Chambre des députés; 12 juillet 1906

PROPOSITION DE LOI
tendant à modifier les articles 3 et suivants de la loi du 9 décembre 1905
sur la séparation des Églises et de l'État,
présentée para M. Lasies, député.

    Messieurs, les incidents qui ont marqué l'exécution des inventaires prouvent que la loi actuelle a vainement tenté de concilier deux principes contradictoires. Les deux premiers articles établissent la séparation de l'Église et de l'État poussée jusqu'à la suppression du budget des cultes.
    Tous les autres articles de la loi rétablissent cette union de l'Église et de l'État supprimée par les deux premiers : au lieu d'ignorer l'Église et de la soumettre au droit commun, l'État la régente et lui impose un droit exceptionnel.
    Le régime de la séparation absolue de l'Église et de l'État, quoique contraire à notre tradition nationale, est cependant un régime sous lequel l'Église peut vivre et prospérer, comme nous le voyons aux États-Unis, au Mexique, en Belgique et en Italie, pourvu que, à l'exemple de ces divers pays, elle soit complète, sincère et loyale.
    La prétendue séparation établie par la loi actuelle n'est qu'une servitude humiliante pour ceux qui la subissent, source de difficultés pour le Gouvernement qui l'impose.
    La liberté de l'Église n'aurait amené aucune complication dans l'État, tandis que l'asservissement auquel on la condamne risque de déchaîner de graves conflits religieux. Ces conflits. toujours si douloureux à réprimer, nous demandons qu'on les prévienne en se plaçant dans la logique et la loyauté des principes.
    Puisque l'on met l'Église hors de l'État, il est inadmissible qu'on persiste à maintenir l'État dans l'Église, qu'on crée des pénalités spéciales contre les prêtres qui, dépouillés du salaire qui les liait à l'État, ne sont plus que des citoyens soumis aux règles du droit commun.
    C'est le but que se propose notre proposition de loi. Son adoption serait une œuvre de pacification religieuse, contre laquelle nul bon citoyen n'aurait le droit de s'élever.
    Il n'y a que deux manières de sortir de la situation inquiétante où nous a plongés la rupture du concordat: ou d'en raire un autre, ou d'appliquer dans toute sa sincérité le régime nouveau de la séparation. Refaire un concordat ne dépend pas de vous seuls mais il est en votre pouvoir de mettre une réalité sous des paroles trompeuses et de réaliser par la liberté l'indépendance de l'Église et de l'État.
    C'est animé de cette pensée que nous présentons la proposition de loi suivante:

PROPOSITION DE LOI
    Art. 1er. - Les articles 3 et suivants de la loi du 9 décembre 1905 sont abrogés et remplacés par les dispositions ci-après:
    Art. 2. - Les églises, presbytères, séminaires, palais épiscopaux, établissements religieux de toute nature sont mis à la libre disposition des évêques, sous la réserve des dispositions relatives aux églises déclarées monuments nationaux et à la charge de pourvoir à leur entretien et à leur conservation.
    Art. 3. - Les associations religieuses sont soumises au droit commun des associations.