La Séparation et les Églises
NOTRE ENQUÊTE
A BELLEVUE
Il m'a semblé que, dans l'enquête par
le Siècle, l'opinion d'un prêtre, professeur à
l'université catholique de Paris, ne serait pas déplacé......
M. l'abbé Félix Klein ...
...
-" Après avoir avoir interrogé tant
d'évêques vous tenez à l'opinion d'un voyageur comme
moi ?
-" Certainement
-Je me suis surtout occupé de la question
de la séparation dans les pays étrangers. Je ne veux point
dire par là que la séparation en France me laisse indifférent.
Loin de là. Je vous avouerai très franchement qu'il y a trois
mois j'étais un partisan résolu de la séparation,
car j'espérais qu'elle serait faite d'une façon libérale.
Quant au projet Combes, je l'ai toujours considéré comme
inacceptable. On ne pouvait même pas le discuter, et si, par hasard,
il avait été voté, j'aurais très bien approuvé
la résistance par tous les moyens. Heureusement, nous n'en sommes
pas là.
La séparation qui sera donnée à
la France sera ce que j'appellerai une séparation semi-libérale.
Eh bien, il faudra s'en contenter, et bien que mon enthousiasme pour la
séparation ne soit pas la même que celui que j'avais il y
a trois mois, je dirai cependant que j'approuve le divorce de l'État
et de l'Église, car cette désunion est dans l'air depuis
longtemps. Si elle n'avait pas lieu immédiatement, il faudrait qu'elle
eut lieu plus tard ; mieux vaut sauter le pas maintenant. Les choses n'iront
pas très bien pour commencer, mais on s'accoutumera peu à
peu au changement opéré, et la séparation finira par
entrer dans nos mœurs. J'estime du reste que c'est là le seul moyen
d'anéantir en France cette question cléricale sur
laquelle, depuis des années, les partis s'épuisent et qui
est pour les uns et les autres une plate-forme électorale.
"La séparation faite, il faut espérer
que la question cléricale aura vécu et que notre cher pays
retrouvera le calme auquel il a droit.
"Seulement il faudrait pour cela que le fameux problème
des immeubles consacrés au culte fût résolu de toute
autre façon qu'on veut le résoudre dans le projet présenté.
"Tel est, je ne crains pas de le dire, qu'il peut
et doit être considéré comme :
"Un acte de vandalisme au point de
vue artistique.
"Un acte blessant pour les catholiques.
"Un acte absurde pour l'État.
"Un acte de spoliation du point de vue du
droit.
"Je m'explique
"Ne pensez-vous pas que, si ces monuments, par la
volonté des communes, sont ici ou là, désaffectés,
loués à des particuliers qui les utiliseront selon leur besoin,
les uns pour les transformer en greniers, les autres pour établir
une usine, il n'y aura pas là une atteinte portée à
l'art ? Car, qu'on le veuille ou non, les monuments religieux écrivent
les phases diverses de l'art architectural depuis les temps les plus reculés.
les livrer à des gens qui n'auront aucun souci de les respecter
ou de les entretenir, je dis que c'est commettre un acte digne des Vandales.
"Ce sera, en outre, froisser bien inutilement les
esprits catholiques, qui ne verront pas sans un profond écœurement
l'église où ils se sont mariés, où ils ont
fait baptiser leurs enfants, où ils ont entendu prononcer les dernières
prières sur les cercueils des leurs devenir une salle de conférences
ou de bal public ou tout autre chose dans ce goût.
"Ce sera un absurdité pour l'État,
car, au lieu d'apaiser les haines cléricales et anticléricales,
ce sera entretenir sous les cendres du Concordat un feu prêt à
reprendre;
"En plaçant les catholiques vis-à-vis
des communes dans la situation de locataires vis-à-vis de propriétaires,
il arrivera fatalement que, dans les pays où les passions politiques
sont ardentes, si le parti anticlérical détient la municipalité,
celle-ci, pour vexer les catholiques, imposera des prix exorbitants, de
façon que les catholiques ne puissent les accepter. Si, au contraire,
c'est le parti clérical qui a la municipalité dans la main,
le loyer sera dérisoire ou même n'existera pas. Alors, à
quoi bon cette location, sinon à devenir partout un brandon de discorde
?
"Et puis, s'il est nécessaire qu'aujourd'hui
pour une foule de raison qu'il serait trop long d'énumérer,
l'État puisse et doive se considérer comme le propriétaire
d'une grand partie des immeubles consacrés au culte, c'est là
une question de fait devant laquelle il faut s'incliner, non de droit.
"Il y a autre chose dans la vie des peuples comme
dans la vie des gens, sur lesquelles on ne revient pas, les choses qui
sans être crées réellement sont plus fortes que si
elles avaient été légalement et constitutionnellement
établies. Mais il n'en est pas moins vrai qu'au sens strict du
droit, la mainmise par l'État sur ces immeubles est une
spoliation.
"Il ne faut pas oublier l'origine de cette possession
; il y a eu là entre deux parties contractantes un contrat solennel
avec un refus de compensation sans une violation du droit et de la justice.
"Voilà pourquoi mon avis est qu'autant dans
l'intérêt de l'apaisement général que dans l'intérêt
supérieur du respect de la légalité et des obligations,
le plus sage serait d'abandonner purement et simplement au clergé
tous les édifices actuellement consacrés au culte, à
la charge, bien entendu, pour le clergé, d'avoir à les entretenir
en bon état. Ce serait déjà un beau loyer perçu
indirectement et ce serait plus juste et plus libéral.
"J'ai peur, hélas, qu'il n'en soit pas ainsi.
- "Je partage votre crainte à ce sujet, mais
savez-vous ce qu'à Rome on pense de la séparation ?
- "A Rome, on l'attend sans la craindre ; il est
certain que si le projet Combes ou tout autre analogue était voté,
il faudrait s'attendre à des représailles du côté
du pape, car Pie X, s'il n'a pas la diplomatie de feu Léon XIII,
est un homme de volonté. Dans une question aussi grave, ce sera
sûrement lui, et lui seul, qui donnera la direction. Il agira
selon que la Chambre et le gouvernement agiront vis-à-vis de l'Église.
C'est à tort que l'on suppose qu'il peut en être du pape comme
du tsar, et que le premier comme le second peut devenir l'esclave de son
entourage. Il n'en est rien. La bureaucratie de Rome n'a pas la puissance
de la bureaucratie de Saint-Petersbourg. Le pape est le maître et
le seul maître ; il dictera ses volontés, et
c'est lui qui imprimera le mouvement de résistance ou indiquera
la route de la pacification.
-"Ne pensez-vous pas, monsieur l'abbé, que
dans le projet qui sera voté, puisqu'il sera défendu d'apposer
des signes religieux autre part qu'exclusivement sur les immeubles consacrés
au culte, on ne soit amené à défendre dans les rues
le port du costume ecclésiastique ?
-"Je l'ignore, et je ne pense rien à ce sujet.
Toutefois, je puis vous dire que dans tous les pays où il est interdit
de sortir dans les rues en costume ecclésiastique, les intéressés
se montrent très satisfaits de cette mesure.
"Il pourrait donc en être de même ici.
C'est qu'à l'étranger, où la séparation existe,
ce n'est pas le costume qui fait la conviction. Les prêtres sortent
en laïques, mais les chefs d'État ne craignent pas d'affirmer
officiellement leur foi et leur croyance. Je ne vois pas encore
le président de la République française osant imiter
le président des États-Unis. Voulez-vous me permettre de
vous dire, à propos de M. Roosevelt, un passage du volume Au
pays de la vie intense que je viens de publier ?"
Et comme je m'empresse d'acquiescer, M. l'abbé
Klein me fait la lecture du passage suivant :
"Lorsqu'un petit nombre de fanatiques, d'ailleurs
voués à un prompt échec, entreprennent de former une
ligue pour combattre le catholicisme comme religion d'étrangers
- de Romains, dirait-on aujourd'hui en France, - Roosevelt s'élève
des tout premiers et avec une admirable énergie contre ce retour
à l'intolérance des siècles barbares : "
Nous sommes opposés, dit-il, à toute distinction faite en
faveur d'un homme, ou contre lui, à cause de ses croyances. Nous
demandons que tous les citoyens, protestants ou catholiques, juifs ou païens,
soient loyalement traités ; que tous aient leur droits garantis.
les mêmes raisons qui nous font repousser formellement les écoles
confessionnelles subventionnées nous conduisent à demander
au public schools une justice égale pour leurs membres de
toute croyance : administrateurs, directeurs, professeurs ou élèves.
Lorsqu'il s'agit de voter pour un homme qui doit exercer une fonction dans
un État particulier ou dans une nation, il faut se demander s'il
est bon Américain, et c'est une insulte de considérer sa
foi religieuse. Quand une société secrète agit comme
semble avoir parfois agi l'American protective Association et cherche
à proscrire les catholiques au double point de vue politique et
social, les membres de cette société se montrent aussi antiaméricains,
aussi étrangers à notre éducation politique que les
pires immigrants qui débarquent sur nos côtes. Leur conduite
est également basse et méprisable. Ils sont les pires adversaires
de notre plan d'éducation, parce qu'ils fortifient ses ennemis ultramontains
; ils méritent la sincère réprobation de tout patriote
américain" Or les vertus qu'il recommande aux autre si éloquemment,
nul ne peut dire que Théodore Roosevelt manque à les mettre
lui-même en pratique. Optimiste et actif, confiant en Dieu, au devoir
et dans l'avenir de son pays, il mérite, certes, et pour employer
ses propres expressions, l'éloge
"d'envisager l'avenir et le présent sans souci du destin qui lui
est réservé, tournant les yeux vers la lumière, et
jouant bravement son rôle parmi les hommes" : ce prédicateur
d'énergie est le plus énergique des Américains. Il
ne glorifie pas la famille sans se conduire en mari et père modèle,
et sa vie se passe assez au grand jour pour qu'on puisse vérifier
chez lui la réalisation de l'idéal qu'il a tracé,
voulant que "le
père et la mère soient vis-à-vis l'un de l'autre comme
des amis, avec des droits égaux" ; que "les
enfants soient attachés au père et à la mère
par des liens d'affection, de respect et d'obéissance d'autant plus
forts qu'ils sont traités comme des êtres raisonnables ayant
leur droits à eux" ; que "l'organisation
de la vie de famille change avec les années, à mesure que
les enfants se développent" ; que ce type, fort accessible,
remplace de plus en plus le type ancien et très inférieur,
de la famille gouvernée par "le
bon tyran".
"Mais c'est sur son attitude en matière religieuse
que nous voulons revenir et insister, puisque, aussi bien, c'est sur ce
point sensible que notre pays a le plus besoin de recevoir des exemples
et de faire sa propre éducation.
"La citation lue deux pages plus haut suffirait
pour montrer dans le président un fidèle observateur de ce
principe mentionné avant tous les autres dans les articles de la
Constitution :
"Le Congrès ne peut ni faire de loi relative
à un établissement de religion ni empêcher le libre
exercice d'aucun culte".
"Cette tolérance paraît à Roosevelt
un point essentiel du caractère national ; il la met au nombre des
dispositions que sont tenus d'accepter tous les immigrants qui veulent
entrer dans la famille nationale :
Nous devons les américaniser de toute manière.
Quels que soient sa religion et son lieu de naissance, nous accueillons
sincèrement et en camarade celui qui vient ici décidé
à devenir un bon citoyen des États-Unis. Nous avons en revanche
le droit d'exiger qu'il n'embrouille pas les questions qui nous occupent,
en introduisant parmi nous les querelles et les préjugés
du Vieux Monde. Il y a certaines idées qu'il doit abandonner. Par
exemple, il apprendra que la vie américaine est incompatible avec
une forme quelconque d'anarchie, de société secrète
ayant le meurtre pour but ici ou à l'étranger ; il apprendra
aussi que nous exigeons une tolérance religieuse absolue et la séparation
des Églises et de l'État ... La leçon est la même
pour tous les peuples qui sont venus ici, quelle que soit leur race. Elle
est la même pour toutes les Églises. Une Église qui
demeure étrangère, de langage ou d'esprit, est destinée
à disparaître.
"La conduite et le langage de Roosevelt nous peuvent,
une fois de plus, éclairer sur le véritable sentiment des
Américains. Ils tiennent, c'est assez clair par ce qui précède,
et je dirai que c'est assez connu, ils tiennent à l'indépendance
réciproque du domaine civil et du domaine religieux, à la
séparation des Églises et de l'État. Mais cela ne
signifie nullement que ces deux forces soient, chez eux, en antagonisme
ni même qu'elles s'ignorent. L'État est neutre, sincèrement
neutre entre les différentes confessions religieuses ; il n'est
pas indifférent à la religion elle-même. L'État
n'est lié à aucune Église, mais l'État est
religieux ; et sa religion est faite des principes essentiels à
toute espèce de culte sérieux, sa croyance est faite de la
croyance en Dieu et de l'observance des devoirs qu'entraîne ce dogme
fondamental. Il y a plus : l'État, pratiquement, est chrétien.
Sans rien tenter contre les juifs ni contre les représentants, d'ailleurs
bien rares, des croyances plus ou moins païennes, c'est de l'Évangile,
c'est de la portion de vérité commune aux différentes
confessions chrétiennes qu'il se réclame dans les circonstances
publiques où il rend hommage à Dieu ; c'est à un ministre
du culte chrétien, tantôt évêque catholique,
tantôt pasteur protestant, qu'il recoure comme interprète
dans les cérémonies où la nation, comme telle, accomplit
des actes religieux. Nous allons entendre Roosevelt, non plus en ses écrits
ou des discours privés, mais Roosevelt, Président des ÉtatsUnis,
parler de religion en trois circonstances caractéristiques, deux
fois comme invité d'assemblées chrétiennes, une autre
fois dans l'exercice régulier de sa haute magistrature et s'adressant
à toute la nation.
"Le 16 août 1903, deux mille membres de la
Société catholique du Saint-Nom, qui a pour but la
suppression du blasphème, s'assemblaient à Oyster bay dans
le Long-Island, où se trouve la maison de campagne de la famille
Roosevelt. Le Président fut invité à la réunion
; il accepta, et prit place sur l'estrade où siégeaient une
vingtaine de prêtres.
"Je suis particulièrement
heureux, dit-il, de voir si florissante une société comme
celle-ci, parce que l'avenir de la nation dépend de la manière
dont les hommes, dont nos jeunes hommes, sauront combiner la décence
et la force. Justement, ce matin, à un service auquel j'assistait
sur le champ de bataille de Kearsarge, j'entendais développer, devant
les officiers et les soldats de notre marine, l'idée qu'il n'y a
pas de bons citoyen sana les vertus de l'homme privé. Et le prédicateur
insistait sur le fait qu'un homme doit être irréprochable
dans ses paroles comme il doit l'être dans sa vie, que son langage
comme sa conduite doit attester sa loyauté envers Dieu et le Sauveur,
s'il veut remplir les conditions les conditions que nous avons droit d'attendre
de ceux qui portent l'uniforme national. Et n'est-ce pas l'autorité
même de l'Écriture qui nous a dit que ce qui importe, ce n'est
pas ce qui entre dans la bouche de l'homme, mais les paroles qui en sortent
?
"Il y a toujours une tendance chez les très jeune gens, chez les
garçons à peine adolescents, à croire qu'un peu de
vice est nécessaire pour paraître distingué et pour
montrer qu'on est un homme. Combien souvent n'avez-vous pas entendu un
bon petit jeune homme se vanter d'apprendre la vie alors qu'il allait seulement
apprendre ces côtés de la vie qu'il vaut mille fois mieux
ignorer ! Je vous adjure de vous faire tous les gardiens de vos jeunes
frères et de les arracher à une aussi fausse conception de
la vie.
"Rien de puissant comme l'exemple. Si l'un de vous se conduisait mal devant
des garçons plus jeunes, et spécialement dans sa famille,
s'il prononçait des grossièreté ou des blasphèmes,
vous pouvez être sûrs qu'on suivrait son exemple plutôt
que ses conseils .... Je vous ai recommandé la force aussi bien
que la décence. Les enfants qu'il s'agit pour vous de porter au
bien, n'admirent pas une vertu d'anémiques. Si vous voulez avoir
de l'influence, comme bons chrétiens, soyez forts et courageux,
ou votre exemple ne comptera guère .... Nous attendons de vous,
mes amis, que vous manifestiez dans les actes et dans la pratique la foi
qui est en vous."
"Le chef de
l'État qui se rend avec cette simplicité dans une assemblée
de jeunes catholiques pour les exhorter au respect du nom de Dieu et à
la pratique de la chasteté relève d'une admiration plus haute
que celle de la critique littéraire".
Mais je m'aperçois que je ne puis en terminer aujourd'hui avec la déclaration de l'abbé Klein.
Éric Besnard
Le Siècle daté
du 19 mars 1905
J'ai promis, hier, de reproduire ici la suite des
intéressantes déclarations de l'abbé Klein ; je m'empresse
de tenir cette promesse.
-"Tel, continue le professeur de littérature,
Roosevelt se montre chez les catholiques, tel il se montre chez les protestants.
Le 26 octobre, étant encore à New York, je pus être
renseigné sur une cérémonie qui avait eu lieu la veille,
à Washington, pour la clôture d'une sorte de concile des évêques
anglicans de toute l'Amérique. Un service religieux fut célébré
en plein air devant une assemblée de huit mille personnes. le président
Roosevelt prit place sur l'estrade, au milieu des évêques.
"La cérémonie s'ouvrit par le Pater
et se continua par la récitation des prières liturgiques.
L'évêque de Washington, Saterlee, salua ensuite le président,
mais, ayant ajouté à son nom le titre d'Excellence, il eut
le désagrément de lui entendre déclarer d'un ton assez
distinct, qu'il n'aimait pas cela : I do not like that ; I wish he would
not say that. L'incident n'eut, du reste, pas d'autre importance ;
l'évêque sait la première occasion de nommer "le président
des États-Unis" sans autre qualification, et Roosevelt déclara
que c'était bien : That's right ; I like That. Puis lui même
prit la parole :
Évêque
Saterlee, et vous, représentants des Églises des États-Unis
ou de l'étranger, et vous tous, mes amis et concitoyens, je vous
salue ; et, en votre nom, je souhaite la bienvenue à ceux qui sont
aujourd'hui les hôtes de la nation. dans ce que je vais vous dire,
je voudrais insister sur des pensées qui me sont suggérées
par trois différents textes. En premier lieu : "Vous servirez le
Seigneur de tout votre cœur, de toute votre âme et de tout votre
esprit." En second lieu : "Soyez prudents comme des serpents et simples
comme des colombes." Enfin, et c'est le texte que vous avez lu dans la
collecte, évêque Doane : "Seigneur, préparez nos cœurs
et nos âmes à accomplir ce que vous commandez."
"Le discours
lui-même, qui n'a guère avec ces textes qu'un lien d'inspiration
morale, porte sur la nécessité de servir Dieu et d'accomplir
son devoir avec énergie et avec entrain.
"Dans l'éternelle guerre du bien contre le mal, dit le président,
les amis du bien ont à se rappeler qu'il ne suffit pas d'être
irréprochable, mais qu'il faut agir, que les bons sentiments ne
suppléent pas le pouvoir de les mettre en pratique, qu'il faut aussi
cultiver en nous la faculté de pouvoir ...
"Nous ne savons pas beaucoup de gré à ceux qui nous font
du bien en laissant voir que c'est à contrecœur. Il en est de même
au service de Dieu. Si nous le servons, si nous servons la cause de la
décence et de l'honnêteté, de manière à
convaincre les autres que cela nous coûte et nous attriste, notre
service perd la plus grand partie de son efficacité ...
"J'attire votre attention sur ce qui mon affaire spéciale en ce
temps et qui est la vôtre toujours ; sans quoi, vous ne seriez pas
dignes d'être citoyens de cette république. Dans le septième
hymne, au dernier verset, nous venons de chanter ensemble :Dieu sauve
l'État ! Vous contentez-vous de chanter cela, ou essayez-vous
de le réaliser ? Si vous ne faites que que de le chanter, votre
part sera faible dans la réalisation de ce vœu. L'État sera
sauvé, si le seigneur met dans le cœur des citoyens la volonté
de vivre de telle sorte que l'État mérite d'être sauvé,
et, il ne le sera qu'à cette condition. Je ne vous demande pas de
prendre, au nom du christianisme que vous pratiquez, tel ou tel parti dans
les affaires purement politiques. Il y a quantité de questions sur
lesquelles les meilleurs citoyens peuvent n'être pas d'accord ...
Mais il y a aussi certains grands principes où les hommes de bien
ne peuvent qu'avoir la même opinion ... L'honnêteté
dans la vie publique et dans la vie privée doit être la base
de tout : l'honnêteté qui ne respecte pas seulement les termes
stricts de la loi mais qui en pratique l'esprit ; l'honnêteté
est agressive, qui ne se contente pas de déplorer la corruption
(cela ne coûte guère), mais qui combat la corruption et qui
l'écrase. Voilà le type d'honnêteté que je demande
; l'honnêteté militante.
"A la fin de
la cérémonie, un évêque anglican des Indes,
le Rev. Nuttal, parlant au nom de ses concitoyens anglais, salua dans le
président Roosevelt "un chrétien militant" , et, cet éloge
souleva des applaudissements unanimes. Que ce titre soit mérité
et qu'il traduise exactement l'inspiration ordinaire de ses actes et de
son langage, nous en donnerons une dernière preuve en citant la
proclamation par laquelle il a fixé le jeudi 26 novembre 1903 comme
fête nationale d'action de grâces. Il est vrai qu'en cela il
n'a fait que suivre la tradition constante de ses prédécesseurs,
et c'est une constatation qu'il nous plaît d'établir. Nous
n'avons pas sous les yeux le texte des proclamations antérieures,
mais elles ne peuvent guère dépasser celle-ci en élévation
de sentiments"
"Conformément
à la coutume annuelle de notre peuple, il incombe au président,
à cette saison, de déterminer un jour de fête d'action
de grâces à Dieu.
"Au cours de l'année qui vient de s'écouler depuis la célébration
de cette fête, Dieu nous a comblé de ses bienfaits, nous donnant
la paix à l'intérieur et aussi à l'extérieur,
permettant ainsi à nos citoyens de travailler à leur bonheur
sans être dérangés par la guerre, la famine ou les
épidémies. Nous devons non seulement nous beaucoup réjouir
de ce qui nous a été donné par lui, mais aussi accepter
ses bienfaits avec le sentiment de notre responsabilité, comprenant
que c'est à nous-même de montrer que nous méritons
de jouir avec sagesse du bien-être qui nous est accordé.
"En remerciant Dieu pour les bienfaits dont il nous a comblés dans
le passé nous devons lui demander de les continuer dans l'avenir
et lui demander aussi que nos esprits ne soient pas portés vers
la guerre, mais vers le bien public et contre le mal. Nous devons prier
pour qu'il nous donne la force et qu'il nous éclaire, afin que dans
les années à venir, avec confiance, sans peur, et avec le
plus grand zèle, nous remplissions sur cette terre, le rôle
qu'il nous a confié, prouvant ainsi que nous ne sommes pas indignes
de ses bénédictions.
"Et c'est pourquoi, moi, Théodore Roosevelt, fixe par la présente,
comme un jour d'actions de grâce générales, le jeudi
26 novembre prochain, et recommande que, dans tout le pays, les gens s'abstiennent
de vaquer à leurs occupations habituelles, et que, dans les foyers
ou dans les églises, ils rendent grâce au Dieu tout-puissant
pour les bénédictions nombreuses qu'il nous a accordées
l'année dernière."
"Il vaut mieux,
à l'ordinaire, laisser la leçon des faits se dégager
spontanément. Mais peut-être, à la fin de ce chapitre,
où l'on a vue de près comment se comporte le président
des États-Unis à l'égard de la religion, le lecteur
nous permettra d'indiquer un rapprochement qui en dirait long sur la crise
actuelle de notre pays. Alors que le monde moderne semble marcher vers
la situation où l'État, pour son compte, continuera de rendre
à Dieu des hommages publics, mais se gardera d'intervenir dans la
vie des diverses confessions et observera envers elles toutes la plus complète
neutralité, (ce serait là l'idéal chez nous) par un
violent contraste, l'État trouve moyen à la fois de se montrer
irréligieux jusqu'à l'hostilité et de garder des rapports
étroits avec les Églises ; en même temps qu'il refuse
d'adorer Dieu, ou seulement de le reconnaître, voire même de
le nommer, il garde la prétention, il exerce le privilège
d'intervenir presque en maître dans le chois des ministres du culte
et il les traite comme des fonctionnaires. En deux mots, l'avenir semble
être à l'État religieux et neutre ; nous avons, nous,
l'État athée et interventionniste. Il n'est pas vraisemblable
qu'on en reste longtemps là.
"Il faut encore, continue l'abbé Klein, que
je vous lise deux passages, relatifs l'un, à la visite que j'ai
faite à Mgr Gibbons, et l'autre à une réception chez
M. Bonaparte. Écoutez".
ET l'abbé Klein recommence sa lecture :
"Je mets l'entretien sur le célèbre
ouvrage du cardinal la Foi de nos pères (The Faith of our fathers).
"L'introduction, adressée aux protestants,
est des plus touchantes : "Mon cher lecteur, y est-il dit, c'est peut-être
la première fois de votre vie que vous avez en main un exposé
du catholicisme fait par un enfant de l'Église ... je ne m'étonne
pas qu'on la déteste lorsqu'on ne la connaît que par ses ennemis
; il est naturel de détester une institution dont on croit l'histoire
remplie de sang, de crimes et de fraude. Élevé dans ces idées,
j'éprouverai les mêmes sentiments. Mais non, il n'en est pas
ainsi. Je suis, autant que personne, à même de savoir ce que
c'est que l'Église, et je vais vous le dire en toute sincérité.
Quel intérêt aurais-je de vous tromper ? Je m'attirerai la
colère de Dieu, si j'essayais de faire des prosélytes aux
dépends de la vérité. Mon seul mobile, ami lecteur,
c'est que je suis sûr de posséder, en la foi catholique, un
trésor incomparable et que je brûle de vous en faire part."
"Notre entretien arrive à des questions plus
générales. Toutes les paroles de l'archevêque, dès
qu'il s'agit de l'Amérique, respirent l'amour autant des institutions
de son pays, et ce n'est point la comparaison avec d'autres contrées
qui peut refroidir ces sentiments. Il se réjouit des admirables
"possibilités" que donne à l'Église et à tous
les gens de bien la liberté commune. Il lui plaît que les
catholiques se mêlent à la vie nationale et fassent en toute
circonstances acte de bons citoyens. Lui-même en donne l'exemple
et ne néglige aucune occasion de s'associer aux événements
qui intéressent la patrie. On aime, du reste, à l'inviter
aux cérémonies publiques, où toujours la première
place lui est réservée auprès du chef de l'État.
Nous avons cité la prière qu'il fut invité à
faire, le 30 avril 1903, pour l'inauguration, à Saint-Louis, des
travaux de l'Exposition.
"Les excellentes relations avec le pouvoir et avec
l'opinion, me dit-il, sont favorisées, ainsi que la tranquillité
intérieur de l'Église, par l'absence de journaux religieux
quotidiens. Nous avons une presse hebdomadaire qui nous rend de très
utiles services ; et cela nous suffit. C'était parler d'or, mais
pour un pays où la religion n'est pas l'objet d'attaques et de calomnies
sans cesse renouvelées, pour un pays de bon sens et de mœurs tolérantes,
où une presse impie et haineuse, comme l'est une partie de la nôtre,
tomberait en quelques semaines sous le ridicule, sous le mépris
ou sous les pénalités de la justice publique. N'y a-t-il
pas là, cependant, une idée qui mérite à certains
égards, l'attention des directeurs de journaux religieux ? et ne
se pourrait-il pas que notre presse quotidienne fit plus de bien, obtint
plus de succès en se plaçant sur un terrain plus général
que la perpétuelle défense de la foi, en traitant les diverses
questions de l'ordre temporel à la façon de tout le monde,
et en se montrant catholique là seulement où le catholicisme
se trouve engagé ? A aucun prix, dans aucun sens, la religion ne
doit être affaire de parti.
"Et maintenant voici ma visite chez M. Bonaparte.
"Si le fait de descendre d'un frère de Napoléon
est capable, à lui seul, de mettre quelqu'un en évidence
dans un pays où l'empereur est fort admiré pour son invraisemblable
fortune et son énergie, c'est cependant à ses mérites
personnels que M. Charles Bonaparte, petit-fils du roi Jérôme
et de miss Paterson, doit l'importante situation morale dont il jouit auprès
de tous ces concitoyens et principalement des catholiques. Les abus n'ont
pas plus terrible adversaire que lui-même, même et surtout
lorsqu'ils viennent de son parti, lorsqu'ils ont pour auteurs des républicains.
Il possède l'intégrité de M. Roosevelt, sans être,
dit-on, aussi adroit que lui. Le président l'a en haute estime.
"M. Bonaparte, qui n'est jamais venu en France,
parle notre langue très correctement. Il me dit que j'ai dû
trouver les conditions de l'Église en Amérique bien meilleures
que chez nous, et il se félicite, comme tout bon citoyen des États-Unis,
des grandes libertés dont on jouit de ce côté de l'Atlantique.
Je lui demande comment il se fait que les journaux américains, même
religieux, parlent si peu et quelquefois si inexactement de ce qui se passe
en France : " Nous n'y
pouvons rien comprendre, me dit-il, et tout cela nous parait invraisemblable."
La conversation roule un certain temps sur les confusions que les ennemis
du catholicisme et quelquefois ses amis ont laissé s'établir
dans notre pays entre les questions politiques et celles d'un autre ordre.
Je m'aperçois que M. Bonaparte est mieux informé là-dessus
que la plupart des étrangers.
"Il y a ici, ajoute-t-il,
quelques-uns de nos coreligionnaires qui seraient assez disposés
à courir au-devant d'une situation semblable à la vôtre.
Je leur résiste, pour ma part, autant qu'il dépend de moi"
Et, sur mon air étonné, il complète sa pensée
: "Ils ne cessent, dit-il, de critiquer la neutralité des écoles
publiques. Ils oublient que ces écoles, si elles n'étaient
pas neutres, ne pourraient qu'être protestantes. - Que réclament
donc ces mécontents ? - Ils voudraient que les écoles confessionnelles
fussent subventionnées par le gouvernement en proportion du nombre
des élèves ou des impôts que paient leurs parents,
ou bien encore qu'on exemptât ceux-ci de la partie de leurs impôts
qui va à l'entretien des écoles publiques. Ce n'est pas pratique.
Là-dessus nous n'aurions pas l'opinion pour nous, parce que nous
serions, en fait, les seuls à bénéficier du nouveau
régime, ayant incomparablement plus d'écoles que les autres.
Ce serait, si l'on veut, de la stricte justice, mais paraîtrait un
privilège, et, à ce titre, nous rendrait odieux. Nous devons
continuer à faire le sacrifice personnel de "supporter" nos écoles.
Il y a des réclamations plus justes que celle-là : par exemple,
dans les établissements publics d'assistance, spécialement
dans les orphelinats, il ne se trouve pas toujours autant d'aumôniers
que l'exigerait le nombre des hôtes catholiques : voilà un
cas où nous faisons bien de réclamer, et l'on nous donne
satisfaction. Il y a, en vérité, aucun lieu de nous plaindre
: la situation est excellente, et nous n'avons qu'à tacher de la
maintenir."
"Je tiens à répéter que j'ai
rencontré d'autres catholiques, aux États-Unis, qui ne pensaient
pas comme M. Bonaparte sur cette question des écoles religieuses,
et il n'appartient, certes, pas à un étranger d'intervenir
en de telles discussions ; mais il est impossible d'oublier qu'une fois
déjà, en 1841, les catholiques de New-York s'étant
organisés en parti pour ne soutenir que des candidats favorables
à la subvention scolaire, le seul succès qu'ils obtinrent
fut de fortifier pour un temps le parti nationaliste d'alors, qui combattait
fanatiquement les étrangers et spécialement ceux de notre
religion. M. Roosevelt, dans son New-York, traite cette tentative
de folie, bien qu'il se montre fort sévère pour l'intolérance
des nationalistes. Avouons-le aussi, quand on est témoin de ce qui
se passe en France, forcément l'on juge difficiles ceux qui ne se
contentent point de la liberté américaine. Il est bon de
ne jamais voir les questions religieuses portées sur le terrain
politique !
"Voulez-vous quelques détails sur voies et
moyens d'obtenir le budget des cultes, permettez-moi encore de recourir
à mon ouvrage. Voici un passage qui expose le système :
"je pris plus d'intérêt au dîner
de confrère qui précéda la fête musicale. Ils
étaient là une douzaine des principaux curés de Philadelphie
; et justement l'un d'entre eux venait d'être nommé à
la tête d'une paroisse à créer. Presque tous avaient
fait le voyage de France plusieurs fois, ce qui suppose de l'ouverture
d'esprit et quelque argent de poche. Leur traitement qu'ils reçoivent
de la fabrique est (tous frais payés, sauf le vêtement et
la nourriture) de 800 dollars par an, sans compter un casuel de 400 à
500 ; le traitement des vicaires est de 600 dollars. Il en est de même
dans le diocèse de New-York; dans celui de Baltimore, les curés
touchent un traitement de 1000 dollars. Évidemment, c'est la grande
aisance ; mais ils ne
thésaurisent pas, et ne regardent à
aucune dépense généreuse. Un peu comme en Irlande,
les fidèles tiennent à ce que le clergé ne manque
de rien, sachant, du reste, qu'ils peuvent recourir à lui dans tous
les besoins.
"Les ressources viennent principalement de la location
annuelle des bancs, et des quêtes du dimanche. La propriété
et l'administration des biens appartiennent à la paroisse considérée
comme personne civile et représentée par le conseil de fabrique,
dont le curé est le principal membre ; c'est l'évêque,
président de droit, qui choisit à son gré les autres.
Dans quelques provinces, la personnalité civile réside dans
le diocèse, représenté par l'évêque seul,
et celui-ci délègue, en chaque paroisse, ses pouvoirs au
curé, assisté de deux paroissiens. Les deux régimes,
dans le fond, reviennent au même, et laissent le pouvoir spirituel
complètement maître de la gestion de ses biens. Il a fallu,
pour en arriver là, soutenir, dans la première moitié
du dix-huitième siècle, des luttes assez vives contre les
délégués laïcs de la paroisse. Mais le système
fonctionne maintenant sans difficulté, et les fidèles se
contentent du compte rendu, d'ailleurs exact et complet, qu'on leur fait
tous les ans de l'emploi de leurs deniers.
"Comme il n'est pas impossible que l'Église
de France, après des années de lutte et de tâtonnement,
finisse par en venir à un régime analogue, on ne lira pas
sans intérêt ce qu'en pensait un des principaux évêques
d'Amérique, plus apprécié pour la sagesse de son administration
que pour la hardiesse de ses vues. Voici ce que Mgr Corrigan, archevêque
de New-York, écrivait au vicomte de Meaux en lui envoyant le tableau
des recettes et dépenses de plusieurs paroisses :
"Nous dépendons
pour notre pain quotidien, de semaine en semaine, de la charité
des fidèles. Jusqu'à présent, la Providence de Dieu
et la générosité du peuple ne nous ont jamais fait
défaut. Ce système a ses avantages, sans doute ; mais il
est précaire. Son grand avantage, à mon sens, c'est qu'il
unit étroitement ensemble le prêtre et le peuple ; c'est que,
grâce à lui, tous prennent intérêt au progrès
de la religion. Quand un homme fait des sacrifices pour sa religion, il
s'y attache, il est plus disposé à y conformer sa vie.
"A ce point de vue, notre système est incontestablement bon. De
plus, il rend le clergé, jusqu'à un certain point, dépendant
du peuple, et dès lors crée un nouveau lien entre l'un et
l'autre. Il en résulte un bien spirituel pour les prêtres
; ils deviennent plus circonspects et plus attentifs envers ceux de qui
ils reçoivent leur subsistance. Nous sommes absolument libres vis-à-vis
du gouvernement, et, par conséquent, rien ne nous empêche
de donner nos soins sans partage à la santé des âmes
dans notre troupeau."
"Nous avons tout à l'heure, pour expliquer
les sentiments des catholiques envers leurs prêtres, fait allusion
à ce qui se passe en Irlande. En donnant plus de place au rapprochement,
en le faisant, à bien dire, porter sur presque tous les points,
on aurait peut-être le secret de la prospérité actuelle
de l'Église américaine, de sa générosité,
de sa ferveur, du dévouement réciproque des fidèles
et du clergé. Sans méconnaître les grands services
qu'elle a reçu du clergé français, on peut dire que
l'Église américaine est essentiellement, avec les conséquences
variées que ce fait comporte, une Église irlandaise. C'est
aussi d'Irlande qu'est venue la très grande majorité de ses
fidèles ; et si d'autres contrées, comme l'Allemagne, l'Italie,
l'Autriche, lui envoient aujourd'hui un nombre supérieur d'émigrants,
on ne doit pas oublier qu'ils sont reçus et qu'ils se fondent dans
des communautés déjà toutes formées. Or, le
caractère de celles-ci est sans doute à base de zèle
irlandais et de patriotisme américain ; elles ont gardé les
élans du cœur du pays d'origine et elles y ont joint, sinon peut-être
toute l'indépendance, au moins le sens pratique du pays d'adoption.
Mes douze curés de Philadelphie parlent tous de l'Irlande comme
on parle d'une patrie. Dans les toasts qu'on me porte à la fin du
repas, je suis, en qualité de français, salué comme
un frère celte.
"Je ne pu qu'au dernier soir de mon séjour
aller voir Mgr Ryan, archevêque de Philadelphie.
"Mgr Ryan jouit d'une grande réputation d'orateur,
et il est connu pour sa largeur d'idées. Résumant le discours
prononcé par lui au centenaire de la fondation de la hiérarchie
catholique, en 1889, M. de Meaux nous le montre qui attribue les progrès
de l'Église en Amérique "à Dieu d'abord et à
ses ministres, ensuite aux institutions libres des États-Unis."
"Souhaitons que la France prenne modèle sur
ces institutions-là.
C'est le dernier mot de l'abbé Klein.
Eric Besnard