le pays, vous l'aurez dans la Chambre, et vous ferez la séparation". Il leur dit ceci après avoir expliqué que les cultes continueraient de toute façon d'exister et que pour qu'ils puissent s'organiser il fallait d'abord faire une loi sur les associations.
En 1903, après que Combes eut succédé
à Waldeck-Rousseau, on entendit un autre discours :
"M. la président du conseil. .... Je disais que notre
société ne peut se contenter des simples idées morales
telles qu'on les donne actuellement dans l'enseignement superficiel et
borné de nos écoles primaires. (Bruit à
l'extrême gauche. - Vive approbation au centre.)
Pour que l'homme puisse affronter les difficultés
avec ces idées, il faut les étendre, il faut les élever,
il faut les compléter par un enseignement que vous n'avez pas encore
créé et que vous devez créer avant de songer à
répudier l'enseignement moral qui a été donné
jusqu'à présent aux générations. (Interruptions
à l'extrême gauche - Applaudissements au centre et à
droite.)
Quand nous avons pris le pouvoir, bien que
plusieurs d'entre nous fussent partisans théoriquement de la séparation
de l'Église et de l'État, nous avons déclaré
que nous tiendrions sur le terrain du Concordat. Pourquoi ? Parce que nous
considérons, en ce moment, les idées morales telles que les
Églises les donnent - et elles sont les seules à les donner
en dehors de l'école primaire - comme des idées nécessaires.
(Vives réclamations à gauche et à l'extrême
gauche.- Applaudissements au centre et à droite. - Mouvement prolongé)
..............
J'aspire comme vous tous, du côté
gauche de cette Chambre à l'époque que je voudrais prochaine,
que je voudrais même immédiate, mais que la constatation de
l'état présent m'oblige à ajourner quelque temps,
où la libre pensée, appuyée sur la doctrine de la
raison, pourra suffire à conduire les hommes dans la pratique de
la vie. (Interruptions à gauche)
.............
Tant que le moment n'est pas venu, vous ne
pouvez du jour au lendemain faire, par un simple vote, de la société
actuelle, une société solidement assise sur les principes
de la raison. Vous ne le pouvez pas; (réclamations
et interruptions sur divers bancs à gauche et à l'extrême
gauche) C'est une question de pratique (Applaudissements
au centre et sur divers bancs.)
Oui, c'est une question de pratique ; ce n'est
pas entre nous une question de doctrine puisque, du côté de
la doctrine, je suis en communion avec vous.
.........
Le budget fut voté, mais, selon un
rapport de police, la discussion du budget des Cultes et le discours de
M. Combes faisaient en fin de séance l'objet de toutes les conversations.
Les députés d'extrême-Gauche ne décoléraient
pas et criaient tous à la trahison du Ministère. "A partir
d'aujourd'hui, disait le rapport de police, on peut s'attendre à
de grosses surprises, car il y a quelque chose de changé dans la
majorité."
Toujours selon les rapports de police, "Dans les milieux socialistes
on s'attendait à ce que M. Pelletan démissionne
bruyamment. Mais on s'attendait aussi à un accord temporaire
; que la lutte contre les Congrégations soit achevée ; puis
la majorité abandonnerait M. Combes, car elle estimait que rien
ne pouvait effacer les déclarations faites sur les idées
religieuses". - "Les radicaux socialistes étaient plus intransigeants
que les collectivistes ..." Ils reprenaient le mot de Gambetta, "il faudra
se soumettre ou se démettre "
Monsieur Combes était également
ministre de l'intérieur .... et des cultes. Les rapports de ce qui
se disait dans les couloirs de l'Assemblée arrivaient sur son bureau.
C'est lui qui les avait demandé. C'était son mode de gouvernement
Il laissait entendre "qu'il n'était pas de ces chefs de Gouvernement
qui ont la prétention d'entraîner des majorités après
eux ; mais au contraire, il se laissait guider par la majorité républicaine".
Il pouvait ainsi anticiper les désirs des députés,
les "caresser dans les sens du poil" et, ayant une majorité instable,
éviter de se faire renverser.
Le ministère Combes ne "tombera" que
près de deux ans plus tard, alors que , dès ce moment-là,
ou plutôt un mois après, le nom de Rouvier, qui lui succédera,
était prononcé pour le remplacer .... bien d'autres suivront
!
C'est Jaurès qui présidait ce jour là la Chambre.
Deux mois après cette mémorable
séance, le 25 mars 1903, le journal l'Action naissait. C'était
un quotidien "Républicain, anticlérical et socialiste" Il
disait, dans son premier numéro, continuer l'hebdomadaire La Raison
pour donner la parole à toutes les opinions républicaines
dans la libre pensée. "Nous voulons écarter toutes les
basses jalousies et mesquines querelles d'individus et de partis pour ne
songer q'au triomphe du Peuple par la Raison". Y ont écrit :
G. Clemenceau; Ferdinand Buisson; René Viviani; Marcel Sembat; Gustave
Hervé; Maurice Allard; Victor Augagneur; Albert Bayet; ...
C'est ce journal qui organisa les rassemblements du 17 mai suivant
pour demander la séparation des Églises et de l'État.
Les journaux parisiens, dans leur ensemble, n'en décomptèrent
qu'une quarantaine. Dans sa proposition de loi, M. Hubbard déclara
qu'il y eu, ce jour là, plus de mille réunions tenues à
la veille du débat de la Chambre . Il y a , dans cette affirmation,
certainement un effet de manche ; un certain emballement. Les rapports
de police furent silencieux à l'exception du rapport sur le correspondant
parisien du "Courrier de Hanovre" qui rapportait que les récents
incidents religieux avaient pour cause les agissements de l' "Action".
Ce journal annoncera que plus de 600 000 personnes, au total, s'étaient
réunis.Il n'y a pas de chiffre dans les archives du ministère
de l'intérieur. Mais, même en "corrigeant" ce nombre, il est
considérable pour l'époque.
Voici des extraits de l'Action qui peuvent donner une idée plus juste de ce qui s'est passé
Samedi 16 mai 1903
Dans ses numéros datés du 18
au 23 juin 1903, l'Action publia tous les comptes rendus qu'elle reçu
. Ils venaient de
Plaisance , de tous les arrondissements de Paris, de l'AIN Ambérieu-en-Bugey;
Chézery-Forens - AISNE Guise;
Laon -ALLIER Doyet; Gannat; Saint-Germain-des-Fossés;Vichy
- ALPES-MARITIMES Nice; Puget-Théniers;Valdeblore
- ARDECHE Aubenas; Annonay; Le teil; Tournon; Viviers-Teil;
La Voulte-sur-Rhône - ARIÈGE Aigues-Vives;
Foix; Laroques-d'Olmes; Massat; Mirepoix; Montgaillard; Saint-Girons; Villeneuve-d'Olmes-
AUBE
Aix-en-Othe; Manguy-le-Châtel; Les Ricey; Saint-Julien;
La Saulsotte; Troyes; Villemaur; Villenauxe - AUDE Argeliers;
Armissan; Badens; Bages; Bizanet; Canet; Capendu; Carcassonne; Castelnaudary;
Couffoulens; Cuxac; Fabrezan; Fleury; Graissan; Homps; La Nouvelle; Lagrasse;
Leucate; Lézignan; Marcorignan; Montredon; Narbonne; Névian;
Ornaisons; Peyrac-de-Mer; Portel; Raissac; Rieux-Minervoix; Salles; Thézan;
Trèbes; Villeneuve-Minervois - AVEYRON Millau
- BASSES-ALPES Entrevaux; L'Escale; Malijai; Noyers-sur-Jabron;
Sisteron; Thoard; Valensolle; Venterol - TERRITOIRE DE BELFORT
Belfort
BOUCHES-DU-RHONE Aix-en-Provence; Arles; Chateau-Gombert;
Jouques; Marseille; Tarascon- CALVADOS
Caen;
- CANTAL Massiac - CHARENTE L'Isle-d'Espagnac
CHARENTE-INFERIEURE
Anais; Aytré; Loiré;
Marennes; Rochefort; Saint-Jean-d'Angély; Saintes; Surgères;
Tonnay-Boutonne - CHER Bourges; Saint-Amand-Montrond
-CONSTANTINE
Bône
- CORREZE Lamazière-Basse; Ussel;
CORSE Ajaccio; Bastia; Sartène; Sisco
- COTE-D'OR Bellenod-sur-Seine
- COTES-DU-NORD
Pluzunet - CREUSE
Guéret
- DEUX-SEVRES Niort - DORDOGNE Lalinde;
Nontron; Sarlat - DOUBS Besançon;
Pontarlier; Mancenans- DORDOGNE Lalinde; Sarlat;
Saint-Astier - DOUBS Mancenans; Montbéliard;
Pontarlier - DROME Charmes; Dieulefit;
Montélimar; Montmeyran; Oriol; Piégon; Saint-Jean-en-Royans;
Saint-Laurent-en-Royan; Valence - EURE Brionne;
Courdemanche; Ezy; Pont- Audemer
- EURE-ET-LOIRE Chartres;
Janville - FINISTERE Brest; Morlaix;
Pont-l'Abbé; Poullaouën - GARD Aimargues;
Alais; Aubais; Beaucaire-sur-Rhône; Bessège; Canaules; Castillon-de-Gagnière;
Jasse-Larnac; Lassalle; Lédignan; Lezan; Moussac; Nîmes; Quissac;
Le Vigan - GERS Auch; Eauze; Fleurance; Lectoure;
Miradoux - GIRONDE Bordeaux HAUTES-ALPES
Briançon; Gap; Laragne; Ribiers; Venterol - HAUTE-GARONNE
Fronsac;
Toulouse - HAUTE-MARNE Fayl-Billot; Bize
- HAUTE-LOIRE Blesle; Lempdes; Sainte-Florine;
- HAUTE-SAONE Vesoul - HAUTE-SAVOIE Chablais;
Saint-Julien-en-Genevois; Sallanches
- HAUTE-VIENNE Droux;
Limoges - HERAULT Balaruc-les-Bains; Béziers;
Bessan; Cette; Gabian; Loupian; Lunel; Marsillargues; Montpellier; Pézenas;
Saint-Chinian; Villedaigne; Villeneuve-les-Béziers; Vinassan
- ILLE-ET-VILLAINE Rennes; Saint-Malo - INDRE
Châteauroux;
La Châtre; Reuilly - INDRE-ET-LOIR Manthelan;
Tours - ISÈRE Fontaine; Grenoble; Vienne;
La Motte-d'Aveillan; Pont-en-Royans; Vizille - JURA
Lons-le-Saunier; Morbier; Morez; Poligny - LOIRE Bourg-Argental;
Chazelles-sur-Lyon; Rive-de-Gier; Firminy; Roanne; Roche-la-Molière;
Saint-Etienne; Saint-Jean- Bonnefonds; saint-Just-sur-Loire
- LOIRE-INFERIEURE Nantes; Saint-Nazaire- LOIRET
Bonny-sur-Loire; Gien; Pithiviers; Saint-Paul-en-Jarez - LOT-ET-GARONNE
Clairac; Agen; Villeneuve-sur-Lot - LOZÈRE
Langogne; Florac; Mende - MAINE-ET-LOIRE Angers;
Saumur - MARNE Châlon-sur-Marne; Cheminon;
Epernay; Fère-Champenoise; Vitry-le-François
-
MAYENNE Laval - MEURTHE-ET-MOSELLE
Nancy;
Pont-à-Mousson; Pont-Saint-Vincent; Toul
- MORBIHAN Auray;
Lorient - NIÈVRE
La Charité;
Decize; Tannay - NORD Le Cateau; Dunkerque;
Ecuelin; Ferrière-la-Grande; Fourmies; Haveluy; Lille; Roubaix;
Rousies; Valenciennes - Roubaix - OISE Andeville;
PAS-DE-CALAIS Boulogne-sur-Mer; Lens -PUY-DE-DOME
La
Bourboule-les-Bains; Brassac-les-Mines; Brenat; Clermont-Ferrand; Job;
Neschers; Pardines; Plauzat; Saint-Eloy-les-Mines - PYRENNEES-ORIENTALES
Arles-sur-Tech;
Baixas; Boulou; Perpignan; Ponteilla; Rivesaltes; Vingrau -
RHÔNE
Cours; Grégny; Lyon; Marnand; Montrottier;
Tarare; Valsonne
- SAONE-ET-LOIRE Autun; Bianzy;
Chagny; Châlon-sur-Saône; Le Creusot; Gueugnon; Mâcon;
Montchanin-les-Mines; Saint-Léger-sur-Dheune; Saint-Sernin-du-Bois;
Saint-Vallier; Sanvignes - SARTHE
Le
Mans - SEINE Alfortville; Aubervilliers; Bagnolet;
Bécon-les-Bruyères; Bezons; Bois-Colombe; Charenton; Clichy;
Gentilly; Levallois-Perret; Les Lilas; La Garenne; Joinville-le-pont; Pantin;
Le Perreux; La Plaine-Saint-Denis; Romainville; Saint-Denis; Saint-Maur;
Saint-Ouen - SEINE-INFERIEURE Bolbec; Elbeuf;
Le Havre; Lillebonne; La Mivoie; Saint-Etienne-de-Rouvray; Rouen -
SEINE-ET-MARNE Chelles; Meaux; Misy; Moret-sur-Loing;
Saacy; Voulx - SEINE-ET-OISE Argenteuil; Beaumont-sur-Oise;
Chanteloup; Groslay; Houilles; Limeil-Brévannes; Livry; Maison-Lafitte;
Meulan; Montigny, Cormeilles, La Frette et Herblay; Montmorency; Neuilly-Plaisance;
Persan; Pontoise; Le Raincy; Saint-Leu; Saint-Leu-Taverny; Sannois; Sèvres;
Triel; Versailles; Villabé; Villeneuve-Saint-Georges
-SOMME Amiens; Bussy-lès-Daours; Corbie-Fouilloy;
Terramesnil - TARN Carmaux- TARN-ET-GARONNE
Beaumont-de-Lomagne;
Montauban; Moissac; Verdun-sur-Garonne - TUNISIE Sousse
- VAR Bargemon; Barjols; Besse; Brignoles; Carcès;
La Seyne; Draguignan; Fayence; Fayence et Tourettes; Flayosc; Gonfaron;
Le Luc; Le Muy; Lorgues; Ollioules; Saint-Maximin; La Seyne; Saint-Zacharie;
Solliès-Pont; Toulon - VAUCLUSE Apt;
Avignon; Avignon; Gargas; Isle-sur-Sorgue; Lagnes; Lauris; Pertuis; Puymeras;
Visan - VIENNE Chauvigny; Charroux -
YONNE Ancy-le-Franc; Boeurs-en-Othe; Jussy; Sens; Saint-Clément
Ces réunions d'une rassemblèrent
d'une dizaine, à plusieurs milliers de personnes quand c'est tous
les républicains qui s'unissaient. Dans la même commune, des
associations différentes se réunirent séparément
et firent parvenir au journal des comptes rendus individuels. Celui qui
est, sans doute, le plus symptomatique est celui qui vint d'une commune
du Var :
"Les membres des Cercles républicains de Lorgues: l'Union
Ouvrière, la colonne des Travailleurs, la Concorde, réunis
dans leur salle respective, les républicains socialistes indépendants
de la localité consultés individuellement:
Félicitent le gouvernement d'action républicaine
et en particulier M. Combes de l'énergie qu'il déploie à
combattre les
congrégations religieuses, l'engagent à les supprimer
toutes, à séparer le plus vite possible les Églises
de l'État et souhaitent que
les 40 millions que l'État donne aux curés soient employés
à alimenter une caisse destinée à procurer aux travailleurs
une retraite pour leurs vieux jours."
L'anticléricalisme était ce
qui divisait le moins les républicains. Heureusement !
Il faut remarquer que deux femmes furent oratrices
à une époque où ces dernières n'avaient pas
le droit de vote et où, lorqu'elles étaient mariées,
elles perdaient leur majorité civile, ne pouvant plus, entre autre,
ester en justice sans la permission de leur mari.....
Plusieurs comptes rendus firent état
d'une assistance féminine et eurent une rédaction débutant
par "Les citoyennes et les citoyens qui se sont réunis ...." précédant
ainsi de plusieurs décénies le Général De Gaule
qui avait innové en commençant ses discouirs par "Française
! Français ...!.
En dehors d'Aubervilliers où des incidents
violents eurent lieu, ces rassemblements - les petits de l'ordre de l'association
locale comme les grands qui rassemblèrent plusieurs centaines, voire
des milliers de personnes - se déroulèrent dans le calme.
Les républicains, radicaux ou socialistes, dans tous les départements,
réclamaient, au nom des mêmes principes d'égalité
devant la loi, et de droit commun en matière religieuse, la disparition
des budgets salariant certains cultes, la disparition du Concordat privilégiant
l'église catholique romaine et l'abrogation des textes accordant
une protection de faveur, en dehors du droit commun à certaines
religions.
Ces comptes rendus remerciaient le gouvernement
"pour la façon énergique dont était appliquée
la loi sur les congrégation." ; Cette loi est celle de 1901 sur
les associations, Titre III ! Il était demandé au gouvernement
de poursuivre son action par le vote de la proposition de loi présentée
par M. de Pressensé afin de procéder à la séparation
des Eglises et de l'Etat.
Ils réclamaient en outre l'abrogation de la loi Falloux
, l'éducation sociale, l'enseignement laïque et la suprématie
du pouvoir civil.
Par exemple : Le comité socialiste de Clermont
Ferrand avait adressé la lettre suivante au maire:
Monsieur le maire
Les membres adhérents au comité socialiste, électeurs
à Clermont-Ferrand, ont l'honneur de vous informer que nous sommes
décidés à manifester publiquement , le dimanche 17
mai - et en toutes occasions - contre les manifestations cléricales,
nous basant sur l'article 45 du Concordat, qui nous donne le droit - et
vous fait un devoir - à vous monsieur le maire, d'interdire toute
manifestation religieuse sur la voie publique, dès qu'il y a divers
cultes établis et professant dans la commune.
Agréez, ....
Le préfet du Puys-de-Dôme avait
donc demandé au maire de Clermont-Ferrand d'interdire la procession
du 17 mai à laquelle devait assister le cardinal évêque
de Lyon, l'évêque de Gap et de Digne
M. Andrieu, évêque de Marseille, avait
repoussé au 24 les prières publiques qui devaient avoir lieu
le 17 et ce à cause d'une "manifestation socialiste et anticléricale."
Ces manifestations étaient, en outre,
une réponse aux prières publiques considérées
comme des provocations du clergé. Elles se passèrent généralement
dans le calme, mais il y eu parfois des incidents violents provoqués,
selon "La Croix" par des "Apaches à la solde des Francs-maçons"....
Le 18 mai, l'Action titrait :
L'AGITATION CONTRE L'ÉGLISE
Grande Journée de
Libre Pensée
MANIFESTATIONS IMPOSANTES
Pour la séparation des Églises
et de l'État. - Les incidents de Paris.- A l'église de Belleville.-
A Plaisance. -
Provocations et violences cléricales.
-Les ordres du jour. - Le peuple le veut !
L'enthousiasme des reportages est certain.
Normal, dans un journal qui fut l'instigateur de ces réunions!
Mais s'il n'y avait pas eu cet élan républicain, peu ou pas
rapporté par les autres journaux, il n'y aurait peut-être
pas eu, 3 jours plus tard 247 députés pour voter l'urgence
d'un débat séparation alors que 278 s'y opposaient. "Il n'y
a plus que 30 députés à convaincre" se réjouissait
Gustave Hubbard. Il est vrai qu'à la même séance, 313
députés contre 217 avaient approuvé la politique anticléricale
du Gouvernement - les articles de la loi de séparation seront votés,
deux ans plus plus tard, par une majorité de cet ordre. - Et
dans les jours qui suivirent, entre le 26 mai et le 25 juin, 5 propositions
de loi furent déposées. Il n'y avait eu, jusqu'alors que
celui de M. de Pressensé et il faudra attendre le 10 novembre 1904
pour le projet gouvernemental.
La commission présidée par Ferdinand
Buisson et rapportée par Aristide Briand, décidée
le 20 octobre 1902, aurait sans doute encore attendu au-delà du
18 juin (8 mois !) - elle avait été formée la
semaine précédente - pour entamer ses travaux puisqu'elle
avait pour mission d'étudier les propositions .
La prophétie
de René Goblet s'était accomplie.
Travail réalisé par
Maurice Gelbard