Proposition de loi
portant abrogation de la loi du 18 germinal an X
( 8 avril 1802),
présentée par MM. Planteau et Michelin,
députés,
le 17 décembre 1885
Messieurs, les élections législatives
de 1885 ont démontré de la manière la plus indiscutable
l'hostilité du clergé catholique à l'égard
des institutions républicaines.
Partout, en effet, nous avons vu les
ministres de la religion romaine mettre au service des adversaires de la
République l'influence que leur donne une situation toute spéciale,
celle de fonctionnaire salariés par la nation, mais indépendants
de l'État.
Cette situation exceptionnelle a son
origine dans l'un des actes les plus condamnables de l'homme néfaste
qui renversa traîtreusement la République. La religion n'était,
pour Bonaparte, que l'instrument de domination le plus parfait. Dans
sa coupable ambition, il rêva de s'en emparer. ; il voulu instituer
à son usage une police religieuse, une gendarmerie sacrée,
qui maintiendrait les esprits dans l'obéissance comme il maintenait
les corps dans la subordination par un militarisme poussé à
l'extrême.
Pour atteindre son but, il n'hésita
pas point à sacrifier à l'église romaine nos libertés
si chèrement conquises, et il promulgua comme loi de la République,
malgré l'opposition de son entourage, le Concordat ratifié
en 1801 par Pie VII, en y ajoutant, sans le consentement du Pape, soixante-dix-sept
articles relatifs au "régime de l'Église catholique dans
ses rapports généraux avec le droit et la police de l'État",
plus quarante-quatre articles organiques des cultes protestants. Mais bientôt
l'empereur béni par le pontife et loué par les évêques
dut reconnaître qu'il avait poursuivi une chimère, en cherchant
à fixer des limites entre les autorités civiles et les autorités
religieuses, et convenir que la plus grande faute de son règne était
d'avoir fait le Concordat.
Cette convention qui remit l'État
dans l'Église et l'Église dans l'État, pour la satisfaction
d'une vanité personnelle, ne saurait en chaîner plus longtemps
la République.
Nous en réclamons la dénonciations
immédiate.
On nous objectera, peut-être,
que le Concordat fut un traité perpétuel ; qu'à ce
titre, il ne peut être abrogé que par la volonté commune
des contractants.
Nous répondrons par cet axiome
du droit des gens : que la durée des traités n'a, comme leur
valeur, d'autres fondement que la sincérité des parties et
l'intelligence avec laquelle les négociateurs ont tenu compte des
droits et intérêts réciproques.
Or, il est de notoriété
que le concordat fut une duperie mutuelle ; que la nation française
n'y prit aucune part ; que, dans le marchandage entre les deux despotismes,
l'égoïsme et la passion de Napoléon étouffèrent
le sentiment des intérêts généraux de la France.
Un traité passé dans ces conditions est nul de droit pour le pays au détriment duquel il a été conclu.
Que l'Église adresse, si elle
le juge à propos, ses réclamations aux héritiers de
Bonaparte, sacré par elle en payement du bienfait qu'elle reçut
de lui. Quant à nous, héritiers de la Révolution,
fermement décidés à reprendre l'oeuvre interrompue
par l'homme de Brumaire, nous n'avons pas à subir les conséquences
de combinaisons religieuses aussi funestes qu'intéressées.
En ce qui concerne les articles organiques,
- à l'aide desquels Napoléon s'imaginait placer la religion
dans la main du Gouvernement, et tenir les ministres des cultes sous sa
dépendance par leurs salaires. - ils n'ont jamais été
approuvés par la papauté. L'Église s'est toujours
refusé à reconnaître ce règlement de police
ecclésiastique. Elle ne saurait donc opposer aucune raison valable
à l'abrogation de cette partie de la loi de germinal.
La loi que nous vous demandons de voter
aura pour résultat d'en finir avec les obscurités concordataires,
de trancher les difficultés entre la société civile
et la société religieuse. Rendues l'une et l'autre à
la liberté, elles ne donneront plus le lamentable spectacle de la
lutte entre fonctionnaires temporels et spirituels. L'équilibre
se rétablira dans les consciences. Le prêtre français,
redevenu citoyen, pourra exercer parmi nous la pleinitude de ses droits,
en remplissant tous les devoirs imposés par les lois communes. Il
n'existera plus d'État dans l'État. Ni la main d'un souverain
étranger, ni les intrigues des partisans obstinés de régimes
réprouvés par la France, ne pourront soulever contre nos
institutions les noires légions, soumises à une étroite
discipline, entretenues depuis quinze années au dépens de
la République, par un inconcevable respect pour ce qui fut le bon
plaisir d'un despote.
Rentrées dans le droit commun,
les religions célébreront leurs pompes et leurs mystères
aux risques et aux frais de leurs seuls adeptes. La justice, bannie au
nom de la Divinité, reprendra sur tous son légitime empire.
Que l'on ne nous accuse pas de vouloir
réduire à la misère des hommes qui ont eu foi dans
un traité passé au nom de la France. A ceux qui, profitant
des bénéfices assurés à l'exercice du culte,
ont cherché le bien être et le repos dans une profession privilégiées,
nous offrons des avantages suffisants pour que nul n'ait le droit de crier
à la persécution. Ces avantages sont de telle nature que
tous les travailleurs, dont les efforts constituent seuls la richesse nationale,
pourraient à bon droit les envier.
Nous vous demandons, messieurs, d'adopter la proposition suivante :
PROPOSITION DE LOI
Art. 1er
Art. 2
Art. 3
Art. 4
Art. 5
Art. 6
Art. 7
Art. 8