RAPPORT
AU MARÉCHAL DE FRANCE
CHEF DE L'ÉTAT FRANÇAIS
Vichy le 8 avril 1942
Monsieur le Maréchal,
Aux termes de l'article 13 de la loi du 1er juillet
1901, aucune congrégation ne peut se former sans être autorisée
par une loi; la création de tout nouvel établissement
doit être approuvée par un décret en conseil d'État;
enfin, la dissolution d'une congrégation peut être prononcée
par un décret rendu en conseil des ministres.
L'expérience a condamné ce texte:
en effet, les demandes d'autorisation présentées par les
ordres religieux furent systématiquement rejetées par le
Parlement et si, à partir de 1914, une tolérance de fait
s'institua, les congrégations ne bénéficiaient que
d'une existence précaire.
Ce régime équivoque, contraire tant
à la dignité de l'État qu'à celle des ordres
religieux, doit prendre fin. C'est pourquoi, en attendant qu'il soit possible
d'adopter une solution d'ensemble, étudiée en accord avec
l'Église, nous croyons devoir, dès maintenant, vous proposer
une modification de l'article 13 de la loi du 1er juillet I901, en même
temps qu'un règlement de
la situation des congrégations antérieurement dissoutes
auxquelles s'étend le bénéfice de la loi du 3 septembre
1940 qui les a relevées de l'interdiction d'enseigner.
Les congrégations sont comparables aux
associations reconnues d'utilité publique par l'importance de leur
rôle et par la valeur de leur patrimoine. Nous nous proposons, dès
lors, de décider qu'il faudra un décret en conseil d'État
pour leur accorder la reconnaissance légale ou les dissoudre.
Afin de donner aux congrégations une garantie
supplémentaire, nous avons tenu à préciser que ces
décrets devraient être rendus sur avis conforme de la
haute Assemblée; toutefois, cette exigence nous a paru inutile quand
il s'agit seulement de doter un nouvel établissement de la personnalité
civile.
Les congrégations et les établissements
auxquels la reconnaissance légale 'sera ainsi attribuée
bénéficieront du régime prévu pour les congrégations
antérieurement autorisées.
Le projet que nous avons l'honneur de vous soumettre
entraîne, par voie de conséquence, l'abrogation des dispositions
contraires de la loi du 24 mai 1825 et celle de l'article 16 de la loi
du 1er juillet 1901.
Nous vous prions d'agréer, monsieur le Maréchal,
l'assurance de notre respectueux dévouement.
Le garde des seaux, ministre secrétaire
d'État à la justice,
JOSEPH BARTHELEMY
Le ministre d'État
HENRI MOYSSET
Le ministre, secrétaire d'État
à l'économie nationale et aux finances
YVES BOUTHILLIER
Le ministre secrétaire d'État à
l'intérieur,
PIERRE PUCHEU
Nous, Maréchal de
France, chef de l'État français,
Le conseil des ministres
entendu,
Décrétons :
Art. 1er. - L'article 13 de la loi du 1er
juillet 1901 est abrogé et remplacé par les dispositions
suivantes :
"Art. 13. - Toute congrégation religieuse
peut obtenir la reconnaissance légale par décret rendu sur
avis conforme du conseil d'État; les dispositions relatives aux
congrégations antérieurement autorisées sont applicables
La reconnaissance légale pourra être
accordée à tout nouvel établissement congréganiste
en vertu d'un décret en conseil d'État.
La dissolution de la congrégation ou la suppression
de tout nouvel établissement ne peut être prononcée
que par décret sur avis conforme du conseil d'État."
Art. 2. - Les congrégations précédemment
dissoutes pourront revoir l'actif immobilier et mobilier, non encore liquidé,
ou le reliquat actif résultant de la liquidation, à la condition
qu'elles obtiennent la reconnaissance légale.
Elles assumeront, dès que ladite reconnaissance
leur aura été conférée, outre les mesures d'assistance
prévues en faveur de leurs anciens membres par les lois des 24 mai
1825, 1er juillet 1901 et 7 juillet 1904 et les règlements d'administration
publique subséquents, la charge du passif hypothécaire ou
chirographaire grevant les biens remis et la suite des instances en cours
et engagées par ou contre la liquidation.
Art. 3. - Sont abrogées les dispositions
de la loi du 24 mai 1825 en ce qu'elles ont de contraire aux dispositions
ainsi que l'article 16 de la loi du 1er juillet 1901, modifié par
la loi du 4 décembre 1902, et l'article 17, second alinéa,
de la même loi.
Art. 4. - Le présent décret
sera publié au Journal officiel et exécuté
comme loi de l'État.
Fait à Vichy le 8
avril 1942
PH. PÉTAIN.
Par le Maréchal de
France, chef de l'État français
Le ministre d'État
HENRI MOYSSET
Le garde des seaux, ministre
secrétaire d'État à la justice,
JOSEPH BARTHELEMY
Le ministre secrétaire d'État à
l'intérieur,
PIERRE PUCHEU
Le ministre, secrétaire d'État
à l'économie nationale et aux finances
YVES BOUTHILLIER