Déclaration des évêques de France
Sous ce titre, l'épiscopat fait publier le texte
officiel de la déclaration suivante approuvée, sinon imposée,
par Pie X :
Nous, évêques
de France, invariablement inspirées par le double sentiment de l'amour
des âmes et de nos devoirs envers la patrie, après avoir mûrement
médité soit sur les événements douloureux qui
désolent l'âme chrétienne de notre pays, soit sur les
enseignements qui ont jugé ces événements, et enfin
sur les amendements législatifs qui ne les corrigent pas assez, déclarons
ce qui suit :
1°
Nous restons inébranlablement fidèles à nos déclarations
précédentes, relatives aux lois et aux autres dispositions
portées contre l'Église dans ces derniers temps; et nous maintenons
contre ces lois les protestations que nous avons faites en union avec le souverain
pontife. Avec Sa Sainteté nous réclamons pour l'Église
de France le respect de sa hiérarchie, l'inviolabilité de
ses biens et sa liberté.
2°
Les biens sacrés dont nous avons été spoliés
réclameront indéfiniment leurs légitimes maîtres,
que personne n'est en droit de remplacer, même provisoirement, sans
l'autorisation du souverain pontife.
3°
Au sein de la lutte qui se poursuit et que seule une honnête réparation
des attentats commis peut apaiser, nous voulons tout mettre en œuvre pour
maintenir jusqu'à la dernière heure l'exercice du culte public
dans nos églises et défendre ces lieux sacrés, pour
autant qu'il dépendra de nous, contre toute profanation.
A cet effet,
et à cet effet seulement, nous consentirons à faire l'essai
d'une organisation d'une organisation d'un culte public si les obscurités
de certains textes de la loi de 1907 se dissipent pour ne pas rendre vains
nos efforts dans ce sens.
4°
Un contrat administratif passé entre préfets ou maires d'une
part, évêques ou curés de l'autre, pourra, aux termes
de la loi, mettre ces derniers en jouissance des édifices cultuels.
Au sujet de ce contrat, la loi n'impose à la partie civile qu'une
condition : la gratuité de jouissance.
En nous
déclarant disposés à faire l'essai de conventions de
ce genre, nous réclamons le droit d'y introduire toutes clauses non
contraires à l'ordre public et destinées à nous donner
deux sortes de garanties rigoureusement nécessaires : les unes concernant
la permanence et la sécurité morale du service religieux dans
les églises concédées en jouissance, les autres ayant
trait à la sauvegarde des principes de la hiérarchie. Ces clauses
se trouvent formulées au modèle de procès-verbal ci-annexé
; elles sont légales. Notre devoir strict nous interdit d'en rien retrancher.
5°
Comme il ne faut pas que l'organisation de l'Église de France ne
puisse dépendre de l'arbitraire des magistrats, nous, évêques,
nous nous établissons dans la solidarité la plus complète
et déclarons que le contrat de jouissance susdit sera accepté
partout ou que nous ne le voudrons nulle part. Ces contrats ne seront valables
qu'au moment où il sera constaté que les clauses exprimées
ci-dessus auront été agréées de l'unanimité
des parties civiles représentants d'autorités municipales
ou autres.
La conscience
droite de tout le pays appréciera nos conditions. Une fois de plus,
elle verra si, en les formulant, nous sommes et nous paraissons préoccupés
d'autre chose que de l'intérêt des âmes qui nous sont
confiées.
Suivent les signatures de tous les archevêques
et évêques de France.
Voici, d'autre part, le projet de procès-verbal
de jouissance :
PROCÈS-VERBAL DE CONCESSION DE JOUISSANCE
A la publication de ce manifeste, la Croix ajoute la note suivante
:
Préparée
par l'assemblée générale des évêques réunis
à la Muette, ce document a été approuvé par
le souverain pontife, auquel les délégués de l'épiscopat
l'avaient porté.
Réunis
sur invitation télégraphique à Paris, à Bordeaux,
à Toulouse et à Lyon, les évêques y ont mis la
dernière main avant-hier lundi dans la journée. Des télégrammes
ont été envoyés à la réunion de Paris
par les autres assemblées régionales et c'est à Paris
que le document est devenu définitif.
Le Nouvelliste de Lyon l'a publié cette
nuit en province et, ce matin, le Figaro à Paris. Mais, au
sujet de cette publication, nous recevons la note officielle suivante :
"Le document paru ce matin dans le Figaro n'était
qu'un projet non définitif, dont le texte ne devait pas être
livré sous cette forme à la publicité."
On le voit, c'est un vrai traité de paix que
l'Église propose.
Elle fait une avance qui sera assurément très
remarquée. Elle offre de se servir de la loi du 2 janvier 1907, à
condition qu'on lui donne "deux sortes de garanties rigoureusement nécessaires,
les unes concernant la permanence et la sécurité morale du
service religieux dans les églises concédées en jouissance,
les autres ayant trait à la sauvegarde des principes de la hiérarchie."
Cette proposition, elle la fait à la conscience
du pays; elle s'adresse spécialement aux maires qui représentent
directement les populations.
Ce sont, en réalité, des traités
de paix locaux proposés. Mais la nécessité absolue de
sauvegarder l'unité a fait ajouter une clause supplémentaire
: "Ce contrat sera accepté partout ou il ne le sera nulle part."
Les évêques vont réunir les archiprêtres
ou doyens et, ceux-ci, leurs confrères. La
proposition de contrat sera donc notifiée partout aux maires sous
peu de jours.
Suivant le résultat de cette démarche,
la signature épiscopale sera ou ne sera pas apposée.
La bonne intention, l'amour de la paix de la part de
l'Église sont évidents.
En face de cette déclation si loyale, si nette
et digne, il ne pourra être douteux pour personne que les évêques
sont "uniquement préoccupés de l'intérêt des âmes".
La parole est aux maires et au gouvernement, de la direction
duquel dépend l'ensemble du mouvement.
Rejeter les propositions des évêques sanctionnées
par le pape serait une folie.
La Gazette de France, qui réflète
maintenant si parfaitement les idées de la curie, s'exprime ainsi :
C'est au gouvernement à voir s'il consent à
accepter l'ultimatum de l'épiscopat.
Le voilà au pied du mur.
Briand ne pourra plus jouer de son libéralisme
à chausse-trapes, de ses "coups de libertés"
Oui ou non, acceptera-t-il cette station sur la route
de Canossa ?
Si retors qu'il soit, il ne peut plus faire le Machiavel.
Aux conditions formulées, au nom de Rome, par
l'épiscopat français, formant bloc, il ne peut répondre
que par un refus dont on comprend les conséquences graves, ou par
une acceptation qui l'obligerait à mettre lui-même à
la raison les municipalités récalcitrantes, les maires francs-maçons.
La déclaration des évêques de France
ne pouvait venir à un moment plus opportun.
Le Figaro du 29 écrivait : Nous croyons
n'avoir pas besoin de souligner l'importance du document qu'on vient de lire.
Son acceptation par le Souverain Pontife, acceptation officielle, puisque
ce document, rapporté de Rome par les cinq prélats qui en sont
arrivés hier matin, a été communiqué aux évêques
de France au nom du Saint-Siège ouvre une phase nouvelle dans la
crise religieuse que traverse notre pays et pour laquelle tous les bons
français appellent de leurs voeux les plus ardents la solution pacifique
la plus conforme à l'intérêt national..
Dans son numéro du 31, le journal s'expliquera sur les légères
différences entre les textes en le justifiant par des corrections
apportées à Rome au document épiscopal.
Le Temps du 30 janvier 1907
Le nouveau manifeste des évêques français
Le clergé français serait-il, avec l'autorisation
pontificale, à la veille d'entrer dans la voie des accommodements
? le document dont nous publions plus loin le texte officiel montre, en tout
cas, qu'il ne juge pas impossible de mettre à profit notamment les
dispositions de la loi du janvier 1907 pour assurer le maintien du culte public.
Il serait puéril de s'étonner de la véhémence
du ton adopté par les évêques de France pour protester
contre l'oeuvre législative d'où la séparation est sortie.
On ne pouvait attendre de l'épiscopat une autre appréciation
: elle devait être aujourd'hui ce qu'elle était hier. De même,
on aurait tort de s'arrêter aux formules tranchantes, impératives,
dont il se sert pour préciser les conditions de "l'essai de l'organisation
du culte public" qu'il se déclare prêt à faire, sous le
couvert des lois. S'il fallait prendre au pied de la lettre quelques-unes
de ces précisions, on serait amené à penser que la bonne
volonté du clergé français est plus apparente que réelle,
mais il n'y aurait sans doute quelque injustice à suspecter a priori
cette bonne volonté.
Il est clair, par exemple, que les évêques
ne peuvent attacher qu'une portée relative à leurs expressions,
lorsqu'ils affirment que les contrats de jouissance des édifices cultuels
- dont ils publient un modèle - "ne seront valables qu'au moment où
il sera constaté que les clauses exprimées auront été
agrées de l'unanimité des parties civiles - représentants
d'autorités municipales ou autres", et qu'il faut que le contrat susdit
soit "accepté partout" ou qu'ils ne le voudront "nulle part".
S'il fallait entendre cette clause dans un sens absolu,
ne sera-t-on pas fondé à soutenir qu'en fait le clergé
français ne veut pas de "l'essai de l'organisation du culte public"
en mettant à cette organisation une condition impossible ? Comment
pourrait-on se flatter d'obtenir que les maires des 36 000 communes de France
acquiesceront unanimement au contrat proposé ? Il y aura toujours des
maires récalcitrants, plus ou moins nombreux, mais il y en aura sûrement.
Suffira-t-il donc du refus opposé par quelques-uns de ces magistrats
municipaux, fussent-ils les représentants de communes minuscules,
pour que le clergé français renonce partout ailleurs au culte
public ?
La conséquence serait tellement absurde qu'il
n'est pas permis d'interpréter la pensée des évêques
dans un sens aussi restrictif.
Ce qui est infiniment probable, c'est que sous cette
forme, ils ont voulu appeler l'attention des pouvoirs publics sur les inconvénients
qu'il y a à laisser, suivant les cas, les municipalités où
les préfets maîtres de concéder ou non la jouissance gratuite
des édifices cultuels. C'est, en effet, un des défauts de la
loi de 1907, et nous n'avons pas manqué, quant à nous, de le
signaler - et de le déplorer. Mais s'il en est ainsi, il n'est pas
interdit d'espérer qu'une entente pourra se faire. Elle serait vraisemblablement
aisé, si, au lieu de formuler indirectement leurs desiderata, les
évêques prenaient contact avec le gouvernement. Une libre et
brève conversation dissiperait peut-être des malentendus. Pie
X, en acceptant qu'ils recherchent les moyens d'adapter les textes législatifs
aux conditions canoniques de l'exercice du culte et qu'ils se mettent, dans
ce but, en communication avec les municipalités et les préfets
représentants du gouvernement, ne les autorise-t-il pas, implicitement
tout au moins, à demander au gouvernement lui-même les éclaircissements
que la situation comporte ?
L'acte des évêques ouvre, à notre
avis, une porte sur la voie qui conduit à la conciliation et à
l'apaisement. Et ce n'est pas, apparemment, le gouvernement, dont la politique
prudente n'est pas étrangère à ce premier résultat,
qui la fermera. Lorsque des deux côtés on fera résolument
le sacrifice de vaines questions d'amour-propre pour chercher la solution
du problème cultuel avec le désir commun de sauvegarder à
la foi la liberté de conscience, la dignité du culte et la paix
publique, ce problème n'attendra pas longtemps une raisonnable solution.
Déclaration des évêques de France
Nous avons annoncé hier, dans le Petit Temps,
que les évêques de la province de Paris s'étaient réunis,
dans l'après-midi, à l'hôtel de M. Denys Cochin, sous
la présidence du cardinal Richard pour prendre la connaissance des
instructions rapportées du Vatican par Mgr Touchet, évêque
d'Orléans, qui était allé à Rome soumettre au
pape les délibérations de la récente assemblée
plénière de l'épiscopat.
Voici le texte de la déclaration adoptée
par les évêques et approuvée par le pape, relative aux
conditions dans lesquelles pourrait s'exercer le culte public dans toute la
France. ce texte officiel diffère sur quelques points de celui publié
par les journaux de ce matin.
A Lyon également s'est tenue une réunion
des évêques de la province lyonnaise. 18 évêques
étaient présents. L'assemblée, que présidait le
cardinal Couillé, a pris communication de la déclaration qu'on
vient de lire.
M. Dadolle, évêque de Dijon, qui avait rapporté
de Rome un exemplaire de ce document, l'a communiqué, à Dijon,
aux évêques de la région de l'Est.
A Toulouse, une réunion d'évêques
a eu lieu hier sous la présidence de M. Germain, archevêque de
Toulouse, au domicile privé de ce prélat. Étaient présents
l'archevêque d'Avignon, les évêques de Montpellier, Nîmes,
Valence, Viviers, Montauban, Pamiers, Carcassonne, Mende, Perpignan, Rodez;
M. Mignot, archevêque d'Albi, malade, s'était fait excuser.
Cette réunion était motivée par
la transmission aux prélats des archidiocèses d'Avignon, d'Albi
et de Toulouse des instructions pontificales.
Mais, dans son numéro
daté du 6 mars, le Siècle annonçait que les prélats
avaient reçu les instructions du pape défendant absolument
de continuer les pourparlers relatifs aux contrats de jouissance ....