Journal officiel du 18 avril 1906
 

Ministère de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes

Circulaire concernant la répartition entre les communes d'un compte sur les sommes rendues disponibles en 1906 par la suppression du budget des cultes.

            Paris le 17 avril 1906

    Le ministre de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes à MM. les préfets.

    L'article 41 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État porte que "les sommes rendues disponibles chaque année par la suppression du budget des cultes seront réparties entre les communes au prorata du contingent de la contribution foncière non bâtie qui leur aura été assigné pendant l'exercice qui précédera la promulgation de la présente loi".
    Cette disposition s'inspire d'une double préoccupation.
    Le législateur a voulu d'abord que la séparation des Églises et de l'État, qui est destiné à achever l'œuvre de laïcisation entreprise par la république et à assurer le règne définitif de la liberté de conscience, apparût comme une réforme d'une portée purement morale et qu'elle ne pût passer en aucune manière comme une opération financière combinée en vue de procurer un bénéfice matériel à l'État.
    De plus, c'est en vue de faciliter aux personnes qui voudront participer aux frais d'un culte les moyens d'acquitter leur part contributive que la loi du 9 décembre 1905, tout en supprimant le budget des cultes, décide, dans son article 41, que le montant en sera réparti entre les communes; il a été entendu, en effet, que les conseils municipaux auront toute liberté pour régler l'emploi des sommes reçues par les communes et que, s'ils peuvent les faire servir à des dépenses d'utilité publique, ils auront également la faculté d'en faire profiter les contribuables par voie d'exonération d'impôts et notamment par la réduction du nombre des centimes communaux. Les contribuables trouveront dans ces dégrèvements une compensation appréciable des charges nouvelles qu'ils croiront devoir s'imposer en matière cultuelle.
    Les disponibilités résultant de la suppression du budget des cultes ne se manifesteront que progressivement. Si, en effet, les traitements, qui étaient payés par l'État aux ministres des cultes et dont le montant s'élevait à 37 millions et demi environ, ont été supprimés, il a été institué par la loi de Séparation des indemnités sous forme de pensions et d'allocations.
    Les pensions seront servies aux ecclésiastiques jusqu'à leur décès; les allocations dureront, suivant le cas, quatre ou huit ans avec réduction graduelle d'année en année ou de deux ans en deux ans.
    La charge incombant à l'État du chef des pensions et allocations atteindra un maximum en 1906; elle décroîtra ensuite annuellement et, à partir de 1914, elle sera limitée au service des pensions viagères.
    Elle ne saurait être chiffrée, dès maintenant, avec une exactitude rigoureuse, car l'on ne connaîtra d'une manière certaine le nombre des ecclésiastiques pouvant prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 14 de la loi du 9 décembre 1905 et la quotité des pensions et allocations qui leur seront dues que lorsque toutes les demandes prévues par cet article et par le règlement d'administration publique du 19  janvier 1906 auront été fermées.
    Mais, d'après les résultats de l'enquête à laquelle il a été procédé en 1906 dans les préfectures, le total des pensions et allocations paraît devoir s'élever tout au plus à 29 millions et demi ; aussi les Chambres, sur la proposition du Gouvernement, ont-elles décidé de distribuer immédiatement aux communes un acompte de 4 millions afin que les conseils municipaux puissent en faire état dans les budgets supplémentaires qu'ils sont appelés à voter dans leur session de mai.
    Vous serez très prochainement avisé, par les soins do M. le ministre des finances, de la part qui revient à chaque commune dans cet acompte, sans préjudice de la répartition complémentaire à effectuer au moyen du solde disponible qui pourra être constaté à la fin de l'exercice 1906.
    Il est à noter que, si la subvention attribuée aux communes pour 1906 est relativement modique, c'est que l'État s'impose encore en faveur des cultes antérieurement reconnus un sacrifice très important.
    Mais au fur et. à mesure que l'aide pécuniaire donnée par l'État aux ministres des cultes diminuera, le chiffre des subventions accordées aux communes augmentera pour atteindre finalement près de dix fois le montant de l'acompte qui va être distribué pour l'exercice 1906.
    Je vous prie de porter le plus tôt possible la présente circulaire lia connaissance de MM. les maires et de m'en accuser réception.
        ARISTIDE BRIAND