L'opportunisme
Gambetta a défini ainsi la conduite opportuniste
: "Elle consiste à ne s'engager jusqu'au bout dans une question que
lorsqu'on est sûr d'avoir la majorité du pays avec soi. Mais
.... quand le pays répugne à une mesure ..., quelle que soit
l'ardeur qui le pousse, je résiste. En présence de la recrudescence
inouïe des passions réactionnaires ... jamais la prudence, l'union
et la cohésion de toutes les masses du parti républicai n'ont
été plus nécessaires."
L'ambassadeur Paul Cambon écrira dans une
de ses lettres à M. D'Estornelles le 23 juillet 1900
........
Un homme de Gouvernement vous dirait qu'il y a des
forces morales avec lesquelles il ne faut pas jouer, que l'Armée en
est une, l'Église une autre, la Magistrature une troisième.
On a bêtement supprimé la Magistrature qui ne représente
plus une force, on a, malgré le bon vouloir du Pape, confiné
l'Église dans une opposition aveugle. Reste l'Armée dont par
bêtise, manque de savoir faire, ignorance, défaut d'élévation
de vues, etc... on prépare la défection.
En un mot on ne sait pas gouverner.
En France où n'existent ni hiérarchies,
ni corps constitués, ni libertés locales, où la centralisation
s'accentue de jour en jour, le Gouvernement responsable de tout doit refléter
et harmoniser dans la mesure du possible les nuances de l'opinion. Toutes
ou presque toutes les nuances de l'opinion. Gouverner pour la moitié
plus un des électeurs c'est faire du gouvernement sectaire et se créer
une situation précaire, celle que nous voyons aujourd'hui.
Il faut faire concorder les exigences de la Majorité
avec les aspirations légitimes de la Minorité surtout quand
cette Minorité est la moitié du pays. C'est très difficile
mais c'est la partie « divine» de l'art de gouverner: faire concourir
au même but des efforts divergents. Seulement cela demande une hauteur
de vue, une autorité et un désintéressement que vous
ne trouvez nulle part aujourd'hui dans le monde politique.
Vous vous étonnez de ma répulsion pour
ce personnel; vous n'en avez jamais connu d'autre et vous ne savez pas ce
que c'est qu'un homme d'État.
Du langage d'un Thiers, d'un Buffet, d'un Gambetta, d'un
Jules Ferry même, à celui de tel ou tel que vous admirez aujourd'hui
il y a une distance incommensurable.
..............
Dans le même ordre d'idée
Mais le plus explicite, je l'ai trouvé dans
le livre que M. Maurice Reclus (Membre de l'Institut) à
fait paraître chez Hachette en 1948 : Grandeur de "La Troisième"
de Gambetta à Poincarré :
CHAPITRE V
L'ORDRE RÉPUBLICAIN
OPPORTUNISME ET OPPORTUNISTES
Le mot opportunisme est pris le plus souvent en mauvaise
part. On en use d'ordinaire pour qualifier une attitude d'acceptation du
donné, de soumission à l'événement, exclusive
de toute nitiative pour le bien, de toute révolte contre le
mal, en bref une prudence intéressée dictée par le propos
de s'adapter aux circonstances, d'en tirer parti à des fins utilitaires.
L'opportuniste, dans l'acception courante du terme,
ne cherche, ne songe même pas à modifier les conditions dans
lesquelles se pose tel ou tel problème: il les prend comme elles
sont. La solution seule l'intéresse, et il fait toujours en sorte
que cette solution se traduise pour lui par un avantage ou un profit. Est
opportuniste, par exemple, celui qui, dans un milieu politique ou social
donné, se plie aux rites, aux traditions, aux tendances de ce milieu
sans se . demander si ces tendances, ces traditions, ces rites sont fondés
en morale ou en raison, s'ils sont valables et respectables en eux-mêmes
et par eux-mêmes; qui, s'y étant plié et adapté,.
s'occupe à en tirer le maximum de bénéfice matériel
ou moral pour luimême, sa, famille ou son clan.
Plus spécialement, l'opportuniste en politique
est , un indifférent ou un sceptique qui s'agrège par système
à la majorité, qui n'a d'autre opinion que celle du parti
dominant ou dirigeant, qui se fait le séide ou le client du pouvoir,
quitte à en obtenir des avancements, prébendes, faveurs, sinécures
et chamarrures. Que les majorités se succèdent, que les partis
alternent plus ou moins au pouvoir, que la nature et la structure du pouvoir
lui-même soient sujettes à de grands changements, l'opportuniste
n'en a cure: il change avec eux, voilà tout: Tempora mutantur,
et nos mutamur in illis. Il s'adapte, cet homme. Il fait,
s'il le peut, l'une de ces grandes carrières balzaciennes qui menèrent
certains personnages consulaires des basoches de l'ancien régime à
la pairie de Louis-Philippe en passant par les travées de la Montagne,
les assemblées du Directoire, les préfectures du Consulat, les
sénatoreries de l'Empire et les gouvernements de la Restauration.
C'est bien ainsi, n'est-ce pas, qu'on se représente communément
l'opportunisme et les opportunistes?
On pourrait d'ailleurs les définir par leur contraire.
Le contraire de l'opportunisme, c'est l'inadaptation volontaire, le non-conformisme
systématique, le sens et le goût de l'autonomie et de l'indépendance,
la tendance à s'opposer, à remonter les courants, à
s'agréger aux minorités, à rechercher les rigueurs du
pouvoir plutôt que ses faveurs, à ne pas faire de carrière,
etc. Le contraire de l'opportunisme, c'est, en somme, la révolte
et .l'irrédentisme, c'est aussi l'héroïsme; c'est, à
la limite, la sainteté. Le geste le moins « opportuniste»
qu'il soit possible de concevoir est celui de Polyeucte brisant les marbres
divins du paganisme.
Le petit couplet facile qui précède n'est
pas, je crois, un hors-d'œuvre; il a déblayé le terrain, il
a posé quelques jalons pour une présentation qui me
reste à faire au lecteur: celle de l'opportunisme proprement dit
dans le sens originel ou original qu'avait ce mot lorsqu'il fut prononcé
pour la première fois, voici quelque trois quarts de siècle,
et qu'il a conservé en tant que désignant en même temps
une école politique et un cycle historique.
Cet opportunisme-là, c'est celui que baptisa
Gambetta, dont Jules Ferry fut le principal metteur en œuvre; qui a inspiré,
en doctrine ou en fait, les meilleurs hommes d'État de la Troisième;
qui a exercé sur les destinées du régime et par voie
de conséquence sur celles du pays une influence dont on peut aujourd'hui
mesurer l'importance; qui a suscité les polémiques, des accusations,
des oppositions, des colères dont le temps a estompé le souvenir
sans en effacer, il s'en faut, les traces.
Quand j'avais quinze ans - ce n'est pas d'hier -
je croyais dur comme fer que l'opportunisme, alors au pouvoir sous
le nom de Jules Méline, était quelque chose de de pendable,
de quasi inavouable, que ceux qui s'en réclamaient n'étaient,
ne pouvaient être que des politiciens sans convictions ni scrupules,
qu'il fallait avoir toute honte bue pour admettre, pour proclamer que la
politique peut et doit s'inspirer d'autre chose que des principes, avoir égard
aux contingences, tenir compte de l'événement.
Je n'étais pas seul à imaginer cela; vers
cette époque, traiter quelqu'un d'opportuniste équivalait
presque, et même tout à fait, à lui adresser une injure.
Noble candeur ou passion partisane ? Les deux sans doute. Toujours est-il
que l'opportunisme avait alors mauvaise presse, ses tenants étant
volontiers considérés comme des sans-parti, des sans-doctrine,
des profiteurs ou exploiteurs de la politique et, de surcroît, comme
suspects d'affairisme et autres gentillesses en isme, pananisme inclus. Cinquante
ans ont passé, et l'opportunisme est toujours décrié
ou brocardé. Il n'est pas à ma connaissance qu'une mise au
point même timide, qu'un effort quelconque de compréhension
et d'équité à l'égard de cette doctrine et des
hommes qui l'ont servie aient jamais été tentés au cours
de ce demi-siecle.
Eh bien !cette cause-là, je vais la plaider.
Si je suis, comme je le crois, le premier à poursuivre explicitement
et ouvertement la réhabilitation de l'opportunisme, on voudra bien
me pardonner ma hardiesse en se disant qu'il faut un commencement à
tout.
Rassurez-vous: je ne remonterai pas, pour justifier
les" position " de l'opportunisme, au principe bien connu des sciences naturelles
d'après lequel la vie n'est concevable que moyennant l'adaptation
de l'être vivant à son milieu. Qui dit adaptation dit accommodement
ou compromis; la vie est, en un certain sens, à base d'opportunisme.
Mais pourquoi m'attarderais-je à ces truismes biologiques, alors
que les sciences politiques, histoire comprise, sont là pour me fournir
tout un arsenal d'arguments et de preuves? Que serait-ce, en effet, qu'une
politique qui ne serait pas "contingente"? En poussant le rigorisme idéologique
à l'absolu, en mettant, à la manière d'un Saint-Just,
la politique en syllogismes, n'aboutit-on pas nécessairement, d'une
part, à la méconnaissance de nécessités vitales
pour une nation (par exemple au fameux :périssent les colonies plutôt
qu'un principe), d'autre part au terrorisme ou totalitarisme ?
Un régime raisonnable a-t-il jamais fait table
rase des circonstances de temps et de lieu, tenu pour nulles et non avenues
les données de l'expérience, gouverné dans l'abstrait,
c'est-à-dire dans le vide? Certes, l'histoire nous offre des exemples
de gouvernements de cette sorte, mais elle nous met à même
de constater que, précisément, ces gouvernements-là
ne furent point raisonnables.
En réalité, l'idée même de
gouvernement implique, postule l'idée d'adaptation au milieu géographique,
économique, social, au milieu humain surtout, à la psychologie
collective, aux particularités du caractère national, aux
impondérables de la tradition, aux enseignements de l'histoire. Cela
va tellement de soi que l'opportunisme, lequel n'a jamais fait rien d'autre
que de proclamer ces vérités d'évidence, peut passer,
en tant que doctrine, pour superfétatoire.
Était-il besoin, dira-t-on (on l'a dit), de fabriquer
une doctrine avec ces lapalissades ? Tout bon gouvernement n'est-il pas
" opportuniste"? Quand Sa Majesté très chrétienne s'alliait
avec les princes protestants ou avec le grand Turc, ne faisait-elle pas, après
tout, de l'opportunisme sans le savoir?
Sans doute. Seulement, nous nous occupons ici d'une
tranche de l'histoire de la Troisième République, c'est-à-dire
d'une démocratie de la fin du XIXe siècle ,et du commencement
du XXe, théoriquement ivre d'abstractions et farcie d'idéologies,
qui paraissait devoir, si les dieux l'avaient voulu, se conduire comme une
petite folle et jouer aux principes en cassant tout. Or il se trouve que
les dieux ne l'ont pas voulu, que cette petite folle a été
une grande sage qui n'a rien cassé; que la démocratie française
a alors spontanément retrouvé et observé la tradition
des grands régimes de tous les temps; que, même, cette tradition,
elle l'a érigée pour la première fois en doctrine.
La République troisième est le seul régime
de l'histoire de France, et même de l'histoire tout court, qui ait
expressément formulé les principes d'un gouvernement efficace,
qui ait fait de l'opportunisme en le sachant, et en le disant. C'est
tout de même là un fait intéressant dont l'explication
historique est facile.
LA FORMATION DE L'ÉQUIPE RÉPUBLICAINE.
Le personnel qui prit le pouvoir en septembre 1870
pour le perdre peu après et le reprendre définitive ment en
1879 était celui de l'opposition républicaine au Second Empire.
Cette opposition comprenait deux générations de républicains:
les vétérans de 1848 et des éléments plus jeunes
(Jules Ferry était né en 1832, Gambetta en 1837) qui y jouèrent
à la vérité le rôle le plus actif, en constituèrent
le bataillon de choc ou la pointe d'avant-garde.
Cette jeunesse, recrutée surtout dans les rangs
de la bourgeoisie libérale, grande ou petite, n'arriva pas au pouvoir
sans être nantie d'un sérieux bagage politique. Passionnée
comme il convient à une jeunesse, militante et partisane, comme il
convient à une opposition, elle ne s'en était pas moins préparée,
par l'étude et la réflexion, à l'exercice du pouvoir
qu'elle entendait bien arracher un jour aux mains débiles du dernier
Bonaparte.
Cette préparation n'avait point échappé
aux modes de l'époque. Les doctrines de l'Encyclopédie n'avaient
encore rien perdu de leur prestige séculaire; le kantisme ,le
positivisme, le scientisme, le protestantisme libéral et la franc-maçonnerie
séduisaient nombre de jeunes "intellectuels " qui commençaient,
d'autre part, à s'intéresser aux questions économiques,
à s'interroger sur le problème social.
Frottés de philosophie, épris de critique
et de morale ,cherchant diligemment dans l'histoire, qu'ils savaient
assez bien, des précédents et des justifications, voire des
motifs déclamatoires, les " jeunes " de cette époque, qui mettaient
au service de leurs convictions, une culture classique sensiblement plus poussée
qu'elle ne l'est de nos jours, étaient tous plus ou moins en possession,
dès avant la trentaine, d'un système politique ayant le suffrage
universel pour base, le régime parlementaire pour cadre, la démocratie
pour idéal et la République pour objectif immédiat.
Deux tendances se partageaient plus ou moins cette phalange
juvénile qu'Émile Ollivier avait tôt désertée
avec le bizarre propos de faire au régime du Deux-Décembre une
opposition constitutionnelle: une tendance libérale d'où se
dégagèrent ,plus tard le gambettisme et le ferrysme ; une tendance
jacobine représentée, si l'on veut, par Floquet et Brisson.
D'un de ces bords à l'autre, il arrivait qu'on polémiquât
; Ferry ,notamment, qui n'aimait ni le jacobinisme, ni les jacobins,
ne leur ménageait pas les sarcasmes. Mais les «libéraux»
n'étaient pas les moins ardents contre l'Empire; Gambetta devait un
jour pousser le cri de guerre des irréconciliables, Ferry prôner
sans ambages les "destructions nécessaires".
Aussi bien, tous ces républicains d'avant la République
avaient un point commun: ils répudiaient ouvertement le romantisme
politique de leurs aînés de 1848, dont ils ne méconnaissaient
pas, certes, les services, auxquels ils ne refusaient point la déférence
due à l'ancienneté., mais dont ils supportaient impatiemment
les consignes.,
Ces brave quarante-huitards, il faut le reconnaître,
n'étaient guère qualifiés pour donner des mots d'ordre;
ils avaient même beaucoup à se faire pardonner - s'ils étaient
pardonnables. S'être livrés à la thaumaturgie sociale
pour aboutir aux journées de Juin, à la frénésie
constituante pour aboutir au Deux-Décembre, il n'y avait vraiment pas
là, pour les "vieilles barbes", de quoi être bien fiers. Tel
était, du moins, l'avis des jeunes réalistes épris d'efficacité,
imbus d'esprit. positif, aux yeux desquels la noble candeur de leurs aînés
n'absolvait point ces derniers d'avoir, pour la centième ou millième
fois, confirmé et illustré la grande loi historique qui veut
que démagogie et dictature forment couple, celle-là étant
à celle-ci ce qu'est la cause à l'effet ou, à tout le
moins, l'antécédent au conséquent.
Les conceptions politiques de la jeunesse républicaine
sous l'Empire, c'est-à-dire des futures équipes dirigeantes
de la Troisième République, se sont donc formées en réaction
très nette contre le comportement et les tendances des hommes de la
Deuxième. Ce n'est pas que les Gambetta , les Ferry, les Challemel-Lacour,
les Floquet, les Brisson, . les Clemenceau fussent moins républicains
ou démocrates que leurs devanciers; ils l'étaient autrement.
Moins enclins à se payer de mots, moins portés au mysticisme,
moins rousseauistes et beaucoup plus voltairiens, plus réfléchis,
mieux au fait des méthodes et des techniques, ils étaient,
surtout, en possession de cet esprit politique qui manquait si totalement,
si manifestement, à la génération précédente.
Je me permets d'insister sur cette différence,
plus exactement sur cette opposition, quant à l'esprit et aux méthodes,
entre la Seconde et la Troisième République. Elle est capitale,
elle explique tout. Marianne numéro 2 a servi à Marianne numéro
3 de précédent, mais de précédent négatif;
elle lui a montré, par l'exemple, ce qu'il ne, faut pas faire.
L'une n'est point la fille de l'autre et, si l'une et l'autre descendent de
l'Indivisible, l'hérédité pour chacune d'elles a, de
toute évidence, joué différemment.
Historiquement, la genèse de l'opportunisme s'explique
donc par la formation réaliste du futur personnel républicain
sous l'influence, je pense, du positivisme et du scientisme qui les détournaient
des excès de l'imagination comme des pièges du sentiment.
L'opposition à l'Empire, d'ailleurs, leur imposait
en elle-même, dès avant l'épreuve du pouvoir, une attentive
référence aux contingences. L'opposition républicaine
n'était pas la seule à saper le régime impérial;
il y en avait deux autres, aussi fortes, plus fortes peut-être: celle
des légitimistes, celle des orléanistes. Contre le neveu de
l'usurpateur, les partisans d'Henri V ne se déchaînaient pas
moins que les tenants de la monarchie représentative contre le restaurateur
du pouvoir personnel. Avec les deux branches de l'opposition royaliste, les
républicains collaboraient étroitement, marchaient la main dans
la main. Lors des élections de 1863, et, surtout, de celles de 1869,
l'Union libérale groupa contre les candidats officiels les
trois partis antidynastiques parfois jusqu'au désistement réciproque.
C'était l'époque de la "gauche ouverte" prônée
par Ernest Picard; quelques " radicaux " avant la lettre s'en formalisaient
bien un peu, mais pas plus que de raison..
C'était là, il me semble, de l' "opportunisme
"au premier chef. Ne l'étaient pas moins l'édifiante fraternité
opposante qui poussait l'illustre Berryer, aède de la légitimité,
à défendre en justice le jeune Jules Ferry inculpé dans
le "procès des Treize", ou le geste du comte de Paris souscrivant des
actions du Temps, le grand journal qui était alors l'espoir
des républicains avant d'en devenir l'orgueil.
Oui, elle était déjà opportuniste,
cette " République sous l'Empire " qui luttait si crânement,
si adroitement contre une dictature abhorrée.
N'avait-elle pas fait prévaloir son sentiment dans la fameuse question
du serment? Le régime exigeait des députés le serment
envers l'Empereur; les " vieilles barbes" détournaient les républicains
de se porter candidats aux élections législatives, prétendant
que la prestation d'un serment politique violé d'avance était
une faute contre l'honneur. Comme si le serment politique, que le pouvoir
n'a pas le droit de déférer, pouvait engager, avait jamais
engagé qui que ce fût à quoi que ce soit! Ces bons ancêtres
n'en manquaient pas une !
Leur point de vue, heureusement, ne prévalut pas
contre le bon sens, contre l'évidence.; les "Cinq", en 1856, entrèrent
à la Chambre. J'ai sur ma table de travail une médaille bien
curieuse qui porte à l'avers un superbe Badinguet, césarien
et barbichu à souhait, et au revers la mention que voici: Jules Ferry,
député au Corps législatif, 1869. Je l'aime, cette médaille.
Voilà pour les facteurs historiques de la genèse
de l'opportunisme. En voici maintenant les facteurs humains, individuels:
comme il arrive toujours en France, ce furent, et de beaucoup, les plus déterminants.
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Dans
le même ordre d'idée, voici ce qu'écrivait le sociologue
Edgar Morin en 1985 : ... De plus en plus, nous sommes convaincus que
la démocratie n'est pas la dictature de la majorité sur la
minorité, mais la possibilité du jeu de la pluralité.
La démocratie doit empêcher que des majorités écrasent
des minorités; je dirais même que la démocratie est le
droit de protéger des déviances de façon à ce
qu'elles entrent dans le jeu dialogique. Ce jeu, dans certains cas
critique, risque de la détruire, mais normalement, il doit la faire
vivre. ....(La laïcité en miroir, entretiens avec Guy Gathier,
Edilig)