La Séparation et les Églises
NOTRE ENQUÊTE
L'ARCHEVÊQUE D'AIX
Neuilly, le 29 janvier
Ayant appris que Mgr Bonnefoy, archevêque d'Aix, qui fut autrefois
curé de Neuilly-sur-Seine, était revenu en ce moment dans
son ancienne paroisse, où il prêchait une retraite de jeunes
filles, je me suis empressé de me rendre dans cette coquette ville
de la banlieue parisienne.
.......
Tout en endossant son surplis de dentelle et en
mettant son camail violet, sous lequel étincelle une croix en grenat,
l'archevêque d'Aix me fait la déclaration suivante :
- "Je pense, monsieur, que la séparation
des Églises et de l'État sera désastreuse ; en outre,
elle ne pourra jamais exister au sens stricte du mot. Cette séparation
que l'on promet aux masses ne peut être qu'un leurre ; depuis le
quatrième siècle, depuis Constantin, l'Église, quoi
qu'on ait dit, a toujours été liée à l'État,
et elle continuera à l'être toujours plus ou moins. Si l'on
vote la séparation, n'y aura-t-il pas une loi de police des cultes
et cette loi de police elle-même ne formera-t-elle pas un lien entre
l'État et l'Église ?
"Voilà pourquoi je dis que promettre la séparation
est promettre une chose irréalisable, un événement
chimérique ; l'Église demeurera fatalement attaché
au gouvernement d'une façon ou d'une autre.
Quant à la séparation que les hommes
d'aujourd'hui lui préparent, c'est une séparation faite par
nos ennemis, qui n'ont en vue que l'oppression et la spoliation.
Elle n'est pas discutable. On peut discuter une mesure faite sans animosité
et chercher à montrer les inconvénients de cette mesure aux
gens qui ont fait involontairement fausse route ; on ne peut pas et on
ne doit pas discuter avec des ennemis qui, systématiquement veulent
votre ruine et votre perte.
Heureusement les institutions survivent aux hommes.
La période que nous subissons ne pourra être qu'une période
transitoire et l'Église, immuable, résistera à cette
tempête.
Quant à la question de la location des immeubles
destinés à l'exercice du culte, comme on ne sait pas encore
ce que nos législateurs voudront faire, comme il n'y a rien de précis
sur ce point, il serait prématuré d'en parler ; j'estime
qu'il faut attendre et savoir d'abord ce qui sera résolu, nous verrons
après ! ..."
Je ne veux pas abuser de l'audience qui m'a été
accordée et je me retire, pendant que les voix claires des jeunes
filles entonnent un cantique.
Eric Besnard