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15 avril 1905

    * Adoption d'un projet de loi portant codification des lois ouvrières ( Livre I - Des conventions relatives au travail ; Livre II - De la réglementation du travail ; Livre III - Des groupements professionnels ; Livre IV - De la juridiction et de la représentation professionnelles ; Livre V - Des assurance ouvrières ; du code du travail et de la prévoyance sociale)
    * Communication d'une demande d'interpellation de M. Jaurès au ministre du commerce, de l'industrie, des postes et des télégraphes sur les lacunes que le code du travail révèle dans la législation sociale et sur les conditions dans lesquelles celle-ci doit être développée et complétée.
    (Je rappelle que le code du travail n'entrera en vigueur qu'en 1910, alors que l'idée de sa création date de 1901 !)

suite de la discussion du projet et des propositions de loi
concernant la séparation des Églises et de l'État.
(14° journée ; réduite et annotée)

M. le président : ...
    La Chambre s'est arrêtée, dans la 2° séance de jeudi dernier, à la disposition additionnelle à l'article 2, proposée sous forme d'amendement par M. Auffray. Elle est ainsi conçue :
    Ajouter après le premier paragraphe de l'article 2 la disposition suivante :
    Pourront également être inscrites aux-dits budgets les dépenses occasionnées pour assurer la liberté de conscience et l'exercice du culte aux familles d'indigents inscrites aux bureaux de bienfaisance ou sur les listes d'assistance médicale gratuite."
M. Auffray :...
    L'amendement de M. Lepelletier a été rejeté, j'espère que le mien n'aura pas le même sort, ...
(L'amendement sera repoussé par 323 voix contre 237)

M. le président : Ici se présente une disposition additionnelle de M. Amédée Reille, qui est ainsi conçue :
    "Ajouter après le deuxième paragraphe de l'article 2 la disposition suivante :
    "Néanmoins la représentation diplomatique du Gouvernement de la République auprès du Vatican est maintenue.

M. Le baron Amédée Reille : ...
    De deux chose l'une. Ou bien votre loi est réellement une réforme mûrie, le résultat de ce que M. Deschanel appelait "une évolution dans les esprits", le régime de la séparation et de la liberté des religions succédant d'abord aux théocraties gouvernementales, ensuite aux religions d'État ; ou bien, au contraire, votre loi n'est qu'une simple loi de représailles contre l'attitude du Vatican ... et alors permettez-moi de vous le dire, il est très grave d'engager le pays dans une aventure de cette espèce, en faisant une loi de circonstance, qui est naturellement odieuse, comme le sont toutes celles de cette nature. ( Très bien ! très bien ! à droite.)
...
    ... devant l'impossibilité d'engager le débat en l'absence de M. le ministre des affaires étrangères, je retire provisoirement mon amendement et j'attendrai sa présence pour le discuter.( Très bien ! très bien ! à droite et sur divers bancs.)

M. le président : L'amendement est retiré.
    Nous arrivons au troisième et dernier paragraphe de l'article 2   du projet de la commission dont je rappelle les termes :
    "Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3."
    M. Louis Ollivier propose de détacher ce dernier paragraphe pour le reporter au début de l'article 3, en le rédigeant en ces termes :
    "Les établissement publics du culte sont supprimé sous réserves des dispositions suivantes ..."

M. Louis Ollivier :  je n'insiste pas, monsieur le président.

M. le président : L'amendement est retiré.
    M. de Castelneau propose de rédiger ainsi le dernier paragraphe de l'article 2 :
    "Les établissements publics des cultes sont supprimés en cette qualité, sous réserve, pour leurs membres, du droit de continuer le même service à l'aide des mêmes biens en se constituant, dans le délai ci-dessous fixé, en association formée conformément aux articles 5 et suivants de la loi du 1er juillet 1901 et soumise aux autres prescriptions de cette loi et, en outre, aux dispositions ci-après"

M. Bienvenu Martin, ministre de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes : Les questions que soulève cet amendement trouveraient leur place toute naturelle à l'article 4.
...
M. le président : Retirez-vous votre amendement, monsieur de Castelneau ?

M. Léonce de Castelneau : Je le retire, monsieur le président, mais je le reprendrai lors de la discussion de l'article 4.

M. le président : L'amendement est retiré.
    Je mets aux voix le 3° paragraphe de l'article 2 dont je rappelle le texte :
     "Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3."
    ( Il est adopté)
    Nous arrivons à un amendement de M. Augagneur qui tend à ajouter à l'article 2 in fine les dispositions suivantes :
    "Est réputé non écrite et inexécutable toute disposition testamentaire comportant comme condition, l'ingérence d'un ministre des cultes, à quel titre que ce soit, dans l'exécution des volontés du testateur, quand le legs ou la fondation n'a pas pour objet exclusif l'exercice du culte.
    "La nullité de la clause n'entraînera l'inexécution des dispositions du testateur qu'en ce qui concerne la clause illicite elle-même, considérée toujours comme une clause accessoire dans l'ensemble des dispositions du testateur.
    " A dater de la promulgation de la présente loi, les ministres des cultes appartenant à des conseils d'administration, de surveillance, de discipline, à des comités de patronage, de présentation et à toutes organisations généralement quelconques, non consacrées à l'exécution de legs ou de fondations exclusivement pieux, auxquelles ils appartiennent en vertu des dispositions antérieures, cesseront immédiatement d'en faire partie.
    "Dans les institutions susvisées, dont ils constituent la totalité, les ministres des cultes seront remplacés par les personnes désignées par l'autorité en possession du legs ou de la fondation, en vertu de laquelle ces ministres des cultes remplissaient leurs fonctions.
    "En ce qui concerne les fondations antérieures à la présente loi, dont le bénéfice était attribué à une circonscription ecclésiastique, le bénéfice de la fondation continuera à être appliqué à la région correspondant à la circonscription ecclésiastique actuellement bénéficiaire.
    "Pour les fondations ou dispositions testamentaires postérieures à la présente loi, la commune sera substituée à la paroisse et le département au diocèse."

M. Augagneur : Messieurs, jusqu'à présent les divers amendements qui ont été présentés au projet de loi en discussion ont tous eu pour but d'en restreindre la portée, d'en diminuer les conséquences. Les dispositions que je vous propose sont au contraire destinées à étendre à certains établissements les résultats de la séparation des Églises et de l'État.
...
    Je demande à la commission de vouloir accepter le principe, ..., de mon amendement. Comme on m'a fait remarquer qu'il pouvait être plus utilement joint à l'article 37, dans lequel sont étudiés une foule de conséquences secondaires de la séparation des Églises et de l'État. Je le retire, mais avec cette pensée qu'il sera discuté lorsque viendra la discussion de cet article. (Applaudissements à l'extrême gauche.)
...

M. Balitran :...
    Je voudrais demander à M. le rapporteur s'il entend ...  faire disparaître même les incompatibilités relatives ou locales, c'est à dire s'il entend que désormais le curé par exemple pourra être maire de la commune où il exerce ses fonctions.
...

M. le rapporteur : Il a été déposé un certain nombre d'amendements relativement aux incompatibilité, aux immunités ... qui tiennent au caractère officiel des ministres du culte. Ces amendements seront discutés à l'article 37 qui vise les abrogations, extensions ou modification des textes législatifs concernant les ministres de cultes . ... Pour moi, quant à présent, l'application des premiers articles du projet entraîne par voie de conséquence, la suppression de toutes les immunités, incompatibilités et incapacités qui ne sont pas commandés par le soucis de l'ordre public, par conséquent  plus de ministre du culte, ... ils deviennent des citoyens comme les autres (Applaudissements au centre et à droite. - Interruptions à l'extrême gauche.)
...
M. le rapporteur : Je mets aux voix l'ensemble de l'article 2.... (Il sera adopté par 336 voix contre 225)
...
    A la suite de l'article 2 viennent deux articles additionnels, proposés, l'un par MM. Allard, Vaillant, Dejeante et plusieurs de nos collègues, le second, par MM. Dejeante, Allard, Bouveri et plusieurs de nos collègues.
    Le premier article additionnel ... est ainsi conçu :
    "A partir de la promulgation de la présente loi, cesseront d'être jours fériés tous ceux qui n'auront pas pour objet exclusif la célébration d'événements purement civils ou de dates astronomiques. Les dimanches restent désignés pour être jour de repos dans les bureaux et établissements publics. Une loi ultérieure instituera des fêtes civiques."

M. Maurice Allard : ...
    La Révolution avait institué un calendrier républicain complet ; je vous simplement aujourd'hui de substituer aux jours fériés religieux des jours fériés laïques. Je conserve même les dimanches comme jours de repos dans les bureaux et administration de l'État, car le dimanche n'a plus pour personne, en réalité, un caractère religieux. Le dimanche est déjà laïcisé et le sera encore mieux le jour où le repos hebdomadaire sera obligatoire dans l'industrie privée. (Il faudra attendre un peu plus d'un an  avec la loi du 13 juillet 1906)
...
  De même que l'Église  a emprunté autrefois au paganisme ses jours fériés, de même je demande que nous empruntions aujourd'hui à l'Église ses jours de fêtes, en changeant seulement la signification et le caractère de ces fêtes. Par exemple; à Noël, on fêtera le solstice d'hiver, à la Saint-Jean, le solstice d'été ; à Pâques, au lieu de célébrer la résurrection miraculeuse d'un mystique nommé Jésus dont l'existence même est hypothétique, on célébrera la renaissance de la vie organique. ( Rires sur les bancs du centre.)
...
(Amendement repoussé par 466 voix contre 60.)

M. le président :  Le second article additionnel ... est ainsi conçu :
    "L'instruction religieuse et les pratiques officielles d'un culte quelconque sont prohibées dans tous les lycées, collèges, écoles, casernes, hôpitaux et dans tous les établissements quelconques appartenant à l'État, aux départements ou aux communes."

M. Dejeante Notre amendement a été déposé dans la séance d'avant-hier, alors que j'ignorais l'amendement de M. Sibille et la décision prise par la Chambre ...
...
    Je retire mon amendement.
...

M. le président : Nous arrivons à l'article 3.

Titre II
Dévolution des biens, pensions

Article 3

   "Les établissements dont la suppression est ordonnée par l'article 2 continueront provisoirement de fonctionner, conformément aux dispositions qui les régissent actuellement, jusqu'à la dévolution de leurs biens aux associations prévues par le titre IV et au plus tard jusqu'à l'expiration du délai ci-après.
    "Dès la promulgation de la présente loi, il sera procédé par les agents de l'administration des domaines à l'inventaire descriptif et estimatif :
   1° Des biens mobiliers et immobiliers desdits établissements ;
   2° Des biens de l'État, des départements et des communes dont les mêmes établissements ont la jouissance.
   Ce double inventaire sera dressé contradictoirement avec les représentants légaux des établissements ecclésiastiques ou eux dûment appelés par une notification faite en la forme administrative.
   Les agents chargés de l'inventaire auront le droit de se faire communiquer tous titres et documents utiles à leurs opérations." (Cette partie a été rajoutée par la commission 3 jours avant, le 12 avril)
...
    Il y a une série d'amendements
    Le premier est de MM. de Castelneau, Plichon, Dèche, de Gailhard-Bancel, Ollivier, Denys Cochin, de Benoist, de Maillé, Lerolle, Forest, de Ludre, Suchetet, La Chambre, Limon, d'Elvira, de l'Estourbeillon, Villiers, Fabien-Cesbron, Amédée Reille, Xavier Reille, Cachet, Arnal, Taillliandier, Henry Cochin, de Saint-Pol, de Fontaine et Rudelle.
    Il tend à remplacer l'article 3 par le suivant :
    "Art. 3 -
   " §1 - Les fabriques, consistoires, conseil presbytéraux, menses et autres établissements publics du culte conservent provisoirement leur existence et leur fonctionnement, conformément aux dispositions qui les régissent actuellement, jusqu'après l'expiration des délais ci-dessous fixés pour l'accomplissement des formalités de leur transformation en association légale, à défaut, pour la dévolution de leurs biens aux associations prévues à l'article 4
    "§2 - Dans un délais de six mois à partir de la promulgation du décret de mise à exécution de la présente loi, les fabriques, consistoires et conseils presbytéraux auront le droit, par délibération régulière de leurs membres élus, de se transformer directement en association pour l'exercice du culte dans leur circonscription, en se conformant aux dispositions de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 et 13 de la présente loi ; dans ce cas, les biens de toute sorte desdits établissements seront dévolus de plein droit au même titre, aux mêmes conditions et sans distinction d'affectation, à l'association substituée, par le seul fait de l'accomplissement des formalités des articles 5 et 1er du décret du 16 août 1901.
    "§3 - Faute par lesdits établissements d'avoir mis à profit le délais imparti pour leur transformation légale en association, leurs représentants légaux devront, dans un second délais de six mois à partir de l'expiration du délai non utilisé, attribuer les biens ci-dessus visés à l'association qui se sera formée dans la circonscription pour l'exercice du culte et qui leur aura été préalablement désignée par l'autorité religieuse reconnue et compétente dans ladite circonscription d'après les lois actuellement en vigueur. Cette association sera substituée, en ce qui regarde les biens, à tous les droits et charges des établissements supprimés.
    "§4 - Au cas où la transformation de la fabrique, du consistoire, ou du conseil presbytéral en association n'aurait pas procédé conformément aux conditions spéciales prescrites dans le paragraphe 2, la nullité pourrait en être prononcée par le tribunal civil, soit à la requête de tout intéressé, soit à la diligence du ministère public, dans le délais de trois mois à partir de la date du dépôt de la déclaration prescrite par l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 ; les biens de l'établissement dont la transformation aurait ainsi été annulée seraient alors attribués par son représentant légal à l'association ayant droit d'après la règle du paragraphe 2 et ce dans le délai d'un mois à compter du jour où le jugement ou l'arrêt auraient acquis l'autorité de la chose réglée."

M. le président de la commission : la commission a demandé à M. de Castelnau s'il ne jugerait pas à ce propos de renvoyer à l'article 4 l'exposé très développé de tout le système de dévolution qu'il propose. ... Il est de toute équité que les différents systèmes aient le droit de se présenter, de se discuter comparativement les uns avec les autres. ...

M. Léonce de Castelneau : Mon droit de discussion étant ainsi réservé, je ne fais pas d'opposition au renvoi de mon amendement à l'article 4. ( Très bien ! très bien ! à droite.)
...
M. le président : ici se place un amendement de M. Gayraud qui porte sur l'article 3. Cet amendement est analogue à ceux de M. de Castelneau et d'autres de nos collègues qui ont été rattachés à l'article 4 ...

M. Gayraud J'accepte le rattachement

M. le président : ...
    Il ne reste plus qu'un amendement présenté par MM. Vigouroux, Chavoix, Codet, Empereur, d'Iriari d'Etchepare, Muteau et Saumade, tendant à substituer dans le premier paragraphe de l'article 3, aux mots "jusqu'à la dévolution de leurs biens", ceux-ci : "jusqu'à l'attribution de leurs biens."

M. le rapporteur :  Nous l'acceptons

....

(L'amendement est adopté par 351 voix contre 204 et la suite de la discussion renvoyée au lundi suivant)
 
 
 

©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
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