L'univers journal Constitutionnel (Pontificat
catholique) ; selon l'Annuaire de la Presse française
du 11 avril 1905
Article de l'abbé Gayraud :
Que feriez-vous ?
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Que si les idées que j'émets simplement agréent à
quelqu'un et lui semblent pratiques, je le prie de prendre son bien où
il le trouve et d'en tirer le meilleur parti possible dans son milieu, pour
le plus grand avantage de la religion et dans l'intérêt de tous.
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Que feriez-vous ? me dit-on, si vous étiez chargé
d'organiser une doyenné après le vote de la séparation.
Avant tout, accordons-nous sur un point, à savoir
qu'il est impossible de maintenir les circonscriptions paroissiales actuelles.
Les petites paroisses doivent disparaître et faire place à des
circonscriptions de sept cent à mille familles en moyenne. Chacune
de ces nouvelles paroisses sera administré par un curé, qui
demeurera, avec ses vicaires, dans la commune qui offrira le plus de commodités
pour les communications. Je sais bien que cette vie de communauté
ne plaira pas à tous les prêtres, et qu'il y aura des inconvénients
pour le service paroissial à concentre ainsi le clergé. Mais
ce genre de vie est depuis longtemps pratiqué dans plus d'un diocèse,
et l'expérience prouve en maints endroits que le ministère
religieux ne souffre pas trop de la distance du presbytère. Je compte,
avec pleine confiance, sur le dévouement et le zèle du clergé.
D'ailleurs les bécanes et les autos abrègent de plus en plus
les parcours; et quelles facilités étranges peut-être
ne nous réservent point la télégraphie et la téléphonie
sans fil ? ...........
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Il va sans dire que mon évêque approuve cette
manière de voir et me permet de réaliser ce plan dans mon doyenné.
D'accord avec lui, je convoque MM. les desservants des paroisses du canton
afin de dresser la carte des circonscriptions nouvelles et de choisir entre
les diverses communes les chefs-lieux paroissiaux. Sur ce dernier point,
il y aura peut-être intérêt à s'entendre avec les
conseils de fabrique et les conseils municipaux des communes de la circonscription.
sans nul doute, la résidence du clergé sera un avantage considérable
pour une commune. ...... L'évêque, est-il besoin de le dire
? serait prié de vouloir ratifier ces décisions, qui pourraient
être rendues valables que par son consentement.
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Je soumettrais ensuite à mes confrères un
projet financier. Il faut pourvoir aux frais du culte, à l'entretien
du clergé, au prélèvement en faveur de l'union diocésaine
et de la fédération nationale. Comment se procurer des ressources
? Je propose d'établir une cotisation, non pas individuelle, mais
familiale, sous forme de taxe d'abonnement au service du culte. Plus de casuel
: gratuité complète pour les abonnés. La famille qui
paiera sa cotisation aura droit à la gratuité du service religieux
selon selon le degré de solennité, ou la classe en vue de laquelle
elle aura versé le taux de son abonnement. Car il faut conserver ces
différences accidentelles de classes afin que la taxe ne frappe
pas également les riches et les pauvres, et que ceux-ci soient dégrevés
d'une partie de ce nouvel impôt. En outre, il est juste que la taxe
soit proportionnelle au nombre des membres de la famille; mais les enfants
non compris, car je puis admettre qu'un nouveau né apporte à
la famille chrétienne un accroissement de charge au point de vue cultuel.
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Mais qui possédera les églises communales
de la paroisse et le presbytère ? Qui percevra la cotisation ? Eh
bien, l'association paroissiale.
Il est bien entendu que je ne laisserai pas à des
laïcs l'initiative de former cette association. Je commence par en rédiger
les statuts, du moins quant aux clauses essentielles, en les soumettant à
mon évêque. Voici un avant projet: "Art. 1er : Il est constitué
dans la commune de ..., une association ayant pour objet de pourvoir au service
du culte catholique. Elle est placée, conformément aux lois
de l'Église romaine, sous l'autorité religieuse de l'évêque
de ..., et administré par le curé nommé par ledit évêque.
- Art. 2. : L'évêque nomme les membres du comité directeur,
agrée le président, juge les comptes, approuve les délibérations.
Le comité est renouvelable par tiers tous les deux ans. L'association
ne peut faire aucun des actes permis par la loi civile qu'après avoir
obtenu l'autorisation de l'évêque. - Art. 3 : En cas de dissolution
de l'association pour quelque cause que ce soit, l'évêque dispose
des biens meubles et immeubles." Voilà, je crois, la hiérarchie
ecclésiastique suffisamment garantie contre les entreprises du laïcisme.
Armé de ces statuts, je me présente chez
chacun de mes confrères du doyenné où je trouve réunis
les membres de leur conseil de fabrique, auxquels se sont joints sur l'invitation
spéciale du curé, quelques catholiques notables et dévoués
de la paroisse. Je leur explique longuement et en détail le mécanisme
de l'organisation nouvelle, les modifications à apporter aux rouages
de l'administration précédente, le rôle sans péril
ni risque d'aucune sorte qu'ils auront à remplir, les termes des nouveaux
statuts, l'objet spécial de l'association à former, enfin le
devoir d'honneur de faire acte de catholique en acceptant de s'associer entre
eux dans ce but déterminé. Personne ne me refusera de continuer
à être membre de ce conseil de fabrique de nouvelle espèce.
Ainsi l'association cultuelle, communale ou paroissiale,
est fondée, et la dévolution des biens des anciennes fabriques
s'opère légalement de plein droit. Et sans perdre de temps
l'on fait circuler dans chaque commune la liste des abonnements au service
du culte, où un membre quelconque de chaque famille s'inscrit pour
une année, au nom de la famille entière, et s'engage à
verser à telle date la taxe convenue. les hésitants ne tarderont
guère à s'inscrire. La gratuité du culte est séduisante.
Que si le franc-maçon ou le délégué
du lieu s'avise à monter une association cultuelle rivale, sans prêtre
ou avec un malheureux prêtre interdit, et s'il s'adresse au tribunal
pour avoir une quote part des biens de l'ancienne fabrique, alors nous verrons
si le tribunal refusera de reconnaître que le culte catholique ne saurait
exister en dehors de la subordination à l'évêque et au
Saint-Siège. C'est la jurisprudence française de tous les siècles.
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Après avoir prélevé le nécessaire
pour les frais du culte, le montant des taxes sera versé dans une
caisse épiscopale, sur laquelle seront payés les traitements
du clergé par mandat de l'évêque. Car il ne faut pas
que le prêtre dépende directement de ses paroissiens, ni des
riches, ni des pauvres. Sa dignité sacerdotale et sa liberté
d'action seront ainsi sauvegardées comme il convient . Il lui restera
à mériter l'affection et la confiance publique afin d'obtenir
de la générosité des fidèles les dons manuels
destinés aux dépenses extraordinaires du culte, au luxe des
cérémonies.
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Voilà, tout simplement ce que je ferais, s'il m'appartenait
de faire quelque chose. Quelqu'un dira peut-être que je parle à
mon aise. Oui sans doute, mais l'heure vienne, je ne me sentirai pas moins
à l'aise pour agir.
Laxabo rite et à dieu vat !