Chambre des députés 4 juin 1907
DEMANDE D'INTERPELLATION
(Extraits)
M. le Président: J'ai reçu de MM, de Castelnau et Denys Cochin une demande d'interpellation sur les illégalités et abus qui ont signalé la saisie des papiers Montagnini et toute la suite de la procédure.
Quel jour le Gouvernement propose-t-il pour la discussion de cette Interpellation?
M. Guyot-Dessaigne, garde des sceaux, ministre de la justice, Je n'ai pas besoin de dire que je suis aux ordres de la Chambre. Toutefois, le Gouvernement estime que les questions visées par la demande d'interpellation de nos honorables collègues seront nécessairement soulevées lorsque viendra en discussion le rapport de la commission d'enquête sur les papiers Montagnini. Il y aurait Intérêt à ne pas instituer à quelques jours d'intervalle deux débats sur le même sujet, au détriment des propositions et projets de loi importants qui figurent à l'ordre du jour,
Dans ces conditions, il vaudrait mieux joindre la discussion de celte interpellation à la discussion des conclusions du rapport de la commission d'enquête.
Sous le bénéfice du ces observations, le Gouvernement s'en remet à la décision de la Chambre. (Très bien! très bien ! à gauche.)
M. Léonce de Castelnau : ... Si la commission des papiers Montagnini n'avait pas adopté vendredi dernier un ordre du jour d'où Il résulte d'une façon évidente que pour elle désormais tout se borne au fait matériel,et - comment dirai je? - purement amorphe, de la détention matérielle des originaux des papiers Montagnini qu'on a bien voulu lui remettre, certainement nous nous serions gardés de déposer aujourd'hui notre interpellation; il eût certainement mieux valu, dans ce cas, laisser à la commission la responsabilité et le soin de saisir elle-même la Chambre des faux d'ordre judiciaire très graves qu'elle a constatés et qui l'ont tout d'abord si vivement émue.
Mais il est évident aujourd'hui, en présence de l'ordre du jour qui a été voté, que la commission juge absolument négligeables pour elle les moyens si clairement hors la loi par lesquels ont été saisis, manipulés, triturés et traduits les papiers Montagnini (Très bien! très bien! à droite), manœuvres qui ne lui donnent à elle-même aucune sécurité sur le point de savoir si en réalité le Gouvernement lui a bien tout remis puisque dès le début il n'a été fait aucun inventaire, aucun récolement sérieux et contradictoire des documents appréhendé.. Il est donc évident qu'elle n'entend plus que dégager de ces papiers ce que j'appellerai leur Intérêt politique, après cependant en avoir fait faire elle-même une nouvelle traduction, celle-là régulière et légale.
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J'en expose l'objet, Il s'agit d'une saisie telle que les agents de la sûreté en ont l'habitude et qui est absolument hors la loi. Eh bien, il faut qu'en sache immédiatement -- c'est bien sur la date que je parle, vous le voyez – si le Gouvernement entend couvrir de pareilles manœuvres. Il faut qu'on sache immédiatement s'il entend laisser de pareils actes s'implanter dans les moeurs judiciaires, actes qui feraient de l'objet ,de la saisie de justice un véritable butin de pirates, sur lequel sous prétexte de politique, tout serait permis ! Il est indispensable que tout de suite le Gouvernement nous dise comment il entend assurer,de la part de ses magistrats, l'exécution rigoureuse des dispositions des articles 37, 38 et 39 du code d'instruction criminelle et la sauvegarde de la sécurité individuelle.
Pour vous prouver, messieurs, combien nous avons raison d'être pressés de développer notre interpellation, il me suffira de faire passer sous ses yeux les quelques lignes suivantes, écrites il y a trois ans déjà par un esprit très libéral, très sage et très avisé :
" L'usage prévaut de plus en plus d'ordonner à tout propos des perquisitions même quand il est nullement certain qu'il y ait crime ou délit. L'usage a prévalu de faire procéder à ces perquisitions par des gens qui ne relèvent que pour moitié de l'autorité judiciaire, dépendant pour l'autre moitié du pouvoir administratif auquel ils ne manqueront pas de rendre compte de leur mission,"
Ces lignes sont de M. Clemenceau, (Vifs applaudissements à droite,) Elles sont tirées de l'exposé dés motifs de sa proposition de loi sur la liberté individuelle. Il a ainsi décrit par avance toute l'histoire de la saisie des papiers Montagnini et de la procédure étrange qui l'a suivie!
Voilà pourquoi nous sommes très pressés d'avoir de lui des explications à cet égard; voilà pourquoi nous ne comprenons guère que le Gouvernement nous renvoie à une date qu'il est impossible de fixer, c'est-à dire qu'il réserve à notre proposition si importante et si Intéressante au point de vue de notre sécurité personnelle et de celle de tous les partis les honneurs d'un véritable enterrement.
J'insiste pour que la Chambre décide la discussion immédiate de notre Interpellation, . (Applaudissements à droite,)
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La vie publique! nous savons tous quelles en sont les difficultés et les dangers, nous sommes des hommes dont tous les actes, toutes les paroles sont commentés avec plus ou moins de bienveillance par les uns et par les autres. C'est le droit de ceux-ci. Du temps où Il n'y avait ni liberté de la presse ni publicité, on disait: Avec deux lignes de l'écriture d'un homme on peut le faire pendre, Aujourd'hui c'est avec la conversation d'un homme, traduite de son idiome naturel dans un idiome étranger, retraduite par un commissaire de police ou des sergents de ville corses, parce qu'on suppose qu'ils connaissent l'italien ( Applaudissements et rires à droite), c'est avec de telles paroles qu'on en arrive a la discussion.
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M. le Président: M. le garde des des sceaux demande la jonction de l'interpellation au rapport de la commission d'enquête sur les papiers saisis à l'ancienne nonciature.
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(Voté par 417 voix contre 126)
Mais, je n'ai trouvé ne la trace de ce rapport, ne la trace de l'interpellation !!!