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    L'homme d'État ( Waldeck-Rousseau) a résumé sa pensée quand il a jeté sur un bout de papier ces quelques lignes publiées après sa mort :" La loi sur les Associations demeurera dans notre droit public un statut permanent, suivant qu'elle gardera son caractère de loi de contrôle ou qu'on tentera d'en faire une loi d'exclusion." Loi de contrôle? Que faut il entendre ? Il faut entendre que l'auteur de la loi 1901 ne voulait user de l'instrument législatif qu'il avait forgé que pour tenir en laisse les congrégations. Que l'une d'elle vînt à verser dans la politique, que telle autre vînt acquérir des richesses inquiétantes, le gouvernement agissait. Il prononçait ou faisait prononcer par les Chambres la liquidation de la communauté. Il ne tolérait ni les moines ligueurs, ni les moines d'affaires. Il laissait tous les autres en repos se bornant à les surveiller. Loi de contrôle, loi de police si l'on préfère !
    Loi d'exclusion, répondit M. Combes qui décida d'éliminer soit par décret, soit par décisions parlementaires un lot de congrégations, en tête les congrégations enseignantes. ...
    Il justifiait par des raisons que voici: "Les cléricaux, remarquait-il au cours d'une visite qu'il fit à Waldeck dans les premiers mois de 1903, ne sauraient aucun gré des ménagements qu'on aurait pour eux. La modération gouvernementale leur apparaîtrait comme un signe de faiblesse. Elle les enhardirait. Le parti républicain a le sentiment du danger. Il a perçu, au cours de l'affaire Dreyfus, que la congrégation s'était accordée avec le militarisme. Il exige qu'il soit agi contre elle. "La dernière partie de l'argumentation était irréfutable. Les événements avaient déclenché un courant anticlérical, que le vote de la loi sur les Associations, les débats auxquels elle avait donné lieu, la campagne électorale avait singulièrement renforcé.
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Émile Combe ne s'attaqua guère qu'aux congrégations enseignantes. Il liquida celles qui n'étaient pas autorisées. Il fit décider la disparition, en l'espace de dix années, de celles qui l'étaient. A ces fins, une loi de 1904 vint compléter la loi de 1901. Mais, il ne s'était pas avisé qu'on ne détruit que ce qu'on remplace. Il négligea de mettre sur pied un plan d'organisation rationnel et complet du service de l'enseignement.
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    Je ne prétends pas ... que les esprits fussent mûrs en 1902 ou en 1903 pour une aussi grave réforme.
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    Seulement, à quoi avait-il abouti ? Il avait mis à la porte des "frocards". Et après ? Après ? Ces "frocards" étaient rentrés dans les écoles, dites congréganistes la veille, qualifiées de libres le lendemain. On alléguera que tout de même quelque chose avait été fait. Soit ! bien peu de chose. Et, à ce peu de chose il fallut renoncer. L'application de la loi de 1904 fut suspendue en 1914. Elle est toujours en sommeil. L'ensevelissement s'est étendu à la loi de 1901. Les congrégations dissoutes sont revenues. Elles se réinstallent partout.
    On brise un instrument législatif quand on prétend le forcer.
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Joseph Caillaux - Mes mémoires - tome 1 - Ma jeunesse orgueilleuse - 1865/1909 - Plon

Ce texte a été imprimé en 1942. La loi de 1901, a sans doute été "ensevelie" en ce qui concerne les congrégations, surtout que le régime de Vichy a modifié les articles 13 , 16 et 17 en 1942 après avoir abrogé l'article 14 dès le 3 septembre 1940, mais la liberté d'association est devenue partie intégrante de notre constitution.

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